LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en premier et dernier ressort (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 2 septembre 2010) qu'à la suite d'un contrôle effectué sur place le 9 septembre 2008 par un inspecteur de la tarification, la société GH Mumm et Cie (la société) a contesté le taux de sa cotisation pour les accidents du travail et les maladies professionnelles fixé par la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est, devenue la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Nord-Est (la caisse) au titre de l'année 2009 ; que contestant ce taux, la société a saisi la juridiction de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut pas bénéficier du taux préférentiel pour son personnel administratif, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article L. 143-3 du code de la sécurité sociale, la CNITAAT est chargée de statuer en dernier ressort sur les contestations relatives aux décisions des CRAM, devenues CARSAT, relatives à la fixation du taux de cotisation accident du travail ; qu'il résulte de l'article 1er III de l'arrêté du 17 octobre 1995 que les sièges sociaux et bureaux des entreprises constituent des établissements distincts pouvant bénéficier d'une tarification particulière, lorsque les risques d'accidents du travail auxquels est exposé leur personnel ne sont aggravés par d'autres risques relevant de la même entreprise et que le personnel employé est sédentaire ou non sédentaire dans certaines limites fixées par décret ; qu'il résulte de ces dispositions, que la CNITAAT est tenue, en cas de différend entre la caisse et l'employeur, sur la sédentarité du personnel employé et sur le nombre exact de salariés non sédentaires, d'analyser la condition de sédentarité au regard des postes occupés par les salariés ; qu'au cas présent, la société contestait le rapport d'enquête de la CRAM du Nord-Est ayant conclu que onze postes de travail étaient non sédentaires et exposait, en produisant les fiches de fonction relatives aux postes occupés, que sept des salariés visés par la caisse n'avaient pas vocation à se déplacer en dehors du poste du travail qu'ils occupent sur le site du 29, rue du Champ de Mars à Reims ; qu'en se contentant d'entériner le rapport d'enquête de l'inspecteur de la CRAM du Nord-Est, sans procéder à aucune analyse des postes de travail litigieux, la CNITAAT n'a pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er III 2° de l'arrêté du 17 octobre 1995 et de l'article L. 143-3 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le rapport de l'inspecteur de la tarification avait été établi sur la base de diverses constatations faites en présence d'un responsable de l'entreprise, la Cour nationale a retenu, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve versés au débat par les parties, que onze salariés sur les quarante-cinq de cet établissement étaient amenés à se déplacer pour le compte de l'employeur ; qu'elle en a déduit que le nombre de salariés non sédentaires était supérieur dans cet établissement à la limite de 20 % fixée par l'article 1er - III - de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, et que n'était pas remplie l'une des deux conditions cumulatives prévues pour retenir le taux réduit pour un établissement considéré comme siège de l'entreprise ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 1er III de l'arrêté du 17 octobre 1995 que les sièges sociaux et bureaux des entreprises constituent des établissements distincts pouvant bénéficier d'une tarification particulière, lorsque les risques d'accidents du travail auxquels est exposé leur personnel ne sont pas aggravés par d'autres risques relevant de la même entreprise ; que ce texte précise que la seule utilisation d'installations communes avec des activités générant d'autres risques ne suffit pas à écarter l'application des modalités particulières de tarification prévues par le texte en l'absence d'aggravation du risque d'accident du travail du personnel de bureaux et que la mise en place d'un plan de circulation établit, le cas échéant, cette absence d'aggravation ; qu'il résulte de ce texte que la seule possibilité matérielle d'accéder à des locaux dans lesquels est exercée une activité générant un risque différent n'est pas de nature à établir une aggravation du risque, dès lors que le personnel de bureaux n'a pas vocation à se rendre dans ces locaux dont l'employeur lui a interdit l'accès ; qu'au cas présent, la CNITAAT a constaté que les salariés travaillant dans les bureaux avaient l'interdiction de se rendre dans la zone de stockage et dans le magasin ; qu'en déduisant néanmoins l'aggravation du risque de la seule absence d'«impossibilité matérielle» pour le personnel des bureaux d'accéder à ces locaux, la CNITAAT a violé le texte susvisé ;
2°/ que, subsidiairement, en affirmant que l'employeur aurait émis une interdiction pour le personnel de bureau de se rendre dans la zone de stockage ou dans le magasin ce qui ne suffirait pas à établir «une impossibilité matérielle d'accès», sans s'expliquer sur les conclusions qui faisaient valoir que ledit accès est «toujours fermé à clef» dans le bâtiment A et que «le circuit de visite est isolé de la production par des grilles métalliques», la CNITAAT a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 1995 ;
Mais attendu que la disposition contenue dans le deuxième alinéa de l'article 1er - III - de l'arrêté du 17 octobre 1995, à laquelle se réfère le moyen, ne concerne que des lieux de l'entreprise qui ne sont pas supposés entraîner par leur nature ou leur objet des risques liés à la production, en l'espèce la champagnisation ;
Et attendu qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve versés au débat, qu'existaient dans les locaux concernés par le moyen (bâtiments A et C), des possibilités d'avoir accès au lieu où se situaient les activités de champagnisation, la Cour nationale en a exactement déduit que ces possibilités d'accès, nonobstant les consignes données au personnel de bureau et les précautions matérielles prises, étaient de nature à aggraver le risque ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GH Mumm et Cie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GH Mumm et Cie ; la condamne à payer à la CARSAT du Nord-Est la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société GH Mumm et Cie.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société GH MUMM et Cie ne pouvait pas bénéficier du taux préférentiel pour son personnel administratif et d'avoir débouté la société GH MUMM et Cie de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de l'établissement situé 29 rue du Champ de Mars à Reims : que la Caisse Régionale d'Assurance Maladie du Nord-Est reconnaît que la condition d'indépendance des locaux est remplie ; que le litige porte donc sur la condition de sédentarité du personnel de bureau ; qu'il s'avère, à la lecture du rapport d'enquête de l'inspecteur de la Caisse Régionale, en présence du responsable paie de la société, que l'effectif de bureau de cet établissement comprend 45 personnes, dont 11 sont amenées à se déplacer pour le compte de leur employeur ; que l'arrêté du 17 octobre 1995 fixe à 20 % la limite de salariés non sédentaires pour un effectif de bureau supérieur à 20 salariés ; qu'aussi, dès lors que 11 salariés sur 45 ne sont pas sédentaires, la condition de sédentarité n'est pas remplie et c'est à bon droit que la Caisse Régionale de Sécurité Sociale du Nord-Est a refusé d'accorder à la société GH MUMM et COMPAGNIE le bénéfice de la tarification préférentielle pour son personnel de bureau affecté à cet établissement » ;
ALORS QU'en application de l'article L. 143-3 du Code de la sécurité sociale, la CNITAAT est chargée de statuer en dernier ressort sur les contestations relatives aux décisions des CRAM, devenues CARSAT, relatives à la fixation du taux de cotisation accident du travail ; qu'il résulte de l'article 1er III de l'arrêté du 17 octobre 1995 que les sièges sociaux et bureaux des entreprises constituent des établissements distincts pouvant bénéficier d'une tarification particulière, lorsque les risques d'accidents du travail auxquels est exposé leur personnel ne sont aggravés par d'autres risques relevant de la même entreprise et que le personnel employé est sédentaire ou non sédentaire dans certaines limites fixées par décret ; qu'il résulte de ces dispositions, que la CNITAAT est tenue, en cas de différend entre la Caisse et l'employeur, sur la sédentarité du personnel employé et sur le nombre exact de salariés non sédentaires, d'analyser la condition de sédentarité au regard des postes occupés par les salariés ; qu'au cas présent, la société exposante contestait le rapport d'enquête de la CRAM du NORD-EST ayant conclu que 11 postes de travail étaient non sédentaires et exposait, en produisant les fiches de fonction relatives aux postes occupés, que 7 des salariés visés par la caisse n'avaient pas vocation à se déplacer en dehors du poste du travail qu'il occupent sur le site du 29, rue du Champ de Mars à REIMS ; qu'en se contentant d'entériner le rapport d'enquête de l'inspecteur de la CRAM du NORD-EST, sans procéder à aucune analyse des postes de travail litigieux, la CNITAAT n'a pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er III 2° de l'arrêté du 17 octobre 1995 et de l'artic le L. 143-3 du Code de la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de l'établissement situé au 34 rue du Champ de Mars à Reims : qu'à la lecture des pièces du dossier et des plans des locaux, il s'avère que cet établissement est constitué de 3 bâtiments ; Bâtiment A : au vu de l'enquête effectuée le 9 septembre 2008 et du plan des locaux, il s'avère qu'il existe un escalier et un monte-charge permettant d'avoir accès à la cave depuis les bureaux, ce qui n'est pas remis en cause par la requérante ; que cette disposition des lieux permet au personnel de bureau de circuler dans l'ensemble de l'entreprise et donc d'avoir accès à la cave, ce qui l'expose aux risques d'accident du travail générés par les activités de champagnisation de l'entreprise ; que le fait qu'il existe une interdiction pour le personnel de bureau de se rendre dans la zone de stockage ou dans le magasin ne suffit pas à établir une impossibilité matérielle d'accès aux locaux précités et s'oppose à l'attribution du taux préférentiel, dès lors que la société ne démontre pas une fermeture effective des accès ; que la condition de non aggravation des risques encourus par le personnel de bureau n'est dès lors pas remplie pour le personnel présent dans ce bâtiment ; Bâtiment B : que la Caisse Régionale d'Assurance Maladie du Nord-Est reconnaît que le bâtiment est totalement indépendant des lieux du risque ; que toutefois il ressort des fiches de poste versées aux débats par la demanderesse et des explications des parties, que sur les neuf salariés présents dans ce bâtiment, 6 sont amenés à se déplacer dans le cadre de leur fonction de sorte que la condition de sédentarité du personnel n'est pas remplie ; qu'aussi le personnel présent dans cet établissement ne peut prétendre au taux préférentiel ; Bâtiment C : que ce bâtiment comporte également un monte-charge permetttant d'accèder aux caves, en conséquence, la condition de non-aggravation des risques n'est pas remplie pour ce bâtiment » ;
ALORS QU'il résulte de l'article 1er III de l'arrêté du 17 octobre 1995 que les sièges sociaux et bureaux des entreprises constituent des établissements distincts pouvant bénéficier d'une tarification particulière, lorsque les risques d'accidents du travail auxquels est exposé leur personnel ne sont pas aggravés par d'autres risques relevant de la même entreprise ; que ce texte précise que la seule utilisation d'installations communes avec des activités générant d'autres risques ne suffit pas à écarter l'application des modalités particulières de tarification prévues par le texte en l'absence d'aggravation du risque d'accident du travail du personnel de bureaux et que la mise en place d'un plan de circulation établit, le cas échéant, cette absence d'aggravation ; qu'il résulte de ce texte que la seule possibilité matérielle d'accéder à des locaux dans lesquels est exercée une activité générant un risque différent n'est pas de nature à établir une aggravation du risque, dès lors que le personnel de bureaux n'a pas vocation à se rendre dans ces locaux dont l'employeur lui a interdit l'accès ; qu'au cas présent, la CNITAAT a constaté que les salariés travaillant dans les bureaux avaient l'interdiction de se rendre dans la zone de stockage et dans le magasin ; qu'en déduisant néanmoins l'aggravation du risque de la seule absence d' « impossibilité matérielle » pour le personnel des bureaux d'accéder à ces locaux, la CNITAAT a violé le texte susvisé ;
ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en affirmant que l'employeur aurait émis une interdiction pour le personnel de bureau de se rendre dans la zone de stockage ou dans le magasin ce qui ne suffirait pas à établir « une impossibilité matérielle d'accès », sans s'expliquer sur les conclusions qui faisaient valoir (p.7 et 8) que ledit accès est « toujours fermé à clef » dans le bâtiment A et que « le circuit de visite est isolé de la production par des grilles métalliques », la CNITAAT a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 1995.