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18/01/2012 | FRANCE | N°10-17750

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2012, 10-17750


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 19 mars 2009 et 18 mars 2010), statuant respectivement sur contredit et après expertise, que M. X... , exerçant les fonctions de chauffeur de taxi en application de contrats de location de véhicule de taxi consentis par les sociétés Taxibri et Juliette taxis les 29 avril et 1er juillet 2002 , a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la requalification des contrats de location en contrat de travail et à la condamnation in solidum des sociétés à un re

mboursement d'un trop perçu ; que par un premier arrêt, la cour d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 19 mars 2009 et 18 mars 2010), statuant respectivement sur contredit et après expertise, que M. X... , exerçant les fonctions de chauffeur de taxi en application de contrats de location de véhicule de taxi consentis par les sociétés Taxibri et Juliette taxis les 29 avril et 1er juillet 2002 , a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la requalification des contrats de location en contrat de travail et à la condamnation in solidum des sociétés à un remboursement d'un trop perçu ; que par un premier arrêt, la cour d'appel a dit le conseil de prud'hommes compétent et a ordonné une expertise pour déterminer le montant du préjudice subi par l'intéressé ; que par un second arrêt, la cour d'appel a condamné in solidum les sociétés à payer une somme à titre de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt du 19 mars 2009 de constater l'existence d'un contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'en se bornant, pour estimer que M. X... avait été lié aux exposantes par un contrat de travail, à analyser certaines clauses des contrats de location, sans établir que dans les faits, les sociétés avaient le pouvoir de donner des ordres et des directives relatifs à l'exercice du travail lui-même, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L..1221-1 (anciennement L.121-1) du code du travail ;
2°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en se bornant à constater que le contrat mettait à la charge du chauffeur de nombreuses obligations concernant l'utilisation et l'entretien du véhicule dont l'inobservation pouvait être sanctionnée par une résiliation sans aucun préavis et avec restitution du véhicule et en constatant seulement l'existence d'ordres et de directives relatifs au seul véhicule objet du contrat de location de véhicule équipé taxi, sans établir l'existence d'ordres et de directives se rapportant à l'exercice du travail lui-même, que l'exécution de ce travail était contrôlée par les sociétés et la possibilité pour celles-ci de sanctionner les éventuels manquements à ces ordres et directives, la cour d'appel n'a pas caractérisé de lien de subordination juridique et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1221-1 (anciennement L.121-1) du code du travail ;
3°/ que le pouvoir de résiliation prévu au contrat de location de véhicule équipé taxi et octroyé aux exposantes en cas d'inexécution, par le locataire, des obligations relevant du contrat de location et ne faisant pas apparaître un lien de subordination juridique est, en l'absence de tout autre sanction, de nature purement contractuelle et non de nature disciplinaire en ce qu'il ne manifeste pas une autorité directe du loueur sur le locataire portant sur l'exécution de son travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 1134 du code civil et l'article L.1221- 1 (anciennement L.121-1) du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que les contrats de «location», conclus pour une durée d'un mois renouvelable par tacite reconduction, imposaient, à peine de résiliation sans préavis, de nombreuses obligations relatives à l'utilisation du véhicule par le seul locataire et à son entretien au sein des ateliers du loueur, moyennant le règlement d'une redevance payable d'avance par acompte chaque semaine et que l'ensemble des conditions générales du contrat mettait à la charge du locataire des obligations qui dépassaient le cadre d'une simple location et plaçait celui-ci dans un rapport hiérarchique incontestable, la cour d'appel a retenu qu'il n'était ni allégué ni démontré que l'exercice de l'activité du chauffeur de taxi était différente en pratique des conditions prévues par le contrat ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations d'où il résulte que nonobstant les dénomination et qualification du contrat litigieux, le chauffeur de taxi était placé dans un état de subordination à l'égard des deux sociétés, la cour d'appel a exactement décidé que sous l'apparence d'un contrat de «location d'un véhicule équipé taxi» était en réalité dissimulée l'existence d'un contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Taxibri et Juliette taxis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et signé par Mme Mazars, conseiller doyen faisant fonction de président, et M. Ballouhey, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Taxibri et pour la société Juliette Taxis
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt du 19 mars 2009 d'AVOIR constaté l'existence d'un contrat de travail au profit de Monsieur Abdenour X..., d'AVOIR dit le conseil de prud'hommes de PARIS compétent, d'AVOIR en conséquence ordonné une mesure d'expertise ayant pour objet de déterminer ce qu'a été le revenu net de Monsieur X... dans le cadre du contrat de location au vu des déclarations fiscales telles qu'admises par l'administration fiscale, déterminer ce qu'aurait été son revenu net dans le cadre d'un contrat de travail régi par la réglementation des taxis, fournir à la cour tout élément lui permettant de déterminer le montant du préjudice résultant de la qualification improprement attribuée à M. X... et d'AVOIR dit que les exposantes devaient consigner au greffe de la cour d'appel de PARIS la somme de 2.000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 7 mai 2009 ;
AUX MOTIFS QUE «le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le demandeur verse au débat les contrats de location conclus entre la société JULIETTE TAXIS les 29 avril et le 1er juillet 2002 accompagnés des conditions générales imposées par la société de location ; qu'il résulte de ces documents contractuels dont la défenderesse ne soutient pas qu'ils n'étaient pas appliqués en pratique, que les locations étaient consenties pour une durée d'un mois renouvelable par tacite reconduction, que le loueur avait la faculté de résilier sans préavis le contrat en cas de retard ou de non-paiement des redevances de même qu'en cas de manquement du locataire à ses obligations contractuelles ; que la redevance était payable d'avance par acompte toutes les semaines ; que par ailleurs, le contrat mettait à la charge du chauffeur de nombreuses obligations concernant l'utilisation et l'entretien du véhicule dont l'inobservation pouvait être sanctionnée par une résiliation sans aucun préavis et avec restitution du véhicule ; qu'ainsi le locataire ne pouvait faire effectuer des réparations, échange de pièces, changement de pneumatiques dans l'établissement de son choix mais au sein des ateliers du loueur ; qu'il ne pouvait mettre le véhicule loué à disposition d'une tierce personne ni conduire celui-ci à l'étranger sans autorisation du loueur et était tenu de vérifier les niveaux d'eau et d'huile, chaque jour et en compléter, si besoin était, les quantités nécessaires ; que l'ensemble des conditions générales du contrat mettent à la charge du locataire des obligations qui, à l'évidence, dépassent le cadre d'une simple location et qui place le demandeur dans un rapport hiérarchique incontestable ; qu'il n'est nullement démontré ni allégué que les conditions pratiques et effectives d'exercice de l'activité ont été différentes de celles énoncées dans les contrats et qu'il en résulte que la relation contractuelle établie entre les parties doit être qualifiée de contrat de travail, eu égard au lien de subordination dans lequel était placé le demandeur à l'égard de la défenderesse qui se caractérisent par les nombreuses obligations ci-dessus décrites et imposées par la société propriétaire et tenant à l'ensemble des conditions de travail de l'intéressé ; qu'il convient en conséquence d'accueillir le contredit, de dire que le demandeur est lié à la société défenderesse par un contrat de travail et évoquant l'affaire, de constater que la cour ne dispose pas des éléments d'appréciation suffisants et d'ordonner une mesure d'instruction sollicitée à titre subsidiaire par les parties» ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'en se bornant, pour estimer que Monsieur X... avait été lié aux exposantes par un contrat de travail, à analyser certaines clauses des contrats de location, sans établir que dans les faits, les sociétés avaient le pouvoir de donner des ordres et des directives relatifs à l'exercice du travail lui-même, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1221-1 (anciennement L.121-1) du Code du travail) ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en se bornant à constater que le contrat mettait à la charge du chauffeur de nombreuses obligations concernant l'utilisation et l'entretien du véhicule dont l'inobservation pouvait être sanctionnée par une résiliation sans aucun préavis et avec restitution du véhicule et en constatant seulement l'existence d'ordres et de directives relatifs au seul véhicule objet du contrat de location de véhicule équipé taxi, sans établir l'existence d'ordres et de directives se rapportant à l'exercice du travail lui-même, que l'exécution de ce travail était contrôlée par les exposantes et la possibilité pour celles-ci de sanctionner les éventuels manquements à ces ordres et directives, la cour d'appel n'a pas caractérisé de lien de subordination juridique et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1221-1 (anciennement L.121-1) du Code du travail ;
ALORS ENFIN QUE le pouvoir de résiliation prévu au contrat de location de véhicule équipé taxi et octroyé aux exposantes en cas d'inexécution, par le locataire, des obligations relevant du contrat de location et ne faisant pas apparaître un lien de subordination juridique est, en l'absence de tout autre sanction, de nature purement contractuelle et non de nature disciplinaire en ce qu'il ne manifeste pas une autorité directe du loueur sur le locataire portant sur l'exécution de son travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a donc violé l'article 1134 du Code Civil et l'article L.1221-1 (anciennement L.121-1) du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt du 18 mars 2010 d'avoir condamné in solidum les Sociétés JULIETTE TAXI et TAXIBRI à payer à Monsieur X... la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et de supporter les dépens, y compris les frais d'expertise ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... n'a pas bénéficié des conditions de travail d'un salarié, notamment au titre du repos hebdomadaire –dont seule la contrepartie financière a été évaluée par l'expert- ; qu'il est bien fondé à exciper d'un préjudice moral qui sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 3.000 euros » ;
ALORS QUE la requalification d'un contrat en contrat de travail appelle simplement l'application des dispositions du code du travail dont le salarié, par effet de cette requalification, a été privé ; qu'en octroyant à M. X... des dommages-intérêts au seul titre qu'il n'a pas bénéficié des conditions de travail d'un salarié, sans établir en quoi celles-ci étaient plus préjudiciables que celles qui avaient été effectivement les siennes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-17750
Date de la décision : 18/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2012, pourvoi n°10-17750


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.17750
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