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17/01/2012 | FRANCE | N°11-11587

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 janvier 2012, 11-11587


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous seings privés du 31 décembre 2004, MM. X... et Y..., qui exerçaient préalablement leur profession de médecin selon un contrat d'exercice conjoint sans intégration ni mise en commun de la clientèle, ont conclu avec Mme Z... un contrat d'association avec mise en commun des honoraires, prenant effet le 1er janvier 2005 ; que, par acte séparé du même jour, M. Y... a cédé son cabinet à l'association nouvellement constituée, en se prévalant des disposition

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous seings privés du 31 décembre 2004, MM. X... et Y..., qui exerçaient préalablement leur profession de médecin selon un contrat d'exercice conjoint sans intégration ni mise en commun de la clientèle, ont conclu avec Mme Z... un contrat d'association avec mise en commun des honoraires, prenant effet le 1er janvier 2005 ; que, par acte séparé du même jour, M. Y... a cédé son cabinet à l'association nouvellement constituée, en se prévalant des dispositions des articles 724 bis, 1595 bis et 1635 du code général des impôts prévoyant, pour les cessions de clientèle intervenues entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2005, l'exonération des droits de mutation si l'acquéreur s'engage à maintenir la même activité pendant une durée minimale de cinq ans à compter de l'acquisition et si l'opération entre dans le champ d'application de l'article 238 quaterdéciès du code général des impôts ; qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de M. Y..., l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification sur la plus-value professionnelle entraînant une modification des droits d'enregistrement, lesquels ont été mis en recouvrement ; qu'après le rejet de sa demande de dégrèvement, M. Y... a saisi le tribunal de grande instance ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour décider que la cession du cabinet médical de M.
Y...
au profit de l'association de MM. Y..., X... et de Mme Z... était parfaite le 31 décembre 2004 et qu'elle devait être soumise à la législation fiscale applicable à cette même date, l'arrêt retient que la cession est intervenue à cette date, compte tenu de l'accord des parties sur la chose et sur le prix, qui la rendait parfaite ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 11 du contrat de cession stipulait que la cession du cabinet de M.
Y...
à l'association de MM. Y..., X... et de Mme Z... produirait ses effets le 1er janvier 2005, et que cette stipulation concordait sans équivoque avec les articles 3, 4 et 10 du contrat établissant cette association, stipulant qu'elle produirait ses effets à cette même date, ce dont il résultait que, même si la vente était parfaite dès le 31 décembre 2004, les parties étaient convenues de différer au lendemain les effets de leurs conventions, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 du code civil et 238 quaterdéciès du code général des impôts ;
Attendu que, pour décider qu'au 1er janvier 2005 les conditions supplémentaires imposées par la loi pour bénéficier de la non-imposition des plus-values étaient aussi remplies, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que M. Y... n'a aucun contrôle du cessionnaire puisque les décisions de direction appartiennent aux trois médecins, et non à l'un d'eux seul ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 15 du contrat d'association stipule que chacun des associés participe à la gestion de l'entreprise, ce dont il résultait que M. Y... dirigeait effectivement l'association cessionnaire et ne remplissait pas la condition d'exonération fixée par l'article 238 quaterdéciès 4° b du code général des impôts applicable aux cessions intervenues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour la Direction des services fiscaux de la Corrèze.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le premier moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement de première instance et décidé que la procédure de rectification engagée par l'administration à l'encontre de M. Gilles Y... était irrégulière ;
AUX MOTIFS QU' « Attendu que pour conclure à l'infirmation de la décision déférée, la direction générale des impôts se fonde sur l'existence d'une cession entre le Docteur Y..., cédant et la société de fait constituée par les Docteurs Y..., X... et Z..., cessionnaires et soutient que la cession n'a pu intervenir que le 1er janvier 2005, date à laquelle cette société a été constituée selon le contrat d'association qui fixe au 1er janvier 2005 sa prise d'effet ;
Attendu toutefois qu'il n'est ni soutenu ni établi que « l'association » constituée par ces trois médecins, dénommé "société" dans l'acte d'association, a fait l'objet d'une immatriculation et avait la personnalité morale ; qu'elle ne pouvait en conséquence être cessionnaire d'un bien ; que dès lors, comme l'a justement estimé le tribunal, la cession est nécessairement intervenue sous le régime de l'indivision, peu important l'impropriété du terme employé dans l'acte de cession qui vise comme cessionnaire « l'association des Docteurs Gilles Marie Y..., Pierre Philippe X... et Sandrine Z... » ; que le tribunal a d'ailleurs justement fait observer, à cet égard, que l'acte de cession stipule expressément dans son article 1er, page 3, que "du fait de cette cession, les Docteurs Gilles Y..., Pierre X... et Sandrine Z... sont propriétaires indivis du cabinet médical cédé à concurrence de un tiers chacun" ;
Et attendu que l'acte de cession a été régularisé le 31 décembre 2004 ; que c'est à cette date, à laquelle est intervenu l'accord des parties sur la chose et sur le prix, que la cession est devenue parfaite conformément aux dispositions de l'article 1583 du Code Civil ;
Attendu ainsi que c'est à bon droit que le tribunal, après avoir rappelé les conditions de l'article 238 quaterdecies du Code général des Impôts dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2004 et constaté que la cession en cause les réunissait, a écarté la thèse soutenue par l'administration des impôts et prononcé le dégrèvement des sommes contestées »

ET AUX MOTIFS ADOPTES « qu'il n'est plus contesté en l'état des dernières écritures échangées l'existence et la date de deux actes distincts signés le 31 décembre 2004.
Il n'est pas non plus contesté qu'il a été réalisé une cession à titre onéreux de la totalité de la clientèle libérale par le Docteur Gilles Y..., pour une valeur n'excédant pas 300 000 €, avec reprise et poursuite à l'identique de l'activité cédée par le repreneur qu'est la société de fait Y..., X..., Z....
Ces deux actes ont chacun un objet propre et distinct l'un de l'autre : l'un est relatif à la création d'une société de fait entre les Docteurs Y..., X..., Z... pour l'exploitation du cabinet médical et de la clientèle, l'autre est relatif à la cession du bien que constitue le cabinet du Docteur Gilles Y....
Il peut très logiquement être dissocié dans le temps les effets de chaque acte : en effet la cession du bien peut être réalisée à une date, puis l'exploitation être débutée à une autre, bien évidemment nécessairement postérieure.
En l'espèce, la cession est réalisée par acte du 31 décembre 2004 : c'est à cette date qu'est formalisé le concours de volonté entre le Docteur Gilles Y... cédant, et les Docteurs Y..., X..., Z... cessionnaire, l'accord étant réalisé sur l'objet et le prix de vente, peu important les modalités de paiement de celui-ci.
Le cessionnaire n'est pas et ne peut être ce jour là la société de fait des Docteurs Y..., X... et Z..., puisqu'ainsi que le relèvent les deux parties, une telle société n'a d'existence juridique que par la manifestation de l'affectio societatis par son activité : dès lors, l'acquisition du bien (le cabinet médical) par plusieurs personnes ensemble (les docteurs Y..., X..., Z...) est nécessairement faite le 31 décembre 2004 sous le régime de l'indivision, ainsi d'ailleurs que le précise l'acte de cession dans son article premier, page 3 : "du fait de cette cession, les Docteurs Gilles Y..., Pierre X... et Sandrine Z... sont propriétaires indivis du Cabinet Médical cédé à concurrence d'un tiers chacun".
C'est à cette date seulement qu'il convient de se placer pour analyser si les conditions de l'article 238 quaterdecies du C.G.I. sont remplies : or, il est établi, et d'ailleurs non contesté par l'Administration des impôts que :

- il y a eu cession à titre onéreux de la totalité du fonds d'entreprise libérale ;- la valeur cédée n'excédait pas 300 000 € ;- l'activité cédée a été reprise et poursuivie à l'identique par le repreneur, les docteurs Y..., X..., Z....
Il sera surabondamment relevé qu'au 1er janvier 2005 les conditions supplémentaires imposées par la loi pour bénéficier de la non imposition des plus values étaient aussi remplies : en effet, le Docteur Gilles Y... n'a pas de contrôle capitalistique du cessionnaire, et il n'a pas non plus de contrôle fonctionnel, puisque les décisions de direction appartiennent aux trois médecins, et non à l'un d'eux seuls »
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis des documents de la cause ; qu'en décidant que la cession du cabinet médical du docteur
Y...
au profit de l'association des docteurs Y..., X... et Z... était parfaite le 31 décembre 2004 dès lors qu'était intervenu l'accord sur la chose et sur le prix à cette date, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d'association et du contrat de cession qui prévoyaient expressément une réalisation juridique des opérations au 1er janvier 2005 méconnaissant ainsi les exigences du texte susvisé ;(Article 1134 du code civil - violation de la loi par dénaturation de l'écrit -)
ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour apprécier les conditions d'exonération posées par les dispositions combinées des articles 238 quaterdecies et 724 bis du code général des impôts en matière de cessions de clientèle, il convient de se placer à la date à laquelle l'opération a été réalisée d'un point de vue juridique qui correspond à la date du transfert de propriété du bien cédé ; que si en application des dispositions de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite et la propriété est acquise de droit à l'acheteur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, les parties peuvent déroger valablement à cette règle légale et retarder dans le temps le transfert de propriété ; qu'en décidant que la vente était parfaite le 31 décembre 2004 et qu'elle devait donc être soumise à la législation fiscale applicable à cette même date alors que le transfert de propriété avait été conventionnellement retardé au 1er janvier 2005, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (article 1583 du code civil et articles 238 quaterdecies et 724 bis du code général des impôts - violation de la loi -)
ALORS, ENFIN, QU'en cas d'indivision, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis, a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et peut demander sa part dans les bénéfices ; qu'au cas particulier, les conventions litigieuses précisaient expressément que l'activité du docteur Y... en tant qu'exploitant individuel prenait fin 1er janvier 2005 à 0 h 00 et que les honoraires entre les docteurs Y..., X... et Z... étaient mis en commun à compter de cette date ; qu'en décidant que le cessionnaire du cabinet médical du docteur
Y...
était en réalité l'indivision formée par les docteurs Y..., X... et Z... alors que les mentions contractuelles précitées sont inconciliables avec un état d'indivision, la cour d'appel a violé les textes susvisés.(Articles 815-9, 815-10 et 815-11 du code civil - violation de la loi -)

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le second moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement de première instance et décidé que M. Y... n'exerçait pas la direction effective de l'association cessionnaire ;
AUX MOTIFS ADOPTES qu' « il sera surabondamment relevé qu'au 1er janvier 2005 les conditions supplémentaires imposées par la loi pour bénéficier de la non imposition des plus values étaient aussi remplies : en effet, le Docteur Gilles Y... n'a pas de contrôle capitalistique du cessionnaire, et il n'a pas non plus de contrôle fonctionnel, puisque les décisions de direction appartiennent aux trois médecins, et non à l'un d'eux seuls »
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis des documents de la cause ; qu'en décidant que M. Y... n'exerçait aucun contrôle fonctionnel de l'entité cessionnaire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d'association qui prévoyaient expressément la participation de chacun des associés aux apports en capital ou en industrie, à la gestion de l'entreprise et aux résultats bénéficiaires ou déficitaires, méconnaissant ainsi les exigences du texte susvisé ;(Article 1134 du code civil - violation de la loi par dénaturation de l'écrit -)
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les conditions d'exonération posées par les articles 238 quaterdecies et 724 bis du code général des impôts, modifiées à compter du 1er janvier 2005, imposent que le cédant n'exerce pas en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de l'entité cessionnaire ; que ces mesures sont applicables dans les hypothèses où le cédant partage la direction effective avec les autres associés ; qu'en application des dispositions de l'article 1872-1 du code civil, applicables aux société de fait, tous les associés d'une telle société sont réputés co-gérants ; qu'en décidant que même en se plaçant à la date du 1er janvier 2005, les conditions d'exonération posées par la législation fiscale étaient remplies par M. Y..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions précitées. (Article 1872-1 du code civil et articles 238 quaterdecies et 724 bis du code général des impôts - violation de la loi -)


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 25 novembre 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 17 jan. 2012, pourvoi n°11-11587

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Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 17/01/2012
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-11587
Numéro NOR : JURITEXT000025185771 ?
Numéro d'affaire : 11-11587
Numéro de décision : 41200053
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-01-17;11.11587 ?
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