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12/01/2012 | FRANCE | N°10-23484

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012, 10-23484


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 22 juin 2010), que Mme X..., engagée le 4 septembre 1985 par l'Association La Ronce au sein de laquelle elle exerçait en dernier lieu les fonctions de chef de service, a été licenciée pour faute grave le 26 octobre 2006 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire régulier le licenciement décidé par le conseil d'administration réuni le 25 octobre 2006 alors, selon le moyen :
1°/ qu'au titre des dispositions spécifiques qui peuven

t confier dans une association le pouvoir de licencier à un autre organe que s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 22 juin 2010), que Mme X..., engagée le 4 septembre 1985 par l'Association La Ronce au sein de laquelle elle exerçait en dernier lieu les fonctions de chef de service, a été licenciée pour faute grave le 26 octobre 2006 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire régulier le licenciement décidé par le conseil d'administration réuni le 25 octobre 2006 alors, selon le moyen :
1°/ qu'au titre des dispositions spécifiques qui peuvent confier dans une association le pouvoir de licencier à un autre organe que son président, le règlement intérieur a un caractère spécial par rapport aux statuts de l'association a fortiori pour un licenciement disciplinaire, comme le rappelle d'ailleurs l'article 14 des statuts de l'association La Ronce ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le règlement intérieur de l'association disposait que « sur décision du Bureau, le Président ou le directeur général par délégation peut appliquer les sanctions suivantes : (…) – licenciement » ; qu'en jugeant malgré tout que le licenciement pour faute grave de Mme X... avait pu être décidé non par le bureau, mais par le conseil d'administration, au seul motif que les statuts de l'association conféraient à ce dernier des pouvoirs étendus en matière de gestion et de direction, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
2°/ qu'indépendamment même de toute disposition spéciale dans le règlement intérieur, les statuts d'une association qui réservent à un organe déterminé le pouvoir de nommer des cadres de direction réservent nécessairement à ce même organe le pouvoir de les licencier, en tout cas en l'absence d'autre précision sur ce point dans les statuts ; que l'article 8 des statuts de l'association La Ronce précisant que le bureau nomme les cadres de direction, Mme X... ne pouvait dès lors, en sa qualité de directrice d'établissement, qu'être licenciée par le seul bureau ; qu'en jugeant au contraire que le conseil d'administration avait pu décider de licencier Mme X... au seul motif que les statuts (article 7) lui conféraient des pouvoirs très étendus en matière de gestion et de direction, alors même que cet article 7 ne l'habilitait ni à licencier ni à nommer les cadre de direction, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
3°/ que le licenciement d'un salarié est seulement envisagé et non décidé par sa convocation à un entretien préalable ; que la cour d'appel a elle-même relevé que lors de sa réunion du 25 octobre 2006, le conseil d'administration avait entériné la position du bureau du 10 octobre 2006 ; qu'ayant précédemment relevé que lors cette réunion du 10 octobre 2006, le bureau n'avait fait qu'engager la procédure de licenciement de Mme X... en la convoquant à un entretien préalable, la cour d'appel ne pouvait pas affirmer ensuite, comme elle l'a pourtant fait, que le conseil d'administration avait le 25 octobre 2006 pris la décision de licencier Mme X... ; qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que le conseil d'administration n'avait fait qu'exprimer son accord avec la position du bureau consistant à envisager le licenciement de Mme X..., lequel devait donc encore être décidé par le bureau, la cour d'appel a violé les articles L.1232-2, L.1232-3 et L.1232-6 du code du travail, ensemble l'article L.1232-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté d'une part que la convocation de Mme X... à l'entretien préalable en vue du licenciement pour faute grave avait été décidée par le bureau de l'association à l'issue d'une réunion extraordinaire le 10 octobre 2006, d'autre part que la décision de licencier Mme X... avait été prise le 25 octobre 2006 par le conseil d'administration et qui a relevé que les statuts de l'association conféraient à celui-ci, dont le bureau n'est qu'une émanation, des attributions très étendues en matière de gestion et de direction, en a exactement déduit que le conseil d'administration disposait des pouvoirs requis pour licencier ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis des agissements graves et répétés de harcèlement moral à l'encontre de plusieurs salariés justifiant son licenciement pour faute grave alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond doivent répondre aux moyens explicités dans les conclusions et déterminants pour l'issue du litige ; que Mme X... a fait principalement valoir à hauteur d'appel que les faits constitutifs d'un prétendu harcèlement moral qui lui étaient reprochés ne pouvaient remonter qu'à 2005 et que son employeur en avait alors eu aussitôt connaissance de telle sorte qu'ils étaient prescrits le 10 octobre 2006, date à laquelle la procédure de licenciement a pourtant été engagée ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant clairement explicité et déterminant pour l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que si des méthodes de gestion du personnel mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique peuvent constituer un harcèlement moral, encore faut-il qu'un ou plusieurs salariés déterminés aient subi des agissements répétés au sens de l'article L.1152-1 du code du travail ; qu'en se contentant de reproduire une succession de témoignages de salariés prétendument victimes de harcèlement moral et d'affirmer en conclusion que l'existence d'agissements graves et répétés de harcèlement moral par Mme X... était établie à l'encontre de plusieurs salariés, sans déterminer le ou les salariés qui avaient effectivement subi des agissements répétés au sens de la loi, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1152-1 du code du travail ;
3°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal impartial ; que tel n'est pas le cas lorsque le juge, se départissant de son obligation de neutralité, fait reposer sa décision sur les seuls témoignages produits par une des parties, sans prendre la peine de les confronter aux démonstrations et pièces produites par l'autre partie ; que pour juger qu'était établie l'existence d'agissement graves et répétés de harcèlement moral par Mme X... à l'encontre de plusieurs salariés de l'association, la cour d'appel s'est exclusivement référée aux propos tenus par ces salariés prétendument victimes d'un tel harcèlement, sans jamais les confronter aux éléments invoqués par Mme X... qui contestait pourtant la réalité même de ces faits et le fait qu'ils puisent être constitutifs d'un harcèlement moral ; que ce faisant, la cour d'appel a statué par des motifs et en des termes incompatibles avec l'exigence d'impartialité et donc violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté, par une appréciation souveraine des faits et sans faire preuve de partialité, que les agissements caractérisant un harcèlement avaient été commis à l'égard de personnes déterminées et qu'ils s'étaient poursuivis jusqu'en 2006, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que Madame X... avait pu être régulièrement et valablement licenciée pour faute grave par le conseil d'administration lors de sa réunion du 25 octobre 2006 et de l'avoir ainsi déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, au contraire, condamnée à verser 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'association LA RONCE.
AUX MOTIFS QUE Sur la régularité du licenciement. L'article 13 du règlement intérieur de l'association LA RONCE concernant la liste des sanctions indique que "sur décision du bureau, le président, ou le directeur général par délégation, peut appliquer les sanctions suivantes : mise à pied de 3 jours avec ou sans salaire. licenciement". Cependant, l'article 7 des statuts de l'association LA RONCE précise : " Le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion et la direction des affaires de l'association, pour faire ou autoriser tous actes et opérations à elle permis et qui ne sont pas réservés à l'assemblée générale. (...) Il administre les établissements et services créés par l'association et s'assure de leur bon fonctionnement (...) Le président convoque et préside le bureau, le conseil d'administration et l'assemblée générale.(...) Il nomme le directeur général (et) élit, en son sein, le président d'association puis 7 membres. Ces 8 administrateurs formeront le bureau". De plus, l'article 8 des statuts de l'association précise que "le bureau a pour rôle de mettre en pratique les décisions du conseil d'administration auquel il peut faire toute proposition". Il ressort des pièces versées aux débats que le bureau extraordinaire de l'association s'est réuni le 10 octobre 2006 et qu'"après en avoir délibéré et devant les nombreux éléments en sa possession, (il a décidé) de la mise à pied de Mme X... et de lui signifier la date de son entretien préalable en vue de son licenciement pour faute grave", ce que le président de l'association, M. Y..., lui a notifié par courrier daté du même jour, remis en main propre. Le compte rendu du conseil d'administration de l'association, réuni le 25 octobre 2006, indique qu'"après un échange avec la salle et des réponses aux interrogations des administrateurs, le président demande au conseil d'administration d'entériner la position du bureau du 10 octobre : licenciement pour faute grave, sans indemnité, au motif de harcèlement moral et professionnel à rencontre du personnel du SAVS / SASH" (et que) cette proposition a été adoptée à l'unanimité". Ainsi, les administrateurs du bureau, nommés par le conseil d'administration, ont engagé, par l'intermédiaire du président de l'association, la procédure de licenciement de Mme X... et le conseil d'administration, dont le bureau n'est qu'une émanation, a pu valablement, en raison de ses pouvoirs très étendus en matière de gestion et de direction des affaires de l'association, prendre la décision de la licencier. Il convient de réformer le jugement sur ce point.
ALORS, D'UNE PART, QUE au titre des dispositions spécifiques qui peuvent confier dans une association le pouvoir de licencier à un autre organe que son président, le règlement intérieur a un caractère spécial par rapport aux statuts de l'association a fortiori pour un licenciement disciplinaire, comme le rappelle d'ailleurs l'article 14 des statuts de l'association LA RONCE ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le règlement intérieur de l'association disposait que « sur décision du Bureau, le Président ou le directeur général par délégation peut appliquer les sanctions suivantes : (…) – licenciement » ; qu'en jugeant malgré tout que le licenciement pour faute grave de Madame X... avait pu être décidé non par le bureau, mais par le conseil d'administration, au seul motif que les statuts de l'association conféraient à ce dernier des pouvoirs étendus en matière de gestion et de direction, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE indépendamment même de toute disposition spéciale dans le règlement intérieur, les statuts d'une association qui réservent à un organe déterminé le pouvoir de nommer des cadres de direction réservent nécessairement à ce même organe le pouvoir de les licencier, en tout cas en l'absence d'autre précision sur ce point dans les statuts ; que l'article 8 des statuts de l'association LA RONCE précisant que le bureau nomme les cadres de direction, Madame X... ne pouvait dès lors, en sa qualité de directrice d'établissement, qu'être licenciée par le seul bureau ; qu'en jugeant au contraire que le conseil d'administration avait pu décider de licencier Madame X... au seul motif que les statuts (article 7) lui conféraient des pouvoirs très étendus en matière de gestion et de direction, alors même que cet article 7 ne l'habilitait ni à licencier ni à nommer les cadre de direction, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
ALORS, ENFIN et en tout état de cause, QUE le licenciement d'un salarié est seulement envisagé et non décidé par sa convocation à un entretien préalable ; que la Cour d'appel a elle-même relevé que lors de sa réunion du 25 octobre 2006, le conseil d'administration avait entériné la position du bureau du 10 octobre 2006 ; qu'ayant précédemment relevé que lors cette réunion du 10 octobre 2006, le bureau n'avait fait qu'engager la procédure de licenciement de Madame X... en la convoquant à un entretien préalable, la cour d'appel ne pouvait pas affirmer ensuite, comme elle l'a pourtant fait, que le conseil d'administration avait le 25 octobre 2006 pris la décision de licencier Madame X... ; qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que le conseil d'administration n'avait fait qu'exprimer son accord avec la position du bureau consistant à envisager le licenciement de Madame X..., lequel devait donc encore être décidé par le bureau, la Cour d'appel a violé les articles L.1232-2, L.1232-3 et L.1232-6 du Code du travail, ensemble l'article L.1232-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que Madame X... avait commis des agissements graves et répétés de harcèlement moral à l'encontre de plusieurs salariés justifiant son licenciement pour faute grave et de l'avoir ainsi déboutée de ses demandes tendant au versement de rappels de salaire sur mise à pied et les congés payés afférents, d'indemnités de préavis et les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement : La lettre de licenciement du 26 octobre 2006 est annexée à l'arrêt. L'association LA RONCE a licencié Mme X... pour faute grave, lui reprochant des faits de harcèlement moral à l'encontre des salariés du SAVS/SASH. Il ressort des pièces versées aux débats que des difficultés relationnelles entre Mme X... et le personnel du service SAVS /SASH sont apparues dès 2004 (compte rendu de la réunion du bureau du 11 juillet 2005 et réunion des délégués du personnel des 18 octobre 2004 et 17 octobre 2005). De plus, le compte rendu du bureau du 19 octobre 2005 indique : "Depuis quelques mois la direction rencontre des difficultés notoires dans la gestion du personnel malgré les moyens mis à disposition et notamment la mise en place d'un coordinateur pour seconder la direction. Il s'agit essentiellement de problèmes relationnels avec Mme X... et les personnels des services. On note de nombreuses démarches disciplinaires depuis quelques mois, un turn-over important....". Mme Z..., administratrice et correspondante du service, a été chargée de rencontrer la direction et le coordinateur, M. A..., "pour se forger une opinion et faire remonter ses observations"(compte rendu du bureau du 19 octobre 2005) et a déclaré avoir "pu observer l'existence d'une bonne gestion administrative des services avec une organisation méthodique peut être un peu rigide..." et qu'il est "évident que des problèmes de communication existent entre la direction et les autres membres de l'équipe"(compte rendu de la réunion du bureau du 30 novembre 2005). Il résulte du compte rendu de la réunion du bureau du 13 septembre 2006 que Mme B... est dans un état dépressif et a alerté le bureau sur ses conditions de travail et ses relations avec la direction, que Mlle C... dit se trouver dans une situation analogue depuis plusieurs mois et ne plus pouvoir travailler dans ces conditions avec la direction, que M. A... est "en arrêt maladie et serait dépressif et que "Mme X... quant à elle dit bien aller et trouve que toutes ces personnes sont en définitive des éléments perturbateurs et insubordonnés à son autorité". Par ailleurs, Mmes B..., D... et E..., salariées du service SAVS / SASH, ont informé l'association de leur demande de consultation du médecin du travail (courriers des 26 et 27 septembre 2006) en raison de leurs difficultés relationnelles avec Mme X..., Mme D... précisant notamment "par rapport aux agissements et au processus d'usure psychologique qui est mis en place par ma directrice, Mme X..., pour me faire craquer, me faire démissionner, moi, ainsi que certains de mes collègues" et Mme B... reprochant à Mme X... de l'user professionnellement" et de la "pousser à démissionner". Le contrôleur du travail a, d'ailleurs, par courrier du 4 octobre 2006, indiqué à l'association LA RONCE qu'il avait reçu des lettres de salariés des structures SAVS et SASH faisant état de faits de harcèlement professionnel et moral de la part de la directrice de ces services, lui rappelant son obligation au titre de l'article L 230-2 du Code du travail et qu'il se réservait le droit de procéder à une enquête sur ce harcèlement moral. Une commission d'enquête a été désignée le 10 octobre 2006 afin d'entendre les salariés du SAVS et du SASH au sujet des plaintes de harcèlement professionnel et moral de la part de Mme X... à rencontre de 5 salariés du service d'accompagnement à la vie sociale et que le président de l'association lui a notifié, le même jour, sa mise à pied à titre conservatoire et la date de son entretien préalable. Le compte rendu du bureau extraordinaire du 10 octobre 2006 fait état de propos des salariés reçus lors de la commission d'enquête. Mme B... "axe son audition sur le harcèlement et la dégradation dont elle a fait l'objet (...) énumère les nombreuses situations qui l'ont obligée à s'arrêter de travailler et de consulter un médecin (et) évoque également son besoin de reconstruction personnelle et professionnelle". Mme D... indique, dans son courrier du 11 octobre 2006 faisant suite à l'entretien du 10 octobre, que Mme X... l'a isolée " de (son) travail et de ses collègues", qu'elle a "cassé le travail de l'équipe", "monté les membres les uns contre les autres en favorisant les histoires", que "M. A... a été l'arme fatale de Mme X..., (qu') elle s'est servie de lui pour nous démonter", précisant "je ne suis plus en mesure de travailler avec Mme X..."et dénonçant les humiliations, réflexions et remarques désobligeantes telles que "bon débarras", "menteuses". Mme E... fait état, dans sa lettre du 11 octobre 2006, des dysfonctionnements rencontrés lors de l'exercice de ses fonctions et des remarques, humiliations et "sous entendus disgracieux" de la part de Mme X... citant notamment les propos de cette dernière concernant le renouvellement d'une convention avec un partenaire, le FJT : "C'est pas ton problème, cela ne te regarde pas. C'est moi la directrice, c'est moi qui commande". Mme E... rappelle aussi que Mme X... lui a reproché son manque de professionnalisme par rapport à la situation d'un jeune alors qu'elle avait signalé à sa direction ces difficultés et indique qu'une de ses collègues, Mme B..., a été discréditée et humiliée devant des partenaires et des adultes, précisant que la directrice "critique ou se permet des jugements personnels sur tout le monde". Dans sa lettre du 10 octobre 2006 destiné aux membres du bureau, M. A... explique que Mme X... l'a persuadé que "c'était l'équipe qui n'allait pas bien et qui était perverse, que le conflit venait d'elles et non de la direction", ajoutant "aujourd'hui, j'affirme que tout cela n'était que manipulation pour se servir de moi et faire son sale travail", "elle avait été claire à mon arrivée, il fallait essayer de dégager certaines salariées". Il indique aussi que Mme X... possédait sur chaque personne des dossiers avec des liasses de photocopies de cahier de liaison, de comptes rendus de réunion, de courriers qui pourraient lui servir pour prouver les fautes professionnelles, qu'elle lui reprochait ses absences alors qu'elles étaient justifiées et qu'elle le "rabaissait au profit de M. F...", son gendre : "(il) est plus qualifié que vous (...) Il est plus haut que vous hiérarchiquement". M. A... a eu plus de responsabilités dès le début de l'année 2006 et Mme X... a, à partir de ce moment, "cherché à (le) démolir psychologiquement". Il cite certains des propos de la directrice répétés à plusieurs reprises : "Faites attention, je mets des petites croix pour votre évaluation", "j'espère que vous allez vous ressaisir sinon je ne sais pas ce que l'on va faire de vous, dans votre contrat il est noté qu'on peut vous muter dans une autre structure de l'association", "arrêtez de me dire ça pu je vous mets un avertissement". M. A... a été en arrêt de travail du 26 juin au 17 juillet 2006 et du 1er septembre au 15 octobre 2006, son médecin traitant attestant qu'il présentait un syndrome dépressif réactionnel. Mlle C... relate des pressions, des remarques désobligeantes et perverses, des propos humiliants et la remise en cause de son professionnalisme de la part de la direction (courrier du 14 octobre 2006). M. G..., psychologue à l'association LA RONCE, précise que Mme X... parlait aux éducatrices de façon agressive et qu'il a été témoin d'humiliations et de "jugements physiques" sur ces dernières, (compte-rendu du bureau extraordinaire du 10 octobre 2006 et courrier du 22 septembre 2007). Au surplus, il résulte des pièces produites qu'après le licenciement de Mme X... le personnel du SAVS a eu besoin "d'écoute juridique" par rapport aux événements qui se sont déroulés et qu'un groupe de parole, animé par un organisme spécialisé (M. H...), a été mis en place à compter de mars 2007. L'existence d'agissements graves et répétés de harcèlement moral par Mme X... à rencontre de plusieurs salariés de l'association est ainsi établie. Ce comportement rendait impossible la poursuite du contrat de travail pendant le préavis et constitue une faute grave. Il est équitable d'allouer à l'association LA RONCE en appel la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond doivent répondre aux moyens explicités dans les conclusions et déterminants pour l'issue du litige ; que Madame X... a fait principalement valoir à hauteur d'appel que les faits constitutifs d'un prétendu harcèlement moral qui lui étaient reprochés ne pouvaient remonter qu'à 2005 et que son employeur en avait alors eu aussitôt connaissance de telle sorte qu'ils étaient prescrits le 10 octobre 2006, date à laquelle la procédure de licenciement a pourtant été engagée ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant clairement explicité et déterminant pour l'issue du litige, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, si des méthodes de gestion du personnel mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique peuvent constituer un harcèlement moral, encore faut-il qu'un ou plusieurs salariés déterminés aient subi des agissements répétés au sens de l'article L.1152-1 du Code du travail ; qu'en se contentant de reproduire une succession de témoignages de salariés prétendument victimes de harcèlement moral et d'affirmer en conclusion que l'existence d'agissements graves et répétés de harcèlement moral par Madame X... était établie à l'encontre de plusieurs salariés, sans déterminer le ou les salariés qui avaient effectivement subi des agissements répétés au sens de la loi, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1152-1 du Code du travail.
ALORS, enfin et en tout état de cause, QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal impartial ; que tel n'est pas le cas lorsque le juge, se départissant de son obligation de neutralité, fait reposer sa décision sur les seuls témoignages produits par une des parties, sans prendre la peine de les confronter aux démonstrations et pièces produites par l'autre partie ; que pour juger qu'était établie l'existence d'agissement graves et répétés de harcèlement moral par Mme X... à l'encontre de plusieurs salariés de l'association, la cour d'appel s'est exclusivement référée aux propos tenus par ces salariés prétendument victimes d'un tel harcèlement, sans jamais les confronter aux éléments invoqués par Mme X... qui contestait pourtant la réalité même de ces faits et le fait qu'ils puisent être constitutifs d'un harcèlement moral ; que ce faisant, la cour d'appel a statué par des motifs et en des termes incompatibles avec l'exigence d'impartialité et donc violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-23484
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 22 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2012, pourvoi n°10-23484


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.23484
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