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12/01/2012 | FRANCE | N°10-19743

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012, 10-19743


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 avril 2010), que M. X..., engagé à compter du 5 mai 2003 par la société entreprise Lambert en qualité de chauffeur malaxeur, a été victime d'un accident de la circulation avec un véhicule de l'entreprise ; qu'il a été licencié pour faute grave le 27 décembre 2006 alors que son contrat de travail se trouvait suspendu à la suite de cet accident du travail ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licen

ciement de M. X... et de la condamner à lui payer diverses sommes alors, selon le moye...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 avril 2010), que M. X..., engagé à compter du 5 mai 2003 par la société entreprise Lambert en qualité de chauffeur malaxeur, a été victime d'un accident de la circulation avec un véhicule de l'entreprise ; qu'il a été licencié pour faute grave le 27 décembre 2006 alors que son contrat de travail se trouvait suspendu à la suite de cet accident du travail ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement de M. X... et de la condamner à lui payer diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ qu'en disant que l'employeur ne pouvait techniquement prouver la vitesse du camion lors de l'accident reproché au salarié, chauffeur de poids lourds, sans vérifier si, en tout état de cause, la perte de contrôle du véhicule suffisait à caractériser une faute professionnelle rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-9, L. 1226-18, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en disant que la remorque, contrôlée après la date requise, était « manifestement » à l'origine du déséquilibre du train routier dont l'employeur imputait la cause à la vitesse excessive du salarié, chauffeur, qui lui-même avait indiqué aux services de police : « Dans la courbe, j'ai senti que le camion se déportait », la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

Mais attendu que la cour d'appel, retenant hors de toute dénaturation qu'il subsistait un doute sur l'origine de l'accident, a pu en déduire que la survenance de celui-ci ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et ne constituait pas une faute grave, ce qui rendait nul le licenciement prononcé au cours de la suspension du contrat de travail pour accident du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'entreprise Lambert aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'entreprise Lambert à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour l'entreprise Lambert.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Sté Entreprise Lambert, employeur, au paiement à M. X..., salarié, de la somme de 2. 508, 08 € d'indemnité de préavis et 250, 80 € d'indemnité de congés payés sur préavis ; 1. 123, 49 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 12. 000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif, et 150 € de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le droit individuel à la formation ;

AUX MOTIFS QU'aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée à temps complet en date du 5 mai 2003, M. X... a été engagé par la SARL Entreprise Lambert en qualité de chauffeur malaxeur ; que le 30 octobre 2006, M. X..., au volant d'un semi-remorque auquel était attelé une remorque remplie de béton (poids total en charge de 40 t environ), a été victime d'un accident de la circulation ; que la remorque du camion s'est retournée, M. X..., blessé, a été en arrêt de travail jusqu'au 1er juillet 2007 ; que le 22 décembre 2006, il a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave et en l'espèce, aux termes de la lettre fixant les limites du litige, pour les raisons suivantes : « le 30 octobre 2006, vous conduisiez un semi et une remorque remplies de béton dont le poids total en charge est d'environ 40 tonnes et vous avez occasionné un accident de la circulation dans les circonstances suivantes. Vous étiez en agglomération, et après vérification du contrôlographe, nous avons relevé une vitesse de 57 km/ heure au moment de l'accident. D'une part, cette vitesse excessive excède la vitesse autorisée en agglomération (50 km/ heure) mais en outre, cette vitesse est d'autant plus excessive que l'accident s'est produit dans un virage qui ne peut être franchi avec un véhicule en charge de 40 tonnes qu'à 30, voire, au maximum, 40 km/ heure. Votre comportement a eu pour conséquence la destruction de matériels appartenant à l'entreprise, mais aurait pu avoir des conséquences encore plus dramatiques dans la mesure où, notamment, vous vous trouviez en agglomération. Les explications fournies au cours de l'entretien préalable en date du 13 décembre 2006 n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. » ; qu'il appartient donc à l'employeur de justifier que l'accident en cause a pour origine la vitesse excessive de M. X... et que cette faute de conduite constitue une faute grave, soit un fait constituant une violation des obligations du salarié découlant du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que l'accident en cause a fait l'objet de constatations des services de police ; qu'aux termes d'un procès-verbal établi le 30 octobre 2006, les circonstances de l'accident sont les suivantes : À 14 h 45 environ, M. X... circule au volant d'un ensemble routier sur le territoire de la commune de Reims, hors agglomération, sur la route nationale 44 en direction du Rond-point Farman. Il s'engage sur la bretelle d'accès à l'autoroute A 34, courbe à droite. En sortie de courbe et jonction des voies, il perd le contrôle de l'ensemble routier pour une raison indéterminée. L'ensemble se couche sur le flanc gauche, ripe sur la chaussée sur une vingtaine de mètres, se portant à gauche puis finit sa course en percutant le rail de sécurité central. Le PV précise que, dans la zone de choc, la vitesse est limitée à 80 km/ h. La vitesse maximale possible sur la bretelle d'autoroute n'y est pas mentionnée. Ce procès-verbal indique encore que la lecture de l'enregistreur de vitesse, installé depuis peu, s'est révélée impossible, le nouvel appareil numérique étant démuni de ruban enregistrant la vitesse. Il est à noter qu'il appartenait à l'employeur d'équiper le camion d'un système exploitable par les services chargés du contrôle de la législation en matière de vitesse et de temps de conduite ; que pour justifier de la vitesse excessive de M. X..., l'employeur soutient d'abord qu'il se trouvait sur la bretelle d'accès autoroute dans une zone où la vitesse était réduite pour les véhicules légers à 50 km/ h ; que les constatations ne mentionnent donc aucune vitesse à cet égard ; qu'il résulte par contre des constatations faites par la police que c'est en sortie de courbe, à la jonction des voies, que l'ensemble routier a commencé à riper, à un moment où il était déjà sur l'A 34 ; qu'entendu par les enquêteurs, M. X... a précisé que dans la courbe de la bretelle d'autoroute, il avait senti le camion se déporter alors qu'il roulait à environ 40 km/ h ; que, pour justifier que le salarié roulait à une vitesse de 57 km/ h au moment de la perte de contrôle, l'employeur verse au débat un rapport contrôlographe de la SARL Meteco, comportant trois feuillets, société qui a lu la bande originale équipant le camion en cause ; que toutefois, ce document unilatéral, établi postérieurement à l'accident alors que les services de police ont expressément noté que le nouvel appareil de contrôle de vitesse ne leur permettait pas une lecture immédiate, est manifestement insuffisant pour justifier de la vitesse effective de l'ensemble routier ; qu'en outre, ce document est difficilement identifiable, mentionne un horaire qui, d'après l'employeur, doit être rectifié de 2h00, étant encore précisé que le feuillet censé énoncer les vitesses de l'ensemble routier le 30 octobre 2006 entre 13h52 et 13h53 (+ 2h00) et à partir duquel un graphique a été établi, ne comporte aucune référence ni à un camion ni à un chauffeur précis et ne peut donc pas être rattaché sans aucun doute possible au véhicule en cause ; que parallèlement, il n'est pas contesté que la remorque (toupie chargée), manifestement à l'origine du déséquilibre de l'ensemble, aurait dû faire l'objet d'un contrôle technique obligatoire depuis le 23 août 2006 ; que le fait que le rapport d'expertise de la compagnie d'assurance ait mentionné un état normal de la remorque (étant précisé que l'état d'usure des pneus permettait encore leur utilisation, puisqu'usés seulement à hauteur de 70 % sur une échelle de 100), est sans emport, puisque ce rapport est essentiellement un chiffrage des réparations à effectuer ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il subsiste un doute sur l'origine de l'accident, doute qui manifestement a d'ailleurs conduit les enquêteurs à ne relever aucune infraction de conduite à l'égard du salarié ; que dès lors, il y a lieu de retenir que l'employeur ne justifie pas de l'existence d'un excès de vitesse à hauteur de 57 km/ h commis par le salarié et qui serait à l'origine de l'accident ; que la faute grave n'est pas caractérisée ; qu'au moment du licenciement, M. X..., blessé lors de l'accident, était en arrêt pour accident du travail ; qu'aux termes de l'article L 1226-13 du Code du travail, (L 122-32-2 abrogé), son licenciement est nul ; que le jugement sera donc infirmé ; que le salarié peut renoncer à son droit de réintégration et solliciter une indemnisation, soit une indemnité de préavis de 2. 508, 08 € ; 250, 80 € de congés payés sur préavis ; 1. 123, 49 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 12. 000 € de dommages et intérêts pour licenciement illicite et 150 € au titre du droit individuel à la formation ;

1°) ALORS QU'en disant que l'employeur ne pouvait techniquement prouver la vitesse du camion lors de l'accident reproché au salarié, chauffeur de poids lourds, sans vérifier si, en tout état de cause, la perte de contrôle du véhicule suffisait à caractériser une faute professionnelle rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1226-9, L 1226-18, L 1234-5, L 1234-9 et L 1235-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en disant que la remorque, contrôlée après la date requise, était « manifestement » (arrêt, p. 6, 1er §) à l'origine du déséquilibre du train routier dont l'employeur imputait la cause à la vitesse excessive du salarié, chauffeur, qui lui-même avait indiqué aux services de police : « Dans la courbe, j'ai senti que le camion se déportait » (procès-verbal d'audition du 23 novembre 2006, pièce n° 20 communiquée par le salarié), la cour d'appel a violé le principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-19743
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 28 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2012, pourvoi n°10-19743


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.19743
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