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11/01/2012 | FRANCE | N°10-27109

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 janvier 2012, 10-27109


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 septembre 2010), que M. X... a été engagé par M. Y... le 1er avril 1986 en qualité de conducteur poids lourds grand routier ; que son contrat de travail a été transféré à la société Groupe Cayon le 1er janvier 2003 ; que M. X... a été élu délégué du personnel le 27 avril 2007 ; qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 12 février 2007 de diverses demandes salariales ; que, par lettre du 21 décembre 2007, la société Géodis Calberson a demandé à la so

ciété Groupe Cayon de ne plus mettre M. X... à sa disposition ; que, par lettre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 septembre 2010), que M. X... a été engagé par M. Y... le 1er avril 1986 en qualité de conducteur poids lourds grand routier ; que son contrat de travail a été transféré à la société Groupe Cayon le 1er janvier 2003 ; que M. X... a été élu délégué du personnel le 27 avril 2007 ; qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 12 février 2007 de diverses demandes salariales ; que, par lettre du 21 décembre 2007, la société Géodis Calberson a demandé à la société Groupe Cayon de ne plus mettre M. X... à sa disposition ; que, par lettre recommandée du 14 janvier 2008 lui notifiant une mise à pied disciplinaire de deux jours ultérieurement transformée en un avertissement, la société Groupe Cayon a proposé au salarié quatre affectations ; que celui-ci a subordonné son acceptation à des conditions que l'employeur a refusées ; que le salarié a dès lors présenté devant la juridiction prud'homale une demande de rappels de salaire pour la période où il est demeuré sans affectation, soit de décembre 2007 à juillet 2009, ainsi qu'une demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Groupe Cayon fait grief à l'arrêt de la condamner à un rappel de salaires pour la période de décembre 2007 à juillet 2009, alors, selon le moyen, que l'accomplissement d'heures supplémentaires dépend exclusivement des besoins de l'entreprise, de sorte que, sauf stipulations particulières du contrat de travail garantissant au salarié un certain volume d'heures supplémentaires, aucun salarié, même protégé, ne dispose d'un droit acquis à en effectuer ; que la cour d'appel, qui a reproché à l'employeur de ne pas avoir maintenu au profit de M. X... les heures supplémentaires qu'il effectuait, a violé les articles L. 3121-11 et L. 3121-11-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que l'employeur devait maintenir tous les éléments de rémunération que le salarié protégé percevait avant décembre 2007 aussi longtemps que l'inspecteur du travail n'aura pas autorisé le licenciement du salarié ou que celui-ci n'aura pas accepté de nouvelles conditions de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Groupe Cayon fait grief à l'arrêt de la condamner à des dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au juge de caractériser en quoi les faits invoqués par le salarié qui se prétend victime d'une discrimination sont de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a seulement énoncé que la situation d'attente dans laquelle se trouvait M. X... depuis le mois de décembre 2007 compromettait « nécessairement » les conditions d'exercice de son mandat, n'a pas caractérisé en quoi cette mesure était de nature à laisser supposer l'existence d'une rupture d'égalité au préjudice de M. X... ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;
2°/ que les juges du fond, qui sont tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en énonçant que la situation d'attente dans laquelle se trouvait M. X... depuis le mois de décembre 2007 compromettait « nécessairement » les conditions d'exercice de son mandat, sans expliquer en quoi, ni assortir sa décision de la moindre constatation de fait susceptible de l'étayer, la cour d'appel, qui a statué par voie d'affirmation, a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°/ qu'aucune discrimination n'existe lorsque la pratique prétendument discriminatoire repose sur des critères objectifs, extérieurs à toute notion de discrimination ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir fourni de poste au salarié depuis décembre 2007, quand il résulte de ses propres constatations que cette situation était uniquement due au fait que M. X... avait, depuis cette date, refusé toutes les affectations qui lui avaient été proposées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
4°/ qu'une mesure protectrice des intérêts du salarié ne saurait être constitutive d'une discrimination ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre une procédure de licenciement quand une telle attitude était à l'évidence protectrice des intérêts de M. X..., la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le seul fait de laisser le salarié en situation d'attente d'un poste de travail depuis décembre 2007, compromettant ainsi nécessairement les conditions d'exercice du mandat dont il est titulaire, constitue de la part de la société Groupe Cayon un comportement discriminatoire, l'employeur ne démontrant pas que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que l'employeur ne saurait exciper des refus successifs opposés par le salarié à ses propositions, alors qu'il n'a saisi l'autorité administrative d'aucune demande d'autorisation de licenciement ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Cayon aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour la société Groupe Cayon.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société GROUPE CAYON à payer à M. X... une somme de 20.588,02 € à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2007 à juillet 2009, outre les congés payés ;
AUX MOTIFS QU'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement ; qu'en l'espèce, à la suite du refus du client GEODIS CALBERSON de se voir affecter le chauffeur Jean-Paul X..., celui-ci a décliné l'ensemble des propositions de la S.A.S. GROUPE CAYON et n'effectue plus aucune prestation de travail depuis décembre 2007 ; que l'employeur lui maintient sa rémunération sur la base de 169 heures mensuelles seulement ; que Jean-Paul X... considère à juste titre qu'il est privé de la contrepartie des heures supplémentaires qu'il effectuait régulièrement auparavant ainsi que de ses primes de nuit ; qu'en effet, la S.A.S. GROUPE CAYON ne saurait rémunérer l'appelant sur la base des conditions d'emploi que ce dernier a refusées, tant pour ce qui concerne le volume des heures de travail proposées que le travail de jour ; qu'elle doit lui maintenir tous les éléments de rémunération qu'il percevait ayant décembre 2007 aussi longtemps que l'inspecteur du travail n'aura pas autorisé le licenciement de Jean-Paul X... ou que celui-ci n'aura pas accepté de nouvelles conditions de travail ;
ALORS QUE l'accomplissement d'heures supplémentaires dépend exclusivement des besoins de l'entreprise, de sorte que, sauf stipulations particulières du contrat de travail garantissant au salarié un certain volume d'heures supplémentaires, aucun salarié, même protégé, ne dispose d'un droit acquis à en effectuer ; que la Cour d'appel, qui a reproché à l'employeur de ne pas avoir maintenu au profit de M. X... les heures supplémentaires qu'il effectuait, a violé les articles L. 3121-11 et L. 3121-11-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société GROUPE CAYON à payer à M. X... une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et à payer à l'Union locale CGT de Villefranche sur Saône et à l'Union départementale CGT du Rhône la somme de 1.500 € chacune au titre du préjudice subi du fait de l'atteinte aux intérêts collectifs de la profession ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 2141-5 du Code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière de recrutement, de conduite, de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, le seul fait de laisser Jean-Paul X... en situation d'attente d'un poste de travail depuis décembre 2007, compromettant ainsi nécessairement les conditions d'exercice du mandat dont il est titulaire, constitue de la part de la SAS GROUPE CAYON un comportement discriminatoire, l'employeur ne démontrant pas que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; que la SAS GROUPE CAYON ne saurait en effet exciper des refus successifs opposés par le salarié à ses propositions, alors qu'elle n'a saisi l'autorité administrative d'aucune demande d'autorisation de licenciement ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient au juge de caractériser en quoi les faits invoqués par le salarié qui se prétend victime d'une discrimination sont de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a seulement énoncé que la situation d'attente dans laquelle se trouvait M. X... depuis le mois de décembre 2007 compromettait « nécessairement » les conditions d'exercice de son mandat, n'a pas caractérisé en quoi cette mesure était de nature à laisser supposer l'existence d'une rupture d'égalité au préjudice de M. X... ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond, qui sont tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en énonçant que la situation d'attente dans laquelle se trouvait M. X... depuis le mois de décembre 2007 compromettait « nécessairement » les conditions d'exercice de son mandat, sans expliquer en quoi, ni assortir sa décision de la moindre constatation de fait susceptible de l'étayer, la Cour d'appel, qui a statué par voie d'affirmation, a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'aucune discrimination n'existe lorsque la pratique prétendument discriminatoire repose sur des critères objectifs, extérieurs à toute notion de discrimination ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir fourni de poste au salarié depuis décembre 2007, quand il résulte de ses propres constatations que cette situation était uniquement due au fait que M. X... avait, depuis cette date, refusé toutes les affectations qui lui avaient été proposées, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'une mesure protectrice des intérêts du salarié ne saurait être constitutive d'une discrimination ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre une procédure de licenciement quand une telle attitude était à l'évidence protectrice des intérêts de M. X..., la Cour d'appel a derechef violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27109
Date de la décision : 11/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jan. 2012, pourvoi n°10-27109


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27109
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