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11/01/2012 | FRANCE | N°10-20472

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 janvier 2012, 10-20472


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 mai 2010), que M. X..., engagé le 27 novembre 2001 par la société Securitas France en qualité d'agent de surveillance, a été licencié pour faute grave le 18 avril 2006 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de demande en paiement d'indemnités de rupture ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes

à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que nul ne peut se...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 mai 2010), que M. X..., engagé le 27 novembre 2001 par la société Securitas France en qualité d'agent de surveillance, a été licencié pour faute grave le 18 avril 2006 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de demande en paiement d'indemnités de rupture ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que, dans ses écritures d'appel, M. X... contestait avoir refusé d'accomplir une ronde de vérification des extincteurs le 26 mars 2006, aucune demande en ce sens ne lui ayant été adressée par sa hiérarchie ce soir-là ; que, pour décider néanmoins que la réalité du grief ainsi invoqué par la société Securitas France dans la lettre de licenciement était établie, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'attestation rédigée par M. Y..., selon laquelle M. X... aurait refusé d'obéir à l'ordre qu'il lui avait donné en ce sens tout en se moquant de lui ; qu'en statuant ainsi, alors que le seul élément de preuve ainsi retenu émanait d'un représentant de l'employeur, supérieur hiérarchique direct de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que selon M. X..., la ronde de vérification des extincteurs du 18 mars 2006 lui avait été imposée en rétorsion d'une protestation qu'il avait émise, après qu'il lui a été demandé de cesser de consulter ses cours entre deux rondes de surveillance ; que M. X... ajoutait à cet égard que toute mission programmée de vérification des extincteurs devait être visée dans une main courante, qu'elle ait ou non été menée à bien, de sorte qu'il pouvait aisément être vérifié qu'aucune ronde concernant les extincteurs n'était prévue le 18 mars 2006 ; qu'en se bornant dès lors à dire que M. X... n'établissait pas que les ordres d'accomplir cette ronde seraient des indices du harcèlement moral dont il aurait été la victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques, sans rechercher si la mission du 18 mars 2006 était bien programmée et, dans la négative, sans s'interroger sur les raisons qui avaient motivé la hiérarchie de M. X... à lui imposer subitement une telle tâche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
3°/ que dans ses écritures d'appel, M. X... soulignait que, selon les protocoles établis par la société Securitas France, les missions de vérifications des extincteurs ne pouvaient être effectuées de nuit par un travailleur isolé si celui-ci n'était pas équipé d'un poste "PTI", permettant notamment la transmission d'une alerte en cas de perte de verticalité de l'agent de surveillance ; qu'il citait à cet égard les propos tenus par M. Z..., chef de poste du service sécurité incendie, et de l'un de ses supérieurs hiérarchiques, M. A..., ce dernier ayant reconnu que le nombre de postes "PTI" était insuffisant sur le site, de sorte que les missions de vérification des extincteurs n'étaient jamais accomplies de nuit ; qu'en jugeant dès lors que M. X... ne rapportait pas la preuve que les rondes litigieuses auraient pu le conduire dans des lieux où il n'aurait pas pu être secouru à bref délai, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne se déduisait pas nécessairement des normes de sécurité précitées que les opérations de vérification des extincteurs, telles qu'elles étaient exigées du salarié, comportaient un risque pour sa sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3 et R. 4512-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement l'ensemble des éléments de preuve et sans être tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et d'effectuer les recherches que ses constatations rendaient inopérantes, la cour d'appel a retenu que le salarié avait refusé, à deux reprises, d'accomplir ses tâches de vérification des extincteurs et provoqué des fortes tensions dans l'entreprise; qu'elle a pu en déduire que ce comportement d'insubordination s'il ne caractérisait pas une faute grave, constituait une faute et, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, décider que le licenciement n'était pas dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR en conséquence de la demande tendant à la condamnation de la société employeuse à lui verser des indemnités au titre de son licenciement non causé.
AUX MOTIFS QU'il convient d'examiner successivement les griefs invoqués par l'employeur à rencontre du salarié dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que, sur le grief tiré de "l'incapacité à assumer les obligations essentielles du poste et qui s'opposent à la réalisation d'un travail de qualité et au respect des consignes définies avec le client" ; que ce grief est imprécis et objectivement invérifiable de sorte qu'il doit être écarté d'emblée ; que, sur le grief tiré du refus d'exécuter des missions de surveillance les 18 et 26 mars 2006, il est constant que, dans la nuit du 18 au 19 mars 2006, Monsieur X... a refuse d'exécuter l'ordre que lui avait donné son supérieur hiérarchique de procéder à une ronde de vérification des extincteurs du parlement européen ; que ce refus a débouché sur un incident violent avec son supérieur hiérarchique, Monsieur A... ; que la réalité du refus d'exécuter une ronde de même nature le 26 mars 2006 est établie par le témoignage de Monsieur Etienne Y... qui relate ce qui suit : "le 26/03/2006, j'ai demandé à M. X... de vérifier les extincteurs en hémicycle. M. X... s'est moqué de moi en refusant de faire ce que je lui demandais. Il m'a dit qu'il était intouchable. Manifestement, il se moquait de mon autorité et m'a dit que je n'avais qu'à faire un rapport" ; que ce grief a donc un caractère réel ; que par ailleurs il ressort du témoignage susvisé de Monsieur Etienne Y... ainsi que de celui de Monsieur Daniel C..., que les deux refus d'exécuter ces missions ont été exprimées en des termes insolents et provocateurs par le salarié ; que Monsieur Daniel C... relate, au sujet de l'incident du 18 mars 2006 : "j'ai été choqué par la réponse de M. X... qui a refusé et qui a été très vulgaire en se moquant littéralement de son chef d'équipe en lui disant « j'en ai rien à foutre, fais moi un rapport »" ; que ces témoignages sont concordants, précis et circonstanciés et il n'est pas démontré de circonstances de nature à suspecter leur sincérité ; que de plus le salarié n'a fourni sur le champs aucune explication à ces refus successifs ; que ce n'est qu'a posteriori que son conseil a soulevé le fait que les rondes qu'il devait accomplir ne respectaient pas les dispositions de l'article R.4512-13 du Code du travail ; que toutefois le salarié n'apporte pas la preuve que les rondes litigieuses auraient pu le conduire dans des lieux, où il n'aurait pas pu être secouru à bref délai en cas d'accident, ce qui l'aurait placé en situation de danger ; que par ailleurs il n'établit pas plus que les ordres d'accomplir ces rondes seraient des indices du harcèlement moral dont il aurait été la victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques ; qu'il est constant que Monsieur X... était affecté à un service de surveillance contre l'incendie et l'injonction d'accomplir des rondes de vérification des extincteurs relevait de ses fonctions, n'entraînait ni dégradation de ses conditions de travail ni atteinte à ses droits et à sa dignité ni altération de sa santé physique ou mentale ni compromission de son avenir professionnel ; qu'en outre l'incident violent qui l'a opposé à Monsieur A... est un fait isolé qui, à défaut d'être conforté par d'autres éléments, est insuffisant pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral qui suppose que le salarié établisse au préalable l'existence de faits répétés constituant autant d'indices d'un tel harcèlement ; que de surcroît cet incident trouve sa source dans le comportement de Monsieur X... qui ne saurait en tirer avantage à l'appui d'une allégation de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'il ne pouvait pas plus justifier un refus d'accomplir une nouvelle ronde de vérification des extincteurs le 26 mars 2006 ; que le comportement du salarié qui a refusé d'accomplir deux rondes à huit jours d'intervalles sans motifs valables et, qui plus est, d'une manière provocatrice génératrice de fortes tensions dans l'entreprise, justifiait la rupture du contrat de travail à ses torts ;
ALORS, d'une part, QUE nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que, dans ses écritures d'appel (p. 17), Monsieur X... contestait avoir refusé d'accomplir une ronde de vérification des extincteurs le 26 mars 2006, aucune demande en ce sens ne lui ayant été adressée par sa hiérarchie ce soir-là ; que, pour décider néanmoins que la réalité du grief ainsi invoqué par la société SECURITAS FRANCE dans la lettre de licenciement était établie, la Cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'attestation rédigée par Monsieur Y..., selon laquelle Monsieur X... aurait refusé d'obéir à l'ordre qu'il lui avait donné en ce sens tout en se moquant de lui ; qu'en statuant ainsi, alors que le seul élément de preuve ainsi retenu émanait d'un représentant de l'employeur, supérieur hiérarchique direct de Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE, selon Monsieur X... (pp. 13 à 15 de ses écritures), la ronde de vérification des extincteurs du 18 mars 2006 lui avait été imposée en rétorsion d'une protestation qu'il avait émise, après qu'il lui a été demandé de cesser de consulter ses cours entre deux rondes de surveillance ; que Monsieur X... ajoutait à cet égard que toute mission programmée de vérification des extincteurs devait être visée dans une main courante, qu'elle ait ou non été menée à bien, de sorte qu'il pouvait aisément être vérifié qu'aucune ronde concernant les extincteurs n'était prévue le 18 mars 2006 ; qu'en se bornant dès lors à dire que Monsieur X... n'établissait pas que les ordres d'accomplir cette ronde seraient des indices du harcèlement moral dont il aurait été la victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques, sans rechercher si la mission du 18 mars 2006 était bien programmée et, dans la négative, sans s'interroger sur les raisons qui avaient motivé la hiérarchie de Monsieur X... à lui imposer subitement une telle tâche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1235-3 du Code du travail ;
ALORS, enfin, QUE dans ses écritures d'appel (p.16), Monsieur X... soulignait que, selon les protocoles établis par la société SECURITAS FRANCE, les missions de vérifications des extincteurs ne pouvaient être effectuées de nuit par un travailleur isolé si celui-ci n'était pas équipé d'un poste « PTI », permettant notamment la transmission d'une alerte en cas de perte de verticalité de l'agent de surveillance ; qu'il citait à cet égard les propos tenus par Monsieur Z..., chef de poste du service sécurité incendie, et de l'un de ses supérieurs hiérarchiques, Monsieur A..., ce dernier ayant reconnu que le nombre de postes « PTI » était insuffisant sur le site, de sorte que les missions de vérification des extincteurs n'étaient jamais accomplies de nuit ; qu'en jugeant dès lors que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve que les rondes litigieuses auraient pu le conduire dans des lieux où il n'aurait pas pu être secouru à bref délai, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne se déduisait pas nécessairement des normes de sécurité précitées que les opérations de vérification des extincteurs, telles qu'elles étaient exigées du salarié, comportaient un risque pour sa sécurité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1235-3 et R.4512-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-20472
Date de la décision : 11/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 11 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jan. 2012, pourvoi n°10-20472


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.20472
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