La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2012 | FRANCE | N°10-19438

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 janvier 2012, 10-19438


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc., 1er juillet 2009, n° 07-43. 328), que M. X... a été engagé le 6 septembre 1984 en qualité d'agent technique principal par la société Comsip aux droits de laquelle se trouve la société Cegelec ; que nommé le 1er janvier 1996, au Bureau d'études et travaux (BET) avec la qualification d'ingénieur, position B 1, catégorie 1, coefficient 90 pour exercer des fonctions de " chef de groupe contrôle commande ", il s'est vu confier à partir du 4

mars 1998, le poste d'ingénieur réseau au sein du BET avec la même q...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc., 1er juillet 2009, n° 07-43. 328), que M. X... a été engagé le 6 septembre 1984 en qualité d'agent technique principal par la société Comsip aux droits de laquelle se trouve la société Cegelec ; que nommé le 1er janvier 1996, au Bureau d'études et travaux (BET) avec la qualification d'ingénieur, position B 1, catégorie 1, coefficient 90 pour exercer des fonctions de " chef de groupe contrôle commande ", il s'est vu confier à partir du 4 mars 1998, le poste d'ingénieur réseau au sein du BET avec la même qualification ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de rappel de salaires en faisant valoir que certains de ses collègues ingénieurs percevaient une rémunération supérieure à la sienne ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu le principe " à travail égal, salaire égal " ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt énonce que la comparaison avec M. Y... révèle que ce dernier a accédé, en 2001, au statut de cadre technique B 1. 1 coefficient 90 au salaire de 38 259, 9 euros alors qu'à la même époque M. X..., au même coefficient, percevait seulement 30 733 euros ; qu'il en a été de même en 2002 où, quoique au coefficient 95, M. X... a perçu un salaire de 31 074 euros pendant que M. Y..., au coefficient 90 touchait 39 177 euros, tout en restant positionné en B1 1 ; que toutefois en 2002, quoique plus jeune, 45 ans, M. Y..., qui avait suivi la promotion interne, avait plus d'ancienneté, 25 ans, alors que M. X..., âgé de 56 ans, n'en avait à la même époque que 18 ; qu'une telle différence a pu justifier une inégalité des salaires dès lors qu'il résulte de l'examen des bulletins de salaires délivrés à l'un et à l'autre pour la période 1997-2009, que l'employeur ne leur a pas versé de prime d'ancienneté ;
Attendu cependant que si l'ancienneté, lorsqu'elle est intégrée dans le salaire de base, constitue un élément objectif pouvant justifier une différence de rémunération, il incombe au juge de vérifier si elle justifie la différence de rémunération constatée ;
Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans procéder à cette vérification alors que le salarié faisait valoir qu'il percevait comme son collègue avant son passage au statut d'ingénieur et avant son intégration dans le salaire de base, une prime d'ancienneté de 15 %, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu " le principe à travail égal, salaire égal " ;
Attendu que pour débouter le salarié, l'arrêt énonce encore qu'au regard du critère d'ancienneté et à égalité de classification B1, ou de titre, " ingénieur ", M. X... âgé de 56 ans avec dix-huit ans d'ancienneté dans l'entreprise, percevait en avril 2002 un salaire de 2 586 euros, alors que M. Z..., Mme A... et M. B..., respectivement âgés de 31, 40 et 55 ans et bénéficiant d'une ancienneté respective de deux, six et trois ans, percevaient un salaire de 2 694 euros, 2 896 euros et 3 117 euros ; qu'en octobre 2003, si M. X... recevait un salaire de 2 623 euros, ces trois personnes progressaient plus vite et gagnaient 2 878 euros, 3 069 euros et 3 241 euros, la différence ne faisant que s'accroître en octobre 2004 ; que, toutefois, cette comparaison n'est pas pertinente car si l'ancienneté dans l'entreprise était inférieure à celle de M. X..., leur expérience professionnelle en qualité d'ingénieur était supérieure, six ans pour ce dernier, sept ans pour M. Z..., quatorze ans pour Mme A... et vingt-huit ans pour M. B... ; qu'ainsi, l'inégalité des salaires se trouve justifiée par des éléments objectifs ;

Attendu cependant que l'expérience professionnelle acquise auprès d'un précédent employeur ne peut justifier une différence de salaire qu'au moment de l'embauche et pour autant qu'elle est en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'expérience professionnelle des salariés avec lesquels M. X... se comparait, était inopérante pour justifier la progression salariale plus rapide de ces salariés la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2010, entre les parties, par la chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France à Cayenne ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne ;
Condamne la société Cegelec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cegelec à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé qu'il n'existait pas d'inégalité de traitement entre Monsieur X... et ses collègues, d'AVOIR en conséquence débouté Monsieur X... de ses demandes de rappel de salaire à ce titre et d'AVOIR limité la condamnation de l'employeur au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la somme de 1. 200 euros.
AUX MOTIFS QUE M. X... a été engagé le 6 septembre 1984 en qualité de technicien de mesures physiques sur la base spatiale de KOUROU par la société COMSIP, aux droits de laquelle vient la société CEGELEC SPACE ; qu'ayant bénéficié d'un congé individuel de formation à l'issue duquel il a obtenu un DESS de productique et automatique industrielle, il a été affecté à compter du 1er janvier 1996 au laboratoire mesures physiques au Bureau d'Etudes et de Travaux en qualité de chef de groupe contrôle commande avec la qualification d'ingénieur position B1 catégorie 1 coefficient 90 ; qu'à compter du 4 mars 1998, il a été nommé ingénieur réseau, expert en protection foudre, et n'a plus assumé de rôle d'encadrement ; qu'à ce jour, il exerce dans l'entreprise dans les mêmes fonctions ; que depuis 1998, M. X... exerce le poste d'ingénieur réseau dont la fiche de poste indique qu'il a le même niveau qu'un chef de groupe ; qu'en outre, la définition du niveau cadre B1 donnée par la convention collective ne mentionne pas parmi ses critères d'attribution l'encadrement du personnel ; qu'enfin, diverses fiches d'intervention établies par la société CEGELEC durant les années 2004-2005 attribuent à M. X... la double qualité de chargé d'affaires et de chef de groupe, sans réaction de la Direction ; que la comparaison avec le salaire de M. Y... révèle que ce dernier est entré sur site de KOUROU en 1998 sous la classification ATP 2 EP 6 et, dès l'année 2001, a accédé au statut de technique B 1. 1 coefficient 90 au salaire de 38. 259, 9 euros alors qu'à la même époque M. X... au même coefficient percevait seulement 30. 733 euros ; qu'il en a été de même en 2002 où, quoique au coefficient 95, M. X... a perçu un salaire de 31. 074 euros pendant que M. Y... au coefficient 90 touchait 39. 177 euros, tout en restant positionné en B1 1 et non B2 comme l'indiquent les écritures de l'intimé ; que toutefois en 2002, quoique plus jeune, 45 ans, M. Y..., qui avait suivi la promotion interne, avait plus d'expérience professionnelle, 25 ans, alors que M. X..., âgé de 56 ans. n'en avait à la même époque que 18 ; qu'une telle différence a pu justifier une inégalité des salaires dès lors qu'à l'examen des bulletins de salaires délivrés à l'un et à l'autre pour la période 1997-2009, l'employeur ne leur a pas versé de prime d'ancienneté ; qu'au regard de ce critère d'ancienneté et à égalité de classification B1, ou de titre, " ingénieur ", M. X... âgé de 56 ans avec 18 ans d'ancienneté dans l'entreprise percevait en avril 2002, un salaire de 2586 euros, alors que Messieurs. Z..., Mme A... et M. B... respectivement âgés de 31, 40 et 55 ans et bénéficiant d'une ancienneté respective de 2, 6 et 3 ans, percevaient un salaire de 2694 euros, 2896 euros et 3. 117 euros ; qu'en octobre 2003, si M. X... recevait un salaire de 2. 623 euros, ces trois personnes progressaient plus vite et gagnaient 2. 878 euros, 3. 069 euros et 3241 euros, la différence ne faisant que s'accroître en octobre 2004 ; que, toutefois, cette comparaison n'est pas plus pertinente car si l'ancienneté dans l'entreprise était inférieure à celle de M. X..., leur expérience professionnelle en qualité d'ingénieur était supérieure, 6 ans pour ce dernier, 7 ans pour Monsieur Z..., 14 ans pour Mme A..., et 28 ans pour M. B... ; qu'ainsi, l'inégalité des salaires se trouve justifiée par des éléments objectifs ; qu'à titre subsidiaire, M. X... demande à la cour d'enjoindre à la société CEGELEC SPACE de communiquer pour les années 1997 à 2009 la moyenne des rémunérations des salariés par niveau de classification dans les établissements de KOUROU ; qu'une telle demande n'est pas pertinente car l'inégalité dans la rémunération doit s'analyser non point par rapport à tous les autres salariés de l'entreprise mais par rapport à ceux exerçant des fonctions identiques ou similaires et selon leur niveau de compétence professionnelle.
ALORS d'une part QU'en vertu du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés occupant des fonctions identiques ; que l'ancienneté dans les fonctions ou dans l'entreprise peut justifier une différence de traitement entre les salariés ; qu'en l'espèce, Monsieur X... avait soutenu que Monsieur Y..., promu en 2000 aux fonctions de cadre technique, niveau B1, percevait une rémunération supérieure à la sienne de près de 750 euros par mois ; que, pour juger de la différence de traitement, la Cour d'appel a estimé que l'expérience professionnelle de Monsieur Y..., de 25 ans contre 18 ans pour Monsieur X..., justifiait une inégalité salariale ; qu'en statuant de la sorte, sans examiner la question de l'ancienneté dans les fonctions des deux salariés, comme elle y était pourtant invitée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié la règle « à travail égal, salaire égal » énoncée par les articles L. 2261-22 II 4 et L. 2271-1 8° du Code du travail.
ALORS en tout état de cause à cet égard QU'en retenant, pour la comparaison avec Monsieur Y..., le critère de l'expérience professionnelle, tandis que pour la comparaison avec Messieurs Z... et B... et Madame A..., c'est celui de l'expérience professionnelle en qualité d'ingénieur qui a été retenue, la Cour d'appel a statué par des motifs à tout le moins contradictoires, en violation de la règle « à travail égal, salaire égal » énoncée par les articles L. 2261-22 II 4 et L. 2271-1 8° du Code du travail.
ALORS encore QUE l'ancienneté ne peut être prise en considération pour justifier une différence de traitement que lorsqu'elle n'est pas déjà prise en compte par le versement d'une prime ; que Monsieur X... avait fait valoir qu'il bénéficiait comme Monsieur Y... une prime d'ancienneté plafonnée à 15 % avant son passage au statut d'ingénieur ; qu'en énonçant qu'il ressortait des salaires de Messieurs X... et Y... que l'employeur ne leur avait pas versé de prime, sans examiner la période antérieure, alors même qu'elle y était invitée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe « à travail égal, salaire égal » énoncé dans les articles L. 2261-22 II 4 et L. 2271-1 8° du Code du travail.
ALORS en tout cas à cet égard QUE la Cour d'appel a constaté qu'en 2002, à qualification équivalente, le salaire de Monsieur X... était que ceux de Messieurs B..., Z... et Madame A..., qu'en octobre 2003, les trois salariés avaient progressé plus vite que lui et que toute différence n'avait fait que s'accroitre en octobre 2004 ; qu'en écartant la disparité de traitement, au motif que leur expérience professionnelle en qualité d'ingénieur était plus grande que celle de Monsieur X..., alors que ce critère de justification était inopérant pour expliquer la progression salariale plus rapide au sein d'une même fonction, la Cour d'appel a statué par des motifs erronés, en violation de la règle « à travail égal, salaire égal » énoncée par les articles L. 2261-22 II 4 et L. 2271-1 8° du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes d'attribution du salaire moyen de la catégorie B2 à compter du 1er octobre 2009 et d'AVOIR limité la condamnation de l'employeur au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la somme de 1. 200 euros.
AUX MOTIFS QUE l'accord collectif interentreprises du 3 mai 2006, chapitre 9, prévoit que les ingénieurs et cadres ayant au moins 9 ans d'expérience professionnelle sont placés au niveau 120 et touchent un traitement brut de 2. 653, 20 euros ; qu'à cette époque, M. X... à perçu an salaire de 2. 730 euros qui était conforme à cette rémunération ; qu'en date du 8 juillet 2006, CEGELEC SPACE a signé avec les organisations syndicales un protocole d'accord dans lequel elle s'est engagée à appliquer volontairement à l'ensemble de ses salariés la convention collective des travaux publics et a annexé à ce document une grille de translation des classifications des ingénieurs I. A. C. de la CCN des TP avec la grille des niveaux et échelons de la convention de site ; qu'il en résulte que les ingénieurs de niveau 2 coefficient 120 sont classés B2 selon la convention collective des TP, le texte précisant que pour les niveaux 1 et 2 de la convention de site, les années d'expérience professionnelle sont prises en compte telles qu'elles y sont définies dans la grille des minima ; qu'aux termes de la convention de site telle que révisée en mai 2008, il devait avec 12 ans d'expérience professionnelle bénéficier du coefficient 125 et percevoir un salaire de 2. 848, 92 euros ; que M. X... doit être reclassé au niveau B2 non point à compter du 1er janvier 2006, mais à partir du 1er août 2006 et, comme il le sollicite dans ses écritures reprises à l'audience, bénéficier d'un rappel de salaire de 2, 92 euros par mois à compter du 1er janvier 2009, puisque durant cette année là, il a reçu un salaire de 2. 846 euros au lieu de 2. 848, 92 € ; qu'il convient de condamner la société CEGELEC SPACE à lui verser un rappel de salaire de 26, 28 euros, outre 2, 63 euros de congés payés pour la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2009 ; que, par contre, tout en prétendant au salaire moyen de classification à compter du 1er octobre 2009, M. X... ne donne aucun exemple chiffré des rémunérations versées aux salariés de niveau B2 ; qu'étant tenu par la charge de la preuve, il sera débouté de cette demande.
ALORS QUE lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en l'espèce, pour refuser à Monsieur X... un rappel de salaire pour la période à compter du 1er octobre 2009, la Cour d'appel a constaté que sa demande n'était pas chiffrée et l'a débouté, au motif qu'il était tenu par la charge de la preuve ; en statuant de la sorte, alors qu'au contraire la charge et le risque de la preuve lui incombaient, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France à Cayenne, 08 février 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 11 jan. 2012, pourvoi n°10-19438

RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 11/01/2012
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10-19438
Numéro NOR : JURITEXT000025156612 ?
Numéro d'affaire : 10-19438
Numéro de décision : 51200173
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-01-11;10.19438 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award