LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 février 2010) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 12 mai 2009 n° 08-40. 283) que M. X... a été engagé, le 1er janvier 1990, par la société A Plus devenue la société SV et GM en qualité de consultant avec le statut d'associé ; qu'en 1999, la société SV et GM est devenue une filiale de la société C et L Conseil, devenue Price Waterhouse Coopers Consultants (PWC Consultants) et de la société Price Waterhouse Coopers Conseil (PWC Conseil) ; que licencié le 16 septembre 2002, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses indemnités et de dommages-intérêts en dirigeant ses demandes tant contre la société SV et GM que contre d'une part, la société PWC Consultants, dont il prétendait qu'elle était son co-employeur et d'autre part, la société IBM France, co-responsable de son licenciement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande à l'encontre de la société Pwc Consultants alors, selon le moyen, que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'existence d'un contrat de travail écrit conclu avec une société appartenant à un groupe ne constitue pas en soi un obstacle à ce qu'une autre société du groupe acquière la qualité de co-employeur dès lors que ce salarié déploie son activité pour son compte dans un rapport de subordination ; qu'en le déboutant de sa demande tendant à voir reconnaître la qualité de co-employeur à la société PWC Consultants au motif, inopérant, de l'absence de rupture du lien salarial de droit l'unissant à une autre société du même groupe à laquelle ses activités étaient, selon ses propres constatations, " intimement liées ", sans rechercher en fait, à partir des différents éléments produits par le salarié si cette société, qui lui avait consenti une délégation de pouvoirs en cours au moment de son licenciement, qui lui donnait directement des instructions et directives et procédait enfin à son évaluation professionnelle, n'avait pas exercé sur lui les prérogatives d'un employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que M. X... était demeuré sous la subordination juridique de la seule société SV et GM durant sa mise à disposition au sein de la société PWC Consultants ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre la société IBM alors, selon le moyen, que lorsque le cessionnaire d'une entreprise ou d'une branche d'activité formant une entité économique autonome a, faisant obstacle à l'application des règles d'ordre public du droit du travail, subordonné son offre de reprise au licenciement de certains salariés, il est responsable, au même titre que le cédant du ou des licenciements prononcés par ce dernier, peu important qu'il ait ou non désigné nominativement les salariés victimes, et doit en conséquence les indemniser du préjudice subi à ce titre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté, à l'appui de sa décision déclarant dépourvu de cause réelle et sérieuse son licenciement, qu'il " est clairement établi que la société IBM France a conditionné son offre de reprise de SV et GM au départ de certains salariés ", circonstance qui constituait le motif exclusif énoncé par SV et GM dans la lettre de licenciement ; qu'il en résultait que son licenciement, ainsi prononcé en violation des règles d'ordre public applicables, était sans effet et qu'il pouvait demander l'indemnisation de son préjudice à la société IBM France, coresponsable de la perte de son emploi ; qu'en le déboutant de cette demande aux termes de motifs, inopérants, pris de ce que la société IBM France n'aurait pas eu la qualité de co-employeur ni pris l'initiative de son licenciement, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1224-1 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que si la société IBM France avait conditionné son offre de reprise au départ des salariés les moins performants, elle n'avait toutefois pas participé à la phase d'évaluation des compétences des salariés de la société SV et GM devenue Pwc Investissements, laquelle avait mis en oeuvre, seule, les procédures de licenciement selon les critères qu'elle avait fixés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à la société PWC Investissements qui vient aux droits de la Société SV et GM la somme de 367 937 euros à titre d'avance sur salaire non régularisée alors, selon le moyen :
1°/ qu'en énonçant que l'engagement qu'il a pris le 25 mars 1999 de voir diminuer sa rémunération annuelle d'un montant de 42 050 euros pendant 10 ans aurait pour cause un " surprix de cession des actions ", la cour d'appel a dénaturé cet acte clair et précis, qui n'énonçait nullement une telle cause, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les conventions légalement formées n'engagent les parties qu'à ce qui y a été exprimé ; qu'en l'espèce, l'acte du 25 mars 1999 autorisait exclusivement pendant douze ans un prélèvement annuel sur son salaire et ne prévoyait aucun paiement en cas de rupture anticipée du contrat de travail à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, liant ainsi le paiement consenti à la pérennité du contrat de travail ; qu'en le condamnant en constatant par ailleurs que son contrat avait été abusivement rompu par l'employeur, au paiement d'un capital représentant la totalité des prélèvements susceptibles d'être opérés sur son salaire pendant la durée prévue la cour d'appel a violé derechef l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation rendue nécessaire par les différentes stipulations contractuelles que les juges du fond ont estimé que le salarié avait accepté une diminution de sa rémunération en remboursement d'une avance sur salaire dont il avait bénéficié lors de la cession de ses parts ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes dirigées contre la Société PwC Consultants ;
AUX MOTIFS QUE " … Monsieur X... a demandé la condamnation conjointe et solidaire des Sociétés SV et GM, IBM France et PwC Consultants en prétendant que PwC Consultants aurait été son co-employeur de fait et que IBM France aurait été co-décisionnaire de son licenciement et co-employeur ;
QUE (cependant) Monsieur X... a été embauché par la Société SV et GM qui a fixé son salaire ; qu'il a toujours été rémunéré par cette société, y compris pendant la période de mise à disposition temporaire de PwC Consultants dont les activités étaient intimement liées ; que si cette mise à disposition temporaire résulte en effet de la délégation de pouvoirs limitée à sa signature de documents relatifs à la passation de marchés publics et d'une durée temporaire (31 décembre 2001 au 31 décembre 2002), PwC Consultants n'en est pas pour autant devenu l'employeur de Monsieur X..., qui a continué à être sous la subordination de la Société SV et GM comme le confirment son licenciement effectué par cette dernière ainsi que la levée de la clause de non concurrence et le règlement des sommes effectué à titre de solde de tout compte " (arrêt p. 7 §. II) ;
ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'existence d'un contrat de travail écrit conclu avec une société appartenant à un groupe ne constitue pas en soi un obstacle à ce qu'une autre société du groupe acquière la qualité de co-employeur dès lors que ce salarié déploie son activité pour son compte dans un rapport de subordination ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande tendant à voir reconnaître la qualité de co-employeur à la Société PwC Consultants aux motif, inopérant, de l'absence de rupture du lien salarial de droit l'unissant à une autre société du même groupe à laquelle ses activités étaient, selon ses propres constatations, " intimement liées ", sans rechercher en fait, à partir des différents éléments produits par le salarié si cette société, qui lui avait consenti une délégation de pouvoirs en cours au moment de son licenciement, qui lui donnait directement des instructions et directives et procédait enfin à son évaluation professionnelle, n'avait pas exercé sur lui les prérogatives d'un employeur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes dirigées contre la Société IBM ;
AUX MOTIFS QUE " … Monsieur X... a demandé la condamnation conjointe et solidaire des Sociétés SV et GM, IBM France et PwC Consultants en prétendant que PwC Consultants aurait été son co-employeur de fait et que IBM France aurait été co-décisionnaire de son licenciement et co-employeur ;
QUE (cependant) " … la qualité de co-employeur attribuée par Monsieur X... à IBM France, qui doit être déterminée par l'existence d'un lien de subordination dans l'exécution d'une prestation de travail moyennant une rémunération n'est pas mieux établie ; qu'en effet, le simple fait que la Société IBM France ait soumis son offre d'acquisition de la Société SV et GM à la reprise s'associés performants ne suffit pas à créer un lien de subordination juridique entre Monsieur X... et IBM, qui ne peut pas non plus être considéré comme co-décisionnaire du licenciement de ce dernier, les performances de chaque associé de SV et GM ne pouvant en effet être appréciées que par cette société qui était son employeur et avait donc seule la capacité de licencier après avoir mesuré les performances des associés ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur X... en ce qu'il a dit que le lien de subordination entre PwC Consultants et IBM France et ce dernier n'était pas suffisamment caractérisé pour leur donner la qualité de co-employeur " (arrêt p. 7 §. II) ;
ALORS QUE lorsque le cessionnaire d'une entreprise ou d'une branche d'activité formant une entité économique autonome a, faisant obstacle à l'application des règles d'ordre public du droit du travail, subordonné son offre de reprise au licenciement de certains salariés, il est responsable, au même titre que le cédant du ou des licenciements prononcés par ce dernier, peu important qu'il ait ou non désigné nominativement les salariés victimes, et doit en conséquence les indemniser du préjudice subi à ce titre ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté, à l'appui de sa décision déclarant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur X..., " qu'il est clairement établi que la Société IBM France a conditionné son offre de reprise de SV et GM au départ de certains salariés " (arrêt p. 9 alinéa 5), circonstance qui constituait le motif exclusif énoncé par SV et GM dans la lettre de licenciement (arrêt p. 2 alinéa 7) ; qu'il en résultait que le licenciement de Monsieur X..., ainsi prononcé en violation des règles d'ordre public applicables, était sans effet et que Monsieur X... pouvait demander l'indemnisation de son préjudice à la Société IBM, coresponsable de la perte de son emploi ; qu'en le déboutant de cette demande aux termes de motifs, inopérants, pris de ce que la Société IBM n'aurait pas eu la qualité de co-employeur ni pris l'initiative de son licenciement la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquence légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1224-1 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à " rembourser à la SAS PWC Investissements qui vient aux droits de la Société SV et GM la somme de 367 937 € à titre d'avance sur salaire non régularisée " ;
AUX MOTIFS QUE " … la lettre en date du 25 mars 1999 signée par Monsieur Yves X... était libellée dans les termes suivants : le montant de ma rémunération globale brute telle que définie dans la lettre du 25 mars 1999 que m'a adressée la Société SV et GM et dont une copie est jointe aux suivantes soit diminué annuellement du 1er juillet 1999 au 30 juin 2010 et prorata temporis pour la période du 1er avril au 30 juin 1999 et pour la période du 1er juillet 2010 au 31 mars 2011 d'un montant (ci-après M) égal à M – 50 % du " prix de cession " 12 " ;
QU'il en résulte que Monsieur Yves X... avait accepté la diminution de sa rémunération à hauteur d'un montant annuel de 42 050 € de 1999 à 2010 en remboursement d'une avance sur salaire de 504 606 € liée au surprix de cession dont il avait bénéficié en vendant ses parts SV et GM à PwC Consultants ;
QU'il est établi que Monsieur Yves X... n'avait pas remboursé à la Société SV et GM la totalité de l'avance ainsi consentie ; qu'il restait redevable de la somme de 367 937 €, la créance devenant exigible lors de la rupture du contrat de travail ; que dès lors il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef " ;
1°) ALORS QU'en énonçant que l'engagement pris par Monsieur X... le 25 mars 1999 de voir diminuer sa rémunération annuelle d'un montant de 42 050 € pendant 10 ans aurait pour cause un " surprix de cession des actions ", la Cour d'appel a dénaturé cet acte clair et précis, qui n'énonçait nullement une telle cause, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS en outre QUE les conventions légalement formées n'engagent les parties qu'à ce qui y a été exprimé ; qu'en l'espèce, l'acte du 25 mars 1999 autorisait exclusivement pendant douze ans un prélèvement annuel sur le salaire de Monsieur X..., et ne prévoyait aucun paiement en cas de rupture anticipée du contrat de travail à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, liant ainsi le paiement consenti à la pérennité du contrat de travail ; qu'en condamnant Monsieur X..., dont elle constatait par ailleurs que le contrat avait été abusivement rompu par l'employeur, au paiement d'un capital représentant la totalité des prélèvements susceptibles d'être opérés sur son salaire pendant la durée prévue la Cour d'appel a violé derechef l'article 1134 du Code civil.