LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 61 du décret-loi du 17 juin 1938 modifié relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les difficultés concernant la caisse générale de prévoyance des marins autres que celles résultant de l'application de son article 3 ou prévues par ses articles 38 bis, 57 et 58 sont soumises aux juridictions compétentes en matière de sécurité sociale sans saisine préalable d'une commission de recours amiable dont l'établissement public qui gère cette caisse n'est pas pourvu ;
Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort, quoiqu'improprement qualifié de jugement en premier ressort, que la clinique Saint-Michel (la clinique) a fait l'objet à l'initiative de l'agence régionale d'hospitalisation d'un contrôle sur site du 21 au 23 novembre 2006, à la suite duquel l'Établissement national des invalides de la marine (l'ENIM) lui a notifié un indu quant à la facturation d'un acte, suivi de mises en demeure de rembourser ; que la société a contesté cette demande devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour déclarer irrégulière la procédure de recouvrement engagée par l'ENIM et l'annuler, le jugement énonce que la circonstance que cet établissement public soit dépourvu de commission de recours amiable contrevient nécessairement aux garanties prévues par le législateur concernant les procédures de répétition de l'indu ;
Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 septembre 2010, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Marseille ;
Condamne la clinique Saint-Michel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la clinique Saint-Michel à payer à l'Établissement national des invalides de la marine la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour l'Etablissement national des invalides de la marine
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'irrégularité de la procédure de répétition d'indu engagée par l'Enim et, en conséquence, de l'avoir annulée ;
Aux motifs que «la requérante invoque à l'appui de sa demande d'annulation un vice de procédure liée à l'absence de commission de recours amiable qui affecterait la régularité de la procédure suivie par l'ENIM dans la mesure où la mise en demeure visait l'article L 133-4 du CSS et la possibilité de saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale en cas de contestation ; qu'il est incontestable que l'action de I'Enim contestée par la Clinique SAINT-MICHEL trouve son fondement dans les dispositions de l'article L 133-4 du Code de la Sécurité Sociale aux termes duquel «en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation des actes, prestations et produits (...) relevant des dispositions des articles (...) L 162-22-6 (....) l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès (...) de l'établissement à l'origine du non respect de ces règles. L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire le cas échéant leurs observations. En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois, la mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification. Elle comporte une majoration de 10% du montant des sommes réclamées non réglées à la date de son envoi» ; que l'article R 133-9-1 du Code de la Sécurité sociale précise que «la notification de payer prévue à l'article L 133-4 (…) précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement (…) mentionne l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées (…) elle informe ce dernier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il sera mis en demeure de payer l'indu avec une majoration de 10%, dans ce même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie ainsi que le délai de saisine de la commission de recours amiable prévu à l'article R 142-1» ; qu'en l'espèce l'ENIM soutient que la saisine de commission de recours amiable qui n'existe pas serait donc impossible sans que cela contrevienne aux droits du défendeur ; qu'il est cependant constant que la Clinique Saint-Michel n'a pas été mise en demeure de faire valoir ses observations dans les conditions posées par l'article R 133-9-1 du CSS ; qu'il est alors incontestable que la requérante a effectivement perdu un stade de discussion prévu par ledit article, ce qui porte atteinte au respect du contradictoire et est nécessairement constitutif d'un grief ayant par là même viciée la procédure de recouvrement engagé par l'ENIM ainsi que tous les actes subséquents ; qu'en effet il est établi par la jurisprudence que la perte d'un stade de discussion doit être sanctionné ; que la saisine de la commission de recours amiable est obligatoire et qu'à défaut, le recours devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale est frappé d'une fin de non recevoir dont le caractère d'ordre public impose au juge de la relever d'office ; que les circonstances que l'ENIM soit dépourvue de commission de recours amiable contrevient nécessairement aux garanties prévues par le législateur concernant les procédures de répétition de l'indu engagées par la caisse ; qu'il résulte de l'ensemble de ces motifs que la procédure de recouvrement engagée par l'ENIM est irrégulière et doit être annulée» ;
Alors, d'une part, qu'en application de l'article 61 du décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins, les recours contre les décisions de l'Enim relatives à l'application du régime spécial de sécurité sociale des marins sont soumis aux juridictions compétentes en matière de sécurité sociale ; que la commission de recours amiable prévue par l'article L. 142-1 du Code de la sécurité sociale, simple émanation du conseil d'administration de l'organisme de sécurité sociale concerné, n'ayant pas le caractère d'une juridiction, ces recours doivent donc être portés directement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que par ailleurs, aucun texte ne prévoit ni n'organise la mise en place d'une commission de recours amiable au sein de l'Enim qui, avant l'entrée en vigueur du décret n° 2010-1009 du 30 août 2010, était dépourvu de conseil d'administration ; qu'en conséquence, dès lors qu'aucune commission de recours amiable n'est constitué au sein de l'Enim, les notifications d'indu ou mise en demeure adressée par l'Enim à un professionnel de santé n'ont pas à mentionner le délai de saisine de la commission de recours amiable comme le prévoit l'article R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en annulant néanmoins la procédure de recouvrement d'indu initiée par l'Enim au motif que la mise en demeure adressée à la clinique Saint-Michel ne mentionnait pas le délai de saisine de la commission de recours amiable et que la clinique ne pouvait saisir cette commission qui n'est pas constituée au sein de l'Enim, le tribunal a violé l'ensemble de ces textes ;
Alors, d'autre part, et à titre subsidiaire, que l'omission dans la mise en demeure adressée par un organisme de sécurité social à un professionnel de santé de lui rembourser des sommes indument réglées, de la mention exigée par l'article R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale du délai de saisine de la commission de recours amiable prévue par l'article R. 142-1 est sanctionné par la seule inopposabilité du délai de forclusion mentionné au dernier alinéa de ce texte ; qu'en annulant purement et simplement la procédure de recouvrement de l'indu initiée par l'Enim à l'encontre de la clinique Saint-Michel au motif que la mise en demeure adressée à cet établissement ne mentionnait pas le délai de saisine d'une commission de recours amiable, qui n'existe pas au sein de l'Enim, le tribunal a violé ces textes ;
Alors, enfin et plus subsidiairement encore, que la commission de recours amiable définie à l'article L. 142-1 du Code de la sécurité sociale, simple émanation du conseil d'administration des organismes de sécurité sociale concernés par les litiges qu'elle traite, n'a pas le caractère d'une juridiction ; qu'en décidant néanmoins que l'absence de commission de recours amiable constituée au sein de l'Enim porterait atteinte au respect du principe du contradictoire et aurait ainsi causé un grief à la clinique Saint-Michel, le tribunal a violé ce texte.