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14/12/2011 | FRANCE | N°09-42395

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2011, 09-42395


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 mai 2009), que M. X... a été engagé le 1er novembre 1984 en qualité de chargé de secteur par la société Groupe des assurances populaires, aux droits de laquelle se trouve la société Generali vie (la société) ; que dans le cadre de sa réorganisation, celle-ci lui a proposé le 25 septembre 2006 une modification des conditions de calcul de sa rémunération ; qu'après avoir refusé cette proposition, le salarié a été licencié p

our motif économique le 5 janvier 2007 ;
Attendu que la société fait grief à l'arr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 mai 2009), que M. X... a été engagé le 1er novembre 1984 en qualité de chargé de secteur par la société Groupe des assurances populaires, aux droits de laquelle se trouve la société Generali vie (la société) ; que dans le cadre de sa réorganisation, celle-ci lui a proposé le 25 septembre 2006 une modification des conditions de calcul de sa rémunération ; qu'après avoir refusé cette proposition, le salarié a été licencié pour motif économique le 5 janvier 2007 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que la modification du contrat de travail a une cause économique, lorsqu'elle procède d'une réorganisation de l'entreprise mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques futures et leurs conséquences sur l'emploi, même si celles-ci ne sont pas encore survenues à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la société Generali vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'une évolution du cadre législatif de la rémunération des commerciaux leur étant défavorable, d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des "bancassureurs" dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis dix ans et représentant cent cinquante mille clients soit 15 % de son portefeuille, nécessitant l'adoption d'un système de rémunération plus adapté, pertinent et incitatif pour ses commerciaux ; qu'elle faisait ainsi valoir et démontrait que la modification proposée, tendant à adapter la rémunération des commerciaux à la situation de l'entreprise et à inciter ces derniers à conquérir de nouveaux clients, était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité, prévenir des difficultés économiques prévisibles et importantes et ainsi maintenir l'emploi "plutôt que d'attendre une dégradation supplémentaire de la position de la société qui aurait entraîné la nécessité d'envisager des suppressions de postes" ; que pour considérer que le licenciement de M. X... était privé de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est contentée de relever que les modifications législatives n'étaient pas de nature à créer des difficultés économiques, puisqu'elles supprimaient des commissions que l'employeur n'avait donc plus à verser à ses salariés, que la diminution des marges techniques était compensée par les résultats provenant de placements financiers, que la perte de clients n'a pas conduit à une dégradation des résultats et le phénomène s'était ralenti, que la société Generali pouvait conserver ses commerciaux avec des modes de rémunération différents et d'affirmer qu'en réalité, la réorganisation avait pour but de simplifier la gestion interne et de réduire les frais généraux pour augmenter la rentabilité ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle ait constaté les pertes de parts de marché de la société exposante, la diminution de ses marges techniques et la persistance de l'érosion de sa clientèle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ qu'en l'espèce, pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la société Generali vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des "bancassureurs" dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis dix ans et représentant cent cinquante mille clients soit 15 % de son portefeuille, et que son résultat technique était resté négatif sur dix ans pour être évalué à 27,5 millions d'euros en 2005, nécessitant l'adoption d'un système de rémunération plus adapté, pertinent et incitatif pour ses commerciaux ; qu'elle faisait ainsi valoir et démontrait que la modification proposée, tendant à adapter la rémunération des commerciaux à la situation de l'entreprise et à inciter ces derniers à conquérir de nouveaux clients, était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité, prévenir des difficultés économiques prévisibles et importantes et ainsi maintenir l'emploi "plutôt que d'attendre une dégradation supplémentaire de la position de la société qui aurait entraîné la nécessité d'envisager des suppressions de postes" ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, sans rechercher ni préciser, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la définition d'un nouveau système de rémunération des commerciaux, plus incitatif, adapté et pertinent, ne permettait pas, tout en préservant les emplois, de mettre un terme, à la perte de clients et de parts de marché dans le secteur d'activité concerné, à la diminution de ses marges techniques et à la persistance de l'érosion de sa clientèle, tous éléments dont elle avait pourtant constaté la réalité et qui étaient essentiellement liés au développement très important de concurrents sur internet et des "bancassureurs", dotés d'importants réseaux d'agences, et, par là même, de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1233-25 du code du travail ;
3°/ que la réorganisation de l'entreprise peut se justifier pour prévenir des difficultés économiques à venir, qui, par hypothèse, n'existent pas encore au jour du licenciement ; qu'en l'espèce, la société Generali vie se prévalait précisément de ce que la modification proposée tendait à recentrer l'activité de ses commerciaux vers la conquête de nouveaux clients, afin d'enrayer ses pertes persistantes de parts de marché et de compétitivité et éviter des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi ; que la cour d'appel, qui n'a examiné que la situation économique antérieure à la date du licenciement et celle de l'année où il a eu lieu, en retenant, l'absence de "dégradation des résultats économiques de l'entreprise" en dépit de la perte persistante de clients et de la diminution des marges techniques avérées, sans analyser l'avenir économique et concurrentiel de la société exposante tel qu'il était prévisible après cette date et l'existence de difficultés probables liées au statu quo, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
4°/ que les mesures de réorganisation à caractère économique se fondent sur une analyse prévisionnelle faite par l'employeur et tendant à prévenir des difficultés économiques futures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a nié le caractère économique de la modification proposée et du licenciement opéré, motif pris de ce que la preuve de l'existence d'une menace "précise et immédiate" sur la compétitivité de l'employeur ne serait pas rapportée, bien que la réorganisation de l'entreprise puisse justifier une telle mesure, en cas difficultés économiques prévisibles, même sans menaces "immédiates" sur sa compétitivité, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
5°/ que pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la société Generali vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des "bancassureurs" dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes persistantes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis dix ans et représentant cent cinquante mille clients, soit 15 % de son portefeuille, et que son résultat technique était resté négatif sur dix ans pour être évalué à 27,5 millions d'euros en 2005 ; qu'ayant pourtant retenu la réalité de la diminution des marges techniques et de la perte persistante de clients, la cour d'appel qui se borne à affirmer que l'employeur n'apporte pas la preuve de l'existence d'une menace précise et immédiate sur sa compétitivité, sans assortir sa décision d'aucun motif sur ce point, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
6°/ que le juge ne peut porter d'appréciation sur les choix de gestion de l'entreprise, ni substituer son appréciation sur ce point à celle de l'employeur ; qu'après avoir constaté la réalité et les pertes de parts de marché et de clients de la société Generali, la persistance de ce phénomène et la diminution de ses marges techniques, la cour d'appel qui pour nier le caractère économique de la modification litigieuse, fait néanmoins grief à l'employeur d'avoir "voulu élaguer de son portefeuille les clients aux contrats peu rémunérateurs" et relève qu'il était de son intérêt de ne plus verser les commissions supprimées par les amendements "Marini" et "Fourgous", que les résultats financiers compensaient la perte de clients, et énonce que la société Generali aurait pu "sans difficultés conserver des commerciaux avec deux modes de rémunération différents", les salariés refusant la nouvelle rémunération étant peu nombreux et amenés à partir en retraite a, en réalité, apprécié l'exercice par l'employeur de son pouvoir de gestion et de direction et a substitué son appréciation à celle de l'employeur quant au choix des mesures de réorganisation qu'il convenait de prendre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2, L. 1233-3 et suivants du code du travail ;
7°/ que le fait que les résultats financiers provenant de placements – par nature incertains et fluctuants – aient compensé un temps la diminution des marges techniques de la société Generali et aient pu maintenir son chiffre d'affaires pendant quelques années, que deux systèmes de rémunération des commerciaux puissent coexister et qu'elle ait déclaré vouloir augmenter sa rentabilité et ses résultats, n'excluaient pas l'existence de difficultés économiques futures requérant, pour les prévenir, une modification de la rémunération des commerciaux de la société Generali ; qu'en statuant ainsi par des motifs parfaitement inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
8°/ qu' en retenant que le but de la société exposante avait été de diminuer le nombre des commerciaux et de réduire ses frais généraux, sans assortir sa décision d'aucun motif propre à justifier ou à fonder une telle affirmation péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
9°/ qu'en affirmant péremptoirement que le but de la société exposante avait été de diminuer le nombre des commerciaux et ainsi de réduire ses frais généraux, sans répondre aux conclusions de la société exposante faisant valoir et démontrant que la quasi-totalité des salariés finalement licenciés (soit environ 200) avaient été remplacés et que, après douze mois de mise en place du nouveau système de rémunération, la moyenne de rémunération des salariés est globalement supérieure à celle qu'ils percevaient en 2006 dans le cadre de l'ancien système de rémunération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
10°/ que la cour d'appel, qui affirme que les modifications législatives intervenues ne sont pas de nature à créer des difficultés économiques sérieuses pour Generali vie elle-même, puisque la non-perception de commissions entraîne leur non-reversement aux salariés concernés, sans prendre en considération le fait que, comme le faisait valoir la société exposante, la modification proposée et qui, au demeurant, résultait d'une initiative pressante des organisations syndicales, était incitative et tendait à accroître la motivation des commerciaux à conquérir de nouveaux clients, dans un contexte de "perte de clients" avéré et persistant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
11°/ que l'existence d'un accord collectif régulièrement conclu lie l'employeur qui est tenu de le respecter et de le mettre en oeuvre ; qu'en affirmant que l'employeur pouvait "sans difficultés" conserver des commerciaux avec des modes de rémunération différents, sans rechercher si le fait que la modification contractuelle proposée à M. X... ressortait de l'accord collectif en date du 18 juillet 2006 que la société exposante était tenue de respecter, ne s'opposait pas à ce que plusieurs modes de rémunération des commerciaux subsistent dans l'entreprise et n'imposait pas le licenciement pour motif économique du salarié qui avait refusé cette modification de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant le caractère réel et sérieux de la cause économique, la cour d'appel qui a retenu, au vu des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'il n'était justifié ni de difficultés économiques, ni d'une quelconque menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel la société appartient et que la réorganisation répondait seulement à un souci de rentabilité, n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Generali vie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour la société Generali vie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR déclaré le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la Société Generali Vie à lui payer une indemnité de 90.000 € et à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. X..., dans la limite de six mois,
AUX MOTIFS QU'il convient de relever toutefois et à titre préalable que la rémunération de M. X... n'est pas déterminée en fonction de cet accord du 21 avril 1994, M. X... ne l'ayant pas accepté lors de sa mise en oeuvre et ayant continué d'être rémunéré en fonction des dispositions contractuelles existantes au moment de son embauche en 1984 ; qu'en second lieu, les modifications législatives intervenues ne sont pas de nature à créer des difficultés économiques sérieuses pour Generali Vie elle-même, puisque la non-perception de commissions entraîne leur non-reversement aux salariés concernés ; que par ailleurs, la diminution des marges techniques a été largement compensé par l'augmentation des résultats financiers, provenant des placements opérés par l'assureur avec les primes payées ; qu'en outre, la perte de clients n'a pas amené une dégradation des résultats économiques de l'entreprise, et du reste elle a surtout eu lieu dans les années 1993-2000, le phénomène s'étant depuis très sensiblement ralenti ; que le chiffre d'affaires n'a cessé d'augmenter depuis 2002, passant de 12 milliards d'euros cette année-là à plus de 15 milliards cinq ans plus tard, tandis que les résultats suivaient eux aussi une courbe ascendante avec un résultat net de 505 millions d'euros en 2007 et un retour sur capitaux propres de 20% ; que le secteur vie a connu lui aussi la même évolution (CA de 1,03 milliards d'euros en 2002 passant à 1,67 milliards d'euros en 2007) ; que ces chiffres accréditent la thèse de M. X... selon laquelle l'assureur a surtout voulu élaguer de son portefeuille les clients aux contrats peu rémunérateurs, la perte des petits contrats s'accompagnant d'une augmentation des bénéfices ; qu'enfin, Generali Vie pouvait sans difficulté conserver des commerciaux avec des modes de rémunération différents puisque cette situation existait depuis 1994 où deux modes de rémunération coexistaient (les salariés ayant opté pour l'accord du 21 avril 1994 et ceux étant restés sous le régime de rémunération applicable lors de leur embauche), les salariés n'ayant pas opté pour le nouveau régime étant peu nombreux et amenés à partir en retraite au fil du temps ; qu'en réalité, la réorganisation de l'entreprise a eu pour but de simplifier la gestion interne, de diminuer le nombre de commerciaux, et ainsi de réduire les frais généraux, de façon à augmente la rentabilité, la Société Generali Vie ayant elle-même déclaré dans ses rapports financiers qu'elle s'était fixé pour objectif un bénéfice de 2,9 milliards d'euros pour la période 2006/2008 ainsi qu'une rentabilité de 14,5 % et un dividende multiplié par deux ; que dans ces conditions, le motif économique allégué par l'employeur n'est pas établi celui-ci n'apportant pas la preuve de l'existence d'une menace précise et immédiate sur sa compétitivité ; que le licenciement de M. X... ne repose ainsi pas sur une cause réelle et sérieuse,
ALORS D'UNE PART QUE la modification du contrat de travail a une cause économique, lorsqu'elle procède d'une réorganisation de l'entreprise mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques futures et leurs conséquences sur l'emploi, même si celles-ci ne sont pas encore survenues à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la Société Generali Vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'une évolution du cadre législatif de la rémunération des commerciaux leur étant défavorable, d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des « bancassureurs » dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis 10 ans et représentant 150.000 clients soit 15% de son portefeuille, nécessitant l'adoption d'un système de rémunération plus adapté, pertinent et incitatif pour ses commerciaux ; qu'elle faisait ainsi valoir et démontrait que la modification proposée, tendant à adapter la rémunération des commerciaux à la situation de l'entreprise et à inciter ces derniers à conquérir de nouveaux clients, était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité, prévenir des difficultés économiques prévisibles et importantes et ainsi maintenir l'emploi « plutôt que d'attendre une dégradation supplémentaire de la position de la société qui aurait entraîné la nécessité d'envisager des suppressions de postes » (conclusions d'appel p 9 et 10); que pour considérer que le licenciement de Monsieur X... était privé de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est contentée de relever que les modifications législatives n'étaient pas de nature à créer des difficultés économiques, puisqu'elles supprimaient des commissions que l'employeur n'avait donc plus à verser à ses salariés, que la diminution des marges techniques était compensée par les résultats provenant de placements financiers, que la perte de clients n'a pas conduit à une dégradation des résultats et le phénomène s'était ralenti, que la Société Generali pouvait conserver ses commerciaux avec des modes de rémunération différents et d'affirmer qu'en réalité, la réorganisation avait pour but de simplifier la gestion interne et de réduire les frais généraux pour augmenter la rentabilité ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle ait constaté les pertes de parts de marché de la société exposante, la diminution de ses marges techniques et la persistance de l'érosion de sa clientèle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1233-3 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART, à titre subsidiaire, QU'en l'espèce, pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la Société Generali Vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des « bancassureurs » dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis 10 ans et représentant 150.000 clients soit 15% de son portefeuille, et que son résultat technique était resté négatif sur 10 ans pour être évalué à 27,5 millions d'euros en 2005, nécessitant l'adoption d'un système de rémunération plus adapté, pertinent et incitatif pour ses commerciaux ; qu'elle faisait ainsi valoir et démontrait que la modification proposée, tendant à adapter la rémunération des commerciaux à la situation de l'entreprise et à inciter ces derniers à conquérir de nouveaux clients, était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité, prévenir des difficultés économiques prévisibles et importantes et ainsi maintenir l'emploi « plutôt que d'attendre une dégradation supplémentaire de la position de la société qui aurait entraîné la nécessité d'envisager des suppressions de postes » (conclusions d'appel p 9 et 10); qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, sans rechercher ni préciser, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la définition d'un nouveau système de rémunération des commerciaux, plus incitatif, adapté et pertinent, ne permettait pas, tout en préservant les emplois, de mettre un terme, à la perte de clients et de parts de marché dans le secteur d'activité concerné, à la diminution de ses marges techniques et à la persistance de l'érosion de sa clientèle, tous éléments dont elle avait pourtant constaté la réalité et qui étaient essentiellement liés au développement très important de concurrents sur internet et des « bancassureurs », dotés d'importants réseaux d'agences, et, par là même, de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L 1233-25 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR déclaré le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la Société Generali Vie à lui payer une indemnité de 90.000 € et à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. X..., dans la limite de six mois,
AUX MOTIFS QU'il convient de relever toutefois et à titre préalable que la rémunération de M. X... n'est pas déterminée en fonction de cet accord du 21 avril 1994, M. X... ne l'ayant pas accepté lors de sa mise en oeuvre et ayant continué d'être rémunéré en fonction des dispositions contractuelles existantes au moment de son embauche en 1984 ; qu'en second lieu, les modifications législatives intervenues ne sont pas de nature à créer des difficultés économiques sérieuses pour Generali Vie elle-même, puisque la non-perception de commissions entraîne leur non-reversement aux salariés concernés ; que par ailleurs, la diminution des marges techniques a été largement compensé par l'augmentation des résultats financiers, provenant des placements opérés par l'assureur avec les primes payées ; qu'en outre, la perte de clients n'a pas amené une dégradation des résultats économiques de l'entreprise, et du reste elle a surtout eu lieu dans les années 1993-2000, le phénomène s'étant depuis très sensiblement ralenti ; que le chiffre d'affaires n'a cessé d'augmenter depuis 2002, passant de 12 milliards d'euros cette année-là à plus de 15 milliards cinq ans plus tard, tandis que les résultats suivaient eux aussi une courbe ascendante avec un résultat net de 505 millions d'euros en 2007 et un retour sur capitaux propres de 20% ; que le secteur vie a connu lui aussi la même évolution (CA de 1,03 milliards d'euros en 2002 passant à 1,67 milliards d'euros en 2007) ; que ces chiffres accréditent la thèse de M. X... selon laquelle l'assureur a surtout voulu élaguer de son portefeuille les clients aux contrats peu rémunérateurs, la perte des petits contrats s'accompagnant d'une augmentation des bénéfices ; qu'enfin, Generali Vie pouvait sans difficulté conserver des commerciaux avec des modes de rémunération différents puisque cette situation existait depuis 1994 où deux modes de rémunération coexistaient (les salariés ayant opté pour l'accord du 21 avril 1994 et ceux étant restés sous le régime de rémunération applicable lors de leur embauche), les salariés n'ayant pas opté pour le nouveau régime étant peu nombreux et amenés à partir en retraite au fil du temps ; qu'en réalité, la réorganisation de l'entreprise a eu pour but de simplifier la gestion interne, de diminuer le nombre de commerciaux, et ainsi de réduire les frais généraux, de façon à augmente la rentabilité, la Société Generali Vie ayant elle-même déclaré dans ses rapports financiers qu'elle s'était fixé pour objectif un bénéfice de 2,9 milliards d'euros pour la période 2006/2008 ainsi qu'une rentabilité de 14,5 % et un dividende multiplié par deux ; que dans ces conditions, le motif économique allégué par l'employeur n'est pas établi celui-ci n'apportant pas la preuve de l'existence d'une menace précise et immédiate sur sa compétitivité ; que le licenciement de M. X... ne repose ainsi pas sur une cause réelle et sérieuse,
ALORS D'UNE PART QUE la réorganisation de l'entreprise peut se justifier pour prévenir des difficultés économiques à venir, qui, par hypothèse, n'existent pas encore au jour du licenciement ; qu'en l'espèce, la Société Generali Vie se prévalait précisément de ce que la modification proposée tendait à recentrer l'activité de ses commerciaux vers la conquête de nouveaux clients, afin d'enrayer ses pertes persistantes de parts de marché et de compétitivité et éviter des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi ; que la cour d'appel, qui n'a examiné que la situation économique antérieure à la date du licenciement et celle de l'année où il a eu lieu, en retenant, l'absence de « dégradation des résultats économiques de l'entreprise » en dépit de la perte persistante de clients et de la diminution des marges techniques avérées, sans analyser l'avenir économique et concurrentiel de la société exposante tel qu'il était prévisible après cette date et l'existence de difficultés probables liées au statu quo, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du Code du travail,
ALORS D'AUTRE PART QUE les mesures de réorganisation à caractère économique se fondent sur une analyse prévisionnelle faite par l'employeur et tendant à prévenir des difficultés économiques futures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a nié le caractère économique de la modification proposée et du licenciement opéré, motif pris de ce que la preuve de l'existence d'une menace « précise et immédiate » sur la compétitivité de l'employeur ne serait pas rapportée, bien que la réorganisation de l'entreprise puisse justifier une telle mesure, en cas difficultés économiques prévisibles, même sans menaces « immédiates » sur sa compétitivité, a violé l'article L. 1233-3 du Code du travail,
ALORS DE TROISIEME PART QUE pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la Société Generali Vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des « bancassureurs » dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes persistantes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis 10 ans et représentant 150.000 clients, soit 15% de son portefeuille, et que son résultat technique était resté négatif sur 10 ans pour être évalué à 27,5 millions d'euros en 2005 ; qu'ayant pourtant retenu la réalité de la diminution des marges techniques et de la perte persistante de clients, la Cour d'appel qui se borne à affirmer que l'employeur n'apporte pas la preuve de l'existence d'une menace précise et immédiate sur sa compétitivité, sans assortir sa décision d'aucun motif sur ce point, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du Code du travail ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE le juge ne peut porter d'appréciation sur les choix de gestion de l'entreprise, ni substituer son appréciation sur ce point à celle de l'employeur ; qu'après avoir constaté la réalité et les pertes de parts de marché et de clients de la Société Generali, la persistance de ce phénomène et la diminution de ses marges techniques, la Cour d'appel qui pour nier le caractère économique de la modification litigieuse, fait néanmoins grief à l'employeur d'avoir « voulu élaguer de son portefeuille les clients aux contrats peu rémunérateurs » et relève qu'il était de son intérêt de ne plus verser les commissions supprimées par les amendements « Marini » et « Fourgous », que les résultats financiers compensaient la perte de clients, et énonce que la Société Generali aurait pu « sans difficultés conserver des commerciaux avec deux modes de rémunération différents », les salariés refusant la nouvelle rémunération étant peu nombreux et amenés à partir en retraite a, en réalité, apprécié l'exercice par l'employeur de son pouvoir de gestion et de direction et a substitué son appréciation à celle de l'employeur quant au choix des mesures de réorganisation qu'il convenait de prendre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2, L 1233-3 et suivants du Code du travail,
ALORS DE CINQUIEME PART QUE le fait que les résultats financiers provenant de placements – par nature incertains et fluctuants – aient compensé un temps la diminution des marges techniques de la Société Generali et aient pu maintenir son chiffre d'affaires pendant quelques années, que deux systèmes de rémunération des commerciaux puissent coexister et qu'elle ait déclaré vouloir augmenter sa rentabilité et ses résultats, n'excluaient pas l'existence de difficultés économiques futures requérant, pour les prévenir, une modification de la rémunération des commerciaux de la Société Generali ; qu'en statuant ainsi par des motifs parfaitement inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du Code du travail,
ALORS DE SIXIEME PART QU'en retenant que le but de la société exposante avait été de diminuer le nombre des commerciaux et de réduire ses frais généraux, sans assortir sa décision d'aucun motif propre à justifier ou à fonder une telle affirmation péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS DE SEPTIEME PART QU'en affirmant péremptoirement que le but de la société exposante avait été de diminuer le nombre des commerciaux et ainsi de réduire ses frais généraux, sans répondre aux conclusions de la société exposante faisant valoir et démontrant que la quasi-totalité des salariés finalement licenciés (soit environ 200) avaient été remplacés et que, après 12 mois de mise en place du nouveau système de rémunération, la moyenne de rémunération des salariés est globalement supérieure à celle qu'ils percevaient en 2006 dans le cadre de l'ancien système de rémunération (conclusions d'appel p 11 et 12), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS DE HUITIEME PART QUE la cour d'appel, qui affirme que les modifications législatives intervenues ne sont pas de nature à créer des difficultés économiques sérieuses pour Generali Vie elle-même, puisque la non-perception de commissions entraîne leur non-reversement aux salariés concernés, sans prendre en considération le fait que, comme le faisait valoir la société exposante, la modification proposée et qui, au demeurant, résultait d'une initiative pressante des organisations syndicales, était incitative et tendait à accroître la motivation des commerciaux à conquérir de nouveaux clients, dans un contexte de « perte de clients » avéré et persistant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du Code du travail.
ALORS ENFIN QUE l'existence d'un accord collectif régulièrement conclu lie l'employeur qui est tenu de le respecter et de le mettre en oeuvre ; qu'en affirmant que l'employeur pouvait « sans difficultés » conserver des commerciaux avec des modes de rémunération différents, sans rechercher si le fait que la modification contractuelle proposée à M. X... ressortait de l'accord collectif en date du 18 juillet 2006 que la société exposante était tenue de respecter, ne s'opposait pas à ce que plusieurs modes de rémunération des commerciaux subsistent dans l'entreprise et n'imposait pas le licenciement pour motif économique du salarié qui avait refusé cette modification de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42395
Date de la décision : 14/12/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 07 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2011, pourvoi n°09-42395


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42395
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