LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société Editions du Seuil et M. X..., attraits en justice par les consorts Y... et Z... pour atteinte à leur vie privée à la suite de la publication d'un roman, ont soulevé devant le tribunal de grande instance de Paris une question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée :
"L'article 9 du code civil, en ce qu'il ne soumet pas les actions en réparation des atteintes à la vie privée, lorsqu'elles sont commises par l'un des moyens visés à l'article 23 (il faut assurément lire 29, ce que confirme la page deuxième du mémoire en demande d'inconstitutionnalité) de la loi du 29 juillet 1881 ou à l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, aux règles de prescription prévues par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, ni aux exigences de l'article 53 de la même loi, est-il conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit, en l'espèce aux articles 11 (liberté d'expression), 6 (égalité devant la loi), 16 (droits de la défense) de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?"
Attendu que, s'il a été décidé que "tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative", sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la cour suprême compétente, il résulte tant des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5, alinéa 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée que des décisions du Conseil constitutionnel, que la contestation doit concerner la portée que donne à une disposition législative précise l'interprétation qu'en fait la juridiction suprême de l'un ou l'autre ordre ; que la question posée, qu'il n'appartient pas à la Cour de cassation de modifier, sous couvert de critiquer l'article 9 du code civil, texte de fond dont la substance a été déclarée maintes fois conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, porte exclusivement sur, d'une part, la soumission jurisprudentielle au droit civil commun procédural des actions auxquelles cet article donne lieu, en l'absence de textes spécifiques, sans dénoncer de dispositions précises régissant le délai de leur prescription ou la rédaction de la citation, et, d'autre part, sur la non- application corrélative des articles 65 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, dont elle déplore une portée insuffisamment étendue sans contester leur constitutionnalité ;
D' où il suit que la question est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille onze.