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07/12/2011 | FRANCE | N°10-20239

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2011, 10-20239


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2010) que Mme X... a été engagée par contrat de travail du 6 février 1993 en qualité de cogérante salariée par la société 4 Murs, dans laquelle son conjoint, M. Y..., travaillait comme salarié depuis le 1er février 1984, à Meaux puis à Sainte-Geneviève des Bois à compter du 17 décembre de la même année, que Mme X... a été licenciée le 7 septembre 2005 au motif que le départ à la retraite de son conjoint, le 10 septembre 2005, entraînait la nécessité

de son licenciement, en raison des clauses d'indivisibilité contenues dans leurs ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2010) que Mme X... a été engagée par contrat de travail du 6 février 1993 en qualité de cogérante salariée par la société 4 Murs, dans laquelle son conjoint, M. Y..., travaillait comme salarié depuis le 1er février 1984, à Meaux puis à Sainte-Geneviève des Bois à compter du 17 décembre de la même année, que Mme X... a été licenciée le 7 septembre 2005 au motif que le départ à la retraite de son conjoint, le 10 septembre 2005, entraînait la nécessité de son licenciement, en raison des clauses d'indivisibilité contenues dans leurs contrats de travail respectifs ; que contestant la légitimité de la rupture de son contrat de travail, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes aux titres de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages-intérêts pour préjudice moral et vexatoire, alors, selon le moyen :
1°/ que la société 4 Murs avait fait valoir qu'antérieurement à la signature du contrat de travail le 6 février 1993, Mme X... n'avait pas accompli de prestation de travail et ne s'était vue confier ni la gérance ni la cogérance d'un magasin ; que la cour d'appel a relevé que «les relations de travail entre les époux remontaient, de façon non contestée, au mois de février 1984, fût-ce dans le cadre de la cogérance non salariée confiée à Mme X... aux côtés de son mari, M. Y..., alors gérant, qui avait été engagé le 29 novembre 1983 par la même entreprise» ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que la société 4 Murs avait contesté l'existence d'une relation de travail ou d'une cogérance confiée à Mme X... avant la signature du contrat de travail le 6 février 1993, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement s'apprécie au jour de la rupture ; que pour considérer que le licenciement de Mme X..., intervenu le 7 septembre 2005, était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est référée à des événements antérieurs à la signature du contrat de travail du 6 février 1993 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
3°/ que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; elle ne pèse donc pas plus particulièrement sur l'employeur ; qu'en mettant la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement à la seule charge de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que la société 4 Murs avait soutenu et démontré qu'en raison de l'importance du magasin, Mme X... ne pouvait continuer à en assurer seule la direction et qu'aucun «couple professionnel» expérimenté ne pouvait être constitué ; que la cour d'appel a affirmé qu'il revenait à l'employeur de démontrer qu'il était dans l'impossibilité de permettre un autre binôme professionnel que celui formé par le couple de M. et Mme Y... et qu'en l'absence de preuve de ce que le contrat de travail de Mme X... ne pouvait être maintenu à la suite du départ à la retraite de son mari, le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse ; qu'en exigeant de la société 4 Murs de rapporter une preuve négative, sans se prononcer sur ses arguments déterminants concernant l'impossibilité pour Mme X... de former un binôme professionnel expérimenté afin de gérer le magasin, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que la clause de résiliation insérée au contrat ne la dispensait pas d'apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement et constaté que le contrat de travail de Mme X... avait été conclu de façon autonome par rapport à celui de son mari, qu'elle avait développé avec l'accord de l'employeur une compétence de nature à faciliter la poursuite de son activité de cogérante salariée, fût-ce dans le cadre d'un autre binôme professionnel, ce dont elle a déduit que la poursuite du second contrat n'était pas rendue impossible par la rupture du premier, la cour d'appel, a, sans dénaturation et sans inverser la charge de la preuve, décidé que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Quatre Murs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société 4 murs à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société 4 Murs.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Y... repose sur une cause non réelle et sérieuse et condamné la SA 4 MURS à payer à Madame Y..., avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts légaux dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil, la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et aspect vexatoire, outre 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et d'avoir condamné la SA 4 MURS aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE, sur le licenciement : il ressort des pièces de la procédure que Mme Y..., qui avait été embauchée par contrat de travail écrit à durée indéterminée le 6 février 1993 en qualité de cogérante avec son mari, M. Jean Y..., d'un magasin exploité par la SA Quatre Murs, a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2005 pour le motif suivant : « Votre époux, Jean Y..., nous a demandé sa mise à la retraite, requête que nous avons acceptée. Vous n'êtes pas sans savoir que votre contrat précise que "ce poste exige l'implication totale, entière et indivisible des deux personnes du couple" et que ''la rupture du contrat de cogérance par l'une ou l'autre des parties entraînerait obligatoirement le départ de la société 4 Murs des deux personnes liées par ce contrat". Nous nous voyons dans l'obligation de vous licencier du fait du départ de votre époux et des clauses d'indivisibilité qui se trouvent dans chacun de vos contrats » ; pour prétendre que le licenciement de Mme Y... est fondé sur une cause réelle et sérieuse, la SA Quatre Murs soutient que la clause d'indivisibilité précitée, contenue dans le contrat de travail de Mme Y..., comme dans celui de son mari, était licite compte tenu de la particularité du fonctionnement des magasins de l'entreprise, qui exigeait une collaboration étroite entre les cogérants, facilitée par leur statut de conjoints ; elle en déduit que le licenciement de l'intéressée était fondé sur une cause réelle et sérieuse, dès lors que son mari avait demandé sa mise à la retraite et qu'aucun autre binôme professionnel ne pouvait être constitué, le magasin en question étant en outre de taille trop importante pour qu'elle y exerce seule ses fonctions ; elle souligne que tel a été le cas d'autres cogérants de magasins de l'entreprise, sans discrimination donc à l'égard de Mme Y... ; cependant, il y a lieu d'apprécier si la clause précitée est justifiée par la nature du travail à effectuer et proportionnée au but poursuivi, et si, partant, la poursuite du contrat de travail de Mme Y... était effectivement rendue impossible du fait même de la rupture du contrat de travail de son mari du fait du départ à la retraite de celui-ci ; or, si le contrat de travail de Mme Y..., prévoyait la clause d'indivisibilité litigieuse, force est de constater d'une part, que les relations de travail entre les époux remontaient, de façon non contestée, au mois de février 1984, fut-ce dans le cadre de la cogérance non salariée confiée à Mme Y... aux côtés de son mari, M. J. Y..., alors gérant, qui avait été engagé le 29 novembre 1983 par la même entreprise, exerçant alors son activité sous l'enseigne ExpoPapier Peint ; à cette date, il n'est pas contesté que n'existait aucune clause d'indivisibilité que ce soit entre les époux et la société employeur, dans la mesure où Mme Y... n'était pas salariée, le contrat de travail de son mari précisant au contraire que "ce poste comprend l'aide de votre épouse, vous engageant à ce que cette dernière n'exerce aucune activité salariée" ; d'autre part, aucun élément probant ne démontre que le contrat de travail de la salariée ne pouvait survivre à la rupture de celui de son mari, du fait du départ à la retraite de ce dernier le 10 septembre 2005 alors que son contrat de travail a été conclu de façon autonome par rapport à celui de son mari ; en effet, dans le cadre même de l'exécution de son contrat de travail, il ressort des pièces de la procédure que des relations contractuelles différentes et autonomes, notamment quant au salaire et aux primes versées, organisaient les rapports entre ellemême et la SA Quatre Murs, quand bien même ces relations contractuelles avaient été liées à l'origine par la particularité qu'ils formaient un couple ; en outre il n'est pas utilement contesté par l'employeur que Mme Y... avait suivi des stages de formation également autonomes dans les différents domaines de vente, décoration de magasin ; la compétence qu'elle avait ainsi développée avec l'accord de l'employeur était donc de nature à faciliter la poursuite de son activité de cogérante salariée, fut ce dans le cadre d'un autre "binôme professionnel'' pour lequel il revient à l'employeur de démontrer qu'il était dans l'impossibilité d'en permettre un autre que celui formé par le couple de Mr et Mme Y... ; dans ces conditions, en l'absence de preuve de ce que le contrat de travail de Mme Y... ne pouvait être maintenu à la suite du départ à la retraite de son mari, le licenciement de la salariée est sans cause réelle et sérieuse, étant observé que l'intéressée ne forme aucune demande de nullité dudit licenciement au titre d'une discrimination notamment ; le jugement déféré sera en conséquence confirmé de ce chef, ainsi que dans l'exacte évaluation de son préjudice, compte tenu notamment de son ancienneté en tant que salariée, remontant au 6 février 1993, dans la mesure où l'intéressée ne revendique pas une ancienneté antérieure au titre du contrat de travail rompu, ainsi que de son âge à la date de la rupture, rendant plus difficile le retour à l'emploi ; sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral : pour s'opposer à la demande de Mme Y..., la SA Quatre Murs soutient que l'intéressée, sous couvert d'une demande de dommagesintérêts pour préjudice moral, se prévaut à tort tant d'une discrimination que d'une ancienneté antérieure à la conclusion de son contrat de travail et par là, réclame en réalité des rappels de salaires depuis 1983, demande irrecevable car prescrite compte tenu de son caractère salarial, en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail ; cependant, si Mme Y... ne conteste pas l'absence de contrat de travail antérieurement à la conclusion du contrat de travail liant les parties à compter du 6 février 1993, il ressort néanmoins des faits de l'espèce qu'elle a été aux côtés de son mari dans les magasins susvisés depuis le mois de février 1983, sans avoir la qualité de salariée, dans les conditions imprécises précitées qui ont conduit l'employeur à régulariser la situation professionnelle de l'intéressée par le contrat de travail conclu le 6 février 1993; compte tenu de ces circonstances exceptionnelles de durée des relations de travail, sous quelque forme qu'elles aient prises, et alors que l'employeur ne conteste pas utilement que d'autres conjoints de couples cogérants aient continué à bénéficier de leur contrat de travail de façon individuelle, le comportement de l'employeur lors de la rupture du contrat de travail de l'intéressé a revêtu un caractère fautif dont la salariée est en droit de demander réparation ; le moyen tiré d'un détournement de la législation sur la prescription quinquennale des salaires est dès lors inopérant ; le jugement déféré sera également confirmé dans son exacte évaluation du préjudice moral distinct de celui subi par la salariée du fait des agissements fautifs de l'employeur dans le cadre de la rupture de son contrat de travail ; les sommes allouées à Mme Y... ayant la nature juridique de salaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement déféré qui les a allouées et qui est confirmé par la présente décision, et ce, avec capitalisation des intérêts légaux dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; les circonstances de la cause et l'équité justifient l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme Y... ; la SA quatre Murs sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2.000 Euros à ce titre en cause d'appel ;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE, sur les dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse : Madame Y... a été embauchée le même jour que son époux ; le contrat prévoit le départ du conjoint restant en cas ou l'un des deux co-gérants mettrait fin à son contrat de travail ; aucun autre grief n'est mentionné dans la lettre de licenciement ; le contrat stipule : « ce poste exige l'implication totale, entière et indivisible des deux personnes, Monsieur Y... et Madame Y.... La rupture du contrat de cogérance par l'un des deux partis, entraînerait obligatoirement le départ de la société 4 murs des deux personnes liées par ce contrat » ; mais attendu qu'un salarié ne peut par avance renoncer à se prévaloir des règles de licenciement ; le défendeur n'apporte pas la preuve d'une incompatibilité à constituer un binôme professionnel ; par ailleurs Madame Y... acceptait de travailler avec un autre personnel en lieu, et place de son époux ; au vu des éléments fournis, il y a lieu de considérer que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; sur les dommages et intérêts pour préjudice subi et aspect tant discriminatoire que vexatoire : Madame Y... avait 20 ans d'ancienneté, qu'elle était connue de nombreux autres gérants de succursales, son activité aurait pu perdurer avec un autre partenaire ; la société 4 MURS estime de son côté qu'il n'était pas possible pour Mme Y... de garder sa co-gérance seule, ni avec un autre partenaire que Monsieur Y..., que l'embauche avait été réalisée à cette condition, que contradictoirement elle autorise certains autres magasins à être tenu par des binômes professionnels, que le mot couple n'implique pas nécessairement mariage pour la tenue des magasins, que les pièces figurant au dossier( 9 ET 11) apportent cette preuve, que lors des débats, le défendeur n'a pas contesté que certains magasins étaient tenus soit par des personnes seules, soit par des binômes professionnels ; il est établi que le départ de Madame Y... fait l'objet de discrimination et à un caractère vexatoire ;
ALORS QUE la société 4 Murs avait fait valoir qu'antérieurement à la signature du contrat de travail le 6 février 1993, Madame Y... n'avait pas accompli de prestation de travail et ne s'était vue confier ni la gérance ni la cogérance d'un magasin ; que la Cour d'appel a relevé que « les relations de travail entre les époux remontaient, de façon non contestée, au mois de février 1984, fut-ce dans le cadre de la cogérance non salariée confiée à Mme Y... aux côtés de son mari, M. J. Y..., alors gérant, qui avait été engagé le 29 novembre 1983 par la même entreprise » ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que la société 4 Murs avait contesté l'existence d'une relation de travail ou d'une cogérance confiée à Madame Y... avant la signature du contrat de travail le 6 février 1993, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante en violation de l'article 1134 du Code Civil ;
Et ALORS en tout état de cause QUE le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement s'apprécie au jour de la rupture ; que pour considérer que le licenciement de Madame Y..., intervenu le 7 septembre 2005, était dénué de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est référée à des événements antérieurs à la signature du contrat de travail du 6 février 1993 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L 1232-1 du Code du Travail (anciennement L 122-14-3) ;
ALORS en outre QUE la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; elle ne pèse donc pas plus particulièrement sur l'employeur ; qu'en mettant la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement à la seule charge de l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article L 1235-1 du Code du Travail (anciennement L 122-14-3) ;
Et ALORS QUE la société 4 Murs avait soutenu et démontré qu'en raison de l'importance du magasin, Madame Y... ne pouvait continuer à en assurer seule la direction et qu'aucun « couple professionnel » expérimenté ne pouvait être constitué ; que la Cour d'appel a affirmé qu'il revenait à l'employeur de démontrer qu'il était dans l'impossibilité de permettre un autre binôme professionnel que celui formé par le couple de Mr et Mme Y... et qu'en l'absence de preuve de ce que le contrat de travail de Mme Y... ne pouvait être maintenu à la suite du départ à la retraite de son mari, le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse ; qu'en exigeant de la société 4 Murs de rapporter une preuve négative, sans se prononcer sur ses arguments déterminants concernant l'impossibilité pour Madame Y... de former un binôme professionnel expérimenté afin de gérer le magasin, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1235-1 du Code du Travail (anciennement L. 122-14-3).
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA 4 MURS à payer à Madame Y..., avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts légaux dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil, la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et aspect vexatoire, outre 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et d'avoir condamné la SA 4 MURS aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE pour s'opposer à la demande de Mme Y..., la SA Quatre Murs soutient que l'intéressée, sous couvert d'une demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, se prévaut à tort tant d'une discrimination que d'une ancienneté antérieure à la conclusion de son contrat de travail et par là, réclame en réalité des rappels de salaires depuis 1983, demande irrecevable car prescrite compte tenu de son caractère salarial, en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail ; cependant, si Mme Y... ne conteste pas l'absence de contrat de travail antérieurement à la conclusion du contrat de travail liant les parties à compter du 6 février 1993, il ressort néanmoins des faits de l'espèce qu'elle a été aux côtés de son mari dans les magasins susvisés depuis le mois de février 1983, sans avoir la qualité de salariée, dans les conditions imprécises précitées qui ont conduit l'employeur à régulariser la situation professionnelle de l'intéressée par le contrat de travail conclu le 6 février 1993 ; compte tenu de ces circonstances exceptionnelles de durée des relations de travail, sous quelque forme qu'elles aient prises, et alors que l'employeur ne conteste pas utilement que d'autres conjoints de couples cogérants aient continué à bénéficier de leur contrat de travail de façon individuelle, le comportement de l'employeur lors de la rupture du contrat de travail de l'intéressé a revêtu un caractère fautif dont la salariée est en droit de demander réparation ; le moyen tiré d'un détournement de la législation sur la prescription quinquennale des salaires est dès lors inopérant ; le jugement déféré sera également confirmé dans son exacte évaluation du préjudice moral distinct de celui subi par la salariée du fait des agissements fautifs de l'employeur dans le cadre de la rupture de son contrat de travail ; les sommes allouées à Mme Y... ayant la nature juridique de salaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement déféré qui les a allouées et qui est confirmé par la présente décision, et ce, avec capitalisation des intérêts légaux dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; les circonstances de la cause et l'équité justifient l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme Y... ; la SA quatre Murs sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2.000 Euros à ce titre en cause d'appel ;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE Madame Y... avait 20 ans d'ancienneté, qu'elle était connue de nombreux autres gérants de succursales, son activité aurait pu perdurer avec un autre partenaire ; la société 4 MURS estime de son côté qu'il n'était pas possible pour Mme Y... de garder sa co-gérance seule, ni avec un autre partenaire que Monsieur Y..., que l'embauche avait été réalisée à cette condition, que contradictoirement elle autorise certains autres magasins à être tenu par des binômes professionnels, que le mot couple n'implique pas nécessairement mariage pour la tenue des magasins, que les pièces figurant au dossier ( 9 et 11) apportent cette preuve, que lors des débats, le défendeur n'a pas contesté que certains magasins étaient tenus soit par des personnes seules, soit par des binômes professionnels ; il est établi que le départ de Madame Y... fait l'objet de discrimination et à un caractère vexatoire ;
ALORS QUE la responsabilité de l'employeur ne peut être engagée pour des faits antérieurs à la conclusion du contrat de travail ; que la Cour d'appel, après avoir relevé que Madame Y... ne contestait pas l'absence de contrat de travail avant le 6 février 1993, lui a alloué des dommages et intérêts pour préjudice moral et aspect vexatoire en prenant en considération la « durée des relations de travail, sous quelque forme qu'elles aient prises » et le fait que l'employeur aurait « régularisé » la situation professionnelle de Mme Y... le 6 février 1993 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code Civil et l'article L 1221-1 du Code du Travail (anciennement L 121-1) ;
Et ALORS QUE la société 4 Murs avait soutenu, en produisant les pièces en justifiant, que ses magasins les plus importants étaient tous gérés par des couples, que le magasin géré par Monsieur et Madame Y... étaient l'un des plus importants en chiffre d'affaires et que seuls des magasins générant un petit chiffre d'affaires pouvaient être gérés par une seule personne ; que la Cour d'appel a relevé que « l'employeur ne conteste pas utilement que d'autres conjoints de couples cogérants aient continué à bénéficier de leur contrat de travail de façon individuelle » ; qu'en statuant comme elle la fait sans se prononcer sur les arguments déterminants développés par la société 4 Murs, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-20239
Date de la décision : 07/12/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2011, pourvoi n°10-20239


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.20239
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