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06/12/2011 | FRANCE | N°10-31135

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 décembre 2011, 10-31135


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que Mme X... était devenue propriétaire de l'appartement occupé par les époux Y... à la suite de trois actes intervenus le 30 juin 2008, une donation par son fils de parts sociales dans le capital de la société SIP (la société), la tenue d'une assemblée générale de la société afin de permettre la constitution de groupes de parts sociales affectés à un lot précis et l'exercice par Mme X... de so

n droit de retrait du capital de la société accompagné d'une demande d'attribut...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que Mme X... était devenue propriétaire de l'appartement occupé par les époux Y... à la suite de trois actes intervenus le 30 juin 2008, une donation par son fils de parts sociales dans le capital de la société SIP (la société), la tenue d'une assemblée générale de la société afin de permettre la constitution de groupes de parts sociales affectés à un lot précis et l'exercice par Mme X... de son droit de retrait du capital de la société accompagné d'une demande d'attribution du lot affecté à son groupe de parts sociales, et constaté l'hébergement de Mme X... depuis février 2007 en France, l'envoi par elle du congé afin de reprise le 15 septembre 2008, douze jours après son soixante-cinquième anniversaire privant les preneurs de la possibilité de prétendre à la protection prévue à l'article 22 bis de la loi du 1er septembre 1948, l'existence, pendant l'année 2008, de biens disponibles appartenant à la société dans le même immeuble que l'appartement litigieux, la cécité de Mme X... et le fait que ce logement soit situé au troisième étage sans ascenseur, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur des circonstances étrangères à la bailleresse, en a souverainement déduit que la reprise par celle-ci était faite non pour satisfaire un intérêt légitime mais dans le but d'éluder les règles d'ordre public de la loi du 1er septembre 1948 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à aux époux Y... la somme de 2 500 euros, rejette sa propre demande ;
Condamne Mme X... à une amende civile de 1 500 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Bruna X... de toutes ses demandes dirigées contre les époux Y... et de l'avoir condamnée à leur verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
AUX MOTIFS QUE « Mme Bruna X... a délivré un congé sur le fondement de l'article 19 de la loi du 1er septembre 1948 dont l'application n'est pas contestée en l'espèce ; les époux Y... soutiennent que la reprise constitue en réalité une fraude ; cette dernière ne se présumant pas, conformément à l'article 21 de la loi du 1er septembre 1948, il leur appartient d'établir que la reprise ne vise pas à satisfaire un intérêt légitime mais qu'elle a pour objet une intention de nuire ou d'éluder les dispositions de la loi ; le 30 juin 2008, Mme Bruna X... est devenue propriétaire de l'appartement à la suite de trois actes ; M. Filippo X... a fait une donation à sa mère de parts sociales détenues dans le capital de la SNC SIP, le même jour l'assemblée générale de cette société s'est tenue afin de permettre la constitution de groupes de parts sociales affectés à un lot précis ; (les parts données à Mme X... ont été celles affectées au lot n°14 correspondant à l'appartement occupé par les époux Y...) ; enfin, Mme Bruna X... a effectué son droit de retrait du capital de la société et a demandé que le lot affecté à son groupe de parts sociales lui soit attribué ; deux procédure antérieures visant à la réalisation de travaux ont été diligentées par les époux Y... à l'encontre de la SCI SIP ; les demandes ont abouti, l'une à une condamnation de la SCI le 2 mars 2004, l'autre à une ordonnance de référé du 26 septembre 2006 désignant un expert (dans le cadre de laquelle la SCI avait soutenu que le bail était soumis à la loi du 6 juillet 1989) suivi d'un accord transactionnel le 6 octobre 2008 ; Mme X... est selon ses propres déclarations corroborées par deux attestations, hébergée en France depuis février 2007 chez Mme Z... et chez Mme A... depuis novembre 2007 ; ayant eu 65 ans le 3 septembre 2008, soit quelques jours avant le congé daté du 15 septembre 2008, il en résulte que les époux Y... ne pouvaient pas invoquer à leur bénéfice la protection de l'article 22 bis de la loi du 1er septembre 1948 tenant à l'âge (M. Y... ayant plus de 70 ans) et aux conditions de ressources ; le constat d'huissier établi le 27 novembre 2008 par Maître B... permet d'établir qu'en 2008, des changements de locataires sont intervenus dans l'immeuble (la SCI étant propriétaire de seize appartements) puisque sur tous les noms relevés sur les boîtes aux lettres, seuls les époux Y... figurent dans les "pages blanches" de l'annuaire, alors qu'à la même adresse, onze autres noms figurent sur les pages consultées sur Internet ; cet ensemble de circonstances (montage juridique pour attribuer par donation le bien, présence de Mme X... depuis février 2007 en France, envoi du congé seulement en septembre 2008 après l'âge requis pour éviter une éventuelle irrecevabilité, autres biens disponibles dans l'immeuble pendant l'année 2008), ajouté au fait que Mme Bruna X..., domiciliée initialement en Italie, est aveugle, que l'appartement est situé au troisième étage sans ascenseur, permet d'établir que la reprise était faite non pas pour satisfaire un intérêt légitime mais pour éluder les règles d'ordre public ; la décision du premier juge doit être confirmée en ce qu'il a débouté Mme Bruna X... de ses demandes ;Dommages et intérêts Mme Bruna X... demande la somme de 10.000 € en raison de la résistance abusive des locataires et de son préjudice moral, cette demande non justifiée doit être rejetée ; la situation visant à éluder les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 et à ne pas avoir à proposer un relogement aux époux Y... leur a causé un préjudice sur le plan de la santé et au niveau moral, constaté par de nombreuses attestations et certificats médicaux, la décision du premier juge leur ayant alloué la somme de 3.000 € au titre de dommages et intérêts doit être confirmée ;Article 700 du Code de procédure civile Il y a lieu de condamner Mme Bruna X... à payer aux époux Y... la somme supplémentaire de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; » (arrêt p.3 et 4)
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' « en l'espèce, il n'est pas contesté que les enfants de Mme X..., monsieur Filippo X... et madame Elena X... en leur qualité d'associés de la SNC SIP étaient propriétaires de tout l'immeuble sis ... à paris 9ème composé de 16 appartements outre d'autres biens immobiliers situés dans Paris ; l'immeuble litigieux avait été acquis sur adjudication dans le cadre de l'objet social de ladite société consistant dans la gestion de tous biens immobiliers et plus généralement toutes opérations financières, mobilières ou immobilières s'y rapportant ; il ressort du constat d'huissier établi le 27 novembre 2008 que les noms figurant sur les boîtes aux lettres ne correspondaient pas aux noms figurant sur les pages blanches, ce qui démontre l'existence d'un renouvellement fréquent des locataires et à tout le moins qu'il était possible pour les consorts X... de porter le choix de l'appartement qu'ils destinaient à leur mère sur un autre local non soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ; par ailleurs, il convient de s'interroger sur le choix de l'appartement objet de la donation eu égard d'une part, au fait que celui-ci contient un dénivelé de trois marches entre deux pièces et qu'il est situé au troisième étage sans ascenseur, alors que Mme X... souffre d'une complète cécité ; d'autre part, la condition de proximité invoquée de l'appartement attribué à Mme X... avec celui de sa fille situé dans le 13ème n'est nullement probante ; enfin il est troublant de constater que monsieur Filippo X... ait attendu le 65ème anniversaire de sa mère pour accomplir son devoir de secours, alors que celle-ci prétend être hébergée chez des tiers depuis le mois de février 2007 et qu'il disposait dès cette date de nombreux biens immobiliers ; il convient de considérer que les actes accomplis le 30 juin 2008 aux fins de transférer la propriété de l'appartement litigieux au profit de Mme X..., deux mois avant le congé délivré douze jours après son 65ème anniversaire, ont constitué un montage juridique visant à contourner les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 aux fins de récupérer l'appartement, sans être contraint de proposer un relogement aux locataires âgés de 67 et 77 ans et occupant les lieux depuis 1964 ; en conséquence, Mme X... sera déboutée de toutes ses demandes ; la délivrance du congé dans l'intention d'éluder les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 a généré pour les époux Y... un préjudice moral, comme cela résulte des nombreuses attestations et des certificats médicaux versés aux débats ; ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une comme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ; » (jugement p.5 et 6)
1°) ALORS QUE le juge ne doit refuser au propriétaire bailleur l'exercice de son droit de reprise que lorsque ce droit est invoqué, non pas pour satisfaire un intérêt légitime, mais dans l'intention de nuire au locataire ou d'éluder les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ; que l'intention de nuire ou d'éluder les dispositions de la loi ne peut résulter que d'actes ou de faits imputables au propriétaire exerçant son droit de reprise pour habiter personnellement ; qu'en se fondant sur l'opération juridique en vertu de laquelle Mme X... est devenue donataire de l'appartement occupé par les époux Y..., opération juridique à l'origine de laquelle se trouve son fils, M. Filippo X..., et sur le fait que le choix de ce dernier aurait pu porter sur d'autres appartements que celui occupé par les époux Y..., eu égard au fréquent renouvellement des locataires, pour refuser à Mme X... l'exercice de son droit de reprise, la Cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par des circonstances tenant au donateur et sans qu'il résulte des motifs de l'arrêt que Mme X... ait pu influer sur lesdites circonstances ni a fortiori n'en ait été l'instigatrice, a violé les articles 19 et 21 de la loi du 1er septembre 1948 ;
2°) ALORS QUE le juge ne doit refuser au propriétaire bailleur l'exercice de son droit de reprise que lorsque ce droit est invoqué, non pas pour satisfaire un intérêt légitime, mais dans l'intention de nuire au locataire ou d'éluder les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ; que l'intention de nuire ou d'éluder les dispositions de la loi ne peut résulter que d'actes ou de faits imputables au propriétaire exerçant son droit de reprise pour habiter personnellement ; qu'en se fondant sur la circonstance que Mme X... était domiciliée en Italie jusqu'en 2007, sur sa cécité et sur le fait que l'appartement objet du congé de reprise est situé au troisième étage sans ascenseur et comporte un dénivelé de trois marches entre deux pièces, circonstances impropres à établir, ni que l'appartement ne correspondrait pas aux besoins normaux de Mme X... qui, aveugle depuis l'âge de 21 ans, est parfaitement autonome, ni qu'elle n'aurait pas eu l'intention de l'habiter, ni, partant, que la reprise aurait été faite pour éluder les dispositions de la loi de 1948, la Cour d'appel a violé les articles 19 et 21 de la loi du 1er septembre 1948 ;
3°) ALORS QUE le juge ne doit refuser au propriétaire bailleur l'exercice de son droit de reprise que lorsque ce droit est invoqué, non pas pour satisfaire un intérêt légitime, mais dans l'intention de nuire au locataire ou d'éluder les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ; que l'intention de nuire ou d'éluder les dispositions de la loi ne peut résulter de l'usage d'un droit conformément aux conditions de recevabilité et de fond légalement requises ; qu'en se fondant sur la circonstance que Mme X... avait délivré un congé aux fins de reprise aux époux Y... après son soixante-cinquième anniversaire, soit « l'âge requis pour éviter une éventuelle irrecevabilité », quand l'exercice du droit de reprise conformément aux conditions prévues par les articles 19 et 22 bis ne peut manifester l'intention, de la part de l'auteur du congé, d'éluder les dispositions de la loi du 1er septembre 1948, la Cour d'appel a violé les articles 19, 21 et 22 bis de la loi du 1er septembre 1948.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-31135
Date de la décision : 06/12/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 déc. 2011, pourvoi n°10-31135


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.31135
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