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29/11/2011 | FRANCE | N°10-28560

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 novembre 2011, 10-28560


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2010), que le 1er décembre 2004, M. X... a déposé une demande de brevet français auprès de l'INPI ; qu'après avoir commencé à exploiter son invention, par l'intermédiaire de la société Adaël à laquelle il a consenti une licence exclusive, il a demandé à la société Bredema, conseil en propriété industrielle, de déposer une demande d'extension, conformément aux dispositions du traité de coopération en matière de brevets (brevet PCT), avant le 1

er décembre 2005 ; que celle-ci n'ayant été effectuée que le 2 décembre, soit un...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2010), que le 1er décembre 2004, M. X... a déposé une demande de brevet français auprès de l'INPI ; qu'après avoir commencé à exploiter son invention, par l'intermédiaire de la société Adaël à laquelle il a consenti une licence exclusive, il a demandé à la société Bredema, conseil en propriété industrielle, de déposer une demande d'extension, conformément aux dispositions du traité de coopération en matière de brevets (brevet PCT), avant le 1er décembre 2005 ; que celle-ci n'ayant été effectuée que le 2 décembre, soit un jour après l'expiration du délai de priorité et sans tenir compte des modifications à apporter à la demande, compte tenu du rapport de recherche préliminaire publié par l'INPI le 12 juillet 2005, M. X... et la société Adaël ont fait assigner la société Bredema, aux droits de laquelle vient la société Novagraaf technologies, et son assureur, la société Covea Risks, aux fins d'obtenir réparation de leur préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Adaël fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Bredema in solidum avec son assureur à lui payer la seule somme de 400 000 euros, alors, selon le moyen, que constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable; qu'après avoir constaté que MM. Y... et Z... avaient eu l'intention déclarée d'investir un million d'euros dans la société Adaël sous la condition d'obtention par cette dernière d'un brevet PCT, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande de réparation d'une perte de chance d'obtenir cet investissement au motif inopérant que, faute de certitude quant à la réalité de l'engagement des investisseurs, la preuve d'une perte effective dudit investissement n'était pas suffisamment rapportée sans violer l'article 1149 du code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel a retenu l'absence de caractère sérieux de la chance alléguée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Bredema in solidum avec son assureur à lui payer la seule somme de 10 000 euros alors, selon le moyen, qu'après avoir constaté que les intimées avaient effectivement perdu le bénéfice du délai de priorité qui leur aurait permis d'obtenir un titre de propriété industrielle dans les pays du PCT, ce qui correspondait à un préjudice certain, la cour d'appel ne pouvait par la suite allouer à M. X... une réparation correspondant à la seule perte de chance d'obtenir un titre de propriété industrielle, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1149 du code civil ;
Mais attendu que la délivrance, dans le délai de priorité, d'un brevet PCT ne présentant aucun caractère automatique, la cour d'appel en a exactement déduit que M. X... ne pouvait prétendre qu'à une indemnisation correspondant à la seule perte de chance d'obtenir un titre de propriété industrielle dans les pays du PCT ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Adaël et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux sociétés Novagraaf technologies et Covea Risks la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Adaël et M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 5 janvier 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a condamné la société Bredema in solidum avec la société Covea Risks à payer à la société Adaël la seule somme de 400.000 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les intimés font valoir que la perte de la "brevetabilité" dans la zone PCT empêcherait la levée de fonds ; que certes deux investisseurs Michel Y... et Serge Z... ont respectivement attesté les 22 décembre 2006 et 5 décembre 2007 de leur participation dans la société et indiqué avoir renoncé à "un second tour de table" d'un million d'euros (soit 500 000 euros chacun) à raison de la perte du brevet PCT ;
que toutefois, nonobstant cette intention déclarée des associés, il n'est pas certain qu'il s'agissait d'un réel engagement contractuel, alors qu'il ne figure pas dans le protocole d'accord concernant le pacte d'associés du 28 avril 2005 qu'ils ont signé, étant observé que l'apport résultant de cet acte est bien moindre (et s'est en définitive établi respectivement à 106 216 euros et 61 000 euros selon le rapport d'évaluation de Stéphane A... du 30 novembre 2009 produit par les intimés) et que la vraisemblance de leur engagement ne saurait résulter de la seule valorisation contestée et largement postérieure du brevet (3,8 millions d'euros selon rapport précité de 2009) ; que par ailleurs il n'est toujours pas justifié en cause d'appel de l'intérêt d'un quelconque autre investisseur antérieurement au 1er décembre 2005 ;
qu'en définitive, la preuve d'une perte effective d'investissements n'est pas suffisamment rapportée et c'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu ce poste de préjudice » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' «Adaël soutient avoir perdu la chance d'obtenir un apport en compte courant d'un montant d'un million d'euros de la part de monsieur Y... et Z... ; qu'elle produit à l'appui de ce chef de demande deux attestations de ces investisseurs ;
mais attendu qu'Adaël ne justifie pas d'engagements contractuels de ses associés d'investir une telle somme ; que le protocole contenant pacte d'associés en date du 28 avril 2005 prévoyait leur apport en compte courant de la somme de 112 000 € en divers versements étalés jusqu'au 1er février 2006 avec une possibilité de sortie jusqu'au 15 février 2006 en fonction des résultats de la société ; qu'elle ne produit aucun document permettant de déterminer si ce pacte a été mené à son terme ou à quelle date il a été rompu pas plus que de l'obligation de messieurs Y... et Z... d'investir la somme d'un million d'euros, pas plus que l'intérêt manifesté antérieurement au 1er décembre 2005 par d'autres investisseurs de sorte qu'elle n'établit pas la réalité du préjudice invoqué à ce titre » ;
ALORS QUE constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'après avoir constaté que MM. Y... et Z... avaient eu « l'intention déclarée » d'investir 1 million d'euros dans la société Adaël sous la condition d'obtention par cette dernière d'un brevet « PCT », la Cour d'appel ne pouvait rejeter la demande de réparation d'une perte de chance d'obtenir cet investissement au motif inopérant que, faute de certitude quant à la réalité de l'engagement des investisseurs, la preuve d'une « perte effective » dudit investissement n'était pas suffisamment rapportée sans violer l'article 1149 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 5 janvier 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a condamné la société Bredema in solidum avec la société Covea Risks à payer à M. X... la seule somme de 10.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE « les intimés ont effectivement perdu, en leur qualité respective de titulaire de brevet et de licencié exclusif, du fait de la société BDM, au plan international hors Etats-Unis, le bénéfice du délai de priorité leur permettant notamment de ne pas se voir opposer l'exploitation de l'invention par eux faite ;
qu'il ne saurait être dénié qu'une éventuelle action en nullité d'un brevet PCT pour défaut de nouveauté constitue bien la perte indemnisable d'un avantage réel et sérieux trouvant son origine dans le retard d'exécution de l'obligation de la société BDM et que la responsabilité de cette dernière est ainsi engagée (…) ;
que, sur les demandes de Mickaël X... : considérant que le tribunal a exactement retenu l'existence d'un préjudice résultant pour l'inventeur de la perte de chance d'obtenir un titre de propriété industrielle dans les pays du PCT, la perte de la possibilité de voir ses efforts ainsi reconnus caractérisant suffisamment la réalité du préjudice moral invoqué, lequel a été justement indemnisé par les premiers juges ;
qu'ils ont à bon droit rejeté l'existence d'un préjudice économique relevant qu'il dépend de celui de la société Adaël à laquelle il avait concédé gratuitement l'exploitation du brevet ; que Mickaël X... prétend cependant avoir subi un préjudice distinct en sa qualité d'actionnaire, pour perte d'une chance de réaliser une plus-value ; que toutefois aucun élément ne permet de laisser supposer qu'il entendait vendre la société Adaël par lui créée ; qu'en réalité il s'agit d'un préjudice purement éventuel qui ne saurait être indemnisé ;
qu'il n'y a donc pas lieu à infirmation du jugement en ce qui concerne Mickaël X... » ;
ALORS QU'après avoir constaté que les intimés avaient « effectivement perdu (…) le bénéfice du délai de priorité » (p.4 §3) qui leur aurait permis d'obtenir un titre de propriété industrielle dans les pays du « PCT », ce qui correspondait à un préjudice certain, la Cour ne pouvait par la suite allouer à M. X... une réparation correspondant à la seule « perte de chance d'obtenir un titre de propriété industrielle » (p.4 §7) sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1149 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-28560
Date de la décision : 29/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 nov. 2011, pourvoi n°10-28560


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.28560
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