LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 juillet 2010), que Claude X... étant décédé le 28 août 2000 d'une maladie professionnelle imputable à l'exposition à l'amiante, Mme Y..., sa veuve, a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) notamment d'une demande d'indemnisation du préjudice économique causé par le décès de son époux ; que le FIVA n'ayant pas formulé d'offre dans le délai requis, Mme Y... a formé un recours devant la cour d'appel à l'encontre de cette décision de rejet implicite ;
Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt d'allouer à Mme Y... la somme de 89 424, 17 euros au titre du préjudice économique subi du 29 août 2000 au 31 décembre 2008, avec intérêt au taux légal ;
Mais attendu que le chef du dispositif de l'arrêt visé par le moyen, relatif à l'indemnité accordée pour la réparation d'un préjudice économique passé, est incompatible avec le moyen lui-même, fondé sur la critique de la décision en ce qu'elle a statué sur le préjudice économique futur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR alloué à Madame Nicole Y..., veuve X... la somme de 89. 424, 17 € au titre du préjudice économique subi du 29 août 2000 au 31 décembre 2008, avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QUE « … s'agissant de l'indemnisation du préjudice du préjudice économique futur, la cour estime que seuls la victime ou ses ayants droit sont en mesure de choisir le mode d'indemnisation le plus adapté à leur situation ; que la proposition du F. I. V. A. de verser une rente annuelle reviendrait à imposer à ses créanciers de le ressaisir chaque année ; qu'au surplus, les revenus de Nicole X...-Y..., déjà retraitée à la date du décès de son époux, ne sont guères susceptibles d'évolution à l'avenir ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient le F. I. V. A., dès lors que la capitalisation s'opère sur la base d'un coefficient calculé en fonction de l'espérance de vie de l'ayant droit-ainsi que le propose le propre barème du F. I. V. A.- il est tenu compte d'un aléa tenant à la fois aux ressources et à la durée de vie ; qu'il convient dès lors d'entériner le calcul du préjudice économique futur tel qu'établi par Nicole X...-Y..., à savoir : préjudice économique en 2008 : 10. 847, 15 €, ainsi que s'y accordent les parties ; capitalisation sur la base du coefficient correspondant à l'âge de Nicole X...-Y... au 1er janvier 2009 (soit 70 ans), selon la propre table de capitalisation établie par le F. I. V. A. : 10 847, 15 X 10. 843 = 117. 615, 65 € ; qu'il convient donc d'allouer cette somme à Nicole X...-Y... ; que les sommes ci-dessus allouées porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en application de l'article 1153 du Code civil ».
1°/ ALORS, d'une part, QUE, dans ses écritures d'appel (concl., p. 4-5), le FIVA avait fait valoir que, pour déterminer le préjudice économique « vie à venir », il combine l'espérance de vie de la victime et de la veuve pour procéder au versement de l'indemnité calculée et qu'il convient, dans un premier temps, de procéder au calcul prospectif « vie à venir » du préjudice économique de la veuve et ce, jusqu'à la « date de décès théorique » de la victime compte tenu de son espérance de vie et de son âge au jour de son décès effectif (soit, en l'espèce, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2033), puis à compter du 1er janvier 2009, de procéder au calcul prospectif « vie à venir » du préjudice économique de la veuve jusqu'à la date de son décès théorique compte tenu de son espérance de vie et de son âge au 1er janvier 2009, soit jusqu'au 31 décembre 2033 ; que le FIVA en concluait qu'à compter du 1er janvier 2009, une rente viagère sera donc obtenue en divisant le solde positif du préjudice « vie à venir » obtenu selon la dernière année de calcul effectuée par le nombre d'années restantes jusqu'à la date théorique de décès de la veuve à indemniser, soit en l'espèce 25 ans (de 2009 à 2033) ; que le FIVA précisait que cette méthode présente l'avantage d'étaler dans le temps l'indemnisation allouée à Madame X... de telle sorte qu'elle ne subisse pas une perte de revenu brutale lors de la survenance de la date du décès théorique de son mari ; que le FIVA procédait ensuite à l'évaluation de la rente due à Madame X..., en application de cette méthode (concl., p. 6) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur cette méthode d'évaluation du préjudice économique futur du conjoint survivant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE, dans ses écritures d'appel (concl., p. 5), le FIVA avait fait valoir que le versement d'une rente permet aux victimes de percevoir un revenu de manière régulière, qu'il soit annuel ou trimestriel et ainsi d'éviter une dilapidation du fait d'une mauvaise gestion des indemnités perçues ; qu'il soutenait que l'indemnisation du préjudice économique futur sous forme de rente présente aussi l'avantage d'être révisable en cas, par exemple, de décès prématuré de Madame X... ; qu'il précisait qu'il s'agit d'indemniser un préjudice futur en fonction d'une simple estimation de l'espérance de vie de la victime, alors même que le FIVA est financé par des deniers publics et que, dans ces conditions, verser sous forme de capital le solde purement prospectif du préjudice économique futur de Madame X... reviendrait à négliger la notion même d'aléa qu'implique toute table de mortalité et serait contraire au principe d'ordre public selon lequel une personne publique ne doit jamais être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS, enfin et en toutes hypothèses, QUE, la capitalisation du préjudice économique subi par le conjoint survivant doit être calculée en fonction de l'espérance de vie du conjoint prédécédé, à partir de la date de son décès ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 53 I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale.