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23/11/2011 | FRANCE | N°10-17836

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2011, 10-17836


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 2 février 1993 par l'association du Prado Rhône-Alpes en qualité d'éducatrice spécialisée; qu'un accord d'entreprise du 29 juin 1999, complété par un additif du 11 juin 2001, prévoit, pour le personnel non cadre, le principe d'une modulation annuelle du temps de travail autour de la moyenne hebdomadaire de 35 heures ainsi que le lissage de la rémunération; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judicia

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 2 février 1993 par l'association du Prado Rhône-Alpes en qualité d'éducatrice spécialisée; qu'un accord d'entreprise du 29 juin 1999, complété par un additif du 11 juin 2001, prévoit, pour le personnel non cadre, le principe d'une modulation annuelle du temps de travail autour de la moyenne hebdomadaire de 35 heures ainsi que le lissage de la rémunération; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, et en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 3122-10 II du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que selon ce texte, la durée annuelle du travail en cas de modulation du temps de travail est fixée par une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel retient que les fiches de suivi d'annualisation établies par ce dernier mentionnent, pour la période allant du 1er septembre 2001 au 31 août 2002, un objectif de 1386 heures pour un temps de travail réalisé de 1563,43 heures, et, pour la période allant du 1er septembre 2002 au 31 août 2003, un horaire théorique de 1246 heures pour un temps de travail réalisé de 1321,40 heures, et que la salariée a ainsi effectué 252,83 heures supplémentaires ;
Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur l'examen des fiches de suivi qui se limitaient à mentionner soit un objectif horaire soit un horaire théorique, alors qu'il lui appartenait de vérifier si la salariée avait ou non dépassé le plafond fixé pour la durée annuelle par l'accord collectif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation à intervenir sur le moyen relevé d'office emporte la cassation par voie de conséquence du chef critiqué par le second moyen et relatif à la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour l'association du Prado Rhône-Alpes
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association du PRADO à verser à madame X... la somme de 5.203,24 euros au titre des heures supplémentaires outre 520,32 euros au titre des congés payés ;
AUX MOTIFS QUE l'organisation de la durée du travail est régie au sein de l'association du PRADO par un accord d'entreprise relatif à la RTT du 29 juin 1999 complété par un additif du 11 juin 2001 qui fixe la période de référence du 1er septembre au 31 août de l'année suivante ; que cet accord prévoit pour le personnel non cadre le principe d'une modulation annuelle autour de la moyenne hebdomadaire de heures ainsi qu'un lissage de la rémunération ; que madame X... réclame le paiement d'heures supplémentaires sur les périodes du 1er septembre 2001 au 31 août 2002 et du 1er septembre 2002 au 31 août 2003 en se prévalant de ses fiches de badgeage et des fiches de suivi d'annualisation établies par l'employeur ; qu'il y a lieu de constater que ces fiches de suivi concernant Mme X... font mention pour la période du 1er septembre 2001 au 31 août 2002 d'un temps de travail réalisé de 1.563,43 heures pour un objectif de 1.386 heures et pour la période du 1er septembre 2002 au 31 août 2003 d'un temps de travail réalisé de 1.321,40 heures pour un horaire théorique de 1.246 heures ; que l'association du PRADO fait valoir que ces temps de travail théoriques qu'elle a pourtant elle-même fixés ne correspondent pas au plafond annuel mentionné dans l'accord d'entreprise ; que la salariée explique pour la première période que le plafond conventionnel de 1.449 heures a été réduit à 1.386 heures en raison de l'imputation de 9 jours de congés, pour mariage et un reliquat de l'année précédente ; qu'en réalité cette explication n'est pas formellement contestée ; que les dépassements invoqués résultent des fiches de badgeage produites ; que l'association du PRADO soutient par ailleurs que les heures excédentaires s'il en est, ont été récupérés par la salariée mais cette circonstance ne résulte nullement des bulletins de salaire et des autres documents versés aux débats ; que dans ces conditions au vu des éléments fournis par Mme X... à l'appui de sa demande, il y a lieu de retenir les 252,83 heures supplémentaires dont le paiement est réclamé et d'allouer à la salarié de ce chef la somme de 5.203,24 euros outre les congés payés afférents ;
1°/ ALORS QUE le calcul des heures supplémentaires dépend soit d'un accord d'entreprise soit d'un accord individuel fixant un plafond d'heures de travail au-delà duquel commencent les heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, il existait au sein de l'entreprise un accord relatif à la réduction du temps de travail en date du 29 juin 1999 fixant ce plafond à 1.575 h, 1.512 h ou 1.449 h en fonction du nombre de jours de congés supplémentaires dont bénéficiaient les salariés ; qu'il ne pouvait être dérogé à cet accord collectif que par un accord individuel justifié par des circonstances particulières ; que la Cour d'appel a jugé que les fiches d'annualisation sur lesquelles figuraient les objectifs impartis à la salariée permettaient de déterminer son temps de travail théorique, lesquels seraient de 1.386 h pour la période de septembre 2001 à août 2002 et de 1.246 h pour la période de septembre 2002 à août 2003 (arrêt p. 5 § 4) ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'origine contractuelle des plafonds retenus par elle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.3122-9 et L.3121-11 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge doit vérifier le bien fondé d'une demande même en l'absence de contestation élevée par le défendeur ; qu'il en est d'autant plus ainsi lorsque le demandeur invoque, au soutien de sa demande, un moyen nouveau à l'audience ; qu'en se bornant, pour faire droit à la demande d'heures supplémentaires formée par la salarié à dire que son explication relative au temps théorique de travail, formulée pour la première fois à la barre, n'était pas « formellement contestée », quand il lui appartenait, même en l'absence de contestation ou d'observation de la défenderesse, de vérifier que la salariée rapportait la preuve, qui lui incombait, de la réduction du plafond d'heures de travail, la Cour d'appel a violé les articles 12 et 455 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que les temps de travail théorique retenus par la salariée, soit 1386 heures pour la période du 1er septembre 2001 au 31 août 2002 et 1246 heures pour la période du 1er septembre 2002 au 31 août 2003, ne correspondaient pas au plafond annuel mentionné dans l'accord d'entreprise (cf. concl. p. 13 § 5-6) ; que si la Cour d'appel a retenu l'explication fournie par la salariée « pour la première période», elle n'a pas répondu aux conclusions de l'employeur concernant la deuxième période, méconnaissant les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant madame X... et l'association du PRADO aux torts de l'employeur et dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné, en conséquence, l'association du PRADO à payer à Mme X... les sommes suivantes : 5.790,10 euros au titre de l‘indemnité compensatrice de préavis, 579,01 euros au titre des congés payés afférents, 17.310,30 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'il est établi que Mme X... a accompli un grand nombre d'heures supplémentaires qui n'ont pas donné lieu à récupération ni à paiement, en dépit d'une réclamation formulée par la salariée auprès de la directrice en septembre 2006 et d'une réunion le 26 mars 2007 dans le cabinet de son conseil ; que l'employeur soutient qu'aucune proposition précise n'a été formulée par la salariée mais ne démontre nullement qu'il a pris en considération la demande de cette dernière alors qu'il ne pouvait ignorer les dépassements d'horaires au vu des documents qu'il a luimême établis ; que le non paiement des heures supplémentaires qui n'avaient pas été récupérées pendant deux années constitue un comportement suffisamment grave de l'employeur pour justifier la résiliation à ses torts du contrat de travail ; que contrairement à l'avis des premiers juges, il convient de prononcer cette résiliation avec toutes conséquences de droit ; que Mme X... qui avait plus de deux ans d'ancienneté est en droit de prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis sur la base de deux mois de salaire et à l'indemnité de licenciement égale à un ½ mois de salaire par année d'ancienneté qui sont prévues par la convention collective ; qu'il convient de lui allouer respectivement les sommes de 5.790,10 euros outre les congés payés afférents et de 17.370,30 euros ; que la salariée peut aussi prétendre à l'indemnité prévue par l'article L.1235-3 du code du travail ; qu'elle justifie d'arrêts maladie continus entre 2007 et 2009 ; que compte tenu des éléments de la cause, il convient de lui allouer une indemnité supérieure au minimum légal évalué à 40.000 euros ;
1°/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif au paiement des heures supplémentaires, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne peut être prononcée qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur rendant impossible pour le salarié la poursuite du contrat de travail ; que le non paiement de 252 heures supplémentaires sur une période de deux ans, soit 2 heures par semaine, ne constitue pas un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil et les articles L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-17836
Date de la décision : 23/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2011, pourvoi n°10-17836


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17836
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