La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2011 | FRANCE | N°11-80232

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 novembre 2011, 11-80232


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société Snecma,
- M. Alain X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 7 décembre 2010, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'entrave au fonctionnement régulier d'un comité d'établissement ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ; >
I-Sur la recevabilité du pourvoi formé par déclaration n° 96/ 10 du 8 décembre 2010 :
...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société Snecma,
- M. Alain X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 7 décembre 2010, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'entrave au fonctionnement régulier d'un comité d'établissement ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I-Sur la recevabilité du pourvoi formé par déclaration n° 96/ 10 du 8 décembre 2010 :

Attendu que cette déclaration de pourvoi vise une décision rendue le 7 septembre 2010 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, qui est inexistante ;

Qu'il s'ensuit que le pourvoi est irrecevable ;

II-Sur le pourvoi formé par déclaration n° 98/ 10 du 8 décembre 2010 :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2327-18, L. 2327-19, L. 2328-1 du code du travail, 2 et 3, 85, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'appel interjeté par le comité d'établissement de Gennevilliers représenté par M. Y..., recevable en la forme ;

" aux motifs que la délibération du comité d'établissement Snecma Gennevilliers, en date du 22 novembre 2007, portant au vote le mandat, et le mandat, lesquels sont joints à la plainte, sont ainsi libellés : « Dans la mesure où le président du comité a procédé à une information relative au projet Mach directement auprès des salariés, que ce projet est manifestement d'ores et déjà en phase de mise en oeuvre dans au moins l'un des services, et ce, sans aucune information consultation préalable, le comité d'établissement se voit contraint porter au vote le mandat d'agir en justice suivant :- Les élus du comité d'établissement Snecma Gennevilliers, réunis en séance plénière du 22 novembre 2007, mandatent M. Y..., secrétaire, pour agir en justice, pour toute action, tant civile que pénale, tant en première instance qu'en cause d'appel, ayant pour objet de voir juger le non-respect des prérogatives légales du CLE en matière d'information consultation ; qu'il résulte de ces documents que la délibération du 22 novembre 2007 portant au vote mandat d'agir à M. Y..., secrétaire du comité d'établissement fait référence au projet Mach lequel était inscrit à l'ordre du jour de la réunion dudit comité du 22 novembre 2007 et à la mise en oeuvre de ce projet « sans aucune consultation préalable » ; que le mandat pour agir en justice ainsi donné à M. Y... « tant en première instance qu'en cause d'appel », vise les faits reprochés à savoir « voir juger le non-respect des prérogatives légales du CLE en matière d'information consultation », ce qui constitue le délit d'entrave ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer recevable l'appel formé le 17 septembre 2009, soit dans le délai légal par Me Le Teoquin du barreau de Paris substituant Me Bledniak au nom du comité d'établissement Sncema Gennevilliers dirigé contre l'ordonnance de non-lieu rendue le 14 septembre 2010 par M. Cassuto juge d'instruction ;

" 1) alors que le texte du mandat, qui seul importe, portait sur toute action tant civile que pénale ayant pour objet de voir juger le non-respect des prérogatives légales ; qu'imprécis et général, et de surcroît abstrait, ce texte ne faisait référence à aucun fait, et ne fixait pas les contours de l'action ; qu'il devait être regardé comme un mandat général ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

" 2) alors que, dès lors que seul ce mandat importe, il était exclu que les juges du fond puissent se référer, pour considérer qu'il était clair et spécial, nonobstant ses termes, à des éléments extérieurs au mandat proprement dit ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le comité d'établissement de la société Snecma à Gennevilliers a porté plainte et s'est constitué partie civile auprès du juge d'instruction du chef d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement, au motif que le comité n'avait été ni informé ni consulté préalablement à la mise en oeuvre d'un projet important, annoncé au mois d'octobre 2007 au personnel, qui intéressait la marche générale de l'entreprise, son organisation et les conditions de travail ; qu'à l'issue de l'information, au cours de laquelle la société et M. Deslogis, directeur de l'établissement et président du comité, avaient été mis en examen, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ; que la partie civile a relevé appel de la décision ;

Attendu que, devant la chambre de l'instruction, la société Snecma et M. X... ont fait valoir que ce recours était irrecevable, dès lors que le secrétaire du comité qui l'avait formé n'avait pas été spécialement mandaté pour agir en justice ;

Attendu que, pour rejeter cette exception, après avoir rappelé les conditions de la délibération du comité d'établissement du 22 novembre 2007 à l'issue de laquelle cet organisme avait, à propos du projet " Mach " inscrit à l'ordre du jour de la réunion, approuvé par un vote le mandat donné au secrétaire du comité pour agir en justice, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a, à bon droit, retenu que l'action avait été régulièrement engagée à la suite de la délibération spéciale prise dans les formes de l'article L. 434-3, alors applicable, du code du travail ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ensemble violation des articles L. 2323-2, L. 2323-6, L. 2328-1 du code du travail (articles L. 435-1, L. 432-1 alinéa 1er, et L. 483-1 anciens), 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué, infirmant l'ordonnance de non-lieu sur l'appel de la partie civile, a renvoyé la société Snecma et M. X... devant le tribunal correctionnel de Nanterre du chef d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement pour avoir introduit et mis en application le projet Mach, au sein des ateliers Forge de l'établissement de Gennevilliers, sans que ledit comité d'établissement ait été préalablement consulté et informé ;

" aux motifs que les personnes mises en examen soutiennent que, compte tenu des incidences du chantier Mach en forge 2, la Snecma n'avait aucune obligation légale d'informer et consulter le comité d'établissement " ; qu'au fond, aux termes de l'article L. 2323-6 (ancien L. 432-1, alinéa 1, du code du travail : " Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle " ; que l'article L. 2323-2 du code du travail (ancien L. 431-5) mentionne que l'information/ consultation doit être préalable aux décisions de l'employeur ; que l'article L. 2223-4 du même code précise que pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise ou d'établissement dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations " ; qu'en l'espèce, il résulte des documents versés en procédure par la partie civile émanant de la société Snegma et notamment : (1) du document intitulé " Mach déploiement Lean six Sigma à Snecma projet Mach " édité par la direction générale de la Snecma, comportant les termes suivants " Objectif déployer un standard de résolution de problèmes et d'amélioration des processus (...). Un projet majeur de la société porté par la direction de la Snecma Mach ", (2) du document intitulé " Mach en Forge ", daté de novembre 2007 où il y est écrit notamment : Les " axes de travail :- la réduction des cycles,- Enjeu 30 % de gains sur les valeurs d'exploitation (stocks et en cours),- Méthode une accélération des flux structurée et rigoureuse,- Capacité et productivité enjeu 20 % de gains sur les coûts, augmentation de notre compétitivité,- Méthode amélioration de la productivité de l'outil industriel permettant l'augmentation de la capacité et des volumes produits en interne ",- " Mobilisation importante des ressources de la Forge et de l'ensemble de ses fonctions support (maintenance, qualité, supply chains, RH.) et support méthodologique de la société Mac Kinsey (086 et suivants),- de la revue " Moteurs " organe de la direction générale du groupe datée d'octobre 2007 accordant une large place au projet Mach, auquel est d'ailleurs consacré l'éditorial signé de M. B..., DRH central " lequel est intitulé " s'engager sur un projet d'entreprise ",- du document intitulé Mach dont l'éditorial comporte les termes suivants " le comité de direction lance Mach, un projet majeur pour le futur de notre société " ; que le projet Mach issu du projet lean Six Sigma ayant pour objet une meilleure compétitivité, une amélioration des processus d'une part " intéressait la marche générale de l'entreprise " d'autre part avait indéniablement une incidence sur l'organisation et les conditions de travail ; que le rapport d'expertise de l'organisme Erectra produit par la partie civile conclut notamment à l'effet direct des transformations issues de la démarche Mach sur l'identité professionnelle ; qu'en outre, parmi les sept personnes entendues en qualité de témoins par le magistrat instructeur, plusieurs d'entre elles tout en estimant qu'il n'y avait pas de modification sur leurs conditions de travail faisaient état de la réalité des changements intervenus ; que M. C...(ajusteur) indiquait qu'il travaillait désormais en " flux tendu ", M. D...(ajusteur) indiquait que dans la journée il pouvait être " amené à changer de poste pour suivre la production " ; que M. E...(forgeron) tout en mentionnant que le plan est intéressant pour la Snecma, que le plan n'a pas modifié la nature de son travail précisait " on est plus flicqué en ce sens qu'il faut tout noter tout mesurer tout indiquer " ; que M. F...(ingénieur) pour sa part déclarait " cela a modifié les conditions de travail en ce sens que " on a amélioré le flux et donc simplifié le travail en sortie de forge et entre les opérations) ; qu'il résulte également des documents précités que le processus a été annoncé courant octobre 2007 à l'ensemble du personnel de la Snecma et non préalablement aux organes représentatifs ; qu'aucune des pièces jointes aux notes de la société mise en cause ne comporte une telle information préalable que " l'information sur le projet Mach en forge " figure pour la première fois à l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 22 novembre 2007 ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'il existe des charges du délit d'entrave à l'encontre de la société Snecma et de M. X..., personnes mises en examen, délit réprimé par l'article L. 2328-1 qui vise " toute entrave apportée " au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, étant observé qu'il résulte de l'adverbe notamment que le champ de ses prévisions n'est pas limité aux seules dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8 du code du travail ;

" alors que, si l'article L. 2328-1 du code du travail (ancien article L. 483-1 du même code) réprime le fait d'apporter une entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, et si les dispositions de l'article L. 2323-6 du code du travail (ancien article L. 432-1, alinéa 1, du même code) prévoient que « le comité d'établissement est informé et consulté sur les obligations intéressant l'organisation, la gestion, la marche générale de l'entreprise et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi de travail et de formation professionnelle », ces dispositions, à raison de leur généralité et de leur imprécision, ne répondent pas aux exigences de précision et de clarté, telles que résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'inconstitutionnalité de ces dispositions en tant qu'elles fondent une incrimination, qui sera constatée par le Conseil Constitutionnel dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, entraînera l'illégalité de l'arrêt attaqué et justifiera sa censure ;

Attendu que, par arrêt du 6 juillet 2011, la chambre criminelle a donné acte, à la société Snecma et à M. X..., de leur désistement de la question prioritaire de constitutionnalité qu'ils avaient formulée à l'occasion du présent pourvoi ;

D'où il suit que le moyen est devenu sans objet ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2323-2, L. 2323-6, L. 2328-1 du code du travail (articles L. 435-1, L. 432-1 alinéa, 1er et L. 483-1 anciens), 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué, infirmant l'ordonnance de non-lieu sur l'appel de la partie civile, a renvoyé la société Snecma et M. X... devant le tribunal correctionnel de Nanterre du chef d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement pour avoir introduit et mis en application le projet Mach, au sein des ateliers Forge de l'établissement de Gennevilliers, sans que ledit comité d'établissement ait été préalablement consulté et informé ;

" aux motifs que les personnes mises en examen soutiennent que, compte tenu des incidences du chantier Mach en forge 2, la Snecma n'avait aucune obligation légale d'informer et consulter le comité d'établissement " ; qu'au fond, aux termes de l'article L. 2323-6 (ancien L. 432-1, alinéa 1, du code du travail : " Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle " ; que l'article L. 2323-2 du code du travail (ancien L. 431-5) mentionne que l'information/ consultation doit être préalable aux décisions de l'employeur ; que l'article L. 2223-4 du même code précise que pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise ou d'établissement dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations " ; qu'en l'espèce, il résulte des documents versés en procédure par la partie civile émanant de la société Snegma et notamment : (1) du document intitulé " Mach déploiement Lean six Sigma à Snecma projet Mach " édité par la direction générale de la Snecma, comportant les termes suivants " Objectif déployer un standard de résolution de problèmes et d'amélioration des processus (...). Un projet majeur de la société porté par la direction de la Snecma Mach " (083 document 7), (2) du document intitulé " Mach en Forge ", daté de novembre 2007 où il y est écrit notamment : Les " axes de travail :- la réduction des cycles,- Enjeu 30 % de gains sur les valeurs d'exploitation (stocks et en cours),- Méthode une accélération des flux structurée et rigoureuse,- Capacité et productivité enjeu 20 % de gains sur les coûts, augmentation de notre compétitivité,- Méthode amélioration de la productivité de l'outil industriel permettant l'augmentation de la capacité et des volumes produits en interne ",- " Mobilisation importante des ressources de la Forge et de l'ensemble de ses fonctions support (maintenance, qualité, supply chains, RH.) et support méthodologique de la société Mac Kinsey (086 et suivants),- de la revue " Moteurs " organe de la direction générale du groupe datée d'octobre 2007 accordant une large place au projet Mach, auquel est d'ailleurs consacré l'éditorial signé de M. B..., DRH central " lequel est intitulé " s'engager sur un projet d'entreprise ",- du document intitulé Mach dont l'éditorial comporte les termes suivants " le comité de direction lance Mach, un projet majeur pour le futur de notre société " ; que le projet Mach issu du projet lean Six Sigma ayant pour objet une meilleure compétitivité, une amélioration des processus d'une part " intéressait la marche générale de l'entreprise " d'autre part avait indéniablement une incidence sur l'organisation et les conditions de travail ; que le rapport d'expertise de l'organisme Erectra produit par la partie civile conclut notamment à l'effet direct des transformations issues de la démarche Mach sur l'identité professionnelle ; qu'en outre, parmi les sept personnes entendues en qualité de témoins par le magistrat instructeur, plusieurs d'entre elles tout en estimant qu'il n'y avait pas de modification sur leurs conditions de travail faisaient état de la réalité des changements intervenus ; que M. C...(ajusteur) indiquait qu'il travaillait désormais en " flux tendu ", M. D...(ajusteur) indiquait que dans la journée il pouvait être " amené à changer de poste pour suivre la production " ; que M. E...(forgeron) tout en mentionnant que le plan est intéressant pour la Snecma, que le plan n'a pas modifié la nature de son travail précisait " on est plus flicqué en ce sens qu'il faut tout noter tout mesurer tout indiquer " ; que M. F...(ingénieur) pour sa part déclarait " cela a modifié les conditions de travail en ce sens que " on a amélioré le flux et donc simplifié le travail en sortie de forge et entre les opérations) ; qu'il résulte également des documents précités que le processus a été annoncé courant octobre 2007 à l'ensemble du personnel de la Snecma et non préalablement aux organes représentatifs ; qu'aucune des pièces jointes aux notes de la société mise en cause ne comporte une telle information préalable que " l'information sur le projet Mach en forge " figure pour la première fois à l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 22 novembre 2007 ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'il existe des charges du délit d'entrave à l'encontre de la société Snecma et de M. X..., personnes mises en examen, délit réprimé par l'article L. 2328-1 qui vise " toute entrave apportée " au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, étant observé qu'il résulte de l'adverbe notamment que le champ de ses prévisions n'est pas limité aux seules dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8 du code du travail ;

" alors que, pour être pénalement punissable, l'entrave suppose que le comité d'établissement n'ait été ni informé ni consulté sur des mesures emportant modifications significatives des conditions de travail et qu'elle ait été apportée sciemment et volontairement par l'employeur ; qu'en retenant le délit d'entrave à l'encontre de la Snecma Gennevilliers, sans rechercher en quoi les éléments tant matériels qu'intentionnels, constitutifs de l'infraction, étaient caractérisés, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés " :

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2323-2, L. 2323-6, L. 2328-1 du code du travail (articles L. 435-1, L. 432-1 alinéa, 1er et L. 483-1 anciens), 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué, infirmant l'ordonnance de non-lieu sur l'appel de la partie civile, a renvoyé la société Snecma et M. X... devant le tribunal correctionnel de Nanterre du chef d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement pour avoir introduit et mis en application le projet Mach, au sein des ateliers Forge de l'établissement de Gennevilliers, sans que ledit comité d'établissement ait été préalablement consulté et informé ;

" aux motifs que les personnes mises en examen soutiennent que, compte tenu des incidences du chantier Mach en forge 2, la Snecma n'avait aucune obligation légale d'informer et consulter le comité d'établissement " ; qu'au fond, aux termes de l'article L. 2323-6 (ancien L. 432-1, alinéa 1, du code du travail : " Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle " ; que l'article L. 2323-2 du code du travail (ancien L. 431-5) mentionne que l'information/ consultation doit être préalable aux décisions de l'employeur ; que l'article L. 2223-4 du même code précise que pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise ou d'établissement dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations " ; qu'en l'espèce, il résulte des documents versés en procédure par la partie civile émanant de la société Snegma et notamment : (1) du document intitulé " Mach déploiement Lean six Sigma à Snecma projet Mach " édité par la direction générale de la Snecma, comportant les termes suivants " Objectif déployer un standard de résolution de problèmes et d'amélioration des processus (...). Un projet majeur de la société porté par la direction de la Snecma Mach ", (2) du document intitulé " Mach en Forge ", daté de novembre 2007 où il y est écrit notamment : Les " axes de travail :- la réduction des cycles,- Enjeu 30 % de gains sur les valeurs d'exploitation (stocks et en cours),- Méthode une accélération des flux structurée et rigoureuse,- Capacité et productivité enjeu 20 % de gains sur les coûts, augmentation de notre compétitivité,- Méthode amélioration de la productivité de l'outil industriel permettant l'augmentation de la capacité et des volumes produits en interne ",- " Mobilisation importante des ressources de la Forge et de l'ensemble de ses fonctions support (maintenance, qualité, supply chains, RH.) et support méthodologique de la société Mac Kinsey (086 et suivants),- de la revue " Moteurs " organe de la direction générale du groupe datée d'octobre 2007 accordant une large place au projet Mach, auquel est d'ailleurs consacré l'éditorial signé de M. B..., DRH central " lequel est intitulé " s'engager sur un projet d'entreprise ",- du document intitulé Mach dont l'éditorial comporte les termes suivants " le comité de direction lance Mach, un projet majeur pour le futur de notre société " ; que le projet Mach issu du projet lean Six Sigma ayant pour objet une meilleure compétitivité, une amélioration des processus d'une part " intéressait la marche générale de l'entreprise " d'autre part avait indéniablement une incidence sur l'organisation et les conditions de travail ; que le rapport d'expertise de l'organisme Erectra produit par la partie civile conclut notamment à l'effet direct des transformations issues de la démarche Mach sur l'identité professionnelle ; qu'en outre, parmi les sept personnes entendues en qualité de témoins par le magistrat instructeur, plusieurs d'entre elles tout en estimant qu'il n'y avait pas de modification sur leurs conditions de travail faisaient état de la réalité des changements intervenus ; que M. C...(ajusteur) indiquait qu'il travaillait désormais en " flux tendu ", M. D...(ajusteur) indiquait que dans la journée il pouvait être " amené à changer de poste pour suivre la production " ; que M. E...(forgeron) tout en mentionnant que le plan est intéressant pour la Snecma, que le plan n'a pas modifié la nature de son travail précisait " on est plus flicqué en ce sens qu'il faut tout noter tout mesurer tout indiquer " ; que M. F...(ingénieur) pour sa part déclarait " cela a modifié les conditions de travail en ce sens que " on a amélioré le flux et donc simplifié le travail en sortie de forge et entre les opérations) ; qu'il résulte également des documents précités que le processus a été annoncé courant octobre 2007 à l'ensemble du personnel de la Snecma et non préalablement aux organes représentatifs ; qu'aucune des pièces jointes aux notes de la société mise en cause ne comporte une telle information préalable que " l'information sur le projet Mach en forge " figure pour la première fois à l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 22 novembre 2007 ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'il existe des charges du délit d'entrave à l'encontre de la société Snecma et de M. X..., personnes mises en examen, délit réprimé par l'article L. 2328-1 qui vise " toute entrave apportée " au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, étant observé qu'il résulte de l'adverbe notamment que le champ de ses prévisions n'est pas limité aux seules dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8 du code du travail ;

" alors que l'obligation d'information-consultation pesant sur l'employeur doit intervenir avant la décision de mise en application des mesures qu'il a projeté de prendre, peu important la date à laquelle le projet a été arrêté ; qu'en l'espèce, en décidant que la consultation avait été tardive, sans rechercher si elle était intervenue postérieurement à la date à laquelle le projet a été transformé en décision, les juges du fond se sont prononcés par un motif inopérant " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les moyens se bornent à critiquer les énonciations de l'arrêt relatives aux charges que la chambre de l'instruction a retenues contre les prévenus et à la qualification qu'elle a donnée aux faits poursuivis ; que, ces énonciations ne présentant aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n'aurait pas le pouvoir de modifier, les moyens sont irrecevables en application de l'article 574 du code de procédure pénale ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs :

I-Sur le pourvoi formé par déclaration n° 96/ 10 du 8 décembre 2010 :

Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;

II-Sur le pourvoi formé par déclaration 98/ 10 du 8 décembre 2010 :

Le REJETTE ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit du comité d'établissement Snecma Gennevilliers ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-80232
Date de la décision : 22/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 07 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 nov. 2011, pourvoi n°11-80232


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:11.80232
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award