LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1382 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a, par acte du 8 août 2007, fait assigner M. Y..., marchand d'art, aux fins d'obtenir paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'erreur prétendument commise sur l'une des qualités substantielles de deux huiles sur toile qu'elle avait acquises auprès de ce dernier ;
Attendu que pour déclarer ses demandes irrecevables, l'arrêt, après avoir relevé que M. Y... était fondé à lui opposer la prescription décennale prévue par l'article L. 110-4, I, du code de commerce, retient que ce délai a couru à compter de la vente réalisée le 16 avril 1996, soit plus de dix ans avant la délivrance de l'assignation ;
Attendu, cependant, que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions de Mme X..., si celle-ci n'avait pas eu connaissance du défaut d'authenticité des tableaux litigieux qu'en 2006, à la suite de l'expertise diligentée à sa demande, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme X... épouse Z... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement infirmatif, d'avoir déclaré irrecevables les demandes de Madame Z... concernant tant le tableau attribué à Child Hassan que le tableau attribué à Jules A..., et de l'avoir condamnée à payer à Monsieur Y... la somme de 2. 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs que Madame Yvonne Z... donne pour fondement de ses demandes le défaut de qualité substantielle des oeuvres d'art qu'elle a acquises de Monsieur Pascal Y..., l'erreur définie à l'article 1110 du Code civil, pour laquelle, selon l'article 1304 du Code civil, l'action se prescrit par cinq ans à compter de la découverte de l'erreur ; que cependant, elle ne demande pas la nullité de la vente des tableaux attribués à Jules A...mais des dommages et intérêts pour le défaut d'authenticité du tableau ; que Monsieur Pascal Y... est fondé à lui opposer la prescription décennale prévue à l'article L. 110-4 du Code de commerce qui court à compter de la vente réalisée le 16 avril 1996 ; que l'assignation ayant été délivrée à Monsieur Y... le 8 août 2007, sa demande concernant ce tableau doit être déclarée irrecevable comme prescrite ; il en est de même en ce qui concerne le tableau attribué faussement à Child Hassan, vendue ce même jour, d'autant que Madame Yvonne Z... l'a restitué à Monsieur Pascal Y... ;
Alors que la prescription de l'action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que la Cour d'appel ne pouvait considérer que la prescription de dix ans résultant de l'article L. 110-4 du Code de commerce courait à compter de la date de la vente, sans s'expliquer sur la date à laquelle Madame Z... avait eu effectivement connaissance de la fausse attribution des tableaux qui lui avaient été vendus aux peintres Jules A...et Child Hassan, alors même que celle-ci soutenait n'avoir eu connaissance de cette fausse attribution qu'au détour d'une expertise réalisée en 2006 ; que faute de s'en expliquer, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce ;