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16/11/2011 | FRANCE | N°10-17680

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 novembre 2011, 10-17680


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 31 du code de procédure civile ;

Attendu que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 mars 2010), que Mme X... a confié en 1995 l'exécution des trava

ux de reprise des désordres affectant sa maison à la société Bati-Scav sous le contrôle de la...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 31 du code de procédure civile ;

Attendu que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 mars 2010), que Mme X... a confié en 1995 l'exécution des travaux de reprise des désordres affectant sa maison à la société Bati-Scav sous le contrôle de la société DBE études, assurée auprès de la société Allianz IARD, et suivant les préconisations du CEBTP, assuré auprès de la SMABTP ; que, de nouvelles fissures étant apparues en 1997, elle a obtenu le 10 juin 1998 la désignation d'un expert judiciaire ; qu'elle a vendu la maison le 30 avril 1999 au terme d'un acte stipulant notamment qu'elle continuerait à diligenter la procédure, même après la réalisation de la vente, et percevrait seule toutes indemnités et autres sommes pouvant éventuellement lui être allouées au titre des préjudices relevés et de l'action en cours ; que le 31 janvier 2005, elle a assigné les intervenants et leurs assureurs en indemnisation de son préjudice constitué par le coût des travaux de reprise et les frais générés par l'exécution des travaux ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de Mme X..., faute d'intérêt à agir, l'arrêt retient qu'en cas de cession de l'immeuble, le maître d'ouvrage ne perd pas la faculté d'exercer l'action en garantie décennale dès lors qu'il peut invoquer un préjudice personnel et relève que Mme X..., qui n'était plus propriétaire de l'immeuble à la date de délivrance de l'assignation, n'effectuera jamais les travaux dont elle sollicitait l'indemnisation, n'établit pas que le prix de vente avait été fixé en tenant compte de la perte de valeur de l'immeuble constituée par le coût des travaux, que les sommes arrêtées par l'expert constituaient la réparation du préjudice subi du fait de la dépréciation de l'immeuble et que la clause relative aux instances en cours ne faisait pas référence à la détermination du prix de l'immeuble en considération du coût prévisible des travaux de reprise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré Madame Y..., épouse X..., irrecevable dans son action introduite par l'assignation signifiée par acte du 31 janvier 2005

AUX MOTIFS QU'il est constant et établi par les actes de la procédure que Madame X... a sollicité la désignation d'un expert parce que malgré l'exécution de travaux de reprise en sous-oeuvre des fondations de la maison d'habitation dont elle est propriétaire à SAINT SATURNIN LES APT (84), exécutés en 1995, des fissures sont apparues à nouveau en 1997, et qu'un expert a été désigné par ordonnance de référé du 10 juin 1998 en la personne de Monsieur Z... ; - que l'expert a déposé le 28 avril 1999 un rapport provisoire contenant une estimation des travaux à réaliser tout en précisant que la reprise en sous-oeuvre par micro-pieux qui est nécessaire devra faire l'objet préalablement d'une étude géotechnique dont il a alors chiffré le coût prévisible, - que le 9 juillet 1999, il a déposé son rapport qualifié de définitif avec une estimation prévisionnelle des travaux, sous réserve d'une étude géotechnique que la demanderesse à l'expertise n'avait pas souhaité préfinancer, à la somme de 581.771 F TTC, soit 88.690,42 € et des préjudices annexes que subirait Madame X... du fait des travaux à 19.000 F environ, soit 2.896,53 € ; que par acte reçu le 30 avril 1999 par Maître A..., notaire à ROBION (84), Madame X... a vendu la maison d'habitation située à SAINT SATURNIN LES APT, l'acte comprenant au chapitre « instances en cours » la clause suivante : « la venderesse aux présentes déclare qu'une action est actuellement pendante devant le tribunal de grande instance d'AVIGNON pour un litige portant sur la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs et autres, ainsi qu'il résulte de l'ordonnance de référé du 10 juin 1998 dont copie est demeurée ci-annexée après mention et visée par les parties. Il est expressément convenu entre les parties que la venderesse continuera à diligenter !a procédure, même après la réalisation de la vente, et percevra seule toutes indemnités et autres sommes pouvant éventuellement lui être allouées au titre des préjudices relevés et de l'action et cours ; que l'acquéreur déclare être parfaitement informé de cette situation et vouloir acquérir à ses risques et périls l'immeuble ci-dessus dans son état actuel sans aucun recours contre le vendeur ; que cette condition est déterminante des présentes conventions" ; que madame X... a assigné par acte d'huissier du 31 janvier 2005 le CEBTP, la SARL D.B.E. ETUDES et son assureur ALLIANZ Via Assurances au visa de l'article 1792 du Code Civil et au vu des conclusions de l'expert Z..., en déclaration de responsabilité et condamnation à titre principal à lui payer la somme de 98.939,41€ soit 96.042,88 € au titre des travaux de reprise et 2.896,53 € au titre des préjudices annexes ; que le Tribunal après avoir rappelé les termes de la clause de l'acte de vente citée plus haut, a retenu que Madame X... avait qualité à agir et a condamné les sociétés appelantes déclarées responsables au coût des travaux de reprise outre actualisation et à une indemnité pour les préjudices annexes ; que dans ses dernières écritures, Madame X... a conclu à la confirmation du jugement en opposant à l'irrecevabilité soulevée par les appelants que « les termes de l'acte de vente établi par Maître A... le 30 avril 1999 établissent que le prix de vente de l'immeuble a été fixé tenant compte de la perte de valeur de celui-ci et d'un commun accord acheteur et vendeur, ont considéré que le coût des travaux de reprise qui devait être allouée aux termes de la procédure correspondait à la juste indemnisation des acheteurs et devait être déduit du prix de vente » (dernières conclusions page 4 – discussion – I- 2ème §) ; que si, en principe, l'action en garantie décennale se transmet aux acquéreurs avec la propriété de l'immeuble, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer dès lors qu'il peut l'invoquer un préjudice personnel ; qu'en l'espèce, à la date de la délivrance de l'assignation introductive de l'instance, quatre ans après la vente de l'immeuble et le dépôt du rapport de l'expert, Madame X... n'était plus propriétaire de l'immeuble mais, comme dans ses dernières écritures en appel, sollicite la condamnation des responsables à lui verser le coût actualisé des travaux de reprise en sous-oeuvre par micro-pieux des fondations et des désordres extérieurs et intérieurs alors que n'étant plus propriétaire de l'ouvrage, elle n'effectuera jamais ces travaux et qu'elle n'a pas pris l'engagement de le faire à l'égard des acquéreurs, ainsi que l'indemnisation des préjudices annexes subis durant l'exécution des travaux alors que ces chefs de préjudice se rapportent, selon le rapport d'expertise, à la privation de jouissance de la maison pendant la durée de 2 mois environ des travaux de réparation ainsi qu'aux frais de déménagement, stockage et réaménagement d'une partie du mobilier (page 20 du rapport provisoire de l'expert Z... – 3- 7 ) ; que la condamnation sollicitée par Madame X... au paiement de sommes équivalentes au coût des travaux de réparation de l'ouvrage et aux préjudices annexes résultant de leur exécution n'a donc pas pour objet la réparation d'un préjudice qui lui soit personnel pour lequel elle aurait un intérêt direct et certain à agir en réparation sur le fondement de l'article 1792 du Code civil puisqu'elle avait vendu l'immeuble à la date de l'assignation en paiement de ces sommes ; que Madame X... n'établit pas plus, comme elle l'affirme dans ses dernières écritures citées plus haut, que le prix de l'immeuble a été fixé en tenant compte de sa perte de valeur et que le vendeur et l'acheteur ont considéré d'un commun accord que le coût des travaux devait venir en déduction du prix de l'immeuble acquis en l'état, de sorte que les sommes arrêtées par l'expert constitueraient la réparation du préjudice subi du fait de la dépréciation de l'immeuble ; qu'en effet, outre le fait que l'assignation introductive de l'instance n'a pas pour objet la réparation d'un tel préjudice, aucune clause de l'acte authentique de l'acte de vente signé le 30 avril 1999, à une date où même le rapport provisoire de l'expert Z... n'était pas diffusé à toutes les parties, n'évoque un tel accord sur le mode de fixation du prix et la clause citée plus haut qui porte rappel de l'instance en cours, n'a pour objet que de régir les rapports des parties au regard des garanties dues par le vendeur sans faire référence à la détermination du prix de l'immeuble acquis par l'acheteur à ses risques et périls, en considération du coût prévisible des travaux nécessaires en cours d'évaluation ; que Madame X... ne produit aucun autre élément de preuve établissant qu'elle a dû consentir à une diminution du prix en fonction du coût des travaux de reprise tels qu'ils ont été ensuite évalués par l'expert de sorte qu'elle ne peut soutenir qu'elle a subi un préjudice personnel, direct et certain pour avoir dû consentir une diminution du prix équivalente aux sommes détaillées plus haut dont elle demandait le paiement dans l'assignation introductive de l'instance et, par voie de confirmation du jugement, dans ses dernières conclusions ; qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, elle n'était donc pas recevable, faute d'intérêt direct et certain, à exercer l'action en garantie décennale après la vente de l'immeuble pour solliciter la réparation de préjudices qui ne lui étaient pas personnels ; que les appels sont donc bien fondés ;

1) ALORS QUE le titulaire d'une créance de réparation, conventionnement acquise, a un intérêt direct et certain à agir, quelles que soient les conditions de l'acquisition (à titre gracieux ou à titre onéreux) de la créance ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a constaté que le propriétaire actuel de l'immeuble avait une créance de réparation contre les constructeurs et leurs assureurs à raison des malfaçons de l'immeuble ; que la Cour d'appel a encore constaté que par acte de vente du 3 avril 1999, la créance de réparation avait été conventionnement transférée à l'ancien propriétaire de l'immeuble ; qu'en déniant à ce dernier un intérêt à agir faute pour lui de démontrer qu'il avait subi un préjudice du fait des malfaçons, la Cour d'appel a violé les articles 31, 32 du Code de procédure civile et les articles 1134 et 1792 du Code civil ;

2) ALORS QU'en l'espèce Madame X..., ancienne propriétaire de l'immeuble invoquait ce transfert conventionnel de la créance de réparation comme fondement de son intérêt à agir (cf. conclusions d'appel p.5) ; qu'en affirmant que Madame X... alléguait comme seul fondement de son action le préjudice qu'elle aurait subi du fait que la réduction du prix de vente qu'elle avait été amenée à consentir du fait des malfaçons litigieuses, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Madame X... en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile et du principe selon lequel il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents qui leur sont soumis.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-17680
Date de la décision : 16/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 09 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 nov. 2011, pourvoi n°10-17680


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17680
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