LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 33 de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur contredit, que la société Merial a confié l'acheminement de colis de produits vétérinaires de Lyon (France) à Skovlund (Danemark) à la société DHL Global Forwarding France (la société DHL) qui s'est substitué la société SAS Cargo pour le transport par voie aérienne de Paris à Copenhague ; que les instructions relatives à la température n'ayant pas été respectées, la marchandise a été perdue ; que la société Mérial, ainsi que la société Groupama transport et la société Allianz Global Corporate et Speciality, qui l'avaient partiellement indemnisée, ont assigné la société DHL, qui a appelé en garantie les sociétés SAS Cargo et SAS Cargo Group A/S ;
Attendu que pour déclarer les sociétés SAS Cargo et SAS Cargo Group A/S mal fondées en leur demande d'incompétence du tribunal de commerce de Pontoise, déclarer celui-ci compétent pour connaître du litige et renvoyer la procédure devant ce tribunal pour examen de l'affaire au fond, l'arrêt retient qu'un extrait du registre du commerce et des sociétés de Nanterre concernant la société SAS Cargo fait état de son siège à Stockholm et de l'existence de cinq établissements secondaires enregistrés en France dont deux à Roissy, que le représentant de la compagnie SAS Cargo, sur un papier à en-tête de cette société et daté à Roissy du 30 mai 2007, atteste la prise en charge des colis litigieux, qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit le tribunal de commerce de Pontoise territorialement compétent pour connaître du litige opposant les parties ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le contrat de transport avait été conclu par le soin de l'établissement de la société SAS Cargo situé dans le ressort du tribunal de commerce de Pontoise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré les sociétés SAS Cargo et SAS Cargo Group A/S mal fondées en leur demande d'incompétence du tribunal de commerce de Pontoise, déclaré le tribunal de commerce de Pontoise compétent pour connaître du litige et renvoyé la procédure devant ce tribunal pour examen de l'affaire au fond, l'arrêt rendu le 14 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne les sociétés Merial, Groupama transport, Allianz global Corporate et Speciality et DHL Global Forwarding France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Cargo et autre
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré les sociétés SAS Cargo et SAS Cargo Group A/S mal fondées en leur demande d'incompétence du tribunal de commerce de Pontoise, et de les en avoir déboutées, d'AVOIR déclaré le tribunal de commerce de Pontoise compétent pour connaître du litige, et d'AVOIR en conséquence renvoyé la procédure devant ce tribunal pour examen de l'affaire au fond ;
AUX MOTIFS QUE les défendeurs au contredit relèvent les sociétés Cargo et Cargo Group ont un établissement à l'aéroport de Roissy où ont été pris en charge les colis ; que le règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000, ayant pour objet, notamment, de fixer la compétence judiciaire en matière civile et commerciale, ne peut faire obstacle à l'application des traités internationaux dans des domaines particuliers, dont les Etats soumis au règlement précité seraient par ailleurs signataires ; qu'en l'occurrence le régime du transport aérien de marchandises est spécifiquement régi par la Convention de Montréal du 28 mai 1999 ; que pour déterminer la juridiction compétente pour prononcer sur la responsabilité du transporteur aérien, cette Convention prévoit en son article 33 que l'action en responsabilité devra être portée, au choix du demandeur, dans le territoire de l'un des Etats parties, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination ; qu'en l'espèce, un extrait du RCS Nanterre concernant la société SAS Cargo sous immatriculation B 572 042 745, fait état de son siège à Stockholm et de l'existence de 5 établissements secondaires enregistrés en France dont deux à Roissy en France, l'un à l'aéroport Charles de Gaulle pour les transports aériens de passagers et l'autre à l'aéroport CDG Service, soit en zone Fret pour les transports aériens réguliers ; que le représentant de la compagnie SAS Cargo, sur un papier à en-tête de cette société et daté «Roissy le 30 mai 2007 » atteste la prise en charge des colis litigieux ; qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit le tribunal de commerce de Pontoise territorialement compétent pour connaître du litige opposant les parties ;
1°) ALORS QU'aux termes de la Convention de Montréal, sont compétentes pour connaître de l'action en responsabilité formée contre le transporteur aérien, au choix du demandeur, les juridictions du domicile du transporteur, celles du siège principal de son exploitation, celles du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, ou celles du lieu de destination ; que ces stipulations relatives à la compétence des tribunaux, qui sont d'interprétation stricte, ne peuvent justifier la compétence du tribunal dans le ressort duquel le transporteur aurait un établissement, mais qui n'a pas conclu le contrat ; qu'en l'espèce, il ressortait explicitement des mentions de la LTA que le contrat de transport avait été conclu par SAS en Suède ; qu'en retenant néanmoins la compétence des juridictions françaises, aux motifs inopérants que la société SAS Cargo avait des établissements en France, et que le « représentant » du transporteur en France avait attesté de la prise en charge des colis sur un papier à en-tête de la société daté «Roissy le 30 mai 2007 », quand ces motifs étaient impropres à caractériser que le contrat de transport, en date du 26 avril 2007, avait été conclu par le soin d'un établissement en France de la société SAS Cargo, la cour d'appel a violé l'article 33 de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 ;
2°) ALORS QU'en outre, la LTA mentionnait explicitement qu'elle était émise par la société SAS sise en Suède ; qu'elle ne comportait aucune mention faisant référence à un établissement en France de la société SAS Cargo ; qu'en inférant néanmoins que le contrat avait été conclu par un établissement en France de la société de droit suédois, la cour d'appel a dénaturé la portée des stipulations claires et précises de la LTA, et partant violé l'article 1134 du code civil ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.