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03/11/2011 | FRANCE | N°10-24244

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 novembre 2011, 10-24244


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... s'est rendu sur l'exploitation agricole appartenant à la SCI Domaine de Boulain (la SCI), voisine de celle gérée par son épouse, pour aider au transfert de ballots de paille, entreposés sous un hangar, dans la semi-remorque appartenant à M. Y... ; qu'il a été blessé par la chute d'un ballot tombé de la pile ; que M. et Mme X... ont fait assigner en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices la SCI et son assureur, la société

Aréas assurances, venant aux droits de la société Caisse mutuelle d'ass...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... s'est rendu sur l'exploitation agricole appartenant à la SCI Domaine de Boulain (la SCI), voisine de celle gérée par son épouse, pour aider au transfert de ballots de paille, entreposés sous un hangar, dans la semi-remorque appartenant à M. Y... ; qu'il a été blessé par la chute d'un ballot tombé de la pile ; que M. et Mme X... ont fait assigner en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices la SCI et son assureur, la société Aréas assurances, venant aux droits de la société Caisse mutuelle d'assurances et de prévoyance Aréas CMA (l'assureur), et M. Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur de M. Y..., en présence de la Mutuelle civile de la défense et de la Mutualité de la fonction publique ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne, la Caisse des dépôts et consignations et M. C..., mandataire liquidateur de la SCI, sont intervenus en cause d'appel ;
Attendu que les première et quatrième branches du moyen unique ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen, qu'est considéré comme impliqué, dans un accident de la circulation, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident ; qu'en subordonnant dès lors l'implication du véhicule de M. Y... dans la survenance de l'accident au comportement de ce conducteur, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que M. X... s'était rendu sur l'exploitation agricole pour transférer des ballots de paille sur la semi-remorque de M. Y... et avait été blessé par la chute de l'un d'eux, l'arrêt constate qu'il résulte de l'enquête de gendarmerie que lors des faits M. X... se trouvait sur son tracteur et avait enfourché des ballots de paille entassés sous le hangar de la SCI, que M. Y... avait arrêté le moteur de son camion et ne se trouvait pas près de celui-ci mais sous le hangar pour guider la manoeuvre de M. X..., puis retient que ces renseignements sur la place des deux seules personnes présentes sur les lieux et de leurs véhicules montrent que le camion de M. Y... n'a joué aucun rôle dans la survenance de l'accident et ne peut être considéré comme véhicule impliqué ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve produits et sans ajouter une condition à l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 que la cour d'appel a pu écarter l'implication du camion de M. Y... dans l'accident subi par M. X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le rejet de la troisième branche entraîne en application de l'article 624 du code de procédure civile celui de la cinquième ;
Mais le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de M. et Mme X..., l'arrêt se borne à retenir que la SCI, qui exploitait selon son objet social alors déclaré au registre du commerce un bois et un corps de ferme, avait la qualité d'agriculteur et avait noué avec M. X... un contrat d'entraide agricole ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que M. et Mme X... faisaient valoir dans leurs conclusions que la SCI n'avait pas cette qualité, quel que fût son objet social, dans la mesure où, en pratique, l'exploitant agricole était M. A... et que la preuve de sa qualité d'exploitante n'était pas rapportée par la production des éléments comptables, fiscaux et sociaux habituels, la cour d'appel a méconnu les exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme X... de leur demande tendant à voir engager la responsabilité de la SCI Domaine du Boulain et de son assureur la société CMA Aréas, l'arrêt rendu le 22 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Aréas assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aréas assurances ; la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, débouté les époux X... de leurs demandes tendant à ce que la SCI DOMAINE DE BOULAIN, aujourd'hui en liquidation judiciaire et représentée par Maître C..., ès qualités, et Monsieur Y..., pris en la personne de Maître Z..., mandataire liquidateur, soient déclarés entièrement responsables de l'accident, qu'en conséquence, la compagnie AREAS CMA, aux droit de laquelle est venue la compagnie AREAS ASSURANCES, soit condamnée à leur verser une indemnité provisionnelle de 30. 490 euros et qu'une expertise soit ordonnée afin d'évaluer le préjudice de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE, sur la responsabilité, au soutien de leur appel, les époux X... contestent que les conditions dans lesquelles l'accident s'est produit correspondent à la mise en oeuvre d'une convention d'entraide agricole mais estiment, au contraire, que la SCI, qui avait la garde des ballots, est responsable de l'accident sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, que, subsidiairement, cette responsabilité, comme celle de Monsieur Y..., peut aussi être engagée tant sur le fondement de l'article 1382 du code civil, au titre de l'obligation de sécurité qui leur incombait, qu'au titre de la loi du 5 juillet 1985 pour le seul Monsieur Y... ; que la compagnie AREAS réplique que l'accident étant survenu dans le cadre de l'entraide agricole, Monsieur X... et, à tout le moins, son épouse est responsable de l'accident, qu'à titre subsidiaire, la loi du 5 juillet 1985 n'est pas applicable aux faits et que, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, la garde des ballots a été transférée à Monsieur Y... ; que sur l'existence d'une entraide agricole et sur la responsabilité de la SCI, aux termes de l'article L. 325-1 du Code rural « l'entraide est réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation. Elle peut être occasionnelle, temporaire ou intervenir de manière régulière. L'entraide est un contrat gratuit, même lorsque le bénéficiaire rembourse au prestataire tout ou partie des frais engagés par ce dernier » ; que pour contester l'existence d'un tel contrat conclu entre lui-même et la SCI, Monsieur X... avance que cette convention impliquait un tiers ; que Monsieur Y... (il faut lire Monsieur X...), qui n'avait pas la qualité d'agriculteur, et ne participait pas à la réalisation de travaux agricoles mais à la remise à Monsieur Y... de ballots de paille, rémunération d'un contrat de transport au profit de la SCI ; qu'en outre, ni lui-même ni la SCI n'avaient la qualité d'agriculteur au moment des faits ; que la condition de réciprocité alléguée par Monsieur A... (gérant de la SCI) n'a jamais existé ; qu'il ajoute enfin que la réalité d'une convention d'entraide, à la supposer établie, ne saurait lui être opposée, l'assureur de la SCI ayant, dans un courrier du 6 juillet 1998, estimé que les faits de l'espèce ne constituaient pas une convention d'entraide ; que toutefois en sollicitant, ainsi que les pièces aux débats le démontrent, l'aide de Monsieur X... pour charger des ballots de paille que Monsieur Y... devait emmener sur son camion, la SCI qui, exploitant, selon son objet social alors déclaré au registre du commerce, un bois et un corps de ferme, avait la qualité d'agriculteur, a noué avec Monsieur X..., bénéficiaire de la même qualité en tant que conjoint d'agriculteur, peu importe qu'il exerçait également une autre activité non agricole, un contrat d'entraide agricole, sans qu'il soit nécessaire d'exiger du tiers au contrat, Monsieur Y..., qu'il ait cette même qualité ; que par ailleurs, la réciprocité contestée de cette convention du fait que Monsieur X... n'aurait pas demandé à la SCI de presser sa paille ne peut être niée dans sa réalité ; qu'en effet, à défaut de l'avoir réclamée, Monsieur X... l'a, au moins, acceptée et qu'il le reconnait explicitement lorsque dans un courrier du 18 juillet 1998, adressé à Monsieur B..., il « déclare l'accident survenu le 18 février 1998 à JAULGES dans le cadre de l'entraide » ; qu'enfin l'inopposabilité invoquée par Monsieur X... au contrat d'entraide ne saurait être invoquée dès lors, d'une part, que dans son courrier précité, la compagnie d'assurances n'a fait que se prononcer « en l'état des pièces au dossier » et qu'ainsi qu'il vient d'être rappelé, Monsieur X... a lui-même situé les faits dans le cadre d'une entraide agricole ; qu'en conséquence, le prestataire d'une entraide restant responsable des accidents qui l'affectent, la responsabilité de la SCI ne saurait être recherchée sur aucun fondement (arrêt attaqué, p. 4, der. §., p. 5 et p. 6, §. 1) ;
1°) ALORS QUE l'entraide, contrat réalisé entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation, suppose la qualité d'agriculteur des parties, le caractère agricole des prestations et une réciprocité des services ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu l'existence d'un contrat d'entraide entre la SCI DOMAINE DE BOULAIN et Monsieur X... et en a déduit l'absence de responsabilité de la SCI sur quelque motif que ce fût, motifs pris de la sollicitation par la SCI, agriculteur, car exploitant un bois et un corps de ferme, de l'aide de Monsieur X..., également agriculteur comme conjoint d'agriculteur, pour charger des ballots ; qu'en déduisant de la sorte la qualité d'agriculteur de Monsieur X... de son statut d'époux d'agriculteur pour conclure à l'existence entre celui-ci et la SCI d'un contrat d'entraide et, partant, à l'absence de responsabilité de la SCI sur quelque fondement que ce fût, la Cour d'appel a violé l'article L. 325-1 du Code rural, ensemble l'article L. 325-3 du même code ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel (pp. 8-9), Monsieur et Madame X... faisaient valoir que la SCI DOMAINE DE BOULAIN n'avait pas la qualité d'agriculteur, quel que fût son objet social, dans la mesure où, en pratique, l'exploitant agricole en était Monsieur A..., qui s'était présenté comme tel lors de l'enquête de gendarmerie, et que la qualité d'exploitante de la SCI n'était pas rapportée par la production d'éléments comptables, sociaux et fiscaux ; qu'en retenant néanmoins la qualité d'agriculteur de la SCI, en en déduisant l'existence d'un contrat d'entraide entre celle-ci et Monsieur X... et, partant, l'absence de responsabilité, sur quelque motif que ce fût, de la SCI, sans répondre à ces deux moyens déterminants, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur la responsabilité de Monsieur Y..., il résulte de l'enquête de gendarmerie que lors des faits, Monsieur X... se trouvait sur son tracteur et avait enfourché des ballots de paille entassés en piles sous le hangar de la SCI, que Monsieur Y..., qui avait arrêté le moteur de son camion, ne se trouvait pas près de celui-ci mais sous le hangar pour guider la manoeuvre de Monsieur X... ; que ces constatations sur la place des deux seules personnes présentes sur les lieux et de leurs véhicules montrent que le camion de Monsieur Y... n'a joué aucun rôle dans la survenance de l'accident, qu'il ne peut donc être considéré comme véhicule impliqué et qu'aucune obligation à l'encontre de Monsieur Y... ne peut être recherchée à ce titre (arrêt, p. 6) ;
3°) ALORS QU'est considéré comme impliqué, dans un accident de la circulation, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident ; qu'en subordonnant dès lors l'implication du véhicule de Monsieur Y... dans la survenance de l'accident au comportement de ce conducteur, la Cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;
ET AUX MOTIFS QUE, enfin, Monsieur X..., qui reproche à la SCI d'avoir manqué à son obligation de sécurité s'agissant du site, ne saurait en déduire une faute de Monsieur Y... en prétendant qu'il aurait assisté la SCI en tant que transporteur ; qu'aucune obligation contractuelle de Monsieur Y..., dont Monsieur X... pourrait se prévaloir, n'étant rapportée dès lors que les faits de l'espèce ne démontrent pas que l'accident serait intervenu dans le cadre de l'exécution d'un contrat de transport à la charge de Monsieur Y... (arrêt attaqué, p. 6) ;
4°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé ; que dans leurs conclusions d'appel (p. 11), les époux X... recherchaient la responsabilité de Monsieur Y..., à titre accessoire, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'en considérant dès lors que Monsieur X... ne saurait déduire une faute de Monsieur Y... du fait de l'assistance par ce dernier de la SCI, en qualité de transporteur, au motif qu'il n'était pas établi que l'accident serait survenu lors de l'exécution d'un contrat de transport à la charge de Monsieur Y..., la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et ainsi violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
ET AUX MOTIFS QU'en conséquence, il convient de débouter également les époux de leur demande d'expertise (arrêt attaqué, p. 6) ;
5°) ALORS QU'en application de l'article 624 la cassation du chef de dispositif relatif à la responsabilité de Monsieur Y... entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif relatif à la demande d'expertise des époux X..., qui se trouve dans un lien de dépendance nécessaire.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-24244
Date de la décision : 03/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 nov. 2011, pourvoi n°10-24244


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.24244
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