LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 juin 2010), que la société Le Florian et la société Tradinvest ont conclu une promesse synallagmatique ayant pour objet la cession à la seconde du fonds de commerce appartenant à la première ; qu'aucun acte de vente n'ayant été régularisé entre les parties, la société Le Florian a demandé la condamnation de la société Tradinvest à lui payer l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse ; qu'à la suite d'une dissolution décidée par ses associés à compter du 31 décembre 2007, Mme X... a été désignée liquidateur de la société Le Florian ; que le 9 décembre 2008, cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés ; que par acte du 18 décembre 2009, la société Tradinvest a interjeté appel du jugement rendu le 19 novembre 2009 en faveur de la société Le Florian ; que Mme X... a été désignée mandataire ad hoc de la société Le Florian pour la durée de la procédure devant la cour d'appel par ordonnance du 8 avril 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Le Florian fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel interjeté par la société Tradinvest, alors, selon le moyen, que la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, cette société devant être mise en cause après désignation, à l'initiative du demandeur à l'instance, d'un mandataire ad hoc aux fins de la représenter ; que l'appel interjeté contre cette société doit être régularisé par la désignation d'un mandataire ad hoc avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en l'espèce, si l'appel pouvait être interjeté par la société Tradinvest contre la société Le Florian, partie au jugement, ce recours formé contre une société dissoute et radiée du registre du commerce et des sociétés n'était recevable que si l'appelante le régularisait, avant l'expiration du délai d'appel, en obtenant la nomination d'un mandataire ad hoc pour représenter la société Le Florian ;qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 117, 121 et 547 du code de procédure civile, L. 237-2 du code de commerce et 1844-7 et 1844-8 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que le recours de la société Tradinvest a été formé dans le délai de la loi, par son représentant légal, et contre la personne même qui était son contradicteur en première instance ; qu'il retient ainsi à bon droit que l'appel est recevable et, ayant relevé qu'un mandataire ad hoc, désigné en cause d'appel pour représenter la société qui a plaidé contre elle, est intervenu volontairement à l'instance, que son contradicteur est à présent valablement représenté ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que la société Le Florian fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de condamnation de la société Tradinvest à lui payer la somme de 12 000 euros, outre les intérêts au taux légal, alors, selon le moyen :
1°/ qu' il incombe à l'acquéreur de démontrer que la demande de prêt qui lui a été refusé était conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse de vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Le Florian, venderesse, ne rapportait pas la preuve que la société Tradinvest, acquéreur, avait manqué à ses obligations, faute d'avoir obtenu un prêt conforme à celui prévu par la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du fonds de commerce ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il incombait à l'acquéreur de démontrer qu'il avait sollicité un tel prêt qui lui avait été refusé, ce que n'établissaient pas les attestations de demandes de prêt, qui n'indiquaient pas les caractéristiques des prêts sollicités, ni les accords de principe des établissements de crédit, qui ne correspondaient pas aux emprunts prévus, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a constaté que la société Tradinvest avait reçu un accord de principe de financement le 28 juillet 2006, date fixée pour remettre au notaire une attestation du prêteur justifiant de l'obtention du prêt ; que pour juger que le défaut de conclusion de l'acte authentique de vente du fonds de commerce n'était pas imputable à la société Tradinvest, la cour d'appel a retenu que cette société avait vainement sollicité un délai supplémentaire afin de poursuivre ses démarches et d'obtenir le prêt à temps pour signer l'acte authentique au plus tard le 31 août 2006 et que l'accord de financement reçu le 28 juillet 2006 était imprécis et subordonné à l'obtention de garanties ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société Tradinvest avait invoqué la caducité de la promesse de vente dès le 28 juillet 2006, malgré l'existence d'un premier accord de financement qu'elle n'avait pas porté à la connaissance du vendeur, ce dont il résultait qu'en réalité, cet acquéreur n'avait pas eu la volonté de «passer l'acte de régularisation» de la promesse de vente avant le 31 août 2006 et que la somme de 12 000 euros était acquise au vendeur à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1134 et 1152 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que dans ses écritures la société Le Florian reprochait à la société Tradinvest d'avoir attendu le 26 juin 2006 pour déposer les premières demandes de financement datées des 22 et 23 juin 2006, sans remettre en cause leur conformité aux stipulations de la promesse ;que le moyen est nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'aux termes du compromis la cession était soumise à la condition suspensive de l'octroi d'un prêt aux caractéristiques détaillées dans l'acte, dont l'obtention devait être justifiée au cédant au plus tard le 28 juillet 2008 et constaté qu'au terme du délai le cessionnaire ne bénéficiait que d'un simple accord de principe ne précisant pas le taux exact du crédit et restant subordonné à l'obtention de certaines garanties, ce dont il a avisé le cédant dans les délais impartis, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la condition ne s'est pas réalisée et que la société Tradinvest ne doit aucune indemnité ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Florian aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Le Florian
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Tradinvest à l'encontre de la société Le Florian alors dissoute et sans représentant légal ;
AUX MOTIFS QUE le recours de la société Tradinvest a été formé dans le délai de la loi par son représentant légal, et contre la personne même qui était son contradicteur en première instance ; qu'aucune obligation légale ne pesait sur elle de provoquer dans le délai d'appel la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société qui avait plaidé contre elle, et en tout état de cause, la désignation d'un tel mandataire, intervenue le 8 avril 2010, fait que son appel est dirigé contre une société qui est à présent valablement représentée ; que l'appel de la société Tradinvest est ainsi recevable ;
ALORS QUE la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, cette société devant être mise en cause après désignation, à l'initiative du demandeur à l'instance, d'un mandataire ad hoc aux fins de la représenter ; que l'appel interjeté contre cette société doit être régularisé par la désignation d'un mandataire ad hoc avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en l'espèce, si l'appel pouvait être interjeté par la société Tradinvest contre la société Le Florian, partie au jugement, ce recours formé contre une société dissoute et radiée du registre du commerce et des sociétés n'était recevable que si l'appelante le régularisait, avant l'expiration du délai d'appel, en obtenant la nomination d'un mandataire ad hoc pour représenter la société Le Florian ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 117, 121 et 547 du Code de procédure civile, L 237-2 du Code de commerce et 1844-7 et 1844-8 du Code civil.
SECOND MOYEN (SUBSIDIAIRE) DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Le Florian, représentée par son mandataire ad hoc madame X..., de sa demande de condamnation de la société Tradinvest à lui payer la somme de 12.000 €, outre intérêt au taux légal ;
AUX MOTIFS QU' il ressort des clauses du compromis de cession du fonds de commerce conclu le 10 juin 2006 que l'indemnité de 12.000 € n'est pas due si l'acheteur n'obtient pas son prêt – auquel l'acte énonce au contraire que chaque partie reprend sa liberté sans indemnité – mais qu'elle est acquise à la cédante, à titre de dommages et intérêts, si le cessionnaire ne peut pas ou ne veut pas passer l'acte ; que la société Le Florian ne soutient pas expressément que la condition suspensive d'obtention du prêt devrait être regardée comme réputée accomplie au sens de l'article 1178 du Code civil parce que la société Tradinvest en aurait empêché l'accomplissement ; que toutefois, elle prétend que l'indemnité lui est due parce que sa cocontractante a manqué à ses obligations et a commis des fautes ; qu'elle n'en rapporte cependant pas la preuve ; que s'agissant en premier lieu du grief de manque de diligence dans le dépôt des demandes de financement, il n'est pas justifié, la société Tradinvest – qui n'était contractuellement tenue de le faire dans aucun délai déterminé – justifiant avoir sollicité trois établissements financiers, et ce, dans un délai d'une dizaine de jours qui ne traduit aucune mauvaise volonté ou mauvaise foi de sa part, particulièrement au vu des justificatifs requis pour une opération de cette importance, ainsi qu'en persuade le dossier de demande versé aux débats (cf. pièce n° 24), étant observé que son représentant était déjà reçu par un banquier le 26 juin 2006, ce qui laissait plus d'un mois avant le terme du délai convenu ; qu'alors qu'elle n'y était pas contractuellement tenue, la société Tradinvest a en outre avisé le 18 juillet 2006 (cf. pièce n° 20, feuillet n° 4) de ce dépôt la société Le Florian, qui admet avoir reçu cette information (cf. p. 4 concl. d'appel) ; que n'ayant recueilli au terme du délai, et le dernier jour, qu'un simple accord de principe d'un pool Caisse d'épargne/Crédit agricole ne précisant pas le taux exact du crédit et restant subordonné à l'obtention de certaines garanties (cf. pièce n° 28), la société Tradinvest a écrit le jour même, 28 juillet 2006, à la société Le Florian – qui admet avoir reçu cette télécopie, doublée d'une lettre qu'elle produit (concl., p. 5 et 12 ; pièces n° 4 et 6) – et avec copie au notaire (pièce n° 11), pour lui confirmer que le compromis se trouvait donc caduc, ce qui ne revêtait aucun caractère fautif puisque cette caducité résultait en effet des clauses du compromis, et qui peut même être regardé comme une manifestation de diligence exprimant sans retard à la venderesse qu'elle retrouvait sa liberté et la pleine disposition de son bien ; quant au reproche que la société Le Florian adresse à la société Tradinvest de ne pas lui avoir demandé un délai supplémentaire afin de poursuivre ses démarches et d'obtenir le prêt à temps pour signer l'acte authentique pour le 31 août 2006, il est dénué de toute pertinence, puisque la société Tradinvest établit au contraire d'une part, qu'elle avait maintenu ses contacts avec les deux établissements ayant donné un accord de principe (cf. pièces n° 29, 30, 31), en leur précisant par écrit le 1er août 2006 qu'elle se rapprochait du cédant afin d'obtenir un délai supplémentaire (pièces n° 12 et 13), et d'autre part qu'elle a effectivement demandé dès le 1er août 2006 à la société Le Florian par un courrier (pièce n° 14) dont l'envoi effectif en télécopie est démontré (pièce n° 16) s'il lui était « possible de nous accorder un délai supplémentaire. Délai à nous préciser et confirmer par écrit » en lui expliquant qu'un accord était en vue mais restait à finaliser, la société Le Florian ne prouvant ni ne prétendant avoir répondu à cette demande autrement qu'en lui faisant demander le 23 août 2008 par le notaire la preuve du dépôt de son dossier auprès de la banque ; qu'au vu de ces éléments, la condition a réellement défailli et la société Tradinvest ne doit aucune indemnité ;
ALORS QUE, D'UNE PART, il incombe à l'acquéreur de démontrer que la demande de prêt qui lui a été refusé était conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse de vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Le Florian, venderesse, ne rapportait pas la preuve que la société Tradinvest, acquéreur, avait manqué à ses obligations, faute d'avoir obtenu un prêt conforme à celui prévu par la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du fonds de commerce ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il incombait à l'acquéreur de démontrer qu'il avait sollicité un tel prêt qui lui avait été refusé, ce que n'établissaient pas les attestations de demandes de prêt, qui n'indiquaient pas les caractéristiques des prêts sollicités, ni les accords de principe des établissements de crédit, qui ne correspondaient pas aux emprunts prévus, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la cour d'appel a constaté que la société Tradinvest avait reçu un accord de principe de financement le 28 juillet 2006, date fixée pour remettre au notaire une attestation du prêteur justifiant de l'obtention du prêt ; que pour juger que le défaut de conclusion de l'acte authentique de vente du fonds de commerce n'était pas imputable à la société Tradinvest, la cour d'appel a retenu que cette société avait vainement sollicité un délai supplémentaire afin de poursuivre ses démarches et d'obtenir le prêt à temps pour signer l'acte authentique au plus tard le 31 août 2006 et que l'accord de financement reçu le 28 juillet 2006 était imprécis et subordonné à l'obtention de garanties ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société Tradinvest avait invoqué la caducité de la promesse de vente dès le 28 juillet 2006, malgré l'existence d'un premier accord de financement qu'elle n'avait pas porté à la connaissance du vendeur, ce dont il résultait qu'en réalité, cet acquéreur n'avait pas eu la volonté de « passer l'acte de régularisation » de la promesse de vente avant le 31 août 2006 et que la somme de 12.000 € était acquise au vendeur à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1134 et 1152 du Code civil.