LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en qualité de directeur d'unité le 10 mars 2006 par la société Les Trois Moulins a été licencié pour motif économique le 12 novembre 2006 ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement d‘une somme à ce titre, l'arrêt retient que l'employeur ne justifie pas de ses recherches de reclassement ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur ne justifiait pas de l'impossibilité de reclasser le salarié en l'absence de postes disponibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Les Trois Moulins à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 22 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Les Trois Moulins ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Les Trois Moulins.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'EURL LES TROIS MOULINS à verser à Monsieur X... la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE « pour démontrer qu'elle a bien recherché le reclassement de son salarié, l'EURL LES TROIS MOULINS se contente de procéder par affirmation et ne verse aux débats aucune preuve de cette recherche ; que de plus, ainsi que le soutient M. X..., son contrat de travail mentionne qu'il est recruté comme directeur d'unité, qu'il exerce ses fonctions au sein des locaux de l'EURL LES TROIS MOULINS, ainsi qu'auprès de la clientèle existante ou à développer, située principalement sur la région Poitou-Charentes et les régions limitrophes ; que l'article 4 du contrat de travail énonce ses tâches en précisant qu'elles s'exerceront dans le cadre d'une politique de synergie entre les sociétés du groupe auquel appartient la société LES TROIS MOULINS ; qu'outre sa mission d'organisation, direction et animation du personnel de vente et de laboratoire, de gestion des stocks, achats, vente, de respect des normes sanitaires, il est stipulé : « Parallèlement à cette fonction de directeur d'unité, Monsieur X... assumera une fonction commerciale visant à développer le négoce des produits traiteurs, de la salaison et charcuterie » ; qu'il résulte de ces clauses que les fonctions de M. X... ne se limitaient pas à la gestion des bancs de l'Ile de Ré, de sorte que l'employeur n'a pas recherché comment faire évoluer son poste, conformément au contrat de travail pour éviter son licenciement ; que dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu de rechercher la réalité des motifs économiques invoqués par l'employeur il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
1. ALORS QUE l'employeur qui démontre qu'il n'existe aucune possibilité de reclassement dans le groupe au moment du licenciement du salarié, établit ainsi avoir satisfait à son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, l'EURL LES TROIS MOULINS, qui appartient à un groupe employant environ 80 salariés dont toutes les structures sont dirigées par la même personne, faisait valoir que ses recherches de reclassement dans le groupe avaient échoué faute de postes disponibles ; que, pour le démontrer, elle versait régulièrement aux débats les registres d'entrée et de sortie du personnel de toutes les entreprises du groupe qui emploient du personnel ; que, pour dire le licenciement de Monsieur X... dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a néanmoins reproché à l'EURL LES TROIS MOULINS de n'avoir versé aux débats aucune preuve de ses recherches de reclassement ; qu'en se fondant sur un tel motif, cependant que l'EURL LES TROIS MOULINS n'avait pas eu besoin, compte tenu de la petite taille du groupe et du fait que son dirigeant gérait toutes les sociétés du groupe, d'interroger les autres structures du groupe et quand, surtout, l'EURL LES TROIS MOULINS s'offrait de démontrer l'impossibilité de tout reclassement dans le groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-4 du Code du travail ;
2. ALORS QUE dans le cadre de son obligation de reclassement préalable au licenciement pour motif économique, l'employeur est tenu de rechercher et proposer au salarié les postes disponibles correspondant à sa qualification ; que l'employeur n'est pas tenu, en revanche, de faire évoluer l'emploi du salarié pour le reclasser et éviter son licenciement ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse, que l'EURL LES TROIS MOULINS n'avait pas recherché comment faire évoluer le poste de Monsieur X... conformément aux prévisions de son contrat pour éviter son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le préavis a été rompu de façon fautive par l'employeur et d'AVOIR, en conséquence, condamné l'EURL LES TROIS MOULINS à payer à Monsieur X... la somme de 7.798,87 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QU' « en ce qui concerne le préavis que M. X... a commencé d'exécuter, il a été rompu par l'employeur le 4 décembre 2006 pour faute lourde après la mise à pied conservatoire du 22 novembre 2006 ; qu'il est reproché à M. X... d'avoir tenu des propos diffamatoires à l'encontre de l'employeur, notamment dans ses rapports avec la mairie de Saint Martin en Ré, d'avoir laissé la rôtisserie du banc du marché de Saint Martin en Ré en l'état d'insalubrité, d'avoir cherché déstabiliser l'entreprise notamment en préparant sans avoir averti la direction le licenciement d'un salarié, M. Z..., boucher, avec lequel il voulait reprendre le banc de l'EURL à Saint Martin de ré ; que toutefois, il résulte des éléments du dossier que M. X..., qui avait été convoqué à un entretien préalable de licenciement économique le 11 octobre 2006 et qui était en conflit avec le gérant de l'EURL LE STROIS MOULINS, a essentiellement cherché à sauver sa situation professionnel et celle du salarié concerné en se renseignant sur les possibilités de rachat du banc de l'EURL LES TROIS MOULINS, ce qui ne peut pas lui être reproché ; que si M. X... a entamé une procédure de licenciement de M. Z... sans ordre de la direction, il avait reçu pour mission de gérer le personnel et il avait procédé au recrutement du salarié, de sorte qu'il a pu se méprendre sur l'‘étendue de ses pouvoirs ; qu'enfin, si l'employeur a fait dresser des constats hors la présence de l'‘intéressé le 22 novembre et le 1er décembre 2006 sur les mauvais état et entretien des équipements du banc de Saint Martin de Ré comme du laboratoire, ceux-ci étaient extrêmement vétustes, ce qui n'est pas le fait de M. X..., ainsi qu'en attestent 3 salariés de l'entreprise confirmant l'état de défectuosité des matériels des bancs notamment des équipements réfrigérants, n'étant pas par ailleurs établi dans quelles conditions exactes continuait de s'exercer l'activité même s'il est vrai que les constats révèlent une absence d'entretien des lieux, de sorte que l'employeur pouvait mettre en demeure le salarié de remplir ses obligation sans mettre fin brutalement au préavis et en omettant de surcroît de procéder à un entretien disciplinaire ; qu'il y a lieu, en conséquence, de dire que le préavis a été interrompu de façon fautive par l'employeur et d'accorder au salarié le montant qu'il réclame à ce titre, étant précisé que le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale applicable de la charcuterie de détail et que M. X... est cadre » ;
1. ALORS QUE la faute grave commise par le salarié au cours du préavis autorise l'employeur à interrompre le préavis ; qu'en l'espèce, pour justifier la rupture du préavis de Monsieur X..., l'EURL LES TROIS MOULINS expliquait, d'une part, que Monsieur X... avait proposé à la Mairie de SAINT-MARTIN DE RE de reprendre les bancs de marché exploités par son employeur, en affirmant que ce dernier, en état de cessation des paiements depuis plusieurs années et ne pouvant plus payer ses fournisseurs, avait décidé de cesser toute activité, d'autre part, que Monsieur X... avait, à l'insu du gérant de l'entreprise et sans disposer d'aucune délégation de pouvoirs à cet effet, engagé une procédure de licenciement à l'encontre d'un autre salarié de l'entreprise qu'il entendait embaucher dans le cadre de sa future activité et, de troisième part, que Monsieur X... avait volontairement laissé se dégrader les équipements et matériels de l'entreprise, en s'abstenant de veiller à leur entretien ; qu'en affirmant que Monsieur X... aurait « essentiellement cherché à sauver sa situation professionnelle et celle du salarié concerné (…) ce qui ne peut pas lui être reproché », pour écarter l'existence d'une faute de nature à justifier la rupture du préavis, cependant que les faits qui étaient reprochés à Monsieur X... étaient de nature à déstabiliser l'entreprise et à lui porter un grave préjudice et constituaient un manquement à l'obligation de loyauté, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-1 et L. 1234-5 du Code du travail;
2. ALORS QUE dans un courrier adressé à l'adjoint au Maire de SAINTMARTIN DE RE, en date du 5 novembre 2006, Monsieur X... écrivait « pour faite suite à notre dernier rendez-vous, je vous confirme que Monsieur Jean-Luc A... PDG du groupe COFIGAL propriétaire de l'EURL les Trois Moulins a décidé de se séparer de son activité sur l'Ile de Ré. La dénonciation du Bail commercial du local et siège social de l'entreprise a été faite et prendra fin le 31 décembre 2006 » et proposait de reprendre la gestion des bancs du marché jusqu'alors exploités par l'EURL LES TROIS MOULINS ; que si, en affirmant que Monsieur X... s'était simplement « renseigné sur les possibilités de rachat du banc » de son employeur, la cour d'appel a entendu dire que Monsieur X... n'avait pas informé la Mairie de SAINT-MARTIN DE RE de la prochaine cessation d'activité de son employeur, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
3. ALORS QU'il était indiqué, dans le contrat de travail de Monsieur X..., que celui-ci était notamment chargé de « faire part à la direction générale de toute suggestion concernant l'évolution de l'effectif et prendre toute mesure à cet égard après accord de la direction générale » ; qu'il résultait de ces termes clairs et précis que Monsieur X... n'avait reçu ni autorisation ni pouvoir pour engager de sa propre autorité une procédure de licenciement et licencier un membre du personnel ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur X... avait « pu se méprendre sur la portée de ses pouvoirs » et engager une procédure de licenciement sans obtenir l'accord du gérant, ni même l'informer, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
4. ALORS QUE Monsieur X... expliquait avoir engagé une procédure de licenciement sans accord préalable de la direction, en se prévalant des stipulations de son contrat qui lui accordaient un pouvoir disciplinaire pour assurer le respect des règles d'hygiène et de sécurité ; que, cependant, la procédure de licenciement qu'il avait engagée et le licenciement qu'il avait ensuite prononcé, malgré l'interdiction que lui en avait fait le gérant de l'entreprise, étaient fondés sur un prétendu motif économique ; qu'il en résultait que Monsieur X... avait agi de mauvaise foi et avait délibérément outrepassé les pouvoirs que lui accordait son contrat, en engageant une procédure de licenciement sans ordre de la direction ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur X... « avait pu se méprendre sur l'étendue de ses pouvoirs », la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 1222-1 du Code du travail ;
5. ALORS QUE l'EURL LES TROIS MOULINS faisait également état d'un courrier dans lequel Monsieur X... avait indiqué se considérer libéré de son obligation de loyauté ; qu'en reprochant néanmoins à l'EURL LES TROIS MOULINS d'avoir mis fin brutalement au préavis, sans avoir préalablement mis en demeure Monsieur X... de remplir ses obligations, la cour d'appel a encore violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 1222-1 du Code du travail ;
6. ALORS QUE dans ses écritures en cause d'appel reprises à l'audience, Monsieur X... contestait avoir commis une faute justifiant la rupture de son préavis, mais ne contestait nullement la régularité de cette rupture ; qu'en retenant néanmoins que le préavis de Monsieur X... avait été rompu de manière fautive, du fait de l'absence d'entretien disciplinaire, la cour d'appel a méconnu les limites du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
7. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'interruption du préavis pour faute grave, non précédée de la convocation du salarié à un entretien préalable, justifie l'attribution de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, et non l'octroi d'une indemnité correspondant aux salaires que le salarié aurait perçus jusqu'au terme du préavis ; qu'en retenant, pour condamner l'EURL LES TROIS MOULINS à verser à Monsieur X... une indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'à l'expiration du préavis, qu'elle avait omis de procéder à un entretien disciplinaire avant de rompre le préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-2 et 1234-5 du Code du travail.