La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2011 | FRANCE | N°10-17355

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2011, 10-17355


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2010), que Mme X..., engagée le 25 mars 2003 par la société Agio Lowendal désormais dénommée Lowendalmasaï en qualité de consultante, est devenue à compter du 1er décembre 2003 directeur du département audit des charges sociales ; qu'après avoir saisi le 23 décembre 2005 la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail pour discrimination sexuelle, elle a été licenciée pour faute grave, le 18 mars 2006 ;

Sur le premier

moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2010), que Mme X..., engagée le 25 mars 2003 par la société Agio Lowendal désormais dénommée Lowendalmasaï en qualité de consultante, est devenue à compter du 1er décembre 2003 directeur du département audit des charges sociales ; qu'après avoir saisi le 23 décembre 2005 la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail pour discrimination sexuelle, elle a été licenciée pour faute grave, le 18 mars 2006 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une certaine somme pour discrimination fondée sur le sexe alors, selon le moyen, que :

1°/ la discrimination entre salariés ne peut être retenue que lorsque ceux-ci sont dans des situations comparables ; que la cour d'appel a expressément constaté que le service dirigé par M. Y... étaient nettement plus important que celui de Mme X... ; qu'en estimant néanmoins que celle-ci était victime d'une discrimination au regard de la situation de M. Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article L. 1132-1 du code du travail ;

2°/ la discrimination fondée sur le sexe suppose que l'employeur n'assure pas, pour un travail de valeur égale, l'égalité de la rémunération entre les hommes et les femmes ; qu'en retenant l'existence d'une discrimination découlant uniquement d'une différence de classification avec M. Y..., tout en relevant que cette différence n'avait aucune conséquence pratique, puisque Mme X... percevait une rémunération supérieure au minimum conventionnel prévu pour la classification revendiquée et correspondant à son travail et qu'elle avait un titre de directeur de département correspondant à ses fonctions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article L. 1132-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, notamment en matière de classification en raison de son sexe ;

Et attendu qu'ayant retenu qu'au regard des responsabilités confiées à Mme X... en tant que directeur du département audit des charges sociales, de l'équipe qu'elle devait animer et dont elle devait notamment fixer les objectifs, c'est à juste titre que la salariée revendiquait la classification 3. 2, peu important que sa rémunération ait été largement supérieure aux minima conventionnels correspondant à cette classification, la cour d'appel, qui a relevé que si l'ampleur du service confié à un autre salarié était supérieure à celui confié à Mme X..., que leurs responsabilités de gestion étaient d'importance différente, de même que le chiffre d'affaires à gérer et donc le nombre de clients qu'ils devaient superviser, et pouvaient justifier qu'une rémunération supérieure soit allouée à cet autre salarié conformément à la grille des salaires applicable dans l'entreprise, ces éléments ne justifiaient aucunement que Mme X... soit maintenue, lorsqu'elle est devenue directeur de département, à son ancien coefficient 2. 2, alors que, pour le moins, elle aurait dû être classée au niveau de cet autre salarié et qu'aucun élément objectif ne permettait de légitimer cette différence de traitement au regard de la classification ; qu'en l'état des énonciations, elle en a déduit à bon droit l'existence d'une discrimination ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre du licenciement nul alors, selon le moyen, que :

1°/ la cassation à intervenir sur le premier moyen établira que Mme X... n'a été victime d'aucune discrimination, de sorte que son licenciement ne pouvait pas être la conséquence de l'action pour discrimination qu'elle avait engagée ; que la cassation sera prononcée en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ seul le licenciement décidé en raison de l'action pour discrimination engagée par le salarié est nul ; qu'en se bornant à constater que le licenciement avait été prononcé en raison du contentieux introduit par Mme X..., sans constater que le congédiement découlait spécifiquement de l'action en discrimination, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-4 du code du travail ;

3°/ le litige est fixé par les parties ; que Mme X... demandait au titre de la nullité de son licenciement un rappel de salaires ; qu'en requalifiant de sa propre initiative cette demande en dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ en procédant d'office à cette requalification et en fixant de son propre mouvement les dommages-intérêts, sans provoquer la discussion des parties sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu d'abord que le premier moyen ayant été rejeté, le premier grief du second moyen est devenu sans objet ;

Attendu, ensuite, qu'après avoir retenu que la preuve des fautes reprochées par l'employeur dans la lettre de licenciement n'était pas rapportée, que, dès la lettre adressée par la salariée à son employeur le 5 décembre 2005, elle se plaignait d'une différence de salaire avec un collègue, et que le licenciement de Mme X..., à laquelle jusque là il n'avait été fait aucune remarque négative sur la qualité de son travail et même sur ses résultats et à laquelle aucun objectif n'avait été fixé pour la dernière période fiscale, a été prononcé du fait des contentieux par elle introduits et plus précisément par suite de sa saisine de la juridiction prud'homale en référé pour faire cesser les troubles dont elle s'estimait victime, la cour d'appel, qui a estimé que le licenciement constituait en réalité une mesure prise par l'employeur en raison des actions en justice engagées par la salariée, en a justement déduit que le licenciement était nul en application de l'article L. 1134-4 du code du travail ;

Attendu, enfin, qu'ayant constaté que, lors de l'audience des débats, la salariée avait indiqué ne pas demander sa réintégration, la cour d'appel, en qualifiant la demande de rappel de salaires au titre du licenciement nul de demande en dommages-intérêts, n'a fait que restituer sa véritable dénomination à la demande indemnitaire et n'encourt pas les griefs des deux dernières branches du moyen ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lowendalmasaï aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lowendalmasaï à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour la société Lowendalmasaï.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Lowendalmasaï à payer à Mme X... 25. 000 € pour discrimination fondée sur le sexe ;

AUX MOTIFS QUE les fonctions de Fabienne X..., dont il convient de noter que le coefficient n'a pas changé et est resté 2. 2 lorsque de consultante, elle est devenue directrice de département audit des charges sociales alors même que ses responsabilités étaient accrues, consistaient, selon l'avenant du 8 mars 2004, à :- participer à l'élaboration du budget en définissant la stratégie du département et à fixer les objectifs annuels de l'équipe sous sa responsabilité afin de garantir la croissance des résultats et la rentabilité du département-garantir l'étude de la réglementation en vigueur, l'actualisation des compétences techniques et des documents de référence au sein de son département et contribuer au développement de nouveaux produits et/ ou recours afin de garantir le niveau d'expertise du département, la satisfaction des clients et le développement du chiffre d'affaires-initier et entretenir les contacts commerciaux avec ses propres clients et prospects, recueillir et auditer les pièces, émettre des préconisations conformément aux réglementations et jurisprudences en vigueur, engager et suivre les recours auprès des administrations compétentes et assurer la mise en place des préconisations auprès des clients-apporter le support technique et commercial nécessaire aux chargés d'affaires et consultants, contrôler les conventions et les apports d'affaires, afin de garantir le respect de la stratégie du département, développer ses parts de marché et augmenter la satisfaction des clients-coordonner le recueil des documents nécessaires à la constitution des dossiers et le traitement des dossiers afin de réaliser les objectifs de chiffre d'affaires du département et assurer la satisfaction des clients-contrôler l'enregistrement des informations dans les supports mis à disposition conformément aux procédures internes et établir le reporting du département afin de garantir la circulation de l'information et la réactivité du groupe-animer des formations, petits déjeuners etc autour de points techniques spécifiques pour le personnel et les clients-organiser des réunions périodiques afin de garantir la circulation de l'information et le traitement des problématiques-animer et assurer le développement professionnel de l'équipe sous sa responsabilité afin de garantir sa motivation, sa performance et sa collaboration avec les autres services ; pour relever du niveau 3 l'annexe précitée n'exige aucunement une expérience dans le métier ; qu'en tout état de cause, Fabienne X..., qui était titulaire d'une maîtrise des sciences de gestion, avait, lors de son embauche, 9 ans d'expérience en tant qu'inspectrice du recouvrement à l'URSSAF de Paris, expérience particulièrement utile pour la SA Lowendalmasai dont le métier consiste à auditer les entreprises pour notamment examiner si leurs charges sociales sont bien calculées et les conseiller pour rechercher un amoindrissement de ces charges ; au regard des responsabilités confiées à Fabienne X... en tant que directeur du département audit des charges sociales, de l'équipe qu'elle devait animer et dont elle devait notamment fixer les objectifs, même si elle en référait à sa supérieure, Fabienne A...en cas de difficultés, c'est à juste titre que la juridiction de première instance a décidé que Fabienne X... revendiquait à bon droit la classification 3. 2, peu important que sa rémunération ait été largement supérieure aux minima conventionnels correspondant à cette classification ; il y a donc lieu de confirmer la décision déférée de ce chef (…) par contre, qu'il y a lieu de débouter Fabienne X... de sa demande de dommages-intérêts pour non remise des bulletins de salaires après le jugement du Conseil de Prud'hommes alors que cette juridiction n'en avait pas expressément ordonné la remise et que Fabienne X... ne justifie pas les avoir sollicités à la suite de la décision intervenue ; qu'il n'est donc pas établi de préjudice de ce chef alors par ailleurs que sa qualité de directeur de département y figurait bien ; sur la demande de discrimination sexuelle au titre de la rémunération, qu'à l'appui de ses prétentions, Fabienne X... verse aux débats :- la lettre d'embauché de Jean-Philippe Y... en date du 7 avril 2004, en qualité de directeur du département tarification accident du travail au sein de la société, lettre dont il résulte que :- ses principales : responsabilités étaient strictement identiques à celles de Fabienne X...- il dépendait du même supérieur hiérarchique, à savoir le directeur du pôle social-son salaire fixe était de 80 000, 00 € sur 12 mois et son salaire variable de 40 % du salaire annuel brut avec une garantie à hauteur de 20 000 € les six premiers mois-son coefficient était de 3. 1- le contrat de travail de Bruno B...recruté en 1997 en qualité de chargé d'affaires avec pour mission de développer et gérer un portefeuille de clients et de prospects, avec une position de 3. 1 coefficient 170 alors qu'il était à un niveau hiérarchique inférieur au sien ainsi que cela résulte de l'organigramme versé aux débats ; ces éléments qui font apparaître une différence de traitement entre Fabienne X... et au moins un des salariés exerçant, dans la même entreprise, des fonctions de même nature, ainsi qu'avec un salarié placé sous son lien hiérarchique, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte fondée notamment sur le sexe ; l'employeur qui soutient que Jean-Philippe Y... avait une expérience professionnelle supérieure, qu'il encadrait deux fois plus de personnel et avait un chiffre d'affaires dix fois supérieur, verse aux débats :- le curriculum vitae de Jean-Philippe Y... dont il résulte que-qu'il est titulaire d'une maîtrise en droit des affaires et fiscalité et d'un diplôme de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris avec spécialisation entreprises internationales, qu'il a été avocat à compter de 1993 et a suivi une formation de spécialisation en stratégie et négociation d'affaires à l'université de management HEC en 1999 ; il a exercé notamment des fonctions de conseil juridique et tlscal dans le cabinet Ernst et Young Paris, puis Nice et Monaco, puis de directeur juridique et fiscal d'une société regroupant 15 entreprises pour un effectif global de 2000 employés, puis de directeur juridique et fiscal et directeur des opérations internationales pour l'implantation de groupes asiatiques dans le secteur des nouvelles technologies de l'information-l'organigramme du pôle social en date du 2 août 2004 dont il résulte que Fabienne X... encadrait outre Bruno B..., 4 consultants, un consultant chargé d'affaires, et deux assistants de consultants alors que Jean-Philippe Y... encadrait, outre un chargé d'affaires, 14 consultants, un consultant chargé d'affaires et deux assistants de consultants-un tableau faisant ressortir le chiffre d'affaires cumulé de Fabienne X... d'avril 2005 à février 2006, soit 391 608 et celui de la même période de Jean-Philippe Y... de 12 940 506 ; si ces éléments qui établissent que l'ampleur du service confié à Jean-Philippe Y... était supérieure à celui confié à Fabienne X..., que leurs responsabilités de gestion, notamment de management des ressources humaines étaient d'importance différente, de même que le chiffre d'affaires à gérer et donc le nombre de clients qu'ils devaient superviser, pouvaient justifier qu'une rémunération supérieure soit allouée à Jean-Philippe Y..., conformément à la grille des salaires applicable dans l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'ils ne justifiaient aucunement que Fabienne X... soit maintenue, lorsqu'elle est devenue directeur de département, à son ancien coefficient 2. 2, alors que, pour le moins, elle aurait dû être classée au niveau de Jean-Philippe Y... ; aucun élément objectif ne permet de légitimer cette différence de traitement au regard de la classification ; (…) il en résulte que la discrimination entre deux salariés de sexe différent un travail de même nature est caractérisée au regard de la classification différente dont ils ont fait l'objet, mais pas au niveau salarial ; c'est donc ajuste titre que Fabienne X... a été déboutée de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents à ce titre, étant observé en ce qui concerne sa demande relative à la prime garantie, qui était incluse dans le contrat de travail de Jean-Philippe Y..., que cette demande, qui n'est pas intégralement prescrite puisqu'elle porte sur la période du 5 juillet 2004 au 4 janvier 2005 et a été formée le 16 novembre 2009, n'est pas fondée dès lors qu'il est établi que Fabienne X... a elle-même bénéficié de primes garanties au cours de la relation contractuelle ; par contre, sa classification à un niveau moindre que celui de son collègue de sexe opposé, lui a nécessairement causé un préjudice qu'il convient, au regard notamment de la durée pendant laquelle cette discrimination a persisté, de fixer à la somme de 25 000 €

ALORS D'UNE PART QUE la discrimination entre salariés ne peut être retenue que lorsque ceux-ci sont dans des situations comparables ; que la cour d'appel a expressément constaté que le service dirigé par M. Y... étaient nettement plus important que celui de Mme X... ; qu'en estimant néanmoins que celle-ci était victime d'une discrimination au regard de la situation de M. Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article L 1132-1 du code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE la discrimination fondée sur le sexe suppose que l'employeur n'assure pas, pour un travail de valeur égale, l'égalité de la rémunération entre les hommes et les femmes ; qu'en retenant l'existence d'une discrimination découlant uniquement d'une différence de classification avec M. Y..., tout en relevant que cette différence n'avait aucune conséquence pratique, puisque Mme X... percevait une rémunération supérieure au minimum conventionnel prévu pour la classification revendiquée et correspondant à son travail et qu'elle avait un titre de directeur de département correspondant à ses fonctions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article L 1132-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Lowendalmasaï à payer à Mme X... 100. 000 € pour licenciement nul ;

AUX MOTIFS QUE qu'il y a donc lieu d'examiner si le licenciement dont a fait l'objet Mme Fabienne X..., après qu'elle ait dénoncé à son employeur une discrimination et ait saisi la juridiction prud'homale notamment à cette fin, était ou non justifié et, dans la négative, s'il était en lien avec l'action en justice introduite par Fabienne X... ; (…) l'employeur reproche donc à Fabienne X... une tentative de déstabilisation de son département, de son équipe et de la direction ; toutefois le contenu des courriers de Fabienne X... des 5 décembre 2005 et 24 février 2006 ne démontre aucunement une telle tentative, la salariée :- dans la première lettre attirant l'attention de son employeur sur la situation de son département par suite du départ, réel, de plusieurs collaborateurs, sur la différence, réelle, de salaire avec un collègue, et sur l'étendue de la clause de non concurrence qu'elle estimait excessive comme lui interdisant de retrouver un travail dans sa spécialité, le fait qu'elle termine cette lettre par " j'aurai souhaité également vous entretenir des différences que j'ai constatées dans les chiffres de la participation et le compte de résultat de la société " ne pouvant être interprété comme un chantage en l'absence de tout autre élément, alors même que Fabienne X... était susceptible de bénéficier d'un accord de participation-la seconde lettre retraçant seulement, sans aucune agressivité, la situation telle qu'elle l'avait vécue, sans aucune menace, la salariée, qui avait déjà saisi le Conseil de Prud'hommes sollicitant, pour la dernière fois, une solution négociée, le seul fait qu'elle y ait écrit " il me semble en effet que mes griefs étayés de discrimination salariale et d'entrave à la liberté du travail sont de nature à porter gravement atteinte à l'image de la société " ne caractérisant aucune menace, cette phrase, vu son emplacement, étant destinée à expliquer pourquoi la salariée avait souhaité trouver un accord amiable pour poursuivre, ou rompre, son contrat de travail ; le contenu de ces courriers ne démontre pas davantage d'agressivité de Fabienne X... qui tentait simplement de faire comprendre ce qu'elle estimait être sa situation ; la lettre de licenciement reproche ensuite à Fabienne X... une insuffisance fautive de chiffre d'affaires de son département par suite d'une insuffisance de travail, d'encadrement de ses équipes et d'investissement dans ses fonctions ; s'il est établi que le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année fiscale 2004/ 2005 était de 539 000 € et au cours de l'année fiscale 2005/ 2006 de 403 000 €, rien ne permet par contre de retenir :- que l'objectif 2005/ 2006 avait été porté à sa connaissance, le courrier électronique visé par l'employeur étant du 20 juillet 2004 et faisant nécessairement référence aux objectifs 2004/ 2005- que les résultats de l'année 2005/ 2006 aient été la conséquence d'une insuffisance, volontaire de surcroît, de travail de la part de Fabienne X...- que le départ des salariés de son équipe, même par démission, soit la conséquence de son management ou d'une insuffisance d'encadrement-le seul fait qu'une sanction qu'elle avait proposée à l'encontre d'une salariée Nathalie C...et qui avait été avalisée par son supérieur hiérarchique, ait par la suite été annulée, n'étant pas de nature à caractériser un management inadéquat alors même que la juridiction d'appel a estimé que l'un des griefs était réel mais ne justifiait pas à lui seul l'avertissement-Edith D..., en changeant de service, ayant été en réalité promue, aucun élément ne démontrant que son changement d'équipe soit lié à des reproches qu'elle aurait faits à Fabienne X...- la démission de Corinne E...n'étant pas motivée-que Fabienne X... aurait fait preuve de disponibilité insuffisante dès lors que le contenu des attestations d'Isabelle F..., qui a remplacé Fabienne X... dans ses fonctions, et de Fabienne A...ne visant aucun fait précis, daté et circonstancié, la première indiquant au contraire qu'elle rencontrait souvent Fabienne X... et qu'elle avait la possibilité de discuter-qu'elle aurait tenu des propos diffamatoires, Isabelle F...étant aussi vague et imprécise dans son attestation-qu'elle aurait volontairement développé un apllicatif métier inutilisable ; au regard de ces éléments, la preuve des fautes reprochées par la SA Lowendalmasai à Fabienne X... dans la lettre de licenciement n'est pas rapportée, étant de surcroît observé que, pour sa part Fabienne X... :- souligne à juste titre qu'elle n'avait reçu, pendant son contrat de travail, aucune observation négative-produit deux courriers de clients parfaitement satisfaits de sa collaboration-produit aussi son état d'activité jusqu'à la fin de la relation contractuelle, état démontrant qu'elle a collaboré effectivement jusqu'à la rupture, le contenu de ce document n'étant nullement contredit par des pièces démontrant une éventuelle inexactitude ; force est par ailleurs de constater que :- dans son courrier du 25 février 2006, réceptionné le 27 février par l'employeur, Fabienne X..., qui se plaignait de divers manquements à son égard, a indiqué à la société qu'elle saisissait le Conseil de Prud'hommes en référé pour voir cesser ses troubles-elle a été mise à pied dès le 4 mars 2006 et convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement dans le même courrier-lors de l'entretien préalable, dont le contenu tel que rapporté par le salarié accompagnant Fabienne X... n'est pas discuté, il a été invoqué, à l'appui du grief de tentative de déstabilisation de l'équipe et de la direction la saisine de la juridiction prud'homale en référé-la lettre de licenciement elle-même vise expressément cette saisine du Conseil de Prud'hommes en référé ; il en résulte que le licenciement de Fabienne X..., à laquelle jusque lors il n'avait été fait aucune remarque négative sur la qualité de son travail et même sur ses résultats et à laquelle aucun objectif n'avait été fixé pour la dernière période fiscale, a été prononcé du fait des contentieux par elle introduits et plus précisément par suite de sa saisine de la juridiction prud'homale en référé pour faire cesser les troubles dont elle s'estimait victime ; Fabienne X... a subi, du fait de ce licenciement nul un préjudice qu'il convient d'indemniser et de fixer, au regard des circonstances du licenciement, de la rémunération qui était la sienne et de la période de chômage dont elle justifie, de son ancienneté, à la somme de 100 000 €, sa demande de " rappel de salaires " devant, la salariée ayant précisé à l'audience ne pas demander sa réintégration, être requalifiée en demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L 1134-4 du code du travail ;

ALORS D'UNE PART QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen établira que Mme X... n'a été victime d'aucune discrimination, de sorte que son licenciement ne pouvait pas être la conséquence de l'action pour discrimination qu'elle avait engagée ; que la cassation sera prononcée en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE seul le licenciement décidé en raison de l'action pour discrimination engagée par le salarié est nul ; qu'en se bornant à constater que le licenciement avait été prononcé en raison du contentieux introduit par Mme X..., sans constater que le congédiement découlait spécifiquement de l'action en discrimination, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-4 du code du travail ;

ALORS EN OUTRE QUE le litige est fixé par les parties ; que Mme X... demandait au titre de la nullité de son licenciement un rappel de salaires ; qu'en requalifiant de sa propre initiative cette demande en dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS ENFIN QU'en procédant d'office à cette requalification et en fixant de son propre mouvement les dommages-intérêts, sans provoquer la discussion des parties sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-17355
Date de la décision : 20/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2011, pourvoi n°10-17355


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17355
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award