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19/10/2011 | FRANCE | N°10-15602

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 octobre 2011, 10-15602


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2010), que par marché du 17 mars 1992 tacitement reconduit en 1993 et 1994, la société du Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale (société Canal de Provence) a confié à la société Canal Sud en liquidation amiable avec pour liquidateur Mme X... (société Canal Sud) les travaux de branchements particuliers sur les réseaux en exploitation dans le périmètre d'intervention de la zone d'Aix-en-Provence ; que faisant valo

ir que la société du Canal de Provence avait manqué à ses obligations contr...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2010), que par marché du 17 mars 1992 tacitement reconduit en 1993 et 1994, la société du Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale (société Canal de Provence) a confié à la société Canal Sud en liquidation amiable avec pour liquidateur Mme X... (société Canal Sud) les travaux de branchements particuliers sur les réseaux en exploitation dans le périmètre d'intervention de la zone d'Aix-en-Provence ; que faisant valoir que la société du Canal de Provence avait manqué à ses obligations contractuelles en ne lui confiant pas l'exclusivité des travaux et en ne respectant pas l'estimation provisionnelle convenue, la société Canal Sud a demandé réparation de son préjudice ; qu'un arrêt du 17 novembre 2003 de la cour d'appel de Montpellier, statuant comme juridiction de renvoi après cassation, a dit notamment que la société Canal Sud bénéficiait d'une exclusivité sur les travaux de branchements particuliers sur réseaux d'exploitation dans la zone correspondant au lot n° 1 attribué par l'acte d'engagement du 17 mars 1992 et a ordonné une expertise afin de déterminer le préjudice subi par cette société ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, délibéré par la deuxième chambre civile :

Attendu que la société Canal Sud fait grief à l'arrêt d'avoir été rendu par Mme Anne Z..., présidente et rapporteur de l'affaire et MM. A... et B..., conseillers, alors selon le moyen, que le droit de tout justiciable à être jugé par une juridiction objectivement impartiale s'oppose à ce qu'un même magistrat ait eu à connaître deux fois de la même affaire ; qu'en l'espèce, Mme Anne Z..., statuant en tant que présidente et rapporteur de l'affaire devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, avait siégé en tant que conseillère dans l'instance initiale ayant opposé les parties devant la cour d'appel de Montpellier ayant donné lieu à l'arrêt définitif du 17 novembre 2003 ; qu'en se prononçant dans une telle composition, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'en application de l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, les contestations afférentes à la composition des juridictions doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office ; que la société Canal Sud, représentée à l'audience, ayant eu connaissance de la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats et ne l'ayant pas contestée devant les juges du fond, le moyen n'est pas recevable ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Canal sud fait grief à l'arrêt de décider que la violation de la clause d'exclusivité était limitée aux quarante et un branchements particuliers confiés par la société Canal de Provence à des entreprises extérieures et d'évaluer en conséquence son préjudice à la seule somme de 53 397, 40 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que par un arrêt du 17 novembre 2003, devenu définitif, la cour d'appel de Montpellier, dans l'instance initiale opposant la société Canal Sud à la société du Canal de Provence, portant sur l'existence et l'étendue d'une exclusivité contractuellement concédée par cette dernière au titre d'un marché de branchements de particuliers en date du 17 mars 1992, " a dit et jugé que la première bénéficie d'une exclusivité sur les travaux de branchements particuliers sur réseaux d'exploitation dans la zone géographique correspondant au lot n° 1 attribué par l'acte d'engagement du 17 mars 1992 " ; qu'en considérant que cette exclusivité n'interdisait pas à la société du Canal de Provence de procéder elle-même à des branchements sur cette zone géographique mais seulement de confier les branchements qu'elle ne réalisait pas elle-même à une autre société que la société Canal Sud, la cour d'appel, qui a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt définitif susvisé qui n'opérait pas de distinction entre les branchements effectués par la société Canal Sud et la société du Canal de Provence mais réservait l'exclusivité de l'ensemble des branchements opérés sur la zone géographique déterminée à la société Canal Sud, a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il incombe à chaque partie de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elle estime de nature, soit à fonder sa demande, soit à justifier son rejet total ou partiel ; qu'en accueillant le moyen de la société du Canal de Provence, selon lequel les branchements particuliers effectués par son personnel sur la zone géographique réservée échapperaient à l'exclusivité contractuelle dont la société Canal Sud est bénéficiaire cependant que lors de l'instance initiale, devant la cour d'appel de Montpellier, la société du Canal de Provence contestait que la société Canal Sud ait pu bénéficier d'une quelconque exclusivité sur les travaux de branchements particuliers dans la zone géographique correspondant au lot n° 1 attribué par l'acte d'engagement du 17 mars 1992, sans jamais, fût-ce subsidiairement, faire de distinction entre les branchements opérés par elle ou confiés à des sociétés tierces, la cour d'appel, qui a accueilli ce moyen dans cette seconde instance, a derechef violé l'article 1351 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel a relevé que " l'objet du marché du 17. 3. 1992 est mentionné à l'article 1 de l'acte d'engagement en ces termes " La société Canal de Provence confie … les travaux de branchements particuliers sur réseaux en exploitation " sans que le terme exclusivité ne soit employé " et que " le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) indique que les travaux, objets du marché, concernent la réalisation " des branchements particuliers " dans le périmètre d'intervention " réservé à l'entreprise adjudicataire " avec possibilité d'intervenir hors de la zone réservée " ; qu'en considérant que cette exclusivité n'interdisait pas à la société du Canal de Provence de procéder elle-même à des branchements sur cette zone géographique mais seulement de confier les branchements qu'elle ne réalisait pas elle-même à une autre société que la société Canal Sud cependant qu'elle constatait que le contrat excluait que la société du Canal de Provence puisse intervenir elle-même sur la zone réservée contractuellement à la société Canal sud, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la cour d'appel de Montpellier avait jugé que la société Canal de Provence n'avait pas respecté la clause d'exclusivité qui pesait sur elle, analysé l'objet du marché du 17 mars 1994 ainsi que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), et relevé que la société Canal Sud n'avait pas adressé de réclamation à la société Canal de Provence pour les branchements particuliers que cette société avait réalisés en interne et que le contrat conclu pour une première période avait été renouvelé par deux fois, la cour d'appel, qui n'a violé ni l'autorité de la chose jugée, ni la loi du contrat, en a souverainement déduit que l'exclusivité donnée à la société Canal Sud pour une zone géographique déterminée n'interdisait pas à la société Canal de Provence de procéder elle-même à des branchements, mais seulement de confier les branchements, qu'elle ne réalisait pas elle-même, à une autre société que la société Canal Sud ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Canal Sud aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour la société Canal Sud.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR été rendu par Madame Anne Z..., Présidente et rapporteur de l'affaire, Monsieur Gille A... et Monsieur Michel B..., Conseillers, d'AVOIR constaté que la Société CANAL de PROVENCE a limitativement violé la clause d'exclusivité attribuée à la Société CANAL SUD par contrat du 17 mars 1992 en confiant à des entreprises extérieures quarante et un branchements particuliers et de l'AVOIR condamnée à verser à la Société CANAL SUD une somme de 53. 397, 40 € seulement en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 1995 et anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

ALORS QUE le droit de tout justiciable à être jugé par une juridiction objectivement impartiale s'oppose à ce qu'un même magistrat ait eu à connaître deux fois de la même affaire ; qu'en l'espèce, Madame Anne Z..., statuant en tant que Présidente et rapporteur de l'affaire devant la Cour d'appel d'Aix en Provence, avait siégé en tant que Conseillère dans l'instance initiale ayant opposé les parties devant la Cour d'appel de Montpellier ayant donné lieu à l'arrêt définitif du 17 novembre 2003 ; qu'en se prononçant dans une telle composition, la Cour d'appel a violé l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la Société CANAL de PROVENCE a limitativement violé la clause d'exclusivité attribuée à la Société CANAL SUD par contrat du 17 mars 1992 en confiant à des entreprises extérieures quarante et un branchements particuliers et de l'AVOIR condamnée à lui verser seulement une somme de 53. 397, 40 € en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 1995 et anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE l'arrêt de renvoi de la Cour de Montpellier du 17 novembre 2003 a définitivement jugé que la Société CANAL de PROVENCE n'avait pas respecté la clause d'exclusivité qui pesait sur elle et a confirmé la mesure d'expertise en modifiant la mission donnée précédemment par le jugement du tribunal de commerce du 26 juin 1996 en chargeant uniquement l'expert Y... d'évaluer le préjudice que la Société CANAL SUD a subi, eu égard aux moyens qu'elle a mobilisés inutilement et au bénéfice escompté mais non réalisé ; que la Société CANAL de PROVENCE soutient que la notion d'exclusivité retenue par la Cour de Montpellier doit être interprétée comme signifiant que cette exclusivité ne bénéficie à la Société CANAL SUD qu'en ce qui concerne lesdits travaux de branchements particuliers qui ne sont pas exécutés par la Société CANAL de PROVENCE elle-même ; que la Société CANAL SUD expose que l'exclusivité s'entend nécessairement de tous les branchements et que tous les branchements particuliers représentent des atteintes aux droits d'exclusivité ; que l'objet du marché du 17 mars 1992 est mentionné à l'article 1 de l'acte d'engagement en ces termes « la société Canal de Provence confie … les travaux de branchements particuliers sur réseaux en exploitation » sans que le terme d'exclusivité ne soit employé ; que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) indique que les travaux, objets du marché, concernent la réalisation « des branchements particuliers » dans le périmètre d'intervention « réservé à l'entreprise adjudicataire » avec possibilité d'intervenir hors de la zone réservée ; que la Société CANAL de PROVENCE a toujours, avant et après le marché de travaux passé avec la Société CANAL SUD, réalisé chaque année en direct par du personnel et du matériel de la société, un certain nombre de branchements particuliers ; qu'hormis une lettre du 26 août 1993 concernant un branchement pour la Société EVD située à la ZI La Palun à Gardanne, lettre à laquelle la société CANAL DE PROVENCE a répliqué que l'ouvrage concerné n'était pas classé dans le type d'équipement « branchement particulier » compte tenu de son importance, la société CANAL SUD n'a jamais adressé la moindre réclamation à la Société CANAL de PROVENCE concernant le non respect de la clause d'exclusivité pendant les trois années d'exécution alors que le nombre de branchements particuliers réalisés en interne était très important ; qu'elle n'a jamais dénoncé le contrat conclu pour une première période et qui a été renouvelé par deux fois ; qu'en effet, la Société CANAL de PROVENCE a reconnu devant l'expert avoir réalisé non seulement par des entreprises extérieures en 1993 douze branchements particuliers et en 1994 vingt-neuf, soit un total de 41, mais encore avoir réalisé avec son équipe interne en 1992, 104 branchements particuliers, en 1993, 109 et en 1994, 144, soit 357 branchements particuliers ; que dans ces conditions, l'exclusivité donnée à la Société CANAL SUD pour une zone géographie déterminée n'interdit pas à la Société CANAL de PROVENCE de procéder elle-même à des branchements, mais seulement de confier les branchements qu'elle ne réalisait pas elle-même à une autre société que la Société CANAL SUD ; que l'exclusivité du contrat doit s'entendre en ce sens que la Société CANAL SUD est le seul intervenant extérieur habilité à réaliser des branchements non réalisés par la Société CANAL de PROVENCE elle-même ; que s'agissant de l'évaluation des préjudices, les parties critiques le rapport de l'expert Y... ordonné par arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 17. 11. 2003 et déposé le 14. 11. 2006 ; que la Société CANAL SUD soutient que l'expert n'a pas respecté sa mission et demande une nouvelle expertise confiée à un autre expert ; que le reproche de la Société CANAL SUD concernant l'absence d'examen du chef de préjudice relatif aux moyens inutilement mobilisés n'est pas fondé car l'expert a parfaitement répondu aux demandes des parties sur ce point (page 27 du rapport) après avoir longuement analysé leurs demandes et dires ; que le reproché fait à l'expert Y... de ne pas avoir vérifié le marché confié par la Société CANAL de PROVENCE à la Société ENIT et celui de ne pas avoir pris connaissance de tous les documents qu'il est autorisé à se faire remettre ne sont pas fondés ; qu'en effet, l'expert est seul habilité à estimer quels sont les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; que la Société CANAL SUD a fait état du marché ENIT devant l'expert qui a examiné la question (p. 6, 7 et 17 du rapport) pour conclure qu'il n'est pas établi que durant la période 1992 à 1994 la Société ENIT se soit vue confier la réalisation de travaux de branchements particuliers puisque ce contrat qui lui a été régulièrement communiqué en cours d'expertise est un marché de réparation et non un marché de travaux de branchements particuliers ; qu'enfin la Société CANAL de PROVENCE reprend ses moyens relatifs aux nombres de branchements réalisés par des entreprises extérieures et au prix moyen par branchement ; que l'expert a longuement et précisément répondu dans le cours de ses opérations en se fondant sur tous les documents remis par les parties et il a calculé que le désaccord entre les deux parties sur le nombre total de branchements pour les années 1992, 1993 et 1994, portait sur 21 branchements sur un total de 1313 branchements ; que cette différence est peu significative, d'autant qu'il n'y a lieu de retenir que les quarante et un branchements extérieurs en raison de l'interprétation de la clause d'exclusivité ; que la Société CANAL SUD n'apporte aucun document permettant d'établir que d'autres branchements auraient été confiés à des sociétés extérieures et ce notamment à la Société ENIT dans l'exécution de son marché de maintenance ; que dans ces conditions la demande de nouvelle expertise de la Société CANAL SUD sera rejetée ; que le rapport d'expertise de Monsieur Y... du 14 novembre 2006 réalisé au contradictoire des parties procédant à une analyse objective des données de fait, à une étude complète et détaillée des questions posées dans sa mission et retenant des conclusions sérieusement motivées, doit servir sur le plan technique de support à la décision ; que l'expert judiciaire a conclu que le calcul préjudiciel ne peut être effectué autrement qu'en référence à la quantité des parts de marchés, donc du nombre des branchements particuliers, qui n'ont pas pu être réalisés par la Société CANAL SUD du fait des manquements de la Société CANAL de PROVENCE à la clause d'exclusivité ; qu'en présence d'un marché de clientèle, la Société CANAL SUD devait apprécier les moyens nécessaires aux commandes de la Société CANAL de PROVENCE et les ajuster en fonction de l'évolution des commandes, sans pouvoir prétendre à une indemnisation pour mobilisation de moyens puisque dans ce marché la méthode et les moyens relèvent de la seule appréciation de l'entreprise, alors qu'aucun document contractuel ne comporte d'estimation du montant annuel de travaux ; que comme l'a retenu la Cour de Montpellier dans l'arrêt du 17 novembre 2003, la Société CANAL SUD ne peut réclamer d'indemnisation pour une baisse du montant des travaux à réaliser, baisse provenant d'un fléchissement de la conjoncture ; que dans ces conditions, les moyens inutilement mobilisés ne doivent être appréciés que sur la part du chiffre d'affaires dont a été privée la société CANAL SUD par le non respect de la clause d'exclusivité ; que l'expert a exactement chiffré le préjudice résultant des quarante et un branchements particuliers confiés à d'autres entreprises au mépris de la clause d'exclusivité à la perte de chiffre d'affaire pour les années 1993 et 1994 ;

ALORS QUE, D'UNE PART, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que par un arrêt du 17 novembre 2003, devenu définitif, la Cour d'appel de Montpellier, dans l'instance initiale opposant la Société CANAL SUD à la Société CANAL de PROVENCE, portant sur l'existence et l'étendue d'une exclusivité contractuellement concédée par cette dernière au titre d'un marché de branchements de particuliers en date du 17 mars 1992, « a dit et jugé que la première bénéficie d'une exclusivité sur les travaux de branchements particuliers sur réseaux d'exploitation dans la zone géographique correspondant au lot n° 1 attribué par l'acte d'engagement du 17 mars 1992 » (dispositif, p. 11) ; qu'en considérant que cette exclusivité n'interdisait pas à la Société CANAL de PROVENCE de procéder elle-même à des branchements sur cette zone géographique mais seulement de confier les branchements qu'elle ne réalisait pas elle-même à une autre société que la Société CANAL SUD, la Cour d'appel, qui a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt définitif susvisé qui n'opérait pas de distinction entre les branchements effectués par la Société CANAL SUD et la Société CANAL de PROVENCE mais réservait l'exclusivité de l'ensemble des branchements opérés sur la zone géographique déterminée à la Société CANAL SUD, a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, il incombe à chaque partie de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elle estime de nature, soit à fonder sa demande, soit à justifier son rejet total ou partiel ; qu'en accueillant le moyen de la Société CANAL de PROVENCE selon lequel les branchements particuliers effectués par son personnel sur la zone géographique réservée échapperaient à l'exclusivité contractuelle dont la Société CANAL SUD est bénéficiaire cependant que lors de l'instance initiale, devant la Cour d'appel de Montpellier, la Société CANAL de PROVENCE contestait que la Société CANAL SUD ait pu bénéficier d'une quelconque exclusivité sur les travaux de branchements particuliers dans la zone géographique correspondant au lot n° 1 attribué par l'acte d'engagement du 17 mars 1992, sans jamais, fût-ce subsidiairement, faire de distinction entre les branchements opérés par elle ou confiés à des sociétés tierces, la Cour d'appel, qui a accueilli ce moyen dans cette seconde instance, a derechef violé l'article 1351 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel a relevé que « l'objet du marché du 17. 3. 1992 est mentionné à l'article 1 de l'acte d'engagement en ces termes « La société Canal de Provence confie … les travaux de branchements particuliers sur réseaux en exploitation » sans que le terme exclusivité ne soit employé » et que « le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) indique que les travaux, objets du marché, concernent la réalisation « des branchements particuliers » dans le périmètre d'intervention « réservé à l'entreprise adjudicataire » avec possibilité d'intervenir hors de la zone réservée » (arrêt, p. 4, derniers paragraphes) ; qu'en considérant que cette exclusivité n'interdisait pas à la Société CANAL de PROVENCE de procéder elle-même à des branchements sur cette zone géographique mais seulement de confier les branchements qu'elle ne réalisait pas elle-même à une autre société que la Société CANAL SUD cependant qu'elle constatait que le contrat excluait que la Société CANAL de PROVENCE puisse intervenir elle-même sur la zone réservée contractuellement à la Société CANAL SUD, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par Me Haas, avocat aux Conseils pour la société Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR assorti la condamnation prononcée à l'encontre de la Société du canal de Provence des intérêts aux taux légal à compter du 14 avril 1995 et anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE les intérêts moratoires doivent être fixés pour cette créance indemnitaire aux taux d'intérêt légal à compter de l'assignation, soit le 14 avril 1995, avec anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

ALORS, 1°), QUE la créance de réparation n'est productive d'intérêts moratoires que du jour où elle est judiciairement déterminée ; que le juge ne peut allouer des dommages-intérêts compensatoires sans constater l'existence d'un préjudice indépendant du retard subi par le créancier du fait de la mauvaise foi du débiteur ; qu'en fixant, sans le justifier, le point de départ des intérêts de la somme allouée à la société Canal sud en réparation de son préjudice à la date de l'assignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil ;

ALORS, 2°), QUE le point de départ des intérêts capitalisés par année entière ne peut être antérieur à la demande de capitalisation du créancier ; qu'à supposer que le point de départ de la capitalisation des intérêts ait été fixé au 14 avril 1995 cependant que ce n'est que par voie de conclusions déposées le 30 juin 2008 devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence que la société Canal sud avait demandé, pour la première fois, la capitalisation des intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1154 du code civil ;

ALORS, 3°), QU'en tout état de cause, en prononçant la capitalisation des intérêts quand la demande en avait été faite le 30 juin 2008 et que la Société du canal de Provence avait versé à la société Canal sud, le 29 septembre 2008, la somme 340. 726, 40 euros en réparation de son préjudice en exécution du jugement du 28 juillet 2008 de sorte que, devant elle, les conditions de la capitalisation des intérêts n'étaient plus réunies, la cour d'appel a violé l'article 1154 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-15602
Date de la décision : 19/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 oct. 2011, pourvoi n°10-15602


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.15602
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