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19/10/2011 | FRANCE | N°10-12027

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2011, 10-12027


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été engagé par la SNCF le 3 février 1972 ; qu'ayant finalement acquis la qualification C niveau 2 position 13, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes portant notamment sur le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sur l'attribution de la qualification D d'agent de maîtrise ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation de la SNCF à certaines sommes en réparation des préjudices financier et moral subis

du fait de l'atteinte au principe d'égalité de traitement constatée, al...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été engagé par la SNCF le 3 février 1972 ; qu'ayant finalement acquis la qualification C niveau 2 position 13, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes portant notamment sur le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sur l'attribution de la qualification D d'agent de maîtrise ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation de la SNCF à certaines sommes en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de l'atteinte au principe d'égalité de traitement constatée, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant que la SNCF affirmait sans être démentie sur ce point, que les niveaux de qualification ainsi que les positions de rémunération qui se rattachaient à la position D demeuraient exceptionnels, lorsque M. X... produisait deux pièces analysant la répartition des effectifs au 31 janvier 2007 et au 31 janvier 2008, qui établissaient qu'environ 20 % de l'effectif roulant (18, 45 % en 2007 et 20, 44 % en 2008) disposait d'une qualification de niveau D, la cour d'appel a dénaturé par omission ces documents, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'en relevant que M. X... ne produisait aucun justificatif, note, appréciation de ses supérieurs hiérarchiques ou même attestations de ses collègues de travail laissant penser qu'il avait indiscutablement vocation à relever de la qualification D agent de maîtrise, lorsque M. X... produisait le compte rendu de la commission de notation du 22 mars 2004 qui reconnaissait expressément son potentiel pour accéder à la qualification D et relevait qu'il était classé derrière d'autres agents ayant le potentiel, document qu'il analysait dans ses conclusions d'appel (p. 27), la cour d'appel a dénaturé par omission cet écrit, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur les incidents survenus entre 2005 et 2007 pour estimer que l'absence de passage à la qualification D n'était pas attentatoire au principe d'égalité mais s'expliquait par le fait que M. X... ne disposait pas des compétences nécessaires pour accéder à une telle qualification, lorsqu'elle relevait par ailleurs que la responsabilité du salarié n'était pas caractérisée dans la survenance de ces incidents ; qu'elle n'a pas ainsi tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1382 du code civil ;
4°/ que le salarié victime d'une inégalité de traitement est fondé à obtenir, outre le paiement de dommages et intérêts, la réparation en nature de son préjudice, consistant dans le rétablissement de sa situation, en particulier la reconstitution de sa carrière ;
Mais attendu qu'ayant examiné l'ensemble des éléments fournis par les parties, la cour d'appel a écarté, sans dénaturation, la demande du salarié tendant à se faire reconnaître la qualification D, niveau I, position 15, en retenant que l'accès à ce niveau de qualification revêtait un caractère exceptionnel et a évalué, sans encourir les griefs du moyen, le montant du préjudice lié au retard de carrière constaté dont le salarié demandait ensuite réparation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral du salarié l'arrêt retient que le comportement de la SNCF lors de la gestion des incidents de la période 2005-2007 ne démontre ni une discrimination ni des faits constitutifs de harcèlement dans la mesure où l'employeur se devait de réagir à des situations susceptibles de mettre en cause la sécurité des voyageurs et des autres salariés de l'entreprise même si les enquêtes diligentées démontrent l'existence de circonstances humaines ou matérielles éventuellement susceptibles d'exonérer le salarié de toute responsabilité ; que la suppression du téléphone portable, sanction inappropriée de sa hiérarchie n'a duré qu'une semaine ; que les retards et une certaine absence de professionnalisme qui lui sont reprochés entre 2004 et 2007 correspondent à une période où il a existé une dégradation progressive et réciproque des relations de confiance existant entre l'employeur et son salarié ; que la SNCF, dans un contexte tendu, n'a pas cherché à envenimer la situation, en donnant notamment une suite favorable à la demande de mutation du salarié ; que la progression de C11 à C12 puis de C12 à C13 entre avril 2006 et avril 2008 démontre un rythme de progression tout à fait comparable à celui de ses autres collègues ; qu'ainsi le harcèlement moral n'est pas caractérisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de dire si tous les faits présentés par le salarié, dès lors qu'ils étaient établis, et seulement ceux-là, pris dans leur ensemble, à savoir, la rétention d'indemnités de déplacement, les contrôles plus fréquents que pour les autres agents, les contrôles non conventionnels confinant à la brimade, la privation de téléphone portable, les procédures disciplinaires non fondées, faits qui ont entraîné une dégradation de l'état de santé du salarié et l'on conduit à demander sa mutation, étaient de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, puis de vérifier si les éléments de preuve fournis par l'employeur démontraient que les agissements litigieux étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral du salarié, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la Société nationale des chemins de fer français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, après avoir constaté une atteinte au principe d'égalité applicable au droit du travail et résultant d'un retard de carrière non justifié par des éléments objectifs et vérifiables, d'avoir limité la condamnation de la SNCF au profit de M. X... à la somme de 13. 000 euros en réparation de son préjudice financier et 3. 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE Sur la discrimination alléguée, le salarié ne peut faire l'objet d'une sanction, d'un licenciement, d'une discrimination (article L. 1132-1 du Code du travail), en raison de :
- son origine,- son sexe,- ses moeurs,- son orientation sexuelle,- son âge,- sa situation de famille ou de grossesse,- ses caractéristiques génétiques,- son appartenance ou non, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race,- ses opinions politiques,- ses activités syndicales ou mutualistes,- ses convictions religieuses,- son apparence physique-son nom de famille,- son état de famille,- son handicap,

que M. X... n'évoque aucun de ces éléments mais soutient à l'appui de son appel, qu'il n'en a pas moins fait l'objet au cours de sa carrière, au sein de la SNCF, d'un traitement inégalitaire, tant sur le plan salarial qu'en raison d'un déroulement de carrière qu'il estime moins favorable que celui de ses collègues ;
que M. X... rappelle qu'il revient à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés de son entreprise, qui, placés dans des conditions identiques, effectuent le même travail ;
que c'est donc une atteinte au principe général d'égalité dans les relations du travail que soutient M. X... et plus particulièrement une atteinte à la règle « à travail égal, salaire égal » ;
qu'en effet, s'il est constaté une différence de rémunération, il appartient à l'employeur de la justifier pour des raisons objectives, justifiant cette disparité et dont le juge doit pouvoir contrôler la réalité et la pertinence ;
qu'aux termes de l'article L 3221-4 du Code du travail, « sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacité découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charges physique ou nerveuse. »
que la SNCF rappelle sans être contredite sur ce point que les agents du cadre permanent sont positionnés sur une qualification, un niveau, une position de rémunération et un échelon ;
que l'employeur dans ses conclusions expose ainsi qu'il existe dix qualifications au sein du cadre permanent :
- TA et TB pour les agents de traction,- A et C pour les agents d'exécution,- D et E pour les agents de maîtrise,- F à H pour les cadres,

Qu'à l'exception de la qualification A, chaque qualification est divisée en deux niveaux (1er et 2e niveau) ; qu'il n'est pas discuté que M. X..., entré à la SNCF le 3 juillet 1972 à un poste correspondant à une qualification A niveau 2 a pris sa retraite le 1er octobre 2008 à une qualification C niveau 2 position 13 ;
Que les autres dates importantes de sa carrière au sein de la SNCF sont les suivantes :
- passage de l'examen ACT2 (Agent commercial trains 2ème partie) en décembre 1989 permettant de « dérouler la carrière au-delà de la qualification B … »,- obtention le 1er mai 1990 de la classification C niveau 1 position 9 en tant que chef de bord (nomenclature SNCF de CBOR),- au sein de la classification C obtention de la position de rémunération 10 le 1er avril 2000 et 11 le 1er avril 2003,- obtention le 1er avril 2006 du grade de chef de bord principal (CBORP) entraînant une qualification C niveau 1 position 12,- obtention le 1er avril 2008 de la qualification C niveau 2 position 13,- retraite le 1er octobre 2008, que M. X... n'est donc jamais passé agent de maîtrise, emploi relevant de la qualification D ;

que la discussion entre les parties sur la « discrimination » salariale alléguée s'appuie en grande partie sur un tableau comparatif établi par M. X... devant le Conseil de prud'hommes de Bordeaux et auquel la SNCF a apporté, en cause d'appel quelques modifications ;
" Voir Tableau joint "
Qu'il sera donc considéré comme probant par la Cour d'appel étant précisé que si la SNCF fait remarquer qu'elle emploie en réalité 594 contrôleurs, elle n'a jamais offert de comparer la situation de M. X... à l'ensemble de ses collègues ;
Que la Cour fondera donc sa conviction sur l'examen attentif de ce tableau ainsi que sur l'ensemble des pièces et témoignages versées aux débats par les parties ;
Qu'il en résulte d'évidence, l'absence de toute discrimination qui résulterait d'une absence de passage, en fin de carrière, à la position D 18 ou même seulement D 15 telle que M. X... la revendique désormais en cause d'appel ;
Que d'une part, à la lecture même de ce tableau, aucun des agents auxquels se compare M. X... n'a atteint ce niveau de qualification ; que d'autre part, la SNCF affirme sans être démentie sur ce point, que ces niveaux de qualification ainsi que les positions de rémunération qui s'y rattachent demeurent exceptionnels ;
Que l'employeur précise que sur les 594 contrôleurs recensés, seuls 5 occupent un tel niveau de qualification ;
Que M. X... ne saurait donc, du seul fait qu'il n'atteigne pas lui-même, en fin de carrière, cette qualification exceptionnelle, se plaindre d'une quelconque inégalité de traitement, alors qu'il n'allègue aucun élément à l'appui d'une carrière particulièrement brillante, se contentant de souligner, ce qui est en soi suffisant dans le cadre d'un déroulement de carrière « normal », qu'il a toujours été un salarié consciencieux, professionnel et ponctuel, donnant toute satisfaction à son employeur ;
Que dès lors, ayant écarté cette allégation de discrimination incompatible avec un niveau de qualification auquel M. X... ne pouvait prétendre, il convient d'examiner les autres revendications du salarié portant essentiellement sur le temps mis par M. X... pour atteindre la qualification qui a été la sienne en fin de carrière (C13) d'autre part sur l'absence de passage à la qualification D (niveau agent de maîtrise) qui en résulte nécessairement ;
Que la SNCF souligne que le système statutaire complexe présidant au déroulement de carrière d'un agent repose justement sur des critères (qualité de service, maîtrise de l'emploi, expérience acquise) destinés à prendre en compte les « réelles capacités » de l'agent et à écarter tout critère subjectif ;
Que l'employeur fait en particulier référence à l'article 3. 1. 1 du chapitre du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel pour rappeler que dans le cadre des changements de qualification (passage de C en D par exemple) doivent être pris en compte :
- la compétence ou des connaissances professionnelles confirmées le cas échéant par un examen ou un constant d'aptitude,- l'esprit d'initiative et de faculté d'adaptation,- la capacité de commandement et d'organisation,- le goût et l'aptitude à l'étude et à la recherche

qu'aux termes de ce qui précède, il appartient donc à M. X... de présenter des éléments de fait laissant supposer que son employeur aurait empêché son passage à la qualification D agent de maîtrise de façon illégitime et injustifiée ;
que sur ce point, M. X... ne produit aucun justificatif, note, appréciation de ses supérieurs hiérarchiques ou même attestations de ses collègues de travail laissant penser qu'il avait indiscutablement vocation à relever de cette qualification et que la SNCF l'en aurait empêché pour des motifs subjectifs ou discrétionnaires ;
que les comparatifs de carrière produits au dossier ne sont pas davantage concluants ;
qu'il en résulte que le passage à la qualification D n'est nullement automatique pour les agents de qualification C, y compris en fin de carrière ;
que M. X... ne démontre à aucun moment, dans ses conclusions, en quoi la SNCF, usant de pratiques illégitimes et attentatoires au principe d'égalité, l'aurait dès lors écarté de cette promotion ;
que certes M. X... conteste toute responsabilité dans la survenance d'un certain nombre d'incidents dont la SNCF lui impute la responsabilité entre 2005 et 2007 et que l'employeur a estimé incompatibles avec une promotion à la qualification d'agent de maîtrise, estimant insuffisante la compétence ou les connaissances professionnelles de son salarié ;

que toutefois, il est indiscutable que ces incidents ont matériellement existé ;

que certains d'entre eux pouvaient avoir des répercussions sur la sécurité des usagers ou des employés de la SNCF, tel l'incident du 15 novembre 2004 où M. X... a donné le départ d'un TGV en gare de Haute Picardie alors qu'un chariot élévateur pour embarquer des personnes à mobilité réduite était encore accroché au train ou celui de Labouheyre en date du 10 avril 2005 au cours duquel des voyageurs sont descendus sur la voie alors que les portes étaient restées verrouillées ;
que l'employeur en a tiré des conclusions que M. X..., certes, ne partage pas et conteste, mais cette divergence d'analyse sur des incidents ayant effectivement eu lieu et pour lesquels les instances compétentes ont été saisies, des enquêtes diligentées et des conclusions tirées, ne saurait caractériser des faits susceptibles de qualifier une inégalité de traitement ;
que reste donc à examiner l'évolution de carrière de M. X... lui ayant permis, en fin de carrière, de prendre sa retraite en ayant obtenu, 6 mois seulement avant son départ, la qualification C niveau 2 position 13 ;
que sur ce point, il est indiscutable que la progression de carrière de M. X... a été plus lente que celle de tous les autres agents objet du comparatif ci-dessus reproduit ;
que c'est ainsi que M. X... n'a obtenu l'examen ACT2 qu'en 1989, soit 17 ans après son entrée à la SNCF contre 12 à 14 ans pour la grande majorité de ses autres collègues ;
qu'il n'a obtenu sa qualification C qu'en février 1998 soit la même année que des collègues de travail entrés au service de la SNCF entre 4 et 8 ans après lui ;
que M. X... n'est passé à la position de rémunération C 11 qu'en avril 2003 alors qu'en moyenne les agents avec lesquels il se compare et qui étaient entrés à la SNCF après lui avaient obtenu cette position deux ans plus tôt ;
qu'il en résulte un déroulement de carrière plus lent que celui de l'ensemble des collègues avec lesquels il se compare ;
que la SNCF n'en disconvient pas mais explique cette différence d'une part en raison d'examens internes à l'entreprise que M. X... aurait fait le choix de ne pas passer, d'autre part, en raison de qualités professionnelles jugées inférieures à celle d'autres collègues ;
que la date d'obtention du ACT2, au vu du tableau produit et des explications des parties n'apparaît pas être un élément déterminant pour la suite de la carrière ;
qu'ainsi M. Y... a obtenu cet examen 20 ans après son admission à la SNCF ; qu'il a pourtant bénéficié de la position de rémunération C 11 en avril 2001, soit exactement deux ans avant ce dernier ;
que d'autres cursus sont tout aussi révélateurs, comme celui de M. Z... entré à la SNCF en 1974 et ayant obtenu son ACT2 en même temps que M. X... et bénéficiant de la position C 11 dès avril 2002 ;
que la date de passage du ACT2 n'apparaît donc pas probante comme élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement ;
qu'en réalité, c'est le temps passé pour obtenir la position C après le passage de l'examen ACT2 puis le temps qu'il a fallu à M. X... pour obtenir la position de rémunération C12 qui semble la période révélatrice de la discrimination dont se plaint le salarié ;
qu'en effet, sur la fin de sa carrière, M. X... est passé de la position C12 en avril 2006 à celle de C 13 en avril 2008, ce qui démontre un rythme de progression à nouveau comparable à celui de ses autres collègues ;
que pour expliquer cette lenteur particulière de prise de grade entre 1989 et avril 2003, la SNCF fait à nouveau référence à un autre examen interne, le KRUST (contrôleur route stagiaire) que M. X... aurait fait le choix de ne pas passer ;
que toutefois, en cause d'appel, M. X... verse aux débats une liste d'agents ayant obtenu le KRUST et ni M. Z... ni M. Y... n'y figurent ;
que bien plus, M. X... affirme sans être démenti sur ce point qu'en fait, aucun des collègues figurant sur la liste comparative n'aurait obtenu le KRUST ;
qu'il reste donc à examiner si les compétences professionnelles de M. X... auraient pu justifier un retard de carrière, indiscutable au vu de ce qui précède ;
qu'il résulte du dossier qu'en octobre 1989, M. X... était convié à un séminaire à Rosas, en Espagne, en remerciement des actions commerciales qu'il menait à bord des trains dont il était l'un des contrôleurs ;
qu'en 1991, il semblait donner toute satisfaction aussi bien sur le plan commercial que sur le plan de la sauvegarde des recettes puisqu'il était recommandé par M. B... responsable délégué commercial de l'établissement de Bordeaux afin d'intégrer l'équipe d'assistance ;
qu'en 2002 et 2003, il participait au concours Grand voyageur et était classé 10ème en 2002 et 3ème en 2003 ;
qu'en 2004, M. C... responsable équipe Trains Atlantique, attestait que le travail de M. X... lui donnait entière satisfaction tant au niveau qualité de service qu'en ce qui concerne la sauvegarde des recettes ;
que toujours en 2004, M. D..., directeur de Cabinet, faisait état de ses « qualités professionnelles reconnues et appréciées » dans un courrier de réponse à une lettre où M. X... attirait déjà son attention sur le déroulement qu'il jugeait anormal de sa carrière ;
que la SNCF ne conteste aucun de ces témoignages et ne remet pas en compte leur contenu, se bornant à considérer que M. X... était un agent « normal » ayant eu « un déroulement de carrière constant » ;
qu'or force est de constater qu'entre 1989 et 2003 s'il existe une constance dans le déroulement de carrière de M. X..., c'est celle d'un retard systématique, d'environ deux ans, mis pour accéder aux mêmes promotions que ses collègues ;
que la SNCF n'expose aucun argument sérieux pour expliquer ce retard systématique, tous les incidents qu'elle stigmatise s'étant produits postérieurement à la période considérée entre 2005 et 2007 ;
qu'elle ne remet pas davantage en cause les appréciations positives portées sur son salarié entre 1989 et 2003 et n'en apporte aucun de négatif ;
que dès lors, les faits ainsi allégués par le salarié sont caractérisés pour la période professionnelle allant de 1989 à avril 2003 ;
qu'au vu de ce qui précède, le jugement sera réformé sur ce point ;
Sur le préjudice financier
Que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le préjudice de carrière subi par M. X... entre 1989 et 2003 à la somme de 13. 000 euros, aucune reconstitution de pension de retraite n'étant par ailleurs justifiée, la Cour ayant considéré que M. X... ne justifiait nullement de sa demande tendant à se voir allouer au jour de sa sortie des effectifs, la qualification D ;

Sur le préjudice moral

Qu'il est distinct du préjudice financier, résulte du retard apporté au déroulement de la carrière de M. X... et du caractère incompréhensible et nécessairement mal vécu qu'un tel retard revêtait pour M. X... ;
Qu'il sera indemnisé par l'attribution d'une somme de 3. 000 euros que la SNCF sera condamnée à verser à M. X... ;
ALORS QU'EN PREMIER LIEU en retenant que la SNCF affirmait sans être démentie sur ce point, que les niveaux de qualification ainsi que les positions de rémunération qui se rattachaient à la position D demeuraient exceptionnels, lorsque M. X... produisait deux pièces analysant la répartition des effectifs au 31 janvier 2007 et au 31 janvier 2008, qui établissaient qu'environ 20 % de l'effectif roulant (18, 45 % en 2007 et 20, 44 % en 2008) disposait d'une qualification de niveau D, la Cour d'appel a dénaturé par omission ces documents, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QU'ENSUITE en relevant que M. X... ne produisait aucun justificatif, note, appréciation de ses supérieurs hiérarchiques ou même attestations de ses collègues de travail laissant penser qu'il avait indiscutablement vocation à relever de la qualification D agent de maîtrise, lorsque M. X... produisait le compte rendu de la commission de notation du 22 mars 2004 qui reconnaissait expressément son potentiel pour accéder à la qualification D et relevait qu'il était classé derrière d'autres agents ayant le potentiel, document qu'il analysait dans ses conclusions d'appel (p. 27), la Cour d'appel a dénaturé par omission cet écrit, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS ENCORE QUE la Cour d'appel ne pouvait se fonder sur les incidents survenus entre 2005 et 2007 pour estimer que l'absence de passage à la qualification D n'était pas attentatoire au principe d'égalité mais s'expliquait par le fait que M. X... ne disposait pas des compétences nécessaires pour accéder à une telle qualification, lorsqu'elle relevait par ailleurs que la responsabilité du salarié n'était pas caractérisée dans la survenance de ces incidents ; qu'elle n'a pas ainsi tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS QU'EN TOUT ETAT le salarié victime d'une inégalité de traitement est fondé à obtenir, outre le paiement de dommages et intérêts, la réparation en nature de son préjudice, consistant dans le rétablissement de sa situation, en particulier la reconstitution de sa carrière ;
D'où il résulte que la Cour d'appel qui constatait un retard de carrière pour la période allant de 1989 à avril 2003, ne pouvait juger que le dernier positionnement obtenu par le salarié le remplissait de ses droits, mais devait nécessairement ordonner la reconstitution de sa carrière ; que faute de l'avoir fait, elle a méconnu tant le principe « à travail égal, salaire égal » que le principe de la réparation intégrale du dommage consécutif à une inégalité de traitement, en violation de l'article 1382 du Code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE par application des articles L 1152-1 et L 1152-2 du Code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié … pour avoir subi ou refusé de subir les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit » ;
Qu'aux termes de l'article L 1154-1 du Code du travail, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3 … le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ;
Que M. X... évoque là encore un certain nombre de faits constitutifs, selon lui, de pressions caractérisant l'existence d'un harcèlement moral ;
Qu'il est constant qu'à partir du moment où M. X... a commencé à revendiquer en raison du retard de carrière qui lui paraissait anormal, les relations entre l'employeur et le salarié se sont dégradées ;
Qu'avant 2004, M. X... n'avait pas fait l'objet du moindre rapport défavorable ;
Que la Cour dénombre en revanche 7 ou 8 incidents entre la fin 2004 et 2008 :
- un défaut d'annonce de correspondance le 16 mars 2005 sur le train 5219,- des retards de prise de service les 22 mars 2005 et 16 janvier 2007,- une demande de descente de train pour raisons personnelles le 20 octobre 2006,- un incident à l'hôtel Continental,- des contrôles de compétences professionnelles plus fréquents que pour les autres agents,- la privation de son téléphone portable professionnel pendant une semaine fin juin début juillet 2005,- des procédures disciplinaires avortées,

que M. X... y voit un harcèlement moral caractérisé ;
qu'en réalité l'examen détaillé de chacun des incidents énumérés tant par la salarié que par l'employeur montre que les choses sont plus complexes ;
que certains des incidents les plus sérieux avaient d'ailleurs été évoqués par la SNCF pour justifier l'absence de passage à la qualification D de M. X... ;
que le comportement de la SNCF lors de la gestion de ces incidents ne démontre ni une discrimination ni des faits constitutifs de harcèlement dans la mesure où l'employeur se devait de réagir à des situations susceptibles de mettre en cause la sécurité des voyageurs et des autres salariés de l'entreprise et si les procédures internes de la SNCF ont, à la suite des enquêtes internes diligentées, démontré l'existence de circonstances humaines ou matérielles éventuellement susceptibles d'exonérer M. X... de toute responsabilité, il est indiscutable que ces enquêtes devaient être menées alors même que M. X... était à chaque fois présent et en service dans les trains ayant connu ces incidents ;
que d'autres faits évoqués sont en revanche tout à fait mineurs et sans lien avec la relation de travail comme ceux de l'hôtel Continental où à la suite d'une mauvaise nuit dans une chambre sentant le tabac, M. X... à fait part à la direction de l'hôtel de son mécontentement, ce que cette dernière aurait pris comme une menace, sans fondement, de rupture de son contrat avec la SNCF ;
qu'il ne résulte pas de ce qui précède un comportement de l'employeur susceptible de se rattacher au harcèlement moral allégué ;
que la suppression du téléphone portable professionnel de M. X... était, en revanche, une mesure inappropriée de la part de sa hiérarchie, mais cette sanction n'a duré qu'une semaine avant d'être rapportée ;
que M. X... ne conteste d'ailleurs pas avoir parfois utilisé ce téléphone à des fins personnelles, le salarié faisant d'ailleurs preuve à ce sujet d'une certaine mauvaise foi en feignant d'ignorer, au bout de 20 ans de service, que ce portable avait une fonction essentielle de sécurité et d'urgence qui devait en faire un instrument réservé à ce seul usage ;
que les autres reproches faits à M. X... émanent de diverses personnes chargées de contrôler la qualité de son travail ;
que les retards et une certaine absence de professionnalisme qui lui sont reprochés entre 2004 et 2007 correspondent à une période où, indiscutablement, il a existé une dégradation progressive et réciproque des relations de confiance existant entre l'employeur et le salarié ;
que les commentaires du DUO (Dirigeant des Unités Opérationnelles) en sont une illustration : « Qualités de service en continuelle déclinaison lente … Agent plus préoccupé par son déroulement de carrière et la préparation de son dossier pour mettre la direction au Prud'hommes … »

que les représentants syndicaux eux-mêmes perçoivent la dégradation de la qualité du travail de M. X... puisqu'ils décrivent un « comportement désemparé et acculé » même s'ils attribuent cette dégradation à un acharnement de la direction de la SNCF à l'encontre du salarié que la Cour toutefois n'estime pas caractérisé ;
qu'en effet, dans ce contexte indiscutablement tendu, la SNCF n'a pas cherché à envenimer la situation et le courrier de M. E... Directeur de l'Etablissement Commercial Trains de la Direction Régionale Poitou Charente Aquitaine adressé à M. X... le 10 novembre 2005 en témoigne particulièrement lorsqu'il indique : « J'ai donc admis le principe, dans un souci d'apaisement, qu'il soit donné une réponse positive à votre requête (de changement d'équipe). Je souhaite que ce changement, conforme à votre attente vous apporte la preuve de la volonté de l'entreprise de satisfaire au mieux les attentes de ses agents »
qu'au vu de ce qui précède et étant rappelé qu'en avril 2006 M. X... est passé de la position de rémunération C 11 à C 12 et en avril 2008 de celle de C12 à C13 ce qui démontre un rythme de progression tout à fait comparable à celui de ses autres collègues, le harcèlement moral invoqué n'est pas caractérisé et sur ce point le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé ;
ALORS QUE il résulte de l'article L 1154-1 du code du travail, applicable en matière de harcèlement, que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
D'où il résulte que la Cour d'appel qui constatait qu'à partir du moment où M. X... avait commencé à revendiquer en raison de son retard anormal de carrière, les relations avec son employeur s'étaient dégradées et qu'il avait été mis en cause dans 7 ou 8 incidents, lorsqu'il n'avait jamais fait l'objet du moindre rapport défavorable auparavant devait en déduire que M. X... établissait la matérialité d'éléments de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'elle ne pouvait alors écarter tout harcèlement moral sans relever les explications de l'employeur établissant que la multiplication des incidents imputés au salarié était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, sauf à méconnaitre les règles procédurales applicables au harcèlement moral, en violation du texte susvisé ;
ALORS QU'EN OUTRE le fait que l'incident de l'hôtel Continental soit mineur et sans lien avec la relation de travail ne pouvait permettre d'exclure la qualification de harcèlement moral, lorsque l'employeur en avait fait le reproche au salarié ; qu'en déboutant ainsi le salarié de sa demande formée à ce titre par des motifs inopérants, la Cour d'appel a violé l'article L 1152-1 du Code du travail ;
ALORS EGALEMENT QUE le fait que la sanction de la suppression du téléphone portable, outil de sécurité indispensable à un chef de bord, n'ait duré qu'une semaine ne saurait faire échec à la qualification de harcèlement moral, ce d'autant que M. X... avait été le seul contrôleur à faire l'objet d'une telle sanction ; qu'en déboutant une nouvelle fois le salarié de sa demande de ce chef par des motifs inopérants, la Cour d'appel a violé l'article L 1152-1 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;
D'où il suit qu'en relevant, pour estimer que le comportement de l'employeur était insusceptible de caractériser un harcèlement moral au préjudice de M. X..., que l'existence d'un acharnement de la direction à son encontre n'était pas établi et qu'au contraire, dans un contexte indiscutablement tendu, la SNCF n'avait pas cherché à envenimer la situation, lorsque le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, la Cour d'appel a violé l'article L 1152-1 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-12027
Date de la décision : 19/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 10 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 2011, pourvoi n°10-12027


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.12027
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