LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1153-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 24 janvier 2000 par la Société nouvelle groupement taxi et occupant en dernier lieu les fonctions de superviseur d'une équipe de standardistes, a été licencié le 24 octobre 2006 pour faute grave, un harcèlement sexuel lui étant reproché ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté, d'une part, que le salarié avait tenu des propos à caractère sexuel à deux de ses collègues féminines lors de l'envoi de messages électroniques hors du temps et du lieu de travail, sur MSN entre 12 heures et 13 heures 30, puisqu'il travaille de 15 heures à 23 heures ou lors de soirées organisées après le travail, et, d'autre part, qu'il avait, sur son lieu de travail, fait des réflexions déplacées à une autre salariée sur son physique et suivi une troisième dans les toilettes, la cour d'appel a retenu que les premiers faits, relevant de la vie personnelle du salarié, ne pouvaient constituer une faute dans l'exécution du contrat de travail tandis que les seconds ne suffisaient pas à caractériser des agissements de harcèlement sexuel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l'égard de personnes avec lesquelles l'intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la Société nouvelle groupement taxi
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X..., prononcé pour faute grave, est dénué de cause réelle et sérieuse, et d'avoir condamné la société SNGT à lui payer les sommes de 4.231,44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 423,14 € au titre des congés payés afférents, 1.675,65 € à titre d'indemnité de licenciement, 2.115,72 € au titre du treizième mois, 1.410,48 € à titre de salaire pendant la mise à pied et 141,04 € au titre des congés payés afférents, ce avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2006, et 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d'avoir ordonné à la SNGT de rembourser au Pôle emploi les allocations de chômage versées à M. X... dans la limite d'un mois ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a été licencié pour faute grave pour avoir commis des agissements de harcèlement sexuel à l'encontre des salariées de la SNGT ; que celle-ci produit aux débats : le compte-rendu de la réunion du 3 octobre 2006 au cours de laquelle M. Y..., délégué du personnel, a porté à la connaissance de la direction les agissements de harcèlement sexuel dénoncés par Mlle Z... à l'origine de son arrêt-maladie et a donné les identités des personnes acceptant de témoigner devant la commission d'enquête, les témoignages des quatorze salariés auditionnés par la commission et les avis du médecin du travail concernant Mlle Z... et la déclarant inapte à son poste ; que les seuls témoignages précis sont ceux de Mlle Z..., de Mlle A... et de Mlle B... ; que la cour ne considère pas comme probant des faits dénoncés selon le témoignage de Nadia C... qui explique avoir été invitée par M. X... à boire un verre après le travail et ne pas avoir pris cette invitation pour du harcèlement ni celui de M. D... qui évoque des soirées après le travail et des conversations sur MSN et fait état de rumeurs tout en précisant qu'il n'a pas constaté de pressions sur Blandine ni d'évolution professionnelle anormale ; que Mlle Z... établit l'existence de propos à caractère sexuel tenu par M. X... notamment par la production d'une transcription dactylographiée de dialogues tenus sur MSN en mai et juin 2006 et en dernier lieu le 29 septembre 2006 ; que cependant, ces propos ont été tenus hors du temps et du lieu de travail (sur MSN entre 12 h et 13 h 30) puisque M. X... travaille de 15 h à 23 h ainsi que Mlle Z... ; que la même observation doit être faite en ce qui concerne les propos tenus par M. X... à l'égard de Mlle Z... à l'occasion de soirées qui étaient organisées après le travail ; que Mlle A... fait également état de propos vulgaires et d'avances de nature sexuelles ; que l'employeur ne démontre pas que ces attitudes déplacées ont été tenues pendant les heures de travail ; que ces faits relevant de la vie personnelle du salarié ne peuvent constituer une faute dans l'exécution du contrat de travail ; qu'il peut être retenu du témoignage de Mlle Z... que M. X... la fixait intensément lorsqu'elle était sur son lieu de travail et faisait des réflexions déplacées sur son physique; qu'il peut être retenu de celui de Mlle A... qu'il l'a suivie une fois dans les toilettes alors qu'elle se rendait dans les toilettes pour hommes, les toilettes destinées aux femmes étant trop sales ; que ces faits ne suffisent cependant pas à caractériser des agissements de harcèlement sexuel ; que Mlle B... rapporte les confidences d'une salariée qui souhaite rester anonyme, laquelle aurait été confrontée quatre ans auparavant aux avances insistantes de M. X... et l'aurait menacé de faire intervenir son frère afin de faire cesser ce comportement ; que ce témoignage n'est pas probant, faute de porter sur des faits que Mlle B... aurait personnellement constatés ; que la déposition de Virginie E... concernant les avantages obtenus sur le plan professionnel est imprécise ; qu'elle déclaré avoir constaté l'existence d'un favoritisme envers les garçons et le fait que M. X... prenait beaucoup de pauses avec Mlle Soad F..., laquelle aurait évolué plus rapidement qu'elle, tout en ajoutant cependant qu'elle ne connaît pas ses compétences ; que de son côté, Mlle G... relève le fait que M. X... prenait beaucoup de pauses avec Soad ; que ces dépositions ne mettent en lumière aucun avantage réservé aux personnes qui acceptaient ces avances ni aucun refus d'en accorder à celles qui les refusaient ;
1) ALORS QUE les agissements commis par un salarié en dehors du lieu et des heures de travail peuvent être pris en considération par l'employeur dès lors qu'ils causent un trouble objectif à l'entreprise ; qu'il ressort notamment des constatations de l'arrêt qu'à la suite de la plainte d'une salariée, une commission d'enquête composée de la directrice des ressources humaines et d'un délégué du personnel a été mise en place et qu'elle a auditionné 14 salariés, dont certains ont exposé que M. X... marquait ostensiblement son intérêt pour certaines de ses subordonnées en fonction de critères étrangers au travail et ont fait état de rumeurs de favoritisme, le propre adjoint de M. X... l'ayant averti des bruits circulant dans l'entreprise sur son manque de neutralité vis-à-vis de la carrière des salariées placées sous son autorité ; que ces éléments établissaient l'existence d'un trouble causé au sein de l'entreprise par le comportement de l'intéressé et qu'en retenant, cependant, que les propos et avances à caractère sexuel et les attitudes déplacées reprochés à M. X... par les témoins relevaient de la vie personnelle de l'intéressé et ne concernaient pas l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1153-1 à L. 1153-6 et L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble l'article 9 du code civil ;
2) ALORS de plus QUE le harcèlement sexuel est caractérisé par des agissements pressants et répétitifs dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers, sans qu'il soit indispensable qu'un salarié ait été sanctionné, licencié ou discriminé pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; que, par suite, l'absence de preuves d'avantages réservés aux téléactrices qui acceptaient les avances de M. X... et/ou d'avantages refusés à celles qui repoussaient ces avances ne faisait pas obstacle à ce que le harcèlement sexuel soit retenu à son encontre et qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1153-1 à L. 1153-6 et L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
3) ALORS en outre QUE même si le harcèlement sexuel au sens des articles L. 1153-1 et suivants du code du travail, n'est pas caractérisé, le comportement d'un salarié envers ses collègues féminines peut être constitutif d'une faute grave s'il porte atteinte à leur dignité ; que la cour d'appel a notamment constaté que M. X... faisait, sur le lieu de travail, des réflexions déplacées sur le physique de Mlle Z... et avait suivi Mlle A... dans les toilettes ; qu'en refusant cependant, du seul fait que les éléments produits par la SNGT ne suffisaient pas à établir l'existence d'agissements de harcèlement sexuel, de reconnaître que le comportement de M. X... justifiait son licenciement pour faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
4) ALORS au surplus QUE la lettre de licenciement comme les conclusions de la SNGT et le jugement infirmé évoquaient la mise en garde déjà adressée en juin 2006 à M. X..., à la suite d'une plainte formulée par une téléactrice, relative à son comportement équivoque, et que l'intéressé n'avait pas contesté ; qu'en omettant de prendre en considération ces faits survenus antérieurement à ceux qu'elle a examinés et en s'abstenant de rechercher si le refus de M. X... de modifier son comportement envers ses collègues féminines malgré les observations de l'employeur ne caractérisait pas une faute dans l'exécution de son contrat de travail de nature à rendre impossible le maintien des relations contractuelles même pendant le préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
5) ALORS en toute hypothèse QU'en refusant de considérer que les faits reprochés à M. X... dont elle constatait l'existence, notamment ses réflexions déplacées, sur le lieu de travail, sur le physique de Mlle Z..., ne constituait pas, au moins, une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail.