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18/10/2011 | FRANCE | N°10-23303

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 2011, 10-23303


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2010), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 novembre 2007, pourvoi n° 06-17.716), que par contrat du 17 août 2000, la société Esso Saf (la société Esso) a confié à la société Filans, dont M. X... était le gérant, la location-gérance d'un fonds de commerce de station-service à l'enseigne Esso ; que la société Esso ayant signifié au locataire-gérant par courrier du 10 mai 2

003 son intention de ne pas reconduire le contrat, la société Filans et M. X... ont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2010), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 novembre 2007, pourvoi n° 06-17.716), que par contrat du 17 août 2000, la société Esso Saf (la société Esso) a confié à la société Filans, dont M. X... était le gérant, la location-gérance d'un fonds de commerce de station-service à l'enseigne Esso ; que la société Esso ayant signifié au locataire-gérant par courrier du 10 mai 2003 son intention de ne pas reconduire le contrat, la société Filans et M. X... ont assigné la société Esso en paiement de différentes sommes ; que ceux-ci ont relevé appel du jugement qui a accueilli partiellement leurs demandes ;

Attendu que la société Esso fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Filans la somme de 104 382 euros au titre de l'indemnisation de ses pertes d'exploitation alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 3 du préambule de l'accord interprofessionnel (AIP) du 12 janvier 1994, intitulé "Protocole relatif à l'exploitation en location-gérance d'un fonds de commerce de station-service de société pétrolière" énonce : "La société constate que la gestion d'une station-service suppose que l'exploitant se comporte en bon commerçant et dégage un résultat annuel d'exploitation positif. En conséquence, la société s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station qui pourrait lui être soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat" ; que ces règles, n'édictent aucune obligation pour le bailleur de supporter les pertes du locataire-gérant, mais mettent seulement à sa charge une obligation de moyens d'examiner avec le locataire-gérant les solutions propres à remédier à l'insuffisance de résultat qu'il peut rencontrer ; qu'en estimant que l'article 3 précité "implique, nécessairement, un rééquilibrage par versements de somme pour compenser les pertes, lorsqu'aucune faute de gestion ne peut être prouvée à l'encontre de l'exploitant", la cour d'appel a dénaturé l'article 3 du préambule de l'accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 et a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le contrat de location-gérance stipulait expressément qu' " il était soumis aux conditions de la loi du 20 mars 1956 ainsi qu'aux dispositions de l'accord interprofessionnel du 12 janvier 1994, et aux articles 1984 et suivants du code civil, à l'exception des articles 1999 et 2000" ; que, d'accord entre les parties, les dispositions de l'article 2000 du code civil, aux termes desquelles le mandat doit indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, étaient donc inapplicables, comme l'avait au demeurant jugé la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 31 mai 2006 ; que l'arrêt attaqué qui, en déduisant de l'article 3 de l'accord interprofessionnel précité une obligation de garantie des pertes à la charge du bailleur, que cet article n'édicte pas, réintroduit, ce faisant, une obligation pour le mandant d'indemniser le mandataire de ses pertes, obligation que les parties avaient expressément exclue du champ du contrat, comme elles en avaient la liberté, viole l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 3 de l'accord interprofessionnel précité, et par fausse application, l'article 2000 du code civil ;

3°/ que l'article 3 du préambule de l'accord interprofessionnel (AIP) du 12 janvier 1994, intitulé "Protocole relatif à l'exploitation en location-gérance d'un fonds de commerce de station-service de société pétrolière" énonce : "La société constate que la gestion d'une station-service suppose que l'exploitant se comporte en bon commerçant dégage un résultat annuel d'exploitation positif. En conséquence, la société s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station qui pourrait lui être soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat" ; que ces règles n'édictent aucune obligation pour le bailleur de supporter les pertes du locataire-gérant, mais mettent seulement à sa charge une obligation de moyens d'examiner avec le locataire-gérant les solutions propres à remédier à l'insuffisance de résultat qu'il peut rencontrer ; que lorsque l'exploitant a reçu normalement la jouissance du fonds objet de la location-gérance, et reproche seulement au propriétaire du fonds un manquement à l'obligation de moyens édictée par l'article 3 de l'accord interprofessionnel susvisé, il lui appartient d'établir en quoi le bailleur n'a pas mis en oeuvre les moyens ou solutions qui auraient permis de remédier aux pertes d'exploitation du fonds ; que la cour d'appel qui, pour dire établi le manquement de la société Esso à l'obligation mise à la charge par le texte susvisé, se borne à énoncer que la société Esso ne fait état d'aucune mesure concrète propre à permettre à l'exploitant de dégager un résultat d'exploitation positif, a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1134, 1147 et 1315 du code civil ;

4°/ subsidiairement, qu'à supposer même admise l'existence d'un manquement de la société Esso aux obligations mises à sa charge par l'article 3 de l'accord interprofessionnel (AIP) du 12 janvier 1994, le préjudice résultant de cette supposée faute n'aurait pu consister qu'en une perte de chance pour l'exploitant, faute d'examen par le bailleur de solutions adaptées à sa situation, de combler ses pertes ; qu'en condamnant la société Esso à payer à la société Filans, à titre de dommages-intérêts, une somme égale aux pertes réalisées par celle-ci, au lieu de rechercher dans quelle mesure le supposé manquement de l'exposante à ses obligations aurait privé la demanderesse d'une chance de réaliser un résultat d'exploitation positif ou des pertes moindres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article 3 de l'accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 met à la charge de la société pétrolière l'obligation d'examiner la situation de l'exploitant de la station-service qui ne parvient pas à dégager un résultat positif bien qu'il se comporte en bon commerçant, l'arrêt retient, d'un côté, que la société Esso, bien qu'ayant été avertie à plusieurs reprises par l'exploitant de l'inadaptation des prévisions et des prix des carburants qu'elle fixait au bon fonctionnement de la station-service, n'a pris aucune mesure de nature à permettre à la société Filans de dégager un résultat d'exploitation positif et relève, d'un autre côté, que la société Esso ne prétend pas que la société Filans, qui a subi des pertes au cours des trois exercices, ne se soit pas comportée en bon commerçant ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les pertes subies par la société Filans étaient imputables à la faute commise par la société Esso, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, c'est à bon droit et sans méconnaître la convention des parties ni inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a condamné la société Esso à indemniser la société Filans des pertes subies par celle-ci ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Esso Saf aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Filans et à M. X... la somme globale de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Esso

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la Société ESSO SAF à payer à la SARL FILANS la somme de 104.382 € au titre de l'indemnisation de ses pertes d'exploitation, outre la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « l'accord interprofessionnel -en ce compris tous les avenants- fait expressément partie du champ contractuel : en son point 3, il stipule - « la Société (c'est-à-dire la société pétrolière) constate que la gestion d'une station-service suppose que l'exploitant se comporte en bon commerçant et dégage un résultat d'exploitation positif ». - « En conséquence, la Société s'engage à étudier, à tout moment, le cas de toute station qui pourrait lui être soumis par l'Exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat » ; qu'il ne peut être sérieusement contesté que la société FILANS a subi des pertes au cours des exercices 2000, 2002 et 2003 pour un montant total de 104.382 € ; que les chiffres d'activité de la société FILANS, conformément aux stipulations du contrat, faisaient l'objet d'un suivi périodique de la société ESSO SAF (carburants et hors carburants, de façon distincte) ; que la société ESSO SAF avait, au reste, agréé le comptable de la société FILANS, lequel établissait annuellement les comptes ; que la société ESSO SAF, qui avait ainsi une vision quasi permanente sur la conduite de la société FILANS que ce soit dans sa mission de locataire gérant ou dans celle de mandataire, a vu l'évolution des résultats de la société FILANS ; que par ailleurs, alors qu'elle est en capacité de le faire, elle n'apporte aucune contradiction ni analyse critique ni évaluation différente des documents comptables produits par la société FILANS au sujet desquels elle ne fait état d'aucune anomalie ; que ces pertes sont en conséquence établies ; alors que par courrier du 10 mai 2001, la société FILANS alertait la société ESSO SAF à propos de l'inadaptation des prévisions « à l'activité et aux besoins de fonctionnement correct de la station », la société ESSO SAF ne lui amena aucun soutien concret - refus de modifier les prévisions, avec simple rappel de la faculté de discussion avec le chef de secteur ; qu'un courrier du 10 septembre 2002 était encore plus alarmant : « depuis trois mois les prix ne cessent d'augmenter, une partie de la clientèle est partie… je suis à cours d'argumentation raisonnable pour justifier cette hausse de tarif… je constate que je distribue de plus en plus de cadeaux et je vends de moins en moins de carburant » ; que là encore aucune décision de prise en compte de cette alarme n'est établie ; que la société ESSO SAF qui ne fait état d'aucune mesure concrète propre à permettre à l'exploitant de dégager un résultat d'exploitation positif n'allègue pas que la société FILANS ne se soit pas comportée « en bon commerçant » ; qu'elle fait état de « réclamations extravagantes » de la société FILANS, de lenteur dans la communication de documents utiles à solder son compte et d'une récupération du local retardée de 11 jours, autant d'évènements postérieurs à la fin de la location gérance et du mandat, insusceptibles de caractériser une mauvaise gestion ; que quant à l'absence de signature d'une transaction qui avait été envisagée entre les parties, elle ne saurait être reprochée à la société FILANS et il ne peut en être tiré aucune conséquence ; que le principe énoncé par l'AIP implique, nécessairement, un rééquilibrage par versements de sommes pour compenser les pertes, lorsqu'aucune faute de gestion ne peut être prouvée à l'encontre de l'exploitant ; que la société ESSO SAF sera en conséquence condamnée à payer à la société FILANS une somme de 104.382 € » ;

1°) ALORS QUE l'article 3 du préambule de l'accord interprofessionnel (AIP) du 12 janvier 1994, intitulé « Protocole relatif à l'exploitation en location-gérance d'un fonds de commerce de stationservice de société pétrolière » énonce : « La société constate que la gestion d'une station-service suppose que l'exploitant se comporte en bon commerçant et dégage un résultat annuel d'exploitation positif. En conséquence, la société s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station qui pourrait lui être soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat » ; que ces règles, n'édictent aucune obligation pour le bailleur de supporter les pertes du locataire-gérant, mais mettent seulement à sa charge une obligation de moyens d'examiner avec le locataire-gérant les solutions propres à remédier à l'insuffisance de résultat qu'il peut rencontrer ; qu'en estimant que l'article 3 précité « implique, nécessairement, un rééquilibrage par versements de somme pour compenser les pertes, lorsqu'aucune faute de gestion ne peut être prouvée à l'encontre de l'exploitant », la cour d'appel a dénaturé l'article 3 du préambule de l'Accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 et a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QUE le contrat de location-gérance stipulait expressément qu'«il était soumis aux conditions de la loi du 20 mars 1956 ainsi qu'aux dispositions de l'accord interprofessionnel du 12 janvier 1994, et aux articles 1984 et suivants du Code Civil, à l'exception des articles 1999 et 2000 » ; que, d'accord entre les parties, les dispositions de l'article 2000 du Code Civil, aux termes desquelles le mandat doit indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, étaient donc inapplicables, comme l'avait au demeurant jugé la cour d'appel de PARIS dans son arrêt du 31 mai 2006 ; que l'arrêt attaqué qui, en déduisant de l'article 3 de l'accord interprofessionnel précité une obligation de garantie des pertes à la charge du bailleur, que cet article n'édicte pas, réintroduit, ce faisant, une obligation pour le mandant d'indemniser le mandataire de ses pertes, obligation que les parties avaient expressément exclue du champ du contrat, comme elles en avaient la liberté, viole l'article 1134 du Code Civil, ensemble l'article 3 de l'accord interprofessionnel précité, et par fausse application, l'article 2000 du Code Civil ;

3°) ALORS QUE l'article 3 du préambule de l'accord interprofessionnel (AIP) du 12 janvier 1994, intitulé « Protocole relatif à l'exploitation en location-gérance d'un fonds de commerce de stationservice de société pétrolière » énonce : « La société constate que la gestion d'une station-service suppose que l'exploitant se comporte en bon commerçant et dégage un résultat annuel d'exploitation positif. En conséquence, la société s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station qui pourrait lui être soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat » ; que ces règles n'édictent aucune obligation pour le bailleur de supporter les pertes du locataire-gérant, mais mettent seulement à sa charge une obligation de moyens d'examiner avec le locataire-gérant les solutions propres à remédier à l'insuffisance de résultat qu'il peut rencontrer ; que lorsque l'exploitant a reçu normalement la jouissance du fonds objet de la location-gérance, et reproche seulement au propriétaire du fonds un manquement à l'obligation de moyens édictée par l'article 3 de l'accord interprofessionnel susvisé, il lui appartient d'établir en quoi le bailleur n'a pas mis en oeuvre les moyens ou solutions qui auraient permis de remédier aux pertes d'exploitation du fonds ; que la cour d'appel qui, pour dire établi le manquement de la société ESSO à l'obligation mise à la charge par le texte susvisé, se borne à énoncer que la société ESSO SAF ne fait état d'aucune mesure concrète propre à permettre à l'exploitant de dégager un résultat d'exploitation positif, a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1134, 1147 et 1315 du Code Civil ;

4°) ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QU 'à supposer même admise l'existence d'un manquement de la société ESSO aux obligations mises à sa charge par l'article 3 de l'accord interprofessionnel (AIP) du 12 janvier 1994, le préjudice résultant de cette supposée faute n'aurait pu consister qu'en une perte de chance pour l'exploitant, faute d'examen par le bailleur de solutions adaptées à sa situation, de combler ses pertes ; qu'en condamnant la société ESSO à payer à la société FILANS, à titre de dommages et intérêts, une somme égale aux pertes réalisées par celle-ci, au lieu de rechercher dans quelle mesure le supposé manquement de l'exposante à ses obligations aurait privé la demanderesse d'une chance de réaliser un résultat d'exploitation positif ou des pertes moindres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-23303
Date de la décision : 18/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 oct. 2011, pourvoi n°10-23303


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23303
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