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18/10/2011 | FRANCE | N°10-18113

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 2011, 10-18113


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 27 août 1999, l'administration des douanes a procédé à la saisie de deux hélicoptères appartenant à la société Bradiston France dont M. X... était le gérant ; qu'après la relaxe du directeur général de cette société des fins de la poursuite pour importation de matériel de guerre sans autorisation, le tribunal d'instance a condamné l'administration des douanes à payer au liquidateur de la société une certaine somme sur le fondement des articles 401 et 402 d

u code des douanes ; que M. X..., condamné au paiement de diverses sommes en ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 27 août 1999, l'administration des douanes a procédé à la saisie de deux hélicoptères appartenant à la société Bradiston France dont M. X... était le gérant ; qu'après la relaxe du directeur général de cette société des fins de la poursuite pour importation de matériel de guerre sans autorisation, le tribunal d'instance a condamné l'administration des douanes à payer au liquidateur de la société une certaine somme sur le fondement des articles 401 et 402 du code des douanes ; que M. X..., condamné au paiement de diverses sommes en qualité de caution, a assigné l'administration des douanes en réparation de ses différents préjudices ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 367 du code des douanes ;
Attendu qu'une action en responsabilité engagée contre l'administration des douanes constitue une action de droit commun exclusive de l'application de l'article 367 du code des douanes ;
Attendu que la cour d'appel, faisant application de l'article 367 du code des douanes pour dire n'y avoir lieu à statuer sur les dépens, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande sur les dépens, l'arrêt rendu le 2 mars 2010 par la cour d'appel de Dijon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que chacune des parties supportera la charge des dépens exposés par elles devant les juges du fond ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés dans le présent pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en indemnisation d'un préjudice financier;
Aux motifs propres que « devant l'expert, M. X... a chiffré son préjudice de la manière suivante : perte de capital: 13 339 €, perte de compte courant: 54 964 €, exécution de sa caution: 1 230 813 €, condamnation URSSAF :18 707€ Total: 1 317 823 €, perte de salaire sur 11 ans : 326 540 €, perte de dividendes : 609 796 €, perte de valeur de l'entreprise: 12 000 000 €, préjudice moral: 15 000 € Total: 12 951 336 € ; que devant la Cour, il sollicite en outre 609 796,07 € en raison d'une perte de crédibilité bancaire ; que dans un avis provisoire initial, l'expert avait relevé que la situation financière de la société BRADISTON FRANCE au 30 Juin 1991 faisait apparaître une structure financière solide, avec des capitaux propres et des comptes courants associés couvrant largement les immobilisations et les stocks ; qu'il avait par ailleurs noté que la situation de la liquidation judiciaire faisait apparaître une grande solvabilité, avec un excédent d'actif de 15 462 KF ; qu'à ce stade, il avait conclu que la saisie opérée par les Douanes de deux hélicoptères avait donné un coup d'arrêt au développement de la société, mais avait demandé, pour affiner son analyse, que lui soient communiqués les comptes annuels au 30 Juin 1992 et que lui soient fournis tous recouvrement des créances et le prix de cession des hélicoptères obtenus dans le cadre de la procédure collective, mentionnés respectivement pour 12 422 KF et 6 500 KF dans le récapitulatif de l'état de liquidation ; qu'ayant constaté qu'aucune créance n'avait pu être récupérée, ni aucun hélicoptère revendu, il a conclu, de manière définitive, qu'en réalité, la solvabilité ou l'honnêteté commerciale des partenaires rendaient non viable cette entreprise à terme, ajoutant que l'absence totale de comptabilité postérieurement au 30 Juin 1991 l'empêchait d'avoir une vision précise de ce qui s'était passé ; que terminant son rapport, il a considéré que le préjudice subi par M. X... avait deux origines différentes et non liées : gêne au développement de la société BRADISTON FRANCE, d'une part, et dépôt de bilan et liquidation judiciaire du fait de créances irrécupérables ou de partenaires ne restituant pas les hélicoptères ou ne payant pas leurs dettes, d'autre part; qu'il a estimé que sans la saisie pratiquée par les Douanes, M. X... aurait pu récupérer son compte courant (54964 €) et espérer un résultat au moins égal à son capital (13 339 €) et aux condamnations URSSAF (18 707 €), sous réserve qu'il soit justifié de leur paiement ; que l'action de M. X... ayant été jugée recevable par jugement du Tribunal d'instance de DIJON du 24 Janvier 2005, confirmé par arrêt définitif de cette Cour du 8 Novembre 2007, l'Administration des Douanes ne saurait sérieusement soutenir que celui-ci ne peut solliciter réparation d'un préjudice déjà indemnisé, en invoquant le jugement du 20 Février 2003, allouant 284 681,70 € à la SCP CURE THIEBAUT, es qualités de liquidateur de la société BRADISTON FRANCE ; que M. X... ne saurait pour sa part prétendre que le principe de l'existence d'un lien de causalité entre la saisie et son préjudice a été reconnu par le jugement du Tribunal d'Instance de DIJON du 24 Janvier 2005, cette décision s'étant bornée à surseoir à statuer et ordonner une expertise, après avoir déclaré son action recevable et dit que l'Administration des Douanes avait commis une faute en procédant à la saisie ; qu'en revanche que M. X... fait justement valoir que la distinction opérée par l'expert entre les différents chefs de préjudice financier qu'il invoque manque de logique, tous découlant de la liquidation judiciaire de la société dont il était le gérant et la caution ; qu'il lui incombe dès lors de démontrer que la liquidation trouve elle-même son origine dans la saisie fautive, éventuellement pour partie seulement, ou encore que cette saisie a fait perdre une chance de l'éviter ; que force est de constater que M. X..., qui conteste les conclusions de l'expert quant aux causes de la liquidation judiciaire, à savoir essentiellement l'existence de créances irrécupérables, ne se prévaut d'aucun avis technique contraire, notamment émanant de l'expert comptable de la société, M. Z... ; que si M. X... attribue la liquidation judiciaire à la perte de contrats avec l'ONU, rompus ensuite du discrédit jeté sur la société BRADISTON FRANCE par la saisie, il n'est pas établi que cette société, quine disposait que d'un nombre limité d'hélicoptères, ait pu les honorer sans le recours à des intermédiaires aussi douteux que la société CARANTANTA LUBIANA, son principal débiteur (10 800 KF) et ne soit pas trouvée confrontée aux mêmes difficultés que celles constatées au moment du dépôt de bilan ; que le Tribunal a relevé de manière pertinente que la société BRADISTON FRANCE avait poursuivi ses activités pendant 18 mois après la saisie ( 27 Août 1991- 9 Mars 1993), ce qui conforte l'analyse de l'expert excluant un lien de causalité entre elle et le dépôt de bilan ; qu'il est intéressant de noter qu'aux termes de jugement du 23 Février 2003, le Tribunal d'Instance de DIJON n'a pas fait droit à la demande de la SCP CURE THIEBAUT, liquidateur, en indemnisation d'un préjudice d'exploitation, considérant que la preuve n'était pas rapportée d'un lien entre la saisie et l'état de cessation des paiements, et que ce jugement est actuellement définitive ; qu'en définitive, faute pour M. X... de rapporter la preuve qui lui incombe, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation d'un préjudice financier » (arrêt attaqué, p. 4 et s.) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « qu'il incombe à Monsieur X... de prouver que les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l'Administration des Douanes sont réunies ; qu'il doit donc démontrer la faute administrative, le préjudice qu'il affirme avoir subi et le lien de causalité entre l'une et l'autre ; qu'il a été définitivement jugé que la saisie des deux hélicoptères de la SARL BRADISTON FRANCE Le 27 août 1991 était fautive ; que cette saisie malencontreuse a cependant frappé non pas une entreprise en état de faiblesse mais une société en plein essor ; que la solidité financière de la SARL BRADISTON FRANCE, attestée par son excellent bilan du 30 juin 1991, lui donnait a priori de sérieuses chances de survivre à l'épreuve qui lui était injustement infligée ; que son activité n'a été aucunement interrompue, même après la mise sous contrôle judiciaire de son Directeur Général, auquel il fut interdit de pratiquer le commerce en octobre 1992 ; que la marche de la société BRADISTON FRANCE a certes été "gênée" par la perte de ses deux hélicoptères, comme l'explique l'Expert; mais cet handicap indiscutable n'explique toutefois pas la liquidation judiciaire dont elle a fait l'objet 18 mois plus tard ; qu'en effet, le bilan de la liquidation, prononcée le 9 mars 1993. fait apparaître un actif qui excède très largement le passif puisque celui-ci s'élève à 679922,62 € (4.460.000 Francs) et que celui-là se monte 3.037.089,32 € (19.922.000 Francs)... ; qu'il s'agissait toutefois d'un actif non liquide ; que l'Expert judiciaire observe que c'est l'impossibilité "absolue" pour la société BRADISTON FRANCE de recouvrer ses créances, de récupérer auprès de certains clients ses hélicoptères ou ses pièces détachées, qui explique sa fin ; que la SARL BRADISTON FRANCE n'est pas morte d'inactivité ; qu'elle a succombé sous le poids colossal des impayés ; qu'elle a été aussi victime du manque honnêteté commerciale de plusieurs partenaires qui ne lui ont pas restitué certains biens ; que l'Expert souligne "l'extrême fragilité des marchés" sur lesquels l'entreprise développait son activité, "la grande volatilité des créances et des hélicoptères" ; que Monsieur X... ne saurait sérieusement prétendre ni encore moins démontrer que son adversaire devrait faire les frais d'un retournement de conjoncture, si regrettable soit-il ; que l'Expert précise bien dans son rapport que c'est la non viabilité de l'Entreprise consécutive à l'insolvabilité du marché, qui est a l'origine de sa faillite; que "la gêne causée à son développement par l'action des Douanes" n'y est pour rien ; que l'Homme de l'Art obscurcit toutefois ses conclusions parfaitement claires en ajoutant que si Monsieur X... ne peut être dédommagé des conséquences pécuniaires du dépôt de bilan, il est en droit de l'être pour le préjudice découlant de la gêne provoquée par la saisie douanière dans le développement de l'Entreprise ; qu'il affirme que "sans la saisie.. Monsieur X... aurait pu récupérer son compte courant, qu'il aurait pu opérer un résultat ou moins égal à son capital et aux condamnations URSSAF, soit 13.339+54.964+18.707 87.010 €" ; que cette allégation, formulée en deux lignes et demi, n'est nullement motivée, qu'elle n'est étayée par aucun élément concret ; que Monsieur X... note luimême son illogisme ; qu'il n'apparaît pas du tout rationnel de proposer d'indemniser les conséquences pécuniaires découlant du manque de développement d'une entreprise condamnée à disparaître en raison de sa non viabilité structurelle ; qu'en outre, le naufrage de la Société BRADISTON FRANCE a été d'une telle ampleur, sa liquidation judiciaire s'est révélée si impécunieuse que l'"espoir" de Monsieur X... de récupérer des sommes d'argent pour compenser ses pertes était, en toute hypothèse, tout à fait illusoire ; que M. X... sera donc débouté de ses demandes en réparation de ses préjudices financiers » (jugement, p. 6 et s.) ;
Alors que la perte de contrat constitue une perte de chance d'éviter une liquidation judiciaire ; qu'il n'appartient pas à celui qui démontre avoir perdu un contrat de prouver qu'il aurait été en mesure de l'exécuter mais à celui qui entend prouver que les contrats perdus n'auraient, en toute hypothèse, pas pu être exécutés, de l'établir ; qu'en constatant que les contrats avec l'ONU avaient été rompus du fait du discrédit jeté sur la société BRADISTON par la saisie irrégulière de l'administration des douanes et en refusant néanmoins de considérer que, du fait de cette saisie, la société BRADISTON avait perdu une chance d'échapper à la liquidation judiciaire au motif qu'elle n'établissait pas qu'elle aurait été en mesure d'exécuter ces contrats, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ;
Alors, subsidiairement, que, à supposer que la cour d'appel ait pu se contenter d'un doute quant à la possibilité, pour la société BRADISTON, d'exécuter ces contrats avec l'ONU, ce doute devait se traduire en une perte de chance d'éviter la liquidation judiciaire ; qu'en décidant qu'en l'état de l'incertitude affectant le lien de causalité entre la perte des contrats avec l'ONU et la liquidation de la société BRADISTON, M. X... ne pouvait prétendre à la réparation de son préjudice, sans constater l'absence de causalité entre la perte des contrats avec l'ONU et la liquidation de la société BRADISTON, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens ;
Aux motifs propres que « il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens » (p. 6, in fine) ;
Alors qu'aux termes de l'article 367 du Code des douanes, en matière de douanes, l'instruction est verbale et ne donne pas lieu à répétition des dépens ; que ce texte n'est applicable qu'en matière de douanes et non en matière d'action en responsabilité de droit commun ; qu'au cas présent, l'action intentée par M. X... à l'encontre de l'ADMINISTRATION DES DOUANES ne visait pas à contester la régularité d'une procédure diligentée par l'ADMINISTRATION DES DOUANES mais à obtenir réparation du préjudice subi par la faute de ladite administration à l'égard d'un tiers, la société BRADISTON FRANCE; qu'il s'agissait donc d'une action en responsabilité non soumise aux règles de l'article 367 du Code des douanes ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les dépens, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 367 du Code des douanes et, par refus d'application, l'article 696 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-18113
Date de la décision : 18/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Procédure - Frais et dépens - Condamnation - Domaine d'application - Exclusion - Action en responsabilité engagée contre l'administration des douanes

Une action en responsabilité engagée contre l'administration des douanes constitue une action de droit commun, exclusive de l'application de l'article 367 du code des douanes


Références :

article 367 du code des douanes

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 02 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 oct. 2011, pourvoi n°10-18113, Bull. civ. 2011, IV, n° 162
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 162

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Grass
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.18113
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