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12/10/2011 | FRANCE | N°11-81433

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 octobre 2011, 11-81433


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Bislan X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2011, qui, pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la Convention de Schengen, en bande organisée, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 622-1, L. 622-3, L. 622-5, L. 622-6, L. 622-7 du code de l'entrÃ

©e et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 121-3, 131-30-1 et 131-3...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Bislan X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2011, qui, pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la Convention de Schengen, en bande organisée, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 622-1, L. 622-3, L. 622-5, L. 622-6, L. 622-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 121-3, 131-30-1 et 131-30-2, 132-24, 132-71 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré coupable M. X... d'infraction d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la Convention de Schengen, en bande organisée, l'a condamné à trois d'emprisonnement, et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire national pour dix ans ;
" aux motifs propres et adoptés qu'il ressort de l'information que M. Y..., passeur chargé de l'acheminement de M.
Z...
de Pologne en France, le 23 janvier 2008, conservait dans l'un de ses deux téléphones portables plus de 30 numéros français dont celui de M. X... et celui d'une certaine Mme
A...
; il était également trouvé porteur d'un carnet d'adresses dans lequel figurait une adresse ..., celle de M. X... étant, à cette date, au 69 de cette voie, cependant que celle-ci était mémorisée dans le routeur équipant son véhicule ; il apparaissait encore que M. X... avait appelé M. Y...sur son téléphone portable français et qu'il avait eu 63 contacts téléphoniques avec Mme
A...
et M. B...du 1er janvier au 23 février 2008 ; la surveillance de la ligne téléphonique de M. X... pendant trois mois permettait de dénombrer pas moins de 10554 appels lesquels portant pour l'essentiel sur l'organisation des passagers clandestins de ses compatriotes en France ; M. C...confirmait au cours de son interrogatoire du 11 décembre 2008 le rôle central de M. X... dans l'organisation des passages clandestins de tchétchènes de Pologne en France ; il expliquait qu'il y faisait venir ses proches, sa famille et ses amis, mais qu'il ne se faisait pas rétribuer pour ses services ; M. X... contestait être à la tête d'une filière de passagers clandestins de tchétchènes en France, ne concédant que quelques accueils ponctuels à son domicile à visée strictement humanitaire ; c'est ainsi qu'il reconnaissait avoir hébergé chez lui la famille D...le 18 avril 2008, ainsi que la famille de son parent M. E...à la fin de l'année 2007 ; cependant il ressort des nombreux éléments de preuve mentionnés ci-dessus que M. X... organisait avec l'aide de passeurs et de compatriotes résidant en France, l'entrée, la circulation et le séjour irrégulier de tchétchènes en France, de telle sorte que sa culpabilité, dans les termes de l'ordonnance de renvoi devant la juridiction correctionnelle, doit être retenue, et le jugement confirmé à cet égard ; que les réquisitions téléphoniques et les surveillances sur la ligne de M. X... permettaient d'identifier M. C...et M. F...avec lesquels un autre passage de clandestins tchétchènes était réalisé le 18 avril 2008 au bénéfice d'une famille D...et d'un couple devant se rendre à Metz ; M. X... chargeait M. C...de récupérer la famille D...pour le compte d'un commanditaire demeurant près de Toulouse, mais finalement c'est M. F..., contact du couple à destination de Metz qui parvenait à récupérer tout le monde dans une station-service et qui prévenait M. X... ; M. C...reconnaissait que fin 2007 il avait pris en charge un véhicule polonais sur l'autoroute et l'avait précédé jusqu'au domicile de M. X... ; à bord du véhicule se trouvaient cinq ou six personnes démunies de papiers, dont son cousin qui, après un séjour de quinze jours chez lui, rejoignait Montauban où les demandes d'asile étaient plus facilement accueillies ; les faits étaient confirmés par M. C...localisé à Montauban qui confirmait que tout le monde s'était d'abord retrouvé dans l'appartement de Bislan X..., notamment la famille E..., en parenté avec de dernier ; M. C...indiquait que M. X... organisait l'accueil de tchétchènes en France, notamment ceux de sa famille et qu'il avait un rôle central dans ce réseau ; son implication directe dans les trois passages visés à la prévention était établie ; il se faisait seconder par des compatriotes chargés du fait de sa cécité, de véhiculer les clandestins, de les conduire jusqu'à son domicile, à la gare ou à la préfecture, voire de les héberger ; au nombre de ces seconds figuraient M. C...et M. F...; Mmes
A...
et H...
B..., en relation étroite avec M. X... sont particulièrement impliquées dans le passage de Mme Z..., les divers objets et l'argent découverts à leur domicile démontraient leur implication dans ce réseau, dans lequel Mme A...
B...se montrait une personne de ressources, à même d'effectuer toutes les démarches administratives nécessaires ; la circonstance aggravante de la bande organisée est établie dès lors que les prévenus ont agi de concert, chacun ayant un rôle bien précis quant à l'aide apportée aux arrivées dûment préparées ;
" 1) alors que ne peut donner lieu à des poursuites pénales l'aide au séjour irrégulier d'un étranger lorsqu'elle est le fait de membres de la famille de l'étranger ; que M. X... faisait valoir qu'il avait accueilli en décembre 2007, la famille E..., ses parents, et qu'il devait bénéficier à cet égard de l'immunité familiale ; qu'en se bornant à affirmer que M. X... organisait avec l'aide de passeurs et de compatriotes résidant en France, l'entrée, la circulation et le séjour irrégulier de tchétchènes en France, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... ne pouvait pas bénéficier de l'immunité familiale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2) alors que ne peut donner lieu à des poursuites pénales, l'aide au séjour irrégulier d'un étranger lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger ; que M. X... faisait valoir qu'il existait un danger réel pour les ressortissants tchétchènes qui craignaient constamment pour leur vie dans leur propre pays et se trouvaient en situation de grande précarité en France dont ils ne maîtrisaient pas la langue et qu'en hébergeant les familles E...et D..., il avait offert l'hospitalité à des compatriotes en situation de détresse, son aide ne procédant que de l'entraide humanitaire ; qu'en se bornant à affirmer que M. X... organisait avec l'aide de passeurs et de compatriotes résidant en France, l'entrée, la circulation et le séjour irrégulier de tchétchènes en France, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pas accompli un acte de sauvegarde de personnes que menaçait un danger actuel et imminent, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 3) alors qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre à moins que la loi n'en dispose autrement ; que le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France constitue une infraction intentionnelle et qu'il appartient aux juges du fond de constater l'existence de cet élément intentionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention de M. X... de commettre le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France, n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 4) alors que la circonstance aggravante de bande organisée suppose que le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ait été commis par un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ; qu'en se bornant à énoncer, par adoption de motifs, que la circonstance aggravante de la bande organisée est établie dès lors que les prévenus ont agi de concert, chacun ayant un rôle bien précis quant à l'aide apportée aux arrivées dûment préparées, sans caractériser l'existence d'un groupement ou d'une entente entre M. X... et les autres prévenus ni leur concertation au niveau de l'entrée, de la circulation ou du séjour des étrangers ni des faits matériels d'une ou de plusieurs infractions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 662-1, L. 622-3, L. 622-5, L. 622-6, L. 622-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 131-30-1 et 131-30-2, 132-24, 132-71 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré coupable M. X... d'infraction d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la Convention de Schengen, en bande organisée, l'a condamné à trois d'emprisonnement, et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire national pour dix ans ;
" aux motifs que M. X... a organisé pendant un an, sur une vaste échelle et s'appuyant sur un réseau bien structuré la venue irrégulière sur le territoire national de compatriotes tchétchènes ; eu égard à l'ampleur de cette activité délictuelle et à la période pendant laquelle elle s'est maintenue, il convient de condamner M. X... à trois ans d'emprisonnement ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction du territoire national pour une durée de dix ans en considération de la gravité de l'infraction, M. X... étant à la tête d'un réseau d'immigration clandestine, bien organisé qui n'a cessé ses activités qu'à l'occasion de l'interpellation, lors d'un contrôle inopiné de la police aux frontières, de M. Y..., cependant que l'intéressé ne justifie d'aucun élément tiré de sa situation personnelle ou familiale faisant obstacle à l'exécution de cette mesure, la cécité visuelle dont il est atteint, antérieure à sa venue en France, ne s'y opposant pas ;
" 1) alors qu'il résulte de l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009, qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu'en se bornant à retenir qu'eu égard à l'ampleur de l'activité délictuelle et à la période pendant laquelle elle s'était maintenue, il convenait de condamner M. X... à trois ans d'emprisonnement ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction du territoire national pour une durée de dix ans en considération de la gravité de l'infraction, M. X... étant à la tête d'un réseau d'immigration clandestine, bien organisé qui n'a cessé ses activités qu'à l'occasion de l'interpellation, lors d'un contrôle inopiné de la police aux frontières, de M. Y..., sans motiver en quoi l'emprisonnement de M. X..., atteint de cécité, était nécessaire, ni les raisons qui s'opposaient à une mesure d'aménagement de cette partie ferme de la peine, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2) alors que le juge répressif ne peut prononcer la peine d'interdiction du territoire sans que le prévenu, présent ou représenté à l'audience, ait pu faire valoir ses observations sur sa situation au regard des dispositions des articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal ; qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt que M. X..., présent à l'audience, a pu présenter ses observations sur sa situation au regard des articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal, avant d'être condamné à une peine d'interdiction du territoire pour dix ans non ordonnée par les premiers juges ; qu'ainsi, en ne mettant pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu les articles 132-24, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal ;
Attendu que, d'une part, il résulte du troisième alinéa du premier de ces textes qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ;
Attendu que, d'autre part, selon les deux autres textes, le juge répressif ne peut prononcer la peine d'interdiction du territoire français sans que le prévenu, présent ou représenté à l'audience, ait pu faire valoir ses observations sur sa situation au regard desdits articles ;
Attendu que, pour condamner M. X... à trois ans d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans indiquer les raisons pour lesquelles toute autre sanction que l'emprisonnement ferme était manifestement inadéquate et alors qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt que le prévenu présent à l'audience ait pu présenter ses observations sur sa situation personnelle et familiale au regard des articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal, avant d'être condamné à une peine d'interdiction du territoire qui n'avait pas été prononcée par les premiers juges, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 10 février 2011, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Lazerges conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-81433
Date de la décision : 12/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 10 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 oct. 2011, pourvoi n°11-81433


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:11.81433
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