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11/10/2011 | FRANCE | N°10-21913

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 octobre 2011, 10-21913


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 22 juin 2007, la société des Établissements Poussin-Arcouet (la société Poussin) a confié à la société des Transports Jousselin-Madeira (la société Jousselin) l'acheminement de tranches de granit depuis Brissolengo (Italie) jusqu'à Carquefou (Loire-Atlantique) ; que le 27 juin 2007, une partie du chargement s'est renversée sur le plateau de la remorque ; que la société Poussin a adressé à la société Jousselin une lettre de réclamation le 2 juillet 2007, à

laquelle l'expert de l'assureur de cette société a répondu par télécopie du 1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 22 juin 2007, la société des Établissements Poussin-Arcouet (la société Poussin) a confié à la société des Transports Jousselin-Madeira (la société Jousselin) l'acheminement de tranches de granit depuis Brissolengo (Italie) jusqu'à Carquefou (Loire-Atlantique) ; que le 27 juin 2007, une partie du chargement s'est renversée sur le plateau de la remorque ; que la société Poussin a adressé à la société Jousselin une lettre de réclamation le 2 juillet 2007, à laquelle l'expert de l'assureur de cette société a répondu par télécopie du 11 juillet 2007 ; que la société Poussin a assigné le 25 août 2008 la société Jousselin en dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Poussin fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrite son action et irrecevable l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, que la réclamation écrite adressée au transporteur a pour effet de suspendre la prescription, laquelle ne reprend son cours qu'au jour où le transporteur la repousse par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes ; que seul un rejet non équivoque de la part du transporteur est susceptible de faire repartir la prescription ; qu'en énonçant, pour déclarer la société Poussin mal fondée « à contester l'effectivité du rejet par le transporteur de sa réclamation à la date du 11 juillet 2007 », que « l'expert de la compagnie d'assurance, déclarant agir au vu de la lettre de réclamation à lui transmise par le transporteur, il avait nécessairement reçu mandat, au moins tacite, de la société Jousselin »,et « qu'aurait-il même été mandaté par la seule compagnie d'assurance qu'il aurait pu agir valablement dès lors que celle-ci avait à l'évidence reçu mandat de son assuré, le transporteur, de prendre toute initiative dans leur intérêt commun », autant d'énonciations dont il résultait que le rejet de la réclamation adressée par la société Poussin à la société Jousselin ne pouvait être réputé émaner, sans équivoque, de ce transporteur lui-même, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions susvisées ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'aucun texte n'interdit au transporteur de recourir à un mandataire pour répondre à la réclamation qui lui est transmise, l'arrêt relève que la lettre de réclamation de la société Poussin adressée le 2 juillet 2007 à la société Jousselin était rédigée dans les termes suivants : "Nous vous demandons de contacter votre assurance au plus vite afin de nous indemniser..." ; que l'arrêt retient encore que l'expert de l'assureur déclarant agir au vu de la lettre de réclamation à lui transmise par le transporteur avait nécessairement reçu mandat, au moins tacite, de ce dernier et que la société Poussin ne pouvait se méprendre sur le fait que cette télécopie était la réponse à sa réclamation à laquelle elle se référait expressément ; qu'en l'état de ces constatations, énonciations et appréciations, faisant ressortir que la réclamation de la société Poussin avait été rejetée sans équivoque pour le compte et au nom du transporteur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 32, alinéa 2, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
Attendu que, selon ce texte, une réclamation écrite suspend la prescription jusqu'au jour où le transporteur repousse la réclamation par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes ;
Attendu que pour dire que la prescription était acquise au 12 juillet 2008, l'arrêt retient que la société Jousselin n'est pas admise à contester l'effectivité du rejet par le transporteur de sa réclamation selon télécopie du 11 juillet 2007 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à la date retenue les pièces jointes à sa réclamation avaient été restituées à la société Jousselin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Jousselin-Madeira aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Poussin-Arcouet ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Poussin-Arcouet.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action de la société des Etablissements Poussin Arcouet et irrecevables l'ensemble de ses demandes ;
Aux motifs que « les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports régis par la CMR se prescrivent par un an ; que toutefois, conformément au paragraphe 2 de l'article 32 de la CMR, une réclamation écrite suspend la prescription jusqu'au moment où le transporteur la repousse par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes ; qu'aucun texte n'interdit au transporteur de recourir à un mandataire pour sa réponse et ne lui impose d'utiliser des formules sacramentelles, l'important étant que le réclamant ne puisse se méprendre sur le sens de sa réponse ; qu'en l'espèce, le sinistre s'étant produit le 29 juin 2007, la société Poussin a adressé une lettre de réclamation à la société Jousselin le 2 juillet 2007 dans les termes suivants : « Nous vous demandons de contacter votre assurance au plus vite afin de nous informer sur la valeur réelle de la marchandise. Nous sommes à votre disposition pour vous fournir le prix d'achat des matériaux concernés » ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, ce courrier est une véritable lettre de réclamation et non pas une simple confirmation des réserves formulées à la livraison ; que par ailleurs le réclamant n'a pas l'obligation de chiffrer sa demande, et la société Jousselin était en mesure de se faire une idée de l'ordre de grandeur de la somme en jeu dès lors qu'elle connaissait la nature des marchandises endommagées et que leur prix d'achat était tenu à sa disposition si elle le souhaitait ; que la prescription s'est ainsi trouvée suspendue le 2 juillet 2007 ; que par télécopie du 11 juillet 2007, l'expert de la compagnie d'assurances de la société Jousselin a répondu à la société Poussin : « Les transports Jousselin nous ont communiqué copie du courrier que vous leur avez adressé le 27/07/2007. Lors de nos opérations d'expertise, nous avons pu constater que les éléments métalliques, qui ont cédé sous le poids des tranches en cours de transport, étaient défectueux au niveau de la jonction entre la semelle et les montants, puisque nous avons constaté des déchirements de métal (tubes arrachés) anciens, fortement oxydés qui n'étaient pas nécessairement visibles avant que les montants ne cèdent. Nous estimons que les Transports Jousselin ne peuvent être tenus responsables des défauts constituant un vice propre du matériel. Nous rappelons qu'il s'agit d'un matériel que vous avez confié au transporteur et qu'il vous appartient d'assurer. D'autre part, concernant la répartition des charges par chevalet, nous avons pu constater qu'aucune indication mentionnant le poids maximal pouvant être placé sur les éléments métalliques n'apparaît sur ceux-ci. En conséquence, le chauffeur ne pouvait objectivement pas indiquer au chargeur la répartition des tranches. Enfin, nous vous rappelons qu'en matière de convention CMR, el chargement, calage et arrimage incombent à l'expéditeur » ; que c'est à tort que les premiers juges ont refusé toute portée à cette réponse au seul motif qu'elle n'émanait pas du transporteur en personne ; que l'expert de la compagnie d'assurance déclarant agir au vu de la lettre de réclamation à lui transmise par le transporteur, il avait nécessairement reçu mandat, au moins tacite, de la société Jousselin ; qu'aurait-il même été mandaté par la seule compagnie d'assurance qu'il aurait pu agir valablement dès lors que celle-ci avait à l'évidence reçu mandat de son assuré, le transporteur, de prendre toute initiative dans leur intérêt commun ; que la société Poussin, qui au demeurant n'a pu se méprendre sur le fait que cette télécopie était la réponse à sa réclamation à laquelle elle se référait expressément et que sa réclamation était rejetée tant la réponse était claire, n'est donc pas admise à contester l'effectivité du rejet par le transporteur de sa réclamation à la date du 11 juillet 2007 ; qu'il n'est allégué aucune cause d'interruption ou de suspension de droit commun avant la délivrance de l'assignation du 25 août 2008, étant précisé que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le dépôt d'un rapport d'expertise non judiciaire le 27 septembre 2007 n'a eu aucun effet interruptif ; que la prescription étant ainsi acquise au 12 juillet 2008, l'action était prescrite lorsque qu'elle a été engagée ; qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris ».
Alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, que la réclamation écrite adressée au transporteur a pour effet de suspendre la prescription, laquelle ne reprend son cours qu'au jour où le transporteur la repousse par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes ; que seul un rejet non équivoque de la part du transporteur est susceptible de faire repartir la prescription ; qu'en énonçant, pour déclarer la société Poussin mal fondée « à contester l'effectivité du rejet par le transporteur de sa réclamation à la date du 11 juillet 2007 », que « l'expert de la compagnie d'assurance, déclarant agir au vu de la lettre de réclamation à lui transmise par le transporteur, il avait nécessairement reçu mandat, au moins tacite, de la société Jousselin »,et « qu'aurait-il même été mandaté par la seule compagnie d'assurance qu'il aurait pu agir valablement dès lors que celle-ci avait à l'évidence reçu mandat de son assuré, le transporteur, de prendre toute initiative dans leur intérêt commun », autant d'énonciations dont il résultait que le rejet de la réclamation adressée par la société Poussin à la SARL Jousselin-Madeira ne pouvait être réputé émaner, sans équivoque, de ce transporteur lui-même, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions susvisées ;
Alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'aux termes de l'article 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, la réclamation écrite adressée au transporteur a pour effet de suspendre la prescription, qui ne reprend son cours qu'au jour où le transporteur la repousse par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si au 11 juillet 2007, date du prétendu rejet de la réclamation de la société Poussin-Arcouet, les pièces jointes à cette réclamation lui avaient été restituées, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard des dispositions susvisées.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-21913
Date de la décision : 11/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Prescription - Délai - Suspension par réclamation écrite - Terme

Selon l'article 32, paragraphe 2, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, une réclamation écrite suspend la prescription jusqu'au jour où le transporteur repousse la réclamation par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes. Prive sa décision de base légale au regard de ce texte, la cour d'appel qui décide que la prescription était acquise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les pièces jointes à la réclamation avaient été restituées


Références :

article 32, paragraphe 2, de la Convention de Genève du 19 mai 1956

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 10 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 oct. 2011, pourvoi n°10-21913, Bull. civ. 2011, IV, n° 158
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 158

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: M. Lecaroz
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.21913
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