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06/10/2011 | FRANCE | N°10-25248

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 octobre 2011, 10-25248


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 juin 2010), que les 28 décembre 1992 et 11 mai 1994, la régie des remontées mécaniques de Serre-Chevalier et le syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station Isola 2000 (le syndicat mixte) ont attribué des marchés publics à la société York, aux droits de laquelle se trouve la société Johnson Controls Industries (la société Johnson) ; que ces délibérations ont ensuite été annulées par la juridiction administrative ; que différen

tes condamnations pénales ont été prononcées pour atteinte à la liberté d'acc...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 juin 2010), que les 28 décembre 1992 et 11 mai 1994, la régie des remontées mécaniques de Serre-Chevalier et le syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station Isola 2000 (le syndicat mixte) ont attribué des marchés publics à la société York, aux droits de laquelle se trouve la société Johnson Controls Industries (la société Johnson) ; que ces délibérations ont ensuite été annulées par la juridiction administrative ; que différentes condamnations pénales ont été prononcées pour atteinte à la liberté d'accès au marché public, pour celui attribué par le syndicat mixte ; que la société X..., dont les offres n'avaient pas été retenues, a été placée en redressement judiciaire le 11 janvier 1995 ; que, soutenant avoir subi un préjudice personnel né de la perte de sa société, dont la cessation des paiements serait imputable au comportement fautif des attributaires des marchés publics, M. X..., ancien président-directeur général et principal actionnaire de la société X..., a assigné la société Johnson en réparation de ce préjudice devant un tribunal de grande instance ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la société Johnson soutient que le pourvoi formé par M. X... est irrecevable dès lors qu'en sa qualité d'associé il ne justifie pas d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même ;

Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, M. X... demandait réparation de préjudices consistant en des pertes de salaires et de cotisations de retraite, en l'obligation d'honorer ses engagements de caution et en un préjudice moral ; que ces préjudices sont personnels et distincts de celui subi par la société elle-même ;

D'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Sur moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter M. X... de la totalité de ses demandes alors, selon le moyen que l'arrêt attaqué a constaté que la société X... avait des chances sérieuses d'obtenir les marchés de Serre-Chevallier et d'Isola 2000, qu'au titre de la perte de ses chances elle a été indemnisée à hauteur de 200 000 euros et 219 554,26 euros par décisions du juge administratif rendues en 2007, que son éviction du marché d'Isola 2000 a pu avoir une incidence sur l'état de ses comptes au 31 décembre 1994, qu'elle était en état de cessation des paiements en janvier 1995 et que son préjudice s'analysait en une perte de chance de réaliser un gain ; qu'il en résulte que les fautes commises par les sociétés du groupe York l'ayant évincée des marchés de Serre-Chevallier et d'Isola 2000, ont fait perdre à la société X... une chance d'éviter sa mise en redressement judiciaire et sa cession, donc ont fait perdre à M. X... une chance d'éviter les dommages qu'il a subis en raison de la mise en redressement judiciaire et de la cession de la société X..., dont il était le dirigeant et principal actionnaire ; qu'en refusant d'indemniser ce préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil, qu'elle a ainsi violé ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les dépenses engagées pour répondre aux appels d'offres n'ont eu aucune incidence notable sur le passif existant au 31 décembre 2004, de sorte qu'elles n'ont pu contribuer à provoquer la cessation des paiements de la société X... ; que l'attribution irrégulière des marchés au groupe York a seulement empêché celle-ci d'accroître son activité et ses espérances de profit, que sa situation économique et financière était obérée et que le gain manqué par l'éviction du marché de 1992 n'a pas eu d'incidence avérée sur la cessation des paiements et l'ouverture de la procédure collective intervenue deux ans plus tard, alors que de 1991 à 1993 la société connaissait une amélioration progressive et constante de son résultat d'exploitation et de sa rentabilité ; que le surcroît de marge espéré du marché du 11 mai 1994 et le gain manqué, tel qu'évalué par M. Y..., expert, auraient été insuffisants pour rééquilibrer les comptes de l'entreprise et éviter le dépôt de bilan ou en tout cas la cession judiciaire ; que les pièces produites et les décisions prises par la juridiction des procédures collectives révèlent que les difficultés de la société X... n'étaient manifestement pas simplement conjoncturelles ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que M. X... ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre les fautes commises par la société York et la cessation des paiements de la société X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les autres branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Yves X... de la totalité de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « les premiers juges ont pertinemment relevé que, si les sociétés aux droits desquelles est venue la société Johnson avaient bien commis des fautes lors de l'attribution de marchés publics par la régie des remontées mécaniques de Serre-Chevalier et par le syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station Isola 2000, l'appelant ne démontrait en revanche pas que les fautes commises fussent en lien causal certain avec le préjudice financier et moral personnel invoqué ; qu'en effet, l'appelant admet lui-même que les dépenses engagées pour répondre aux appels d'offre portant sur les marchés d'enneigement artificiel de Serre-Chevalier et d'Isola 2000 n'ont eu aucune incidence notable sur le passif existant au 31 décembre 2004, de sorte qu'elles n'ont pu contribuer à provoquer la cessation des paiements de la société X... ; qu'en outre, l'attribution irrégulière des marchés publics d'enneigement artificiel des stations de Serre-Chevalier et d'Isola 2000 au groupe YORK n'a pas eu pour conséquence de retirer à la société X... des marchés qui lui étaient antérieurement acquis, la privant ainsi d'un chiffre d'affaires grâce auquel elle équilibrait jusqu'alors ses comptes, mais l'ont seulement empêchée d'accroître son activité et, partant, ses espérances de profits ; qu'or, même si la société X... avait, ainsi que l'ont relevé les juridictions administratives, des chances sérieuses d'obtenir ces marchés, il n'y a pas de lien causal suffisant entre un préjudice né de la cessation des paiements d'une entreprise dont la situation économique et financière était obérée et des fautes qui n'ont pas eu pour effet de lui faire directement subir une perte de chiffre d'affaires mais de priver l'entreprise d'une chance d'accroître son activité ; que Monsieur X... fait en outre grief aux premiers juges d'avoir fondé leur décision de rejet sur l'analyse de l'administrateur au redressement judiciaire de la société X... imputant les difficultés de l'entreprise à un déséquilibre structurel, mais, quelle que soit la pertinence des critiques qu'il formule contre cette analyse, il demeure que la société X... s'est bien trouvée en état de cessation des paiement en janvier 1995 et que sa situation économique et financière était telle que la procédure collective n'a pas permis le redressement de l'entreprise par continuation ; qu'à cet égard, il sera observé que l'attribution du marché d'enneigement artificiel de la station de Serre-Chevalier remonte décembre 1992, alors que, selon le rapport de l'expert-comptable Z... que Monsieur X... a fait lui-même établir pour asseoir sa critique de la motivation du jugement attaqué et du bilan économique et social de l'administrateur A... sur lequel celui-ci se fonde, la société X... connaissait à la même époque, entre 1991 et 1993, une amélioration progressive et constante de son résultat d' exploitation et de sa rentabilité ; qu'il en résulte que le gain manqué provoqué par l'éviction de ce marché n'a pas eu d'incidence avérée sur l'état de cessation des paiements de la société X... et l'ouverture de la procédure collective intervenue plus de deux ans plus tard, en janvier 1995 ; que la cour admet en revanche, contrairement aux premiers juges, que l'éviction du marché d'enneigement artificiel de la station d'Isola 2000, attribué au groupe YORK en mai 1994 et exécuté en octobre 1994, ait pu avoir une incidence sur l'état des comptes de la société X... arrêtés au 31 décembre 1994 ; mais que, pour autant, le simple rapprochement de la date d'attribution du marché irrégulier (11 mai 1994) avec celle de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire (11 janvier 1995) ne saurait suffire à établir l'existence d'un lien causal entre ces événements, alors, d'une part, qu'il a été précédemment souligné que le préjudice de la société X... ne s'analyse pas en une perte subie mais en un gain manqué, et même plus précisément en une perte de chance de réaliser un gain, et que, d'autre part, rien n'indique de façon certaine que le surcroit de marge espéré aurait été suffisant pour éviter durablement le dépôt de bilan ou en tout cas la cession judiciaire de l'entreprise à l'effet d'apurer son passif ; qu'ainsi, les pièces produites et les décisions prises par la juridiction des procédures collectives révèlent que les difficultés de la société X... n'étaient manifestement pas simplement conjoncturelles, les critiques portées par Monsieur Z... sur le déséquilibre structurel de la situation économique et sociale de l'entreprise ne suffisant pas à démontrer que le gain manqué de la marge bénéficiaire espérée sur ce marché aurait permis à la société X... de redresser sa situation financière et de redevenir durablement profitable ; qu'au demeurant, le rapport de Monsieur Z... postule que l'attribution de ce marché aurait permis à la société X... de réaliser au 31 décembre 1994 un bénéfice d'exploitation de 2.047.000 francs, en lieu et place de la perte de 3.774.000 francs constatée dans le compte d'exploitation arrêté au 31 décembre 1994, en se fondant sur une évaluation du gain manqué de 5.800.000 francs (887.000 euros), alors que l'expert Y... commis par le juge administratif de Nice avait évalué celui-ci à 1.400.000 francs (219.000 euros), somme notoirement insuffisante pour rééquilibrer les comptes de l'entreprise ; que Monsieur X... soutient que ce rapport d'expertise, établi dans le cadre d'une procédure à laquelle il n'était pas partie, ne lui serait pas opposable et serait affecté d'erreurs stigmatisées par son propre expert, mais il sera observé que, d'une part, le rapport de Monsieur Y... a été régulièrement produit dans le cadre de la présente instance et soumis à la discussion des parties, et que, d'autre part, l'avis contraire de Monsieur Z... n'est basé que sur une extrapolation comptable du cabinet SFC, alors que Monsieur Y... a réalisé son évaluation selon la méthode, beaucoup plus concrète et convaincante, de l'analyse des résultats de trois marchés d'enneigement artificiel comparables, étant précisé que l'expert a écarté de son étude deux autres marchés similaires dont l'exécution s'était avérée déficitaire ; qu'au surplus, même à considérer que l'attribution du marché d'enneigement artificiel de la station d'Isola 2000 lui aurait procuré un surcroît de trésorerie évitant l'ouverture d'une procédure collective en janvier 2005, rien ne démontre qu'il en serait résulté une amélioration durable de la situation économique et financière de l'entreprise, de nature à garantir à son dirigeant, avec un degré de certitude suffisant, la pérennité de son niveau de rémunération et, partant, de ses droits à retraite ; que le tribunal de grande instance de Nantes a donc à juste titre débouté Monsieur X... de ses demandes » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « l'engagement de la responsabilité de la S.A.S. JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES sur le fondement de l'article 1382 du code civil suppose la triple démonstration de l'existence d'une faute, d'un préjudice, et d'un lien de causalité ; que Monsieur X... affirme que la S.A.S. JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES (anciennement YORK) a été l'instigatrice des malversations ayant conduit à l'attribution frauduleuse des marchés publics de l'enneigement artificiel des stations de Serre-Chevallier et d'Isola 2000 à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES (YORK), privant ainsi sa société des bénéfices attendus de ces marchés et la conduisant à un état de cessation des paiements, au dépôt de bilan et au redressement judiciaire avec plan de cession, et à la baisse de ses revenus personnels, sans commune mesure avec ceux qu'il percevait en tant que dirigeant de la société X... ; que la causalité ainsi exposée relève donc de la théorie de la causalité dite de l'équivalence des conditions ou "causalité scientifique" (la faute ayant concouru à la réalisation du dommage), et non de la théorie de la causalité adéquate ou "causalité juridique" (la faute étant la cause directe du dommage) ; qu'or l'équivalence des conditions ne peut être retenue pour caractériser la responsabilité civile délictuelle de droit commun qu'à la condition que le fait illicite ait contribué de façon certaine à la réalisation du dommage ; qu'en l'espèce, il doit être relevé que l'attribution irrégulière des marchés publics de l'enneigement artificiels des stations de Serre-Chevallier et d'Isola 2000 à la société YORK n'a pas eu pour effet de retirer deux marchés publics préalablement obtenus par la société X..., ce qui lui aurait tari deux sources de revenus réguliers et antérieurs, mais a empêché la S.A. X... d'accroître son activité, et partant ses bénéfices, selon les prévisions qu'elle avait établi sur ces futurs et hypothétiques marchés ; que de même, il doit être noté que Monsieur X... ne prétend ni ne démontre que tout ou partie du passif de sa société existant au 31 décembre 1994 serait la conséquence de dépenses engagées pour les marchés publics brigués, et que la non-attribution du marché n'aurait pas permis de couvrir ; que d'une façon plus générale, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment du bilan économique et social établi par Monsieur A..., administrateur judiciaire de la S.A. X..., et des pièces comptables afférentes, que l'activité majoritaire de la société était tournée avant 1994 vers la climatisation et le traitement des eaux, représentant 82% du chiffre d'affaires de la société, alors que l'activité "neige" ne représentait que 18% ; que si l'importance des marchés soumissionnés démontre la volonté de la S.A. X... de développer son activité "neige" dans une proportion particulièrement importante, aucun élément précis ne permet de démontrer que la structure financière de l'entreprise en ait bénéficié, alors que l'entreprise présentait des déséquilibres structurels, relevés dans le rapport de Monsieur A... et confirmés par la lecture du bilan provisoire arrêté au 31 décembre 1994 ; que ce document fait en effet notamment apparaître des avances sur commandes en cours particulièrement importantes (près de 23 millions de Francs pour l'exercice 1994 et plus de 48 millions de Francs pour l'exercice précédent) et en tout cas supérieures aux travaux en cours (26,5 MF pour 1994 et plus de 52 MF pour 1993) ; qu'en outre, les résultats des années 1991 et 1993 n'avaient été positifs que grâce à la réalisation de produits financiers et à un résultat exceptionnel, et non en raison de la rentabilité propre des activités de la société ; qu'il n'apparaît pas que les observations formulées par Monsieur X... au cours de la procédure collective tant sur l'ampleur du passif chiffré à 67 millions de Francs (dont 48,6 MF d'avances sur commandes en cours), que sur la structure comptable et économique de la société aient été retenues soit par l'administrateur judiciaire, soit par le tribunal de commerce de Saint-Etienne chargé de la procédure de redressement judiciaire ; que s'agissant spécifiquement des pertes prétendues de la société X... en raison de l'attribution frauduleuse des deux marchés litigieux à la société YORK, Monsieur X... verse aux débats une projection comptable (pièce 29) aux termes de laquelle il affirme que le marché Isola 2000 d'un montant de 19 millions de Francs aurait permis de dégager un bénéfice de plus de 5,8 millions de francs (plus de 887 427 €) représentant une marge nette d'environ 30% ; qu'il estime que tant la marge prévue par la société YORK, que les éléments retenus par le jugement du tribunal administratif de Nice du 9 décembre 2005 confirment les proportions de cette estimation ; que pourtant, cette décision se réfère expressément â l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nice statuant en référé les 12 novembre 1998 et 27 février 1999, ayant déterminé que le manque à gagner subi par la société YORK du fait de l'annulation du marché d'Isola 2000 représentait une marge brute de 9,8%, et en déduit que la société X... ne pouvait se prévaloir d'un manque à gagner de plus de 1,44 millions de francs (soit 219 554 €), sans commune mesure avec le préjudice de 6 millions de Francs allégué par le commissaire à l'exécution du plan de la S.A. X... ; que de même, il ressort de l'arrêt rendu le 25 mai 2007 par la cour administrative d'appel de Marseille que les documents comptables produits à la cause par le commissaire à l'exécution du plan et concernant les exercices 1991 à 1994 de la société X... que l'attribution du marché de Serre-Chevallier aurait induit un bénéfice d'environ 1,3 millions de Francs (arrondi à 200 000 €), représentant une marge nette autour de 10% ; qu'en outre, Monsieur X... ne joint aucune donnée temporelle précise permettant d'établir la durée du cycle d'exploitation applicable aux marchés espérés ; qu'or la société X... a déclaré son état de cessation des paiements le 9 janvier 1995, donnant lieu deux jours plus tard à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ; qu'il ne saurait être soutenu que la société X... aurait pu réaliser les bénéfices escomptés (tout en rappelant les réserves formulées ci-dessus sur l'évaluation des marges nettes probables) dans un laps de temps aussi court (moins de 6 mois à compter du jour de l'attribution du marché s'agissant d'Isola 2000), lui permettant ainsi de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et d'éviter la cessation de paiement ; qu'enfin, même à considérer que l'attribution des marchés litigieux aurait permis à la S.A. X... de rééquilibrer sa situation économique, aucun élément ne permet de considérer avec certitude que cette société aurait pu redresser durablement sa situation économique, ni qu'elle aurait pu assurer le niveau antérieur de rémunération de son dirigeant Monsieur X..., et partant ses droits à retraite ; qu'ainsi, Monsieur X... ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité certain entre les fautes alléguées de la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES et ses préjudices personnels ; qu'en dépit des éléments du dossier tendant à démontrer l'existence de fautes commises par la société YORK, il ne peut donc pas être imputé à la défenderesse la charge de l'indemnisation du préjudice financier et moral indéniablement subi par Monsieur X... à la suite du dépôt de bilan et du plan de cession de la S.A. X... ; que Monsieur Yves X... sera donc débouté de ses demandes » ;

ALORS 1°) QUE : l'arrêt attaqué a constaté que la société X... avait des chances sérieuses d'obtenir les marchés de Serre-Chevallier et d'Isola 2000, qu'au titre de la perte de ses chances elle a été indemnisée à hauteur de 200 000 € et 219 554,26 € par décisions du juge administratif rendues en 2007, que son éviction du marché d'Isola 2000 a pu avoir une incidence sur l'état de ses comptes au 31 décembre 1994, qu'elle était en état de cessation des paiements en janvier 1995 et que son préjudice s'analysait en une perte de chance de réaliser un gain ; qu'il en résulte que les fautes commises par les sociétés du groupe YORK l'ayant évincée des marchés de Serre-Chevallier et d'Isola 2000, ont fait perdre à la société X... une chance d'éviter sa mise en redressement judiciaire et sa cession, donc ont fait perdre à Monsieur X... une chance d'éviter les dommages qu'il a subis en raison de la mise en redressement judiciaire et de la cession de la société X..., dont il était le dirigeant et principal actionnaire ; qu'en refusant d'indemniser ce préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil, qu'elle a ainsi violé ;

ALORS 2°) QUE : en retenant qu'il n'existait pas de lien causal suffisant entre un préjudice né de la cessation des paiements d'une entreprise en situation obérée et des fautes qui l'ont privée non pas d'un chiffre d'affaires qu'elle réalisait mais d'une chance d'accroître son activité, et que tel était le cas de la société X..., la cour d'appel a prononcé par des motifs d'ordre général et violé l'article 455 du code de procédure civil ;

ALORS 3°) QUE : en considérant que peu importait la pertinence des critiques adressées par Monsieur X... à l'analyse de l'administrateur au redressement judiciaire de la société X... imputant les difficultés de celle-ci à un déséquilibre structurel, au prétexte que la société X... s'est trouvée en état de cessation des paiements et qu'un plan de continuation n'a pas été adopté, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

ALORS 4°) QUE : en se bornant à affirmer que les pièces produites et les décisions prises par le juge de la procédure collective révélaient que les difficultés de la société X... n'étaient pas simplement conjoncturelles, sans analyser ces éléments sur lesquels elle fondait sa décision et sans même mentionner quelles étaient les « pièces produites » sur lesquelles elle s'appuyait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 5°) QUE : pour retenir qu'il n'était pas établi que le gain qu'elle a manqué en suite de son éviction du marché d'Isola 2000, évalué à 5 800 000 francs par Monsieur X..., aurait permis à la société X... de redresser sa situation et de redevenir durablement profitable, l'arrêt attaqué s'est fondé sur l'estimation de ce gain, par l'expert Y..., à la somme de 1 400 000 francs ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, bien qu'elle y était invitée (conclusions de Monsieur X..., p. 23, dernier §, p.24 et p. 25, § 1 et 2), si la marge brute attribuée par l'expert Y... à la société YORK, adjudicataire du marché d'Isola 2000, n'était pas très inférieure à la marge effectivement réalisée par cette société (soit 9,8 % au lieu de 37 %), comme en attestaient les pièces saisies par la police judiciaire au siège de la société YORK et la déposition faite par un cadre de cette société, documents que Monsieur X... versait aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

ALORS 6°) QUE : en se bornant à affirmer que rien ne démontrait que la société X... aurait connu une amélioration durable de sa situation de nature à garantir à Monsieur X..., avec un degré de certitude suffisant, la pérennité de son niveau de rémunération et par suite ses droits à retraite, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions de Monsieur X..., p. 26), sur le fait que la société X... existait depuis 1933, qu'elle était structurée pour traiter des marchés de l'importance de celui d'Isola 2000 et qu'elle connaissait une progression constante de son résultat d'exploitation et de sa rentabilité entre 1991 et 1993, comme l'a constaté l'arrêt attaqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-25248
Date de la décision : 06/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 22 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 oct. 2011, pourvoi n°10-25248


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.25248
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