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06/10/2011 | FRANCE | N°10-24636

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 octobre 2011, 10-24636


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et 53- I de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, qu'une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fa

brication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et 53- I de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, qu'une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions ; que le salarié qui est admis au bénéfice de l'ACAATA présente sa démission à son employeur ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de l'allocation, laquelle est allouée indépendamment de son état de santé, n'est pas fondé à obtenir réparation d'une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., atteint d'une maladie occasionnée par l'amiante, a démissionné de son emploi et perçu une ACAATA ; qu'il a également présenté une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) qui lui a notifié une offre ; que M. X... l'a refusée et a engagé devant la cour d'appel, une action en contestation de cette décision du FIVA et a sollicité la réévaluation de son indemnisation ;
Attendu que pour condamner le FIVA à payer à M. X... une certaine somme en réparation de son préjudice résultant de la réduction de ses revenus, l'arrêt retient que l'ACAATA est soumise à la cessation de toute activité professionnelle et qu'en bénéficier est un droit lorsqu'on est atteint d'une pathologie liée à l'amiante, que le choix de cesser son activité est un choix issu d'une exposition directe à l'amiante et aux risques qui en découlent quel que soit le taux d'incapacité provoqué par la pathologie, que ce choix est un élément du préjudice lié à l'exposition à l'amiante et, dans la mesure où il entraîne une réduction des revenus, la perte financière doit être compensée dans le respect de la réparation intégrale ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 62 496 euros en réparation de sa perte de gains professionnels futurs, l'arrêt rendu le 3 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. X... de sa demande en réparation de sa perte de gains professionnels futurs ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR fixé à la somme de 68. 496 € l'indemnité représentative du préjudice professionnel de Monsieur Roland X... et dit que déduction faite de cette somme de l'indemnité de 888, 62 € versée par l'organisme social, il revient à Monsieur Roland X... un solde d'indemnité de 67. 607 €, avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QUE « préalablement à la cessation de son activité professionnelle au sein de la société Fives Nordon le 31 août 2009, Monsieur X... avait sollicité son admission au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que la CRAM d'Alsace-Moselle lui a notifié le 25 septembre 2009 son admission à l'ACAATA avec effet à compter du 1er septembre 2009, le montant de cette allocation étant égal à 65 % de son salaire brut de référence (soit 2, 563, 64 € par mois), ce qui détermine un montant brut d'allocation de 1. 666, 36 €, soit un montant net mensuel à payer 1. 519, 72 € ; que Monsieur X... sollicite donc, en réparation de sa perte de gains professionnels, une indemnité de 62. 496 € Correspondant à une perte de gains mensuelle de 504 € sur 124 mois en ACAATA ; que le FIVA s'oppose à cette demande aux motifs ; que la perception de L'ACAATA résulte d'un choix de son bénéficiaire ; que Monsieur X... ne démontre pas que du fait de sa maladie liée à l'amiante il n'était plus en mesure d'exercer son activité professionnelle ou une autre activité professionnelle dans le cadre d'une reconversion, qu'il est impossible de dire que Monsieur X... a bénéficié de l'ACAATA en raison de son impossibilité de se livrer à une activité professionnelle ; qu'aux termes des dispositions de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices, les personnes qui justifient d'un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le diagnostic de plaques pleurales a été posé chez Monsieur X... le 10 juillet 2006, alors qu'il était âgé de 47 ans ; que par ailleurs il résulte des dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qu'une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions telles que l'âge, la durée du travail, le fait d'avoir travaillé dans l'une des entreprises figurant sur une liste fixée par décret, et que les personnes dont la maladie professionnelle liée à l'amiante a été reconnue, ont également droit, dès l'âge de 50 ans, de bénéficier de cette allocation ; qu'en l'espèce, il est constant que Monsieur X... s'est vu notifier par la CRAM d'Alsace-Moselle, le 23 septembre 2009, son admission au bénéfice de l'ACAATA ; que l'admission de Monsieur X... au bénéfice de cette allocation est bien en relation directe avec sa maladie liée à l'exposition à l'amiante ; qu'il ressort de ce qui précède que l'ACAATA est soumise à la condition de cessation de toute activité professionnelle, que bénéficier de cette allocation est un droit lorsque l'on est atteint d'une pathologie liée à l'amiante et que le choix pour la victime de cesser son activité professionnelle constitue un choix issu d'une exposition directe à l'amiante et aux risques qui en découlent, et ce, quelque soit le taux d'incapacité provoqué par la pathologie ; que ce choix est donc un élément du préjudice directement lié à l'exposition à l'amiante et que dans la mesure où ce choix entraîne une réduction des revenus, la perte financière doit être compensée dans le respect du principe de la réparation intégrale du préjudice, édicté par l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; qu'il résulte des bulletins de salaires de Monsieur X... des mois de septembre 2008 à juillet 2009, que son revenu moyen net des onze mois précédant son départ en pré-retraite ACAATA s'établit à la somme totale de 22. 260 €, soit un revenu de référence moyen net mensuel de 2. 024 € ; que le préjudice économique de Monsieur X... est donc le suivant : revenu moyen mensuel net de référence 2. 024 €, allocation ACAATA mensuelle nette 1. 520 €, perte mensuelle nette 504 €, nombre de mois en ACAATA : 12, soit une indemnité de : 504 € x 124 = 62. 496 € ; que le montant total du préjudice professionnel de Monsieur X... s'élève donc à : incidence professionnelle 6. 000 €, perte de gains professionnels 62. 496 €, Total 68. 496 € ; qu'il y a lieu de déduire de cette somme les prestations versées par l'organisme social, soit la somme de 889 €, de sorte qu'il revient à Monsieur X..., en réparation de son préjudice professionnel, une indemnité de 67. 607 € » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE, selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, une allocation de cessation anticipée d'activité (dite ACAATA) est versée dès l'âge de cinquante ans aux personnes reconnues atteintes, au titre du régime général ou du régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés agricoles, d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêtés des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et de l'agriculture ; que le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présente sa démission à son employeur ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de l'allocation n'est pas fondé à obtenir du FIVA la réparation d'une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble les articles 53 I et 53 III de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE (subsidiaire), le demandeur ne peut obtenir auprès du FIVA la réparation intégrale que des préjudices résultant de l'atteinte à son état de santé et ayant pour origine son exposition à l'amiante ; que, selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, une allocation de cessation anticipée d'activité (dite ACAATA) est versée dès l'âge de cinquante ans aux personnes reconnues atteintes, au titre du régime général ou du régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés agricoles, d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêtés des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et de l'agriculture ; qu'à supposer que le demandeur éprouve un préjudice économique du fait de son choix de bénéficier de l'ACAATA, il ne peut en demander la réparation auprès du FIVA que s'il rapporte que du fait de l'atteinte à son état de santé résultant de son exposition à l'amiante il n'était plus en situation d'exercer une activité professionnelle ou une activité obtenue dans le cadre d'une procédure de reconversion ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 5), le FIVA a fait valoir que la différence entre le revenu antérieur et l'allocation de cessation d'activité ne peut être considérée comme un préjudice économique indemnisable par le FIVA que dans les cas où la victime démontre que, du fait de sa maladie liée à l'amiante, elle n'était plus en situation d'exercer son activité professionnelle ou une activité obtenue dans le cadre d'une procédure de reconversion ; qu'il ajoutait que Monsieur Roland X... ne présente aucun élément médical permettant de justifier ses dires, étant observé que le Docteur Z..., médecin du travail, dans son certificat en date du 11 janvier 2010 n'a aucunement fait état d'une quelconque inaptitude de Monsieur Roland X... à l'un des postes quelconques de son entreprise ; qu'il précisait que les plaques pleurales, pathologie bénigne de l'amiante, dont est porteur Monsieur Roland X..., ne peuvent être responsables d'une impossibilité à exercer une activité salariée d'autant que ces plaques n'entraînent aucun retentissement fonctionnel et ne justifient, dans son cas, qu'un taux de 3 %, de sorte que Monsieur Roland X... est donc capable d'exercer une activité professionnelle, ce qu'il a du reste fait postérieurement à la constatation de son diagnostic le 10 juillet 2006 ainsi que cela résulte sans conteste de son annexe n° 13 ; que le FIVA (concl., p. 6) faisait encore valoir que les séquelles présentées par la victime sont uniquement radiologiques et ne constituent pas une maladie puisque les plaques pleurales sont caractérisées par de simples images radiologiques sans manifestations cliniques associées ; qu'il précisait que les plaques pleurales constituent seulement un marqueur fiable à l'exposition à l'amiante, ne se manifestent par aucune symptomatologie et ne dégénèrent jamais en affection néoplasique (mésothéliome ou autre cancer thoracique), que l'absence d'évolutivité des plaques pleurales est établie mais ne s'oppose pas à l'apparition totalement aléatoire, mais non systématique de nouvelles plaques pleurales et qu'il est par ailleurs clairement établi que les porteurs de plaques pleurales ne présentant pas plus de pathologies graves dues à l'amiante (cancers) qu'un échantillon comparable non porteur de plaques pleurales ; que le FIVA en concluait qu'en l'absence de certificat médical d'inaptitude au poste de travail rédigé par le médecin du travail, il est impossible de dire que Monsieur Roland X... a bénéficié de l'ACAATA en raison de son impossibilité à se livrer à une activité professionnelle ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces éléments de nature à établir que le demandeur du fait de son exposition à l'amiante n'avait pas été dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 III de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-24636
Date de la décision : 06/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 03 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 oct. 2011, pourvoi n°10-24636


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.24636
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