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28/09/2011 | FRANCE | N°10-18561

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2011, 10-18561


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en référé (Paris, 15 avril 2010), que M. X... a été engagé par la société Sopad-Nestlé comme représentant itinérant, selon contrat de travail du 28 novembre 1984 qui comporte un article 6 intitulé "Voiture" mentionnant que : "Pour l'exercice de ses fonctions, M. Bernard X... devra posséder et utiliser une voiture automobile de type autorisé" et un article 8 intitulé "Rémunération - frais de route" énumérant les éléments du salaire et ajo

utant que : "Sopad-Nestlé paiera à M. Bernard X... une somme forfaitaire par jou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en référé (Paris, 15 avril 2010), que M. X... a été engagé par la société Sopad-Nestlé comme représentant itinérant, selon contrat de travail du 28 novembre 1984 qui comporte un article 6 intitulé "Voiture" mentionnant que : "Pour l'exercice de ses fonctions, M. Bernard X... devra posséder et utiliser une voiture automobile de type autorisé" et un article 8 intitulé "Rémunération - frais de route" énumérant les éléments du salaire et ajoutant que : "Sopad-Nestlé paiera à M. Bernard X... une somme forfaitaire par jour de voyage passé en dehors de son centre d'attache, à laquelle viendra s'ajouter une indemnité kilométrique si M. Bernard X... fait usage de sa voiture personnelle" ; que M. X... a vu son contrat de travail transféré en 1996 à la société Nestlé France où il est devenu responsable de secteur dans le département "Vente" ; que, sous le couvert d'un accord d'établissement signé le 8 mars 2007, la société Nestlé France a entendu imposer à tous les salariés de ses équipes de vente la mise à disposition de véhicules en location longue durée, le paiement des indemnités kilométriques étant arrêté à compter du 2 mars 2009 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale en référé pour obtenir une provision sur les indemnités kilométriques impayées ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des indemnités kilométriques correspondant à l'utilisation d'un véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions, alors, selon le moyen :
1°) que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que lors de la signature du contrat de travail de 1984 de M. X..., la politique voiture de l'entreprise prévoyait la mise à disposition d'un véhicule de société ou d'un véhicule de location, ou l'utilisation d'un véhicule personnel autorisé ; que si ledit contrat de travail stipulait que, «pour l'exercice de ses fonctions, M. Bernard X... devra posséder et utiliser une voiture automobile de type autorisé», il prévoyait également le versement d'une indemnité kilométrique «si M. Bernard X... fait usage de sa voiture personnelle» ; qu'il résultait de ces dispositions contractuelles que M. X... avait la faculté d'utiliser un véhicule mis à sa disposition par l'entreprise (véhicule de société ou véhicule de location) ; que la prévision du versement au salarié d'indemnités kilométriques en contrepartie de l'utilisation de son véhicule personnel ne constituait qu'une simple modalité de prise en charge des frais professionnels exposés par l'intéressé dans l'exécution de ses fonctions dans la mesure où il utiliserait un véhicule personnel ; que viole le principe susvisé et l'article 1134 du code civil l'arrêt attaqué qui retient que M. X... avait contractuellement l'obligation, et non pas la simple faculté, d'utiliser un véhicule personnel pour l'exécution de ses fonctions ;
2°) (subsidiairement) qu'en supposant même que la référence au versement d'une indemnité kilométrique «si M. Bernard X... fait usage de sa voiture personnelle» n'implique pas qu'il s'agit d'une simple faculté d'utiliser un véhicule personnel non créatrice de droits pour le salarié, à tout le moins cette référence rend ambiguë le sens et la portée du contrat de travail de M. X... en ses dispositions relatives à l'utilisation d'un véhicule pour l'accomplissement de sa mission ; qu'en retenant cependant que les articles 6 et 8 du contrat de travail de M. X... faisaient apparaître «de manière claire et non ambiguë» que ce dernier avait «l'obligation de posséder et d'utiliser un véhicule automobile personnel pour exercer ses fonctions de VRP», la cour d'appel a dénaturé l'écrit qui lui était soumis et, partant, a méconnu le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause et a violé l'article 1134 du code civil ;
3°) que la mention selon laquelle le salarié, pour l'exercice de ses fonctions doit «posséder et utiliser une voiture automobile de type autorisé» a la valeur d'une simple information, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement au moyen de son véhicule personnel, le cas échéant ; qu'en décidant que cette mention aurait pour effet de conférer à M. X... un droit acquis à utiliser uniquement son véhicule personnel et à pouvoir exiger le paiement des indemnités kilométriques correspondant à cet usage, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°) (subsidiairement) que si la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend, c'est à condition qu'il existe une situation d'urgence ; que viole l'article R. 1455-5 du code du travail dont elle prétend faire application, la cour d'appel qui, statuant en la forme des référés, condamne la société Nestlé France au paiement des indemnités kilométriques réclamées par M. X... correspondant à l'utilisation de son véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions, sans caractériser l'urgence qu'il y avait à prononcer une telle condamnation ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a relevé que le contrat de travail stipulait que le salarié devra posséder un véhicule autorisé et que, s'il utilise son véhicule personnel, il bénéficiera du paiement d'indemnités kilométriques, a fait ressortir l'existence d'un droit à l'utilisation du véhicule personnel et au paiement d'indemnités kilométriques résultant du contrat de travail, qui n'a pu être mis en cause par l'accord collectif du 8 mars 2007 en l'absence d'accord exprès du salarié ;
Attendu, ensuite, que, lorsque la formation de référé du juge prud'homal fait application de l'article R. 1455-7 du code du travail, la constatation de l'urgence n'est pas une condition de l'octroi d'une provision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nestlé France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nestlé France à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Nestlé France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que M. X..., aux termes de son contrat de travail, avait l'obligation de posséder et d'utiliser un véhicule automobile personnel pour exercer ses fonctions de responsable de secteur et pouvait en conséquence prétendre au versement d'indemnités kilométriques, et D'AVOIR en conséquence condamné la société NESTLE FRANCE à payer à M. X... la somme de 3.624,60 € arrêtée à la date du 28 février 2010 au titre des indemnités kilométriques correspondant à l'utilisation d'un véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions ;
AUX MOTIFS QUE «Sur l'usage et les clauses contractuelles, M. Bernard X... soutient que son contrat de travail de 1984 et un accord d'entreprise du 13 janvier 1994 lui permettent d'utiliser son véhicule personnel et de percevoir des indemnités kilométriques et que le refus de paiement de ces indemnités constitue une modification unilatérale de son contrat de travail ; qu'il fait également valoir que cet accord, faute d'avoir été remplacé dans un délai de 15 mois après sa dénonciation par un nouvel accord, n'a pas été valablement remplacé, de sorte que l'utilisation de son véhicule personnel, contre l'octroi d'indemnités kilométriques, constitue un avantage qu'il a personnellement acquis et non un usage ; qu'il en conclut qu'il doit toujours bénéficier du versement d'indemnités kilométriques ; que la SA NESTLE FRANCE répond que le contrat de travail ne prévoit pas que le salarié a un droit ou une obligation d'utiliser un véhicule personnel dans le cadre de ses fonctions et que le versement d'indemnités kilométriques constitue donc une simple modalité de prise en charge de ses frais professionnels dans la mesure où il utiliserait un véhicule personnel, modalité indiquée dans le contrat de travail «à titre informatif uniquement» ; qu'elle précise que la faculté ouverte aux salariés de la force de vente d'utiliser leur véhicule personnel résultait d'un usage en vigueur dans la société SOPAD, bien avant la signature du contrat de travail de M. Bernard X..., dont celui-ci a bénéficié comme les autres salariés jusqu'au 28 février 2009, date à laquelle l'accord prévoyant la mise à disposition de véhicules de société est entré en application ; qu'elle en conclut que l'avantage dont a bénéficié M. Bernard X... ne résultait pas de l'accord du 13 janvier 1994 et qu'il ne peut, dès lors, se prévaloir de la conservation d'un avantage individuel qu'il aurait acquis en se fondant sur les dispositions de l'article L.2261-13 al. 1 du code du travail ; que l'article 6 du contrat de travail conclu le 28 novembre 1984 avec la société SOPAD NESTLE prévoit : «Pour I'exercice de ses fonctions, M. Bernard X... devra posséder et utiliser une voiture automobile de type autorisé. A cet égard, des facilités en usage à la SOPAD NESTLE, pourront lui être accordées pour l'acquisition d'une telle voiture» ; que l'article 8 précise, par ailleurs, qu'il percevra «une indemnité kilométrique» s'il «fait usage de sa voiture personnelle» ; que le courrier, daté du 4 décembre 1989, que la SA NESTLE ROWENTREE a envoyé à M. Bernard X..., à l'occasion de la reprise de son contrat de travail le 1er janvier 1990, précise «nous vous confirmons... que les termes initiaux de votre contrat individuel de travail avec SOPAD NESTLE sont intégralement repris par notre société» ; que le courrier, daté du 22 janvier 1996, que la SA NESTLE FRANCE a envoyé à M. Bernard X... à l'occasion de la nouvelle reprise de son contrat de travail le 1er janvier 1996, fixe seulement le montant de sa nouvelle rémunération mensuelle, composée d'un salaire de base, d'une prime d'ancienneté et d'une prime variable, et précise que le courrier constitue un avenant au contrat de travail ; que les articles 6 et 8 du contrat de travail initial de 1984 sont, ainsi, toujours en vigueur ; que, par ailleurs, ces deux articles font apparaître, de manière claire et non ambiguë, que M. Bernard X... a l'obligation de posséder et d'utiliser un véhicule automobile personnel pour exercer ses fonctions de VRP et qu'il bénéficie, en contrepartie, du versement d'indemnités kilométriques ; que, même si un usage, préexistant à la conclusion du contrat de travail de M. Bernard X..., permettait aux salariés amenés à se déplacer dans l'exercice de leurs fonctions d'utiliser leur véhicule personnel et de percevoir en contrepartie des indemnités kilométriques, la dénonciation dudit usage ne peut, en tout état de cause, être opposée à M. Bernard X... dans la mesure où l'avantage qui en résultait a été intégré dans son contrat de travail ; que, sur les modifications du contrat de travail ou des conditions de travail, M. Bernard X... soutient que son employeur ne pouvait modifier unilatéralement son contrat de travail sans son accord, notamment en raison de ses fonctions de délégué syndical ; que la SA NESTLE FRANCE répond que l'utilisation d'un véhicule de location ne constitue pas une modification des conditions de travail ; que la suppression de l'avantage pour le salarié de bénéficier du versement d'indemnités kilométriques, en contrepartie de son obligation d'utiliser un véhicule personnel, qui est intégré dans une clause de son contrat de travail, constitue une modification de ce contrat que l'employeur ne peut imposer unilatéralement au salarié qui est investi d'un mandat représentatif ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'existe aucune contestation sérieuse sur le fait que M. Bernard X... peut toujours se prévaloir des clauses figurant dans son contrat de travail dont il revendique l'application, malgré l'entrée en vigueur du nouvel accord d'établissement du 8 mars 2007 et la dénonciation de l'usage qui préexistait dans la société ; qu'ainsi, le juge des référés, conformément aux dispositions de l'article R.1455-5 du code du travail, est compétent pour ordonner les mesures sollicitées par le salarié ; qu'il y a lieu de débouter la SA NESTLE FRANCE de ses demandes et de la condamner à verser à M. Bernard X... la somme de 3 624,60 € arrêtée à la date du 28 février 2010, dont le montant n'est pas contesté, au titre des indemnités kilométriques qu'il est en droit de percevoir pour avoir utilisé, conformément à son contrat de travail, son véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions ; qu'il n'y a cependant pas lieu de prononcer une astreinte ; que l'ordonnance doit être infirmée en toutes ses dispositions» ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que lors de la signature du contrat de travail de 1984 de M. X..., la politique voiture de l'entreprise prévoyait la mise à disposition d'un véhicule de société ou d'un véhicule de location, ou l'utilisation d'un véhicule personnel autorisé ; que si ledit contrat de travail stipulait que, «pour l'exercice de ses fonctions, M. Bernard X... devra posséder et utiliser une voiture automobile de type autorisé», il prévoyait également le versement d'une indemnité kilométrique «si M. Bernard X... fait usage de sa voiture personnelle» ; qu'il résultait de ces dispositions contractuelles que M. X... avait la faculté d'utiliser un véhicule mis à sa disposition par l'entreprise (véhicule de société ou véhicule de location) ; que la prévision du versement au salarié d'indemnités kilométriques en contrepartie de l'utilisation de son véhicule personnel ne constituait qu'une simple modalité de prise en charge des frais professionnels exposés par l'intéressé dans l'exécution de ses fonctions dans la mesure où il utiliserait un véhicule personnel ; que viole le principe susvisé et l'article 1134 du code civil l'arrêt attaqué qui retient que M. X... avait contractuellement l'obligation, et non pas la simple faculté, d'utiliser un véhicule personnel pour l'exécution de ses fonctions ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU' en supposant même que la référence au versement d'une indemnité kilométrique «si M. Bernard X... fait usage de sa voiture personnelle» n'implique pas qu'il s'agit d'une simple faculté d'utiliser un véhicule personnel non créatrice de droits pour le salarié, à tout le moins cette référence rend ambiguë le sens et la portée du contrat de travail de M. X... en ses dispositions relatives à l'utilisation d'un véhicule pour l'accomplissement de sa mission ; qu'en retenant cependant que les articles 6 et 8 du contrat de travail de M. X... faisaient apparaître «de manière claire et non ambiguë» que ce dernier avait «l'obligation de posséder et d'utiliser un véhicule automobile personnel pour exercer ses fonctions de VRP», la cour d'appel a dénaturé l'écrit qui lui était soumis et, partant, a méconnu le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la mention selon laquelle le salarié, pour l'exercice de ses fonctions doit «posséder et utiliser une voiture automobile de type autorisé» a la valeur d'une simple information, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement au moyen de son véhicule personnel, le cas échéant ; qu'en décidant que cette mention aurait pour effet de conférer à M. X... un droit acquis à utiliser uniquement son véhicule personnel et à pouvoir exiger le paiement des indemnités kilométriques correspondant à cet usage, la cour d'appel a violé l'article L.1221-1 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE si la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend, c'est à condition qu'il existe une situation d'urgence ; que viole l'article R.1455-5 du code du travail dont elle prétend faire application, la cour d'appel qui, statuant en la forme des référés, condamne la Société NESTLE au paiement des indemnités kilométriques réclamées par M. X... correspondant à l'utilisation de son véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions, sans caractériser l'urgence qu'il y avait à prononcer une telle condamnation.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-18561
Date de la décision : 28/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2011, pourvoi n°10-18561


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.18561
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