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28/09/2011 | FRANCE | N°10-15588

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2011, 10-15588


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., embauché le 27 janvier 1999 en qualité d'agent de sécurité par la société Iris, a été licencié pour faute grave, le 29 avril 2005 ; que, compte tenu de sa désignation comme délégué syndical le 14 avril 2005, la formation de référé du conseil de prud'hommes a ordonné sa réintégration ; que cette décision a été infirmée, le 5 décembre 2006, au motif que la désignation comme délégué syndical était frauduleuse ; que M. X... a saisi la juridiction pru

d'homale au fond d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et d'une demand...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., embauché le 27 janvier 1999 en qualité d'agent de sécurité par la société Iris, a été licencié pour faute grave, le 29 avril 2005 ; que, compte tenu de sa désignation comme délégué syndical le 14 avril 2005, la formation de référé du conseil de prud'hommes a ordonné sa réintégration ; que cette décision a été infirmée, le 5 décembre 2006, au motif que la désignation comme délégué syndical était frauduleuse ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et d'une demande en paiement de diverses sommes ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé alors, selon le moyen :
1°/ que, dans ses conclusions d'appel, le salarié faisait valoir qu'il n'avait pas perçu de rémunération majorée pour les heures supplémentaires effectuées, lesquelles ne figuraient pas sur les bulletins de salaire, mais avaient été réglées -sans majoration- le mois suivant en espèces puis par chèque ; qu'il justifiait de ces versements par la production de ses bulletins de salaire et de relevés bancaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où résultait l'existence d'heures supplémentaires reconnues par l'employeur mais réglées sans majoration, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en affirmant que M. X... ne produisait aucun élément de nature à corroborer les heures qu'il revendique, sans s'expliquer sur les bulletins de paie, les relevés bancaires produits aux débats, et les déclarations de l'employeur devant le tribunal correctionnel selon lesquelles «c'est exact que chez nous les heures supplémentaires ne sont pas payées ; elles donnent lieu à une compensation parfois l'année suivante. Il y a des spécificités à la Réunion, il faut en tenir compte et toutes les entreprises de gardiennage font comme nous», la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié se bornait à produire des récapitulatifs sommaires ne permettant pas de déterminer les heures accomplies, a pu décider, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que sa demande n'était pas étayée par la production d'éléments suffisamment précis ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que les faits invoqués par le salarié s'inscrivent dans une relation conflictuelle ayant pour origine la désignation syndicale frauduleuse du salarié et son attitude incompatible avec le lien de subordination et la nécessaire organisation du travail de l'entreprise, que la somatisation médicalement constatée n'est pas plus révélatrice d'un harcèlement objectif, que par ailleurs, la société Iris justifie que son attitude ne tendait qu'à reprendre une relation salariale normale en intégrant M. X... dans l'organisation du travail, ce dernier utilisant divers moyens pour s'y soustraire, que le harcèlement moral n'est donc pas constitué ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs généraux ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 1132-1, et L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, l'arrêt retient que M. X... invoque à partir des mêmes faits une discrimination syndicale, que ces faits s'inscrivent dans un rapport de force engagé par le salarié et ne sont pas de nature à rendre crédible la discrimination invoquée, qu'il convient de préciser que la demande de paiement des heures de délégation ne porte que sur la somme de 66,48 euros et que ce montant ne conforte nullement la discrimination alléguée ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs généraux ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire et de remise de bulletins de paie rectifiés, l'arrêt énonce que M. X... demande la somme de 6 387,57 euros pour un rappel de salaire, qu'il fait valoir qu'il n'était pas rémunéré à l'échelon conventionnel 120 correspondant au minimum depuis l'avenant du 25 septembre 2001, mais que les textes conventionnels n'ont nullement exclu le coefficient 100 toujours mentionné dans la grille salariale de 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que sa rémunération était inférieure au minimum conventionnel, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne les demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination syndicale et la demande de rappel de salaire et de remise de bulletins de paie rectifiés, l'arrêt rendu le 31 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Groupe de sécurité Iris aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Groupe de sécurité Iris à payer à la SCP Didier et Pinet la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le harcèlement moral est invoqué dès la réintégration faisant suite au rejet de la levée de l'exécution provisoire (19 décembre) attachée à l'ordonnance du 9 août 2005. Mais les faits invoqués par le salarié s'inscrivent dans une relation conflictuelle ayant pour origine la désignation syndicale frauduleuse du salarié et son attitude incompatible avec le lien de subordination et la nécessaire organisation du travail de l'entreprise ; que la somatisation médicalement constatée n'est pas plus révélatrice d'un harcèlement objectif ; que par ailleurs, la société Iris justifie que son attitude ne tendait qu'à reprendre une relation salariale normale en intégrant monsieur X... dans l'organisation du travail, ce dernier utilisant divers moyens pour s'y soustraire. Le harcèlement moral n'est donc pas constitué ; que monsieur X... invoque à partir des mêmes faits une discrimination syndicale. Ces faits s'inscrivent dans un rapport de force engagé par le salarié et ne sont pas de nature à rendre crédible la discrimination invoquée ; qu'il convient de préciser que la demande de paiement des heures de délégation ne porte que sur la somme de 66,48 euros et que ce montant ne conforte nullement la discrimination alléguée. La demande n'est pas plus fondée que la précédente. Elle est aussi rejetée.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE monsieur X... prétend qu'il était harcelé par son employeur depuis son intégration en avril 2005 ; que l'arrêt de la cour d'appel a annulé sa qualité de délégué syndical le 13 avril 2005 ; qu'il y a lieu de le débouter de ce chef de demande (cf. jugement p. 5 in fine) ;
1°) ALORS QUE peuvent constituer un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé psychique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour débouter monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts à titre de harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que les faits invoqués par le salarié s'inscrivent dans une relation conflictuelle ayant pour origine la désignation syndicale frauduleuse du salarié et son attitude incompatible avec le lien de subordination et la nécessaire organisation du travail de l'entreprise ; que la somatisation médicalement constatée n'est pas plus révélatrice d'un harcèlement objectif ; qu'en statuant ainsi quand le salarié invoquait une série de faits – remise comme uniforme d'une chemise déjà utilisée et non lavée, pneus de son véhicule dégonflés, difficultés sur les prises d'heures de délégation, non paiement des primes, multiplication des avertissements et des convocations à des entretiens préalables, souffrance psychique médicalement constatée ayant conduit à un avis d'inaptitude – qu'il lui appartenait de vérifier et de dire, dans l'hypothèse où ils étaient établis, s'ils étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE pour débouter monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, la cour d'appel retient que le salarié invoque les mêmes faits qu'à l'appui de sa demande relative au harcèlement moral, que ces faits s'inscrivent dans un rapport de force engagé par le salarié et que la demande de paiement des heures de délégation ne porte que sur la somme de 66,48 euros et que ce montant ne conforte nullement la discrimination alléguée ; qu'en statuant ainsi quand le salarié invoquait une série de faits – difficultés sur la prise d'heures de délégation, non paiement des heures de délégation, non paiement des primes, absence de formation – qu'il lui appartenait de vérifier et de dire, dans l'hypothèse où ils étaient établis, s'ils étaient de nature à faire présumer une discrimination syndicale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1132-2 et L. 2141-5 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande de rappel de salaire et de remise de bulletins de paye rectifiés ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE monsieur X... demande la somme de 6.387,57 euros pour un rappel de salaire ; qu'il fait valoir qu'il n'était pas rémunéré à l'échelon conventionnel 120 correspondant au minimum depuis l'avenant du 25 septembre 2001 ; mais les textes conventionnels n'ont nullement exclu le coefficient 100 toujours mentionné dans la grille salariale de 2006 ; que cette demande est donc rejetée comme non fondée ainsi que celle en découlant portant sur la remise de bulletins de paye rectifiés ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les demandes de monsieur X... ne sont pas justifiées ; qu'il fait état d'un rappel de ces demandes sur quarante-huit mois sans en rapporter la preuve ; qu'il y a lieu de le débouter de ces chefs de demande ;
ALORS QUE tout salarié peut prétendre au salaire minimum conventionnel correspondant à la nature de l'emploi qu'il occupe et à sa qualification ; que pour débouter monsieur X... de sa demande de rappel de salaire fondée sur le coefficient 120 de la grille de salaire, la cour d'appel a retenu que le coefficient 100 était toujours mentionné dans la grille salariale de 2006 ; qu'en se déterminant par ce motif inopérant sans répondre aux conclusions du salarié (p. 9 et 10) faisant valoir qu'il était rémunéré au SMIC, soit sur une base inférieure au salaire minimum garanti, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE monsieur X... demande la somme de 5.236,13 euros pour des heures supplémentaires ; que le fait que la société Iris ait été condamnée pour un travail dissimulé découlant d'heures supplémentaires non rémunérées n'est pas en soi probant des heures supplémentaires réclamées par monsieur X... ; qu'il ne produit de ce chef aucun décompte des heures réalisées se contentant d'un récapitulatif faisant apparaître les sommes dues par mois sauf pour 2005 où il applique une moyenne d'ailleurs sans rapport avec le récapitulatif ; que ce récapitulatif ne permet pas de déterminer le nombre d'heures supplémentaires dont le paiement est réclamé, ni les jours concernés ; qu'il doit de plus être souligné que les récapitulatifs des année 2000 et 2002 sont identiques (37,27 euros pour février, 225,83 euros pour avril, 198,63 euros pour août et 263,77 euros pour octobre) ; que cette similitude est statistiquement impossible et enlève toute crédibilité au décompte du salarié ; que pour le reste il ne produit aucun élément de nature à corroborer les heures qu'il revendique ; que la demande est alors rejetée et consécutivement celle afférente à l'indemnisation d'un travail dissimulé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE lors de l'audience publique du 5 novembre 2007, monsieur Y... délégué du personnel depuis 2004 sous l'étiquette FO déclarait qu'un accord d'entreprise existait pour le paiement des heures supplémentaires et que monsieur Z... et monsieur X... passaient sur les sites de la société pour savoir si Iris payait les heures supplémentaires (cf. jugement p. 5) ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 12 et 13), le salarié faisait valoir qu'il n'avait pas perçu de rémunération majorées pour les heures supplémentaires effectuées, lesquelles ne figuraient pas sur les bulletins de salaire, mais été réglées – sans majoration – le mois suivant en espèces puis par chèque ; qu'il justifiait de ces versements par la production de ses bulletins de salaire et de relevés bancaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où résultait l'existence d'heures supplémentaires reconnues par l'employeur mais réglées sans majoration, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU 'en affirmant que monsieur X... ne produisait aucun élément de nature à corroborer les heures qu'il revendique, sans s'expliquer sur les bulletins de paie, les relevés bancaires produits aux débats, et les déclarations de l'employeur devant le tribunal correctionnel selon lesquelles « c'est exact que chez nous les heures supplémentaires ne sont pas payées ; elles donnent lieu à une compensation parfois l'année suivante. Il y a des spécificités à la Réunion, il faut en tenir compte et toutes les entreprises de gardiennage font comme nous », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-15588
Date de la décision : 28/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 31 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2011, pourvoi n°10-15588


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.15588
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