La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2011 | FRANCE | N°10-17632

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 septembre 2011, 10-17632


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte au Groupement agricole d'exploitation en commun Stephany (le GAEC) de ce qu'il se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y... ;

Attendu que le GAEC ayant deux bâtiments à faire équiper, a demandé à la société Cornélius, fabricant de matériel destiné à l'élevage, d'établir des devis; que, parallèlement, la société Tecarmor, qui a notamment pour activité la mise en place de réseaux électriques et de ventilations nécessaires au fonctionnement d'installation

s agricoles, a également chiffré le coût de son intervention pour cette opération ;...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte au Groupement agricole d'exploitation en commun Stephany (le GAEC) de ce qu'il se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y... ;

Attendu que le GAEC ayant deux bâtiments à faire équiper, a demandé à la société Cornélius, fabricant de matériel destiné à l'élevage, d'établir des devis; que, parallèlement, la société Tecarmor, qui a notamment pour activité la mise en place de réseaux électriques et de ventilations nécessaires au fonctionnement d'installations agricoles, a également chiffré le coût de son intervention pour cette opération ; que M. Y..., gérant de la société Tecarmor, a signé à la demande de la société Cornélius, le devis établi au nom de celle-ci, comportant une diminution du prix initialement demandé ; que, tandis que la société Tecarmor a réalisé et facturé ses prestations qui ont été payées, la société Cornélius n'a rempli ses engagements qu'en ce qui concerne l'un des deux bâtiments et a été déclarée en état de cessation des paiements puis dissoute ; que le GAEC a assigné M. Y... à titre personnel ainsi que la société Tecarmor en paiement de dommages-intérêts en faisant valoir qu'ayant agi en qualité de mandataire de la société Cornélius, ils avaient commis une faute en s'abstenant de lui divulguer, lors de la commande, les difficultés de cette société ; que, devant la cour d'appel, le GAEC a repris cette prétention à titre subsidiaire en invoquant à titre principal la responsabilité de la société Tecarmor en tant que sous-traitant ;

Sur le second moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu que le GAEC ne saurait reprocher à la cour d'appel de ne pas avoir procédé à une recherche qu'il ne lui avait pas demandé d'effectuer ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en appel, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent ;

Attendu que pour déclarer le GAEC irrecevable en sa demande fondée sur un contrat de sous-traitance, l'arrêt attaqué énonce que cette prétention apparaît nouvelle en cause d'appel puisque la responsabilité du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage diffère par son objet de la responsabilité du mandataire pour manquement à son devoir d'information envers un tiers à l'occasion de la négociation d'un contrat ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les demandes présentées par le GAEC à l'encontre de la société Tecarmor en première instance comme en appel tendaient aux mêmes fins d'indemnisation du préjudice qu'il invoquait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré le GAEC Stephany irrecevable en sa demande contre la société Tecarmor fondée sur un contrat de sous-traitance, l'arrêt rendu le 12 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Tecarmor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le GAEC Stephany

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le GAEC Stéphany irrecevable en sa demande contre la société Tecarmor fondée sur un contrat de sous-traitance,

AUX MOTIFS QU' «aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ; que, selon l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'une prétention est nouvelle en cause d'appel lorsqu'elle diffère de la prétention soumise aux premiers juges par son objet; que la prétention dont seul le fondement juridique est différent n'est pas nouvelle; qu'il ressort du jugement que le GAEC Stéphany a recherché devant les premiers juges la responsabilité de Monsieur Y..., pris en son nom personnel, pour avoir engagé la société Cornélius en tant que mandataire de celle-ci, alors qu'il ne pouvait ignorer les difficultés financières de la société Cornélius; que le GAEC a ainsi reproché à Monsieur Y... de l'avoir amené à passer commande auprès de la société Cornélius, alors qu'il savait que le contrat ne pourrait être exécuté, la situation financière de la société Cornélius étant déjà compromise; que le GAEC a plus précisément reproché à Monsieur Y... une abstention fautive consistant à ne pas lui avoir divulgué l'information selon laquelle il verserait des acomptes en pure perte à la société Cornélius, se plaignant d'un manquement de Monsieur Y... à ses devoirs "de renseignement, de conseil voire de mise en garde"; que, subsidiairement, le GAEC Stephany a recherché devant les premiers juges la responsabilité de Monsieur Y..., pris en sa qualité de gérant de la SARL Tecarmor pour avoir "tenté d'obtenir directement de la part du GAEC le règlement de ses prestations relatives à la seconde installation" alors que ces frais étaient compris dans le contrat signé au nom et pour le compte de Cornélius et qu'il savait que le GAEC Stéphany versait régulièrement d'importants acomptes pour l'avancement de ces travaux; que là encore, le GAEC Stéphany a reproché un manquement de la société Tecarmor à son obligation de mise en garde sur la situation financière de la société Cornélius tout en relevant que la société Tecarmor n'avait pas achevé l'installation du matériel livré par la société Cornélius parce qu'elle "savait" que Cornélius ne lui réglerait pas son intervention" ; que devant la cour d'appel, le GAEC Stephany recherche la responsabilité de la société Tecarmor pris en sa qualité de sous-traitant de la société Cornélius; qu'elle se prévaut ainsi désormais de sa qualité de mettre de l'ouvrage pour reprocher à la société Tecarmor de n'avoir pas procédé aux travaux de mise en place de l'installation de distribution automatique de lait du bâtiment haut, dont les éléments avaient été livrés, alors qu'elle devait effectuer cette mise en place dans le cadre du contrat de sous-traitance l'unissant à la société Cornélius; que le Gaec Stephany soutient que "la recherche de la responsabilité délictuelle de la Société TECARMOR, prise en sa qualité de co-contractant de la Société CORNELIUS, ne constitue qu'un moyen nouveau et non une prétention nouvelle dans la mesure où elle a pour but d'obtenir tant en appel qu'en première instance la réparation des dommages subis par le GAEC STEPHANY"; mais que cette prétention eppereît nouvelle en cause d'appel puisque la responsabilité du sous-traitant à l'égard du mettre de l'ouvrage diffère par son objet de la responsabilité du mandataire pour manquement à son devoir d'information envers un tiers à l'occasion de la négociation d'un contrat; que la demande du GAEC Stéphany doit donc être déclarée irrecevable» ;

ALORS QUE, les prétentions ne sont pas nouvelles si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent; que l'action en indemnisation fondée sur la responsabilité du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage pour inexécution du contrat tend à la même fin que l'action en indemnisation dirigée contre ce même sous-traitant en sa qualité de mandataire de l'entrepreneur principal tendant à voir engager sa responsabilité pour défaut d'information envers le maître de l'ouvrage sur la situation financière de son mandant, laquelle a conduit à l'inexécution du contrat en raison de l'état de cessation des paiements dans lequel ce dernier se trouvait; que ces deux actions tendent à la même fin: l'indemnisation du préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de l'inexécution du contrat; qu'en déclarant irrecevable la demande du GAEC Stéphany fondée sur le contrat de sous-traitance en raison de sa nouveauté, quand cette demande tendait aux mêmes fins que la demande soumise au premier juge, seul son fondement juridique différant, la Cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le GAEC Stéphany de ses demandes à l'encontre de la société Tecarmor ;

AUX MOTIFS QUE, «selon les déclarations de madame Z..., ancienne secrétaire-comptable de la société Cornélius, faites le 5 janvier 2007 aux gendarmes de la Brigade d'Allaire, Monsieur A... dirigeant de fait de la société Cornélius, "a livré des machines à moitié montées et s'est fait payer le montant total des machines par le Gaec alors que celle-ci étaient à moitié constituées" ; que, lorsqu'il lui " a été demandé si elle savait que le dépôt de bilan de la société Cornelius allait intervenir lorsque cette dernière s'est engagée auprès du Gaec Stéphany, Madame Z... a répondu qu'elle le savait et que monsieur A... savait que son dépôt de bilan était proche tout en précisant cependant que, pour elle, il le savait depuis «l'été 2004» ; qu'il ne résulte aucunement de ce témoignage que la société Tecarmor pouvait savoir le 15 décembre 2003 si la situation financière de la société Cornélius était extrêmement compromise; que le Gaec Stephany produit encore aux débats un courrier adressé le 27 mai 2003 par la société Cornélius à la société Tecarmor rédigé en ces termes. "Vous représentez la marque CORNELIUS sur tout le département des Côtes d'Armor. Vous bénéficiez d'une remise de 20 % sur tout le catalogue CORNELIUS "base tarif 2002".
Nous travaillerons en binôme sur les dossiers de Mr B... 22/St Goueno et Mr C... 22/St Gilles Vieux Marché. L'aspect financier de ces affaires vous sera communiqué par Magali A....
C'est avec beaucoup de plaisir que nous entamons cette collaboration commerciale. Nous sommes certains qu'elle sera créatrice de valeurs pour nos deux sociétés" ; que, s'il ressort de ce courrier que les sociétés Tecarmor et Cornélius ont entamé une collaboration commerciale le 27 mai 2003, rien ne permet cependant d'affirmer que la société Tecarmor était en mesure de savoir 6 mois plus tard que la société Cornélius ne serait pas en mesure de mener à son terme le contrat passé avec le Gaec Stephany ; qu'il ressort d'ailleurs de l'attestation établie par l'expert-comptable de la société Tecarmor le 22 mai 2007 que le chiffre d'affaires réalisé par cette société avec la société Cornélius était très faible pour ne représenter entre avril 2003 et mars 2004 qu'un pourcentage de 1 % à 2 % de son chiffre d'affaires total; qu'on ne saurait donc tirer de l'existence d'un tel partenariat ponctuel la preuve de la connaissance par la société Tecarmor de la situation financière exacte de la société Cornelius; encore que monsieur D..., directeur commercial de la société Cornelius de mai 2003 à mars 2004, atteste ce qui suit: " .. Au cours de cette année, le carnet de commandes était fourni et les chantiers à réaliser nombreux. De ce fait, je n'ai pas le sentiment que la situation financière de la société Cornelius était précaire, auquel cas je pense que j'en aurais été informé. Il faut également savoir que, durant cette année, le directeur de la société Cornelius était en discussion avec un groupe puissant du monde de l'élevage qui lui ouvrait des gages d'avenir serein"; que le Gaec Stephany se borne en réalité à procéder par voie d'affirmation en alléguant une faute de la société Tecarmor pour échapper aux conséquences de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du véritable responsable de l'inexécution contractuelle dont il a été victime; par ailleurs le Gaec Stephany ne rapporte pas la preuve de ce que la société Tecarmor aurait manqué à son obligation d'assurer le service après vente sur le montage réalisé dans le bâtiment bas qui était d'un an et s'achevait au 31 décembre 2004, en versant aux débats un devis émanant de la société Asserva dénommé "projet : aménagement bâtiment veaux de boucherie" d'un montant total de 83.767 € HT hors options "médications et complémentations" puis un second devis de la société Asserva du 4 février 2008 ayant le même objet mais avec des prestations revues à la baisse pour un montant de 53.297 € ; qu'il n'est pas établi que la société Tecarmor aurait refusé d'intervenir au cours de l'année de la garantie contractuelle ni que le devis du 4 février 2008 de la société Asserva soit en relation avec un quelconque défaut d'intervention de Tecarmor dans le cadre de la garantie contractuelle, alors qu'il ressort de la pièce n°35 du Gaec Stéphany que l'étable de 150 places était en service jusqu'en février 2007 ; que, dès lors, le jugement sera confirmé et le Gaec Stephany débouté de ses demandes» ;

ALORS QUE l'intermédiaire professionnel, qui prête son concours à la rédaction d'un acte, après avoir été mandaté par l'une des parties, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention même à l'égard de l'autre partie; qu'en écartant la responsabilité de la société Tecarmor en sa qualité de mandataire de la société Cornélius, sans rechercher si elle n'avait pas commis une faute en ne s'assurant pas de la santé financière de son mandant et de son aptitude à exécuter les prestations auxquelles elle s'engageait par le contrat que la société Tecarmor signait en son nom et pour son compte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-17632
Date de la décision : 22/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 12 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 sep. 2011, pourvoi n°10-17632


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17632
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award