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21/09/2011 | FRANCE | N°10-88255

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 septembre 2011, 10-88255


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Gaston X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 28 octobre 2010, qui, pour entrave à l'exercice des pouvoirs de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française, l'a condamné à 1 500 000 francs pacifiques d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article L. 272- 44-1 du code des juridictions financières, violation de l'articl

e préliminaire et de l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble violation de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Gaston X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 28 octobre 2010, qui, pour entrave à l'exercice des pouvoirs de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française, l'a condamné à 1 500 000 francs pacifiques d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article L. 272- 44-1 du code des juridictions financières, violation de l'article préliminaire et de l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble violation de l'article 5 du code civil et des articles 121-3 et 111-4 du code pénal, violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a retenu le prévenu dans les liens de la prévention et en répression l'a condamné à une peine d'amende de 1 500 000 francs pacifiques ;

"aux motifs propres et adoptés qu'en ce qui concerne la définition de l'infraction, la chambre territoriale des comptes a indiqué que, selon un arrêt rendu le 20 juin 2002, la Cour de cassation a considéré que la disparition de données constituait un délit d'obstacle et ce alors même que, dans le cas d'espèce, la chambre régionale des comptes n'avait pas demandé à avoir accès à l'application informatique ou communication de documents issus de celle-ci et alors que la tenue de cette comptabilité était facultative ; que, devant la cour, le prévenu a contesté les faits qui lui sont reprochés, qu'il a affirmé qu'à aucun moment il n'avait donné pour instruction de faire obstacle à l'action de la chambre territoriale des comptes et notamment de faire disparaître des documents ; que, par la voie de son avocat, il a fait valoir que les premiers juges avaient commis une erreur de droit et avaient mal apprécié les faits, objet de la saisine ;

"aux motifs encore qu'en ce qui concerne l'erreur de droit il a exposé que le délit d'obstacle n'était constitué que dans l'hypothèse où était caractérisée une violation du décret du 22 mars 1983 qui fait obligation de communiquer, sur leurs demandes, aux magistrats et rapporteurs de la chambre territoriale des comptes tous documents et de fournir tout renseignement relatif à la gestion des services ; que ni le président ni ses collaborateurs n'avaient été interrogés sur la gestion du service de la documentation, puisque la saisine de la chambre territoriale des comptes n'avait porté à l'époque que sur la communication de documents et de données informatiques et avait trait, non pas à la gestion du service, mais à son activité elle-même ; que, d'autre part, et surtout, l'infraction dont s'agit est un délit intentionnel et que la preuve n'a pas été rapportée d'une intention de faire obstacle au contrôle de la chambre territoriale des comptes ;

"aux motifs en ce qui concerne l'analyse des faits, que le prévenu a fait valoir que l'examen des pièces du dossier démontre que les poursuites apparaissent mal fondées ;

"aux motifs aussi que c'est toutefois par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, que le tribunal correctionnel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, l'infraction dont il a déclaré le prévenu coupable aux motifs suivants : « que M. X... ne peut se retrancher derrière le fait que la preuve n'est pas rapportée qu'il ait donné des instructions pour la destruction des données sollicitées par la chambre territoriale des comptes ; que les services concernés étaient placés directement sous le contrôle de M. X... qui avait personnellement recruté les cadres et les agents du SED et avait mis en place un système de centralisation de leur activité de façon à être le destinataire final et la seule autorité à disposer comme il l'entendait des documents qui ont disparus ; qu'il convient de rappeler qu'il avait une parfaite connaissance du contrôle de la chambre territoriale des comptes ; que la destruction des documents et l'effacement des données informatiques ne sont ni accidentels ni fortuits ; qu'ils coïncident avec le contrôle des services concernés par la juridiction financière ; que, dans ces conditions, la disparition des documents retraçant l'activité du SED et l'enregistrement ainsi que celle du courrier du cabinet de la présidence avant le 13 juin 2004, constitue le délit d'obstacle prévu par l'article L. 272-44-1 du code des juridictions financières caractérisé par la destruction ou la disparition des archives écrites ou informatiques alors que le contrôle de la juridiction financière était annoncé » ; qu'en effet, sur le plan du droit, la chambre territoriale des comptes intervenait dans le cadre du contrôle des comptes et de la gestion de la Polynésie française ainsi que cela a notamment été rappelé à son président par un courrier, en date du 24 décembre 2004, contrôle qui comprenait naturellement le contrôle de tous les services qui en dépendent et donc du service d'études et de documentation ; qu'en ce qui concerne l'élément intentionnel, il existe un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants pour retenir la culpabilité du président de la Polynésie française qu'il était à l'origine de la création du service études et de documentation et du recrutement de M. Y... et vers lequel convergeaient tous les renseignements recueillis par ces services ; qu'il n'est donc pas possible que toute la documentation écrite ait disparu et qu'aucune sauvegarde informatique n'ait été réalisée sans que les différents chefs de service n'en aient reçu l'ordre qui ne pouvait provenir que du président de la Polynésie française ;

"1) alors que la cour statue à la faveur d'une simple supposition, nonobstant les écritures dont elle était saisie, à savoir qu'il ne serait pas possible que toute la documentation écrite ait disparu et qu'aucune sauvegarde informatique n'ait été réalisée sans que les différents chefs de service qui, pourtant, le niaient catégoriquement n'en aient reçu l'ordre, lequel ne pouvait provenir que du président de la Polynésie Française ; qu'en raisonnant de la sorte, par un motif en réalité qui dans sa substance même reste hypothétique, la cour viole les textes cités au moyen ;

"2) alors que, à aucun moment la cour ne constate avec certitude que le prévenu a bien été le donneur d'ordre, en connaissance de cause des destructions qui lui sont imputées ; qu'ainsi, l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard des textes cités au moyen ;

"3) alors que, aucune juridiction – fût-ce la Cour de cassation – ne peut rendre d'arrêts de règlement ; qu'en décidant, pour écarter le moyen de droit avancé par le prévenu, qu'en ce qui concerne la définition de l'infraction, la chambre territoriale des comptes a indiqué que, selon un arrêt rendu le 20 juin 2002, la Cour de cassation a considéré que la disparition de données constituait un délit d'obstacle et ce alors même que, dans le cas d'espèce, la chambre régionale des comptes n'avait pas demandé à avoir accès à l'application informatique ou communication de documents issus de celle-ci et alors que la tenue de cette comptabilité était facultative ; qu'en répondant de la sorte au moyen de droit avancé, la cour se fonde uniquement en l'interprétant d'ailleurs sur un arrêt de la chambre criminelle non publié ne justifiant pas ce faisant légalement sa décision ;

"4) alors que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir au titre de l'erreur de droit que le délit d'obstacle ne pouvait être caractérisé que dans l'hypothèse où est mise en relief une violation du décret du 22 mars 1983 qui fait obligation de «communiquer, sur leurs demandes, aux magistrats et rapporteurs de la chambre territoriale des comptes tout document et de fournir tout renseignement relatif à la gestion des services» ; que, ce faisant, ni M. X... ni ses collaborateurs n'ont été interrogés sur la gestion du service de la documentation puisque la saisine de la chambre territoriale des comptes n'avait porté à l'époque que sur la documentation de documents et de données informatiques qui avait trait non pas à la gestion du service, mais à son activité même ; qu'en ne s'exprimant pas sur cette articulation essentielle des conclusions de nature avoir une incidence directe sur la solution à donner au litige par rapport à l'interprétation stricte de la loi pénale, la cour viole de plus fort les textes cités au moyen ;

"5) alors que, dans ses conclusions, M. X... faisait valoir que le chef du service informatique avait déclaré de la façon la plus claire au gendarme enquêteur que « l'intervention sur l'ordinateur de M. Z... était nécessaire. Il s'agit d'une coïncidence. Nous n'avons eu aucune instruction particulière concernant les ordinateurs avant le passage de la chambre des comptes…le changement de l'ordinateur de M. Z... était un changement parmi deux cent cinquante autres ordinateurs que nous gérions au sein de la présidence » si bien que l'affirmation selon laquelle M. Z..., chef du service études et documentation, laisserait supposer qu'avant le changement de gouvernement, le directeur de cabinet du gouvernement ou le chef de service de l'informatique lui aurait demandé de remettre son ordinateur pour détruire le disque dur, ne résiste pas à l'examen ; qu'en ne répondant pas davantage expressément à ce moyen circonstancié fondé sur des déclarations faites lors de l'enquête, la cour ne justifie pas davantage son arrêt au regard des textes cités au moyen ;

"6) alors qu'en ce qui concerne le courrier du cabinet de la présidence avant le 13 juin 2004, le prévenu soutenait qu'il était établi que jusqu'au 10 juin 2004 il y avait deux services enregistrant le courrier, le service courrier dépendant du secrétariat général du gouvernement et le service dépendant du cabinet du président ; que tous les courriers étaient ouverts par le secrétariat général du gouvernement, ceux concernant plus particulièrement le cabinet du président étant adressés au secrétariat de celui-ci qui procédait à un nouvel enregistrement ; qu'ainsi, tous les courriers ont bien été à la disposition des magistrats de la chambre territoriale des comptes à l'exception du courrier personnel du président de la Polynésie française qui n'avait évidemment pas à être enregistré par l'un ou l'autre des services susnommés et qu'en ce qui concerne les courriers en partance du cabinet, celui-ci n'en conservait pas de copies, en sorte que la chambre territoriale des comptes pouvait retrouver la trace de ces correspondances dans les dossiers de leur destinataire, spécialement lorsqu'il s'agissait de services administratifs ; qu'en ne répondant pas davantage à cette articulation des écritures, la cour méconnaît les exigences d'un procès à armes égales et viole de plus fort l'article préliminaire et l'article 593 du code de procédure pénale ainsi que l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Canivet-Beuzit conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-88255
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 28 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 sep. 2011, pourvoi n°10-88255


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Blondel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.88255
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