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21/09/2011 | FRANCE | N°10-14320

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2011, 10-14320


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2010), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 2 juin 2004 pourvoi n° 02-17516) que Mme X..., engagée en 1980 par la société Les Editions du Seuil où elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice littéraire, a été mise à la retraite par son employeur en juin 1999, après avoir vainement tenté d'obtenir de celui-ci paiement de droits d'auteur ; qu'estimant injustifiée cette mise à la retraite, elle a saisi le conseil de p

rud'hommes qui l'a déboutée, par jugement du 16 octobre 2000 devenu défini...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2010), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 2 juin 2004 pourvoi n° 02-17516) que Mme X..., engagée en 1980 par la société Les Editions du Seuil où elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice littéraire, a été mise à la retraite par son employeur en juin 1999, après avoir vainement tenté d'obtenir de celui-ci paiement de droits d'auteur ; qu'estimant injustifiée cette mise à la retraite, elle a saisi le conseil de prud'hommes qui l'a déboutée, par jugement du 16 octobre 2000 devenu définitif, de sa demande qui tendait alors seulement à voir requalifier cette mesure en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle a ensuite saisi le tribunal de grande instance afin de se voir reconnaître la qualité d'auteur ou de co-auteur de certains ouvrages ou collections et d'obtenir le versement de droits d'auteur ; que par arrêt du 2 juin 2004, la Cour de cassation a dit que le litige sur les droits d'auteur relevait de la juridiction prud'homale ; que Mme X... a de nouveau saisi cette juridiction le 27 décembre 2004 ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme X..., alors, selon le moyen :
1°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas aux demandes échappant à la compétence matérielle du conseil de prud'hommes ; que l'article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle attribue une compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître des litiges relatifs au droit d'auteur ; qu'il s'ensuit que les demandes de Mme X... tendant à la reconnaissance de ses droits d'auteur et à l'octroi d'une rémunération par Les Editions du Seuil pour leur exploitation étaient recevables, peu important l'intervention d'une décision définitive dans le litige relatif aux conditions de cessation du contrat de travail opposant les mêmes parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du code du travail (nouvellement article R. 1452-6 de même code) ;
2°/ que la conclusion d'un contrat de travail par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits sur sa création ; qu'il s'ensuit que les demandes d'un salarié tendant à la reconnaissance de son droit d'auteur et au paiement de la rémunération y afférente envers son employeur ne peuvent être déclarées irrecevables en tant qu'elles dériveraient nécessairement du contrat de travail et seraient soumises comme telles au principe de l'unicité de l'instance ; qu'en déclarant cependant de telles demandes irrecevables en application du principe d'unicité de l'instance, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du code du travail (nouvellement article R. 1452-6 de même code) ;
3°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsqu'elle aboutit à priver l'une des parties au litige prud'homal de son droit d'accès au juge ; que la compétence du conseil de prud'hommes pour connaître des litiges relatifs au droit d'auteur entre un salarié et son employeur a été affirmée par la première fois par la Cour de cassation le 2 juin 2004 dans une décision rendue entre les présentes parties ; que lors du précédent litige prud'homal l'opposant à son employeur, Mme X... était donc dans l'ignorance de cette règle de compétence dont l'intervention au cours de la seconde instance conduit, par application de la règle de l'unicité de l'instance prud'homale, à l'irrecevabilité de ses demandes suscitées par le litige l'opposant à son employeur relativement à ses droits d'auteur ; qu'en refusant dans ces circonstances d'écarter l'application aux demandes de Mme X... de la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel l'a privée de son droit d'accès au juge et a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel de renvoi, qui ne pouvait faire application d'une loi non applicable au litige pour avoir été promulguée postérieurement à la demande, s'est bornée à se conformer à la doctrine exprimée par la Cour de cassation dans son arrêt du 2 juin 2004 ; d'où il suit que les deux premières branches du moyen sont irrecevables ;
Attendu, ensuite, que la salariée ayant eu la faculté de saisir un juge en temps utile de l'ensemble de ses demandes, le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par Mme Mazars, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme X... tendant à faire juger qu'elle est l'auteur des collections Point Virgule, Petit Point et Les Dicos de Point Virgule, à la condamnation de la société Les Editions du Seuil à lui verser une provision au titre de sa rémunération proportionnelle d'auteur pour la période 1980-2003, à la désignation d'un expert chargé de déterminer le montant de sa rémunération au titre de ses droits d'auteur, à voir ordonner la diffusion d'un communiqué judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE selon l'ancien article L. 511-1 du code du travail « le conseil de prud'hommes règle ... les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail» ; que par ailleurs, l'article R.516-1 (ancienne numérotation) dispose que «toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes » ; que de manière non contestée, Mme Nicole X... n'a pu jouer le rôle qu'elle soutient avoir joué vis-à-vis de la création des différentes collections au sujet desquelles elle revendique, au-delà de sa qualité de salarié, la qualité d'auteur ou de coauteur, que parce qu'elle bénéficiait d'un contrat de travail, lui permettant de disposer d'un certain nombre d'informations, de contacts et d'exercer un certain nombre de responsabilités au sein des Editions du Seuil ; que l'une des questions de fond essentielles posées dans le cadre de la présente instance consiste à savoir si les prestations de Mme Nicole X... au regard desdites collections s'inscrivait dans le cadre de ses prestations salariales pour lesquelles lui était réglé un salaire et « dérivaient » donc du contrat de travail et/ou si elles étaient d'une autre nature, lui ouvrant droit à des droits d'auteur, en rémunération de sa création intellectuelle ; que le différend relatif à la question de ses droits d'auteur, s'est donc indéniablement élevé « à l'occasion» de ce contrat de travail ; que ce litige était né et connu des parties avant même que le conseil de prud'hommes saisi sur la question du licenciement n'ait rendu sa décision, devenue définitive, le 16 octobre 2000 ; que les demandes de Mme Nicole X... ne trouvent donc pas leur justification dans un élément qui se serait « révélé postérieurement » à la décision du conseil de prud'hommes ; que c'est en effet la règle posée par l'article L. 511-1 du code du travail , règle qui préexistait à l'instance devant le conseil de prud'hommes relative à la rupture du contrat de travail, et non pas la décision de la Cour de cassation, intervenue postérieurement, après que la décision du conseil de prud'hommes soit devenue définitive, qui constituait le fondement de la compétence du conseil de prud'hommes ; que contrairement à ce qu'affirme Mme Nicole X..., la décision rendue par la Cour de cassation le 4 juin 2004 ne constituait pas « un élément de force majeure imprévisible », en dépit de quelques décisions divergentes de juridictions inférieures ; que la Cour de cassation n'a fait que tirer les conséquences des textes en vigueur à l'époque, il n'y a eu aucun revirement de sa part ; que (…) Mme Nicole X... invoque le principe de libre accès au juge, posé par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme lequel ne saurait toutefois aboutir à mettre à néant les règles de procédure - compétence, prescriptions, unicité de l'instance etc. - prévues en droit interne ; qu'en l'espèce, Mme Nicole X... a bénéficié du principe du libre accès au juge, dans la mesure où, le litige concernant les droits d'auteur étant déjà pendant entre les parties, comme en témoigne la lettre adressée par Les Editions du Seuil à Mme Nicole X... le 6 Juin 1999, elle pouvait, encore à cette date, saisir le conseil de prud'hommes, juridiction répondant aux exigences prévues par l'article 6-1 de La Convention européenne des droits de l'homme, de ce litige qui s'élevait à l'occasion de son contrat de travail ; que Mme Nicole X... a donc disposé, conformément au principe posé par la Convention européenne des droits de l'homme, du libre accès au juge, l'impossibilité dans laquelle elle se trouve aujourd'hui de faire valoir ses droits ne résultant que de l'erreur commise par elle concernant la juridiction compétente pour connaître du litige relatif aux droits d'auteur qu'elle revendiquait ; que rien ne permet cependant de considérer que Mme Nicole X... ait été « induite en erreur», quand elle a décidé le 7 mars 2001, alors que la décision du conseil de prud'hommes était devenue définitive, d'assigner Les Editions du Seuil devant le TGI de Paris ; que rien ne permet en revanche d'exclure qu'elle ait tenté par cette saisine de contourner l'erreur qu'elle avait commise en ne soumettant pas ses demandes relatives aux droits d'auteur, demandes connexes à son contrat de travail, à la juridiction prud'homale ; que Mme Nicole X... devait donc saisir le conseil de prud'hommes de Paris de ce litige déjà né sur les droits d'auteur, dans le cadre de la première instance qui a abouti à un jugement définitif le 16 octobre 2000 ; que sa présente demande est donc irrecevable, au regard du principe d'unicité de l'instance ;
1°) ALORS QUE la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas aux demandes échappant à la compétence matérielle du conseil de prud'hommes ; que l'article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle attribue une compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître des litiges relatifs au droit d'auteur ; qu'il s'ensuit que les demandes de Mme X... tendant à la reconnaissance de ses droits d'auteur et à l'octroi d'une rémunération par Les Editions du Seuil pour leur exploitation étaient recevables, peu important l'intervention d'une décision définitive dans le litige relatif aux conditions de cessation du contrat de travail opposant les mêmes parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du code du travail (nouvellement article R. 1452-6 de même code) ;
2°) ALORS QUE la conclusion d'un contrat de travail par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits sur sa création ; qu'il s'ensuit que les demandes d'un salarié tendant à la reconnaissance de son droit d'auteur et au paiement de la rémunération y afférente envers son employeur ne peuvent être déclarées irrecevables en tant qu'elles dériveraient nécessairement du contrat de travail et seraient soumises comme telles au principe de l'unicité de l'instance ; qu'en déclarant cependant de telles demandes irrecevables en application du principe d'unicité de l'instance, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du code du travail (nouvellement article R. 1452-6 de même code) ;
3°) ALORS QUE la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsqu'elle aboutit à priver l'une des parties au litige prud'homal de son droit d'accès au juge ; que la compétence du conseil de prud'hommes pour connaître des litiges relatifs au droit d'auteur entre un salarié et son employeur a été affirmée par la première fois par la Cour de cassation le 2 juin 2004 dans une décision rendue entre les présentes parties ; que lors du précédent litige prud'homal l'opposant à son employeur, Mme X... était donc dans l'ignorance de cette règle de compétence dont l'intervention au cours de la seconde instance conduit, par application de la règle de l'unicité de l'instance prud'homale, à l'irrecevabilité de ses demandes suscitées par le litige l'opposant à son employeur relativement à ses droits d'auteur ; qu'en refusant dans ces circonstances d'écarter l'application aux demandes de Mme X... de la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel l'a privée de son droit d'accès au juge et a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-14320
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2011, pourvoi n°10-14320


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14320
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