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21/09/2011 | FRANCE | N°10-13880

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2011, 10-13880


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 janvier 2010), que Mme X..., secrétaire technique de la société Les maisons Aura depuis 1985, a été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail le 7 septembre 2006, puis licenciée pour inaptitude physique sans possibilité de reclassement le 2 octobre 2006 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... a été victime de harcèlement moral et de la condamner à l'indemniser pour licencie

ment nul et harcèlement moral alors, selon le moyen :
1°/ qu'il incombe en pr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 janvier 2010), que Mme X..., secrétaire technique de la société Les maisons Aura depuis 1985, a été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail le 7 septembre 2006, puis licenciée pour inaptitude physique sans possibilité de reclassement le 2 octobre 2006 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... a été victime de harcèlement moral et de la condamner à l'indemniser pour licenciement nul et harcèlement moral alors, selon le moyen :
1°/ qu'il incombe en premier lieu au salarié d'établir qu'il a fait l'objet d'actes précis et répétés de nature à faire présumer qu'il a été victime de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Mme X... se plaignait d'avoir fait l'objet d'actes constitutifs de harcèlement moral de 2003 jusqu'au début de 2006, date à laquelle elle s'était trouvée en arrêt de travail pour maladie, avant d'être déclarée inapte à tout poste dès le 1er août 2006, puis d'être licenciée le 2 octobre suivant ; que la cour d'appel a constaté que la salariée ne rapportait la preuve d'aucun fait antérieur à 2005 et qu'elle ne pouvait par ailleurs mentionner aucun fait précis en date qui aurait été postérieur à 2005 ; qu'en jugeant dès lors néanmoins que Mme X... avait fait l'objet de faits répétés au cours de l'année 2005 et jusqu'au 26 janvier 2006 permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient en violation des articles précités ;
2°/ qu'il n'incombe pas à l'employeur-qui n'en a d'ailleurs pas les moyens-d'établir l'origine de l'état dépressif du salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral ; qu'en reprochant dès lors en l'espèce à la société Les Maisons Aura de se contenter de critiquer le certificat médical du médecin traitant, sans même soutenir que l'état dépressif puisse avoir une autre origine que les problèmes rencontrés dans le cadre du travail et en faisant ainsi peser sur l'employeur la charge d'une preuve qui ne lui incombe pas, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les relations de la salariée avec sa collègue, Mme Y..., déjà difficiles antérieurement s'étaient dégradées à partir du moment où elles avaient été placées sous la subordination du même chef de service, cette dernière la surveillant, vérifiant sans cesse son travail dans le but de chercher l'erreur, lui retirant sans motif des tâches pour les distribuer à d'autres, entretenant une tension permanente et une agressivité justifiant l'organisation de réunions par la direction ; qu'il ajoute que des certificats médicaux attestaient de l'apparition d'un état de stress au travail dès novembre 2005 puis, en novembre 2007, d'un état dépressif lié à l'existence de relations professionnelles conflictuelles ; qu'en l'état de ces motifs dont elle a déduit que la salariée avait établi la matérialité de faits laissant présumer l'existence de harcèlement tandis que de son côté, l'employeur ne rapportait pas la preuve que ces éléments étaient justifiés par des circonstances étrangères à tout harcèlement, la cour d'appel a pu décider que le harcèlement moral était caractérisé ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Maisons Aura aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par Mme Mazars, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société les Maisons Aura
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris ayant dit que Madame Z... avait été victime de harcèlement moral et, le réformant pour le surplus, d'avoir condamné la société Les Maisons Aura à payer à Madame Z... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE « aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
que conformément à l'article L. 1154-1 du Code du travail, s'il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
que Madame Z... soutient qu'elle a fait l'objet de harcèlement moral de la part de Madame Y..., responsable du service après-vente, dont le comportement à son égard a été critiquable dès son arrivée en 2003, qu'après le départ à la retraite de Monsieur A..., son supérieur hiérarchique, en 2005, elle a été amenée à travailler directement avec elle, faisant l'objet d'agressivité et d'une véritable malveillance inexplicables de sa part, fait systématiquement de critiques ouvertes et publiques, de réflexions péjoratives sur sa personnalité, ayant entraîné rapidement des répercussions sur sa santé, son état de santé psychologique s'étant dégradé à compter de 2003 jusqu'à conduire à un véritable état dépressif, puis à son inaptitude et à son licenciement ;
qu'elle produit, à l'appui, son dossier médical tenu par le médecin du travail et un certificat médical de son médecin traitant, trois attestations et se rapporte aux auditions de témoins effectuées par le Conseil de prud'hommes ou les critique ;
qu'en premier lieu, il convient de relever qu'aucun fait n'est établi antérieurement à 2005, contrairement à l'affirmation de la salariée, et que la SAS Les Maisons Aura ne saurait valablement arguer du fait que Madame Z... a saisi tardivement le Conseil de prud'hommes, dès lors que la saisine se situe dans le délai de la prescription ;
qu'il ressort des témoignages et attestations les éléments suivants :
· après le départ de Monsieur A... qui n'a pas été remplacé à son poste, Madame Z... et Madame Y... dépendaient d'un même supérieur hiérarchique, que les relations qui n'étaient pas auparavant des meilleures, de " petits accrochages " selon Monsieur A..., entre Madame Z... et Madame Y..., sont devenues plus difficiles à partir du moment où elles se trouvaient sous la subordination d'une même chef de service avec des tâches mal définies entre elles et aucun lien hiérarchique n'existant entre elles ;
· Madame Y... est décrite comme ayant un fort caractère et carriériste, son attitude étant toutefois, après son départ plus correcte, comme l'indique Madame C..., et aussi Monsieur D...ainsi : " elle a mis de l'eau dans son vin " ; que dans son audition, elle reconnaît que des salariés lui ont dit qu'elle leur parlait sèchement et a répondu qu'elle ferait attention ;
· Madame C...déclare que Madame Y... surveillait, vérifiait sans cesse le travail de Madame Z... et le sien dans le but de trouver quelque chose, à chercher l'erreur, faisant des réflexions, alors que l'intéressée a indiqué qu'elle était chargée par la direction du reporting des activités sur les services et demandaient des renseignements ; qu'elle déclare également que Madame Y... a retiré à Madame Z... des tâches pour les redistribuer à d'autres, tandis que celle-ci a déclaré que certaines tâches ont été redistribuées par l'employeur, et non par elle, ce que l'employeur confirme ;
· Monsieur E..., qui n'a pas été entendu par le premier juge, mais qui a établi une attestation, déclare que Madame Z... arrivait le matin triste et fatiguée, un jour en pleurs, essayant de la réconforter, qu'à plusieurs reprises, de son bureau, il a entendu Madame Y...parler à Madame Z... sur un ton très agressif ;
qu'outre Monsieur E..., d'autres salariés ont vu, à plusieurs reprises, Madame Z... pleurer notamment le matin ;
· l'existence de réunions concernant les difficultés relationnelles avec la direction et les deux salariées et/ ou l'ensemble des salariés est confirmée notamment par Madame C...et Monsieur D..., celui-ci précisant " chaque fois qu'il survenait des tensions entre membres du personnel " ;
que par ailleurs, en ce qui concerne le dossier médical du médecin du travail, il convient de constater que les mentions et abréviations portées pour les années 2003 à 2005 ne sont guère lisibles et compréhensibles, hormis la mention à la date du 10 novembre 2005 " stress/ travail Mt (médecin traitant ?) Lévêque " ;
qu'en outre, le certificat médical en date du 22 novembre 2007 du docteur G..., médecin traitant, mentionne : " Madame Z... a commencé à se plaindre au cours d'une consultation le 27/ 07/ 05 de relations professionnelles conflictuelles. Le 6/ 02/ 06, un traitement antidépresseur est prescrit et les arrêts de travail prolongés régulièrement jusqu'en juillet 2006 (...) le traitement antidépresseur sera poursuivi pour six mois et au-delà " ;
qu'il ressort de ces documents médicaux, d'une part, que le stress et l'état dépressif n'ont été constatés qu'en 2005, sans aucun élément pour la période antérieure, d'autre part, que le médecin traitant a constaté un état dépressif nécessitant un traitement médical et des arrêts de travail, mais sans se prononcer sur son origine, rapportant uniquement les déclarations de la salariée ;
que de l'ensemble de ces éléments, il résulte des éléments faisant présumer des agissements de harcèlement moral, dès lors que, si aucun fait précis en date n'est mentionné, il apparaît que les relations entre les deux salariées étaient devenues pour Madame Z... difficilement supportables et que Madame Y..., se comportant plutôt en supérieur hiérarchique, ce qu'elle n'était pas, avec agressivité et critiques répétées décrites envers la salariée, et notamment dans le contrôle exagéré sur son travail, sous couvert de remplir la mission dont elle était chargée, ces faits ayant entraîné stress au travail et état dépressif ;
que pour sa part, la SAS Les Maisons Aura conteste tous agissements de harcèlement moral et, pour le moins d'avoir été informée de tels faits ; qu'elle soutient que Madame Z... ne rapporte pas les faits allégués, les témoins évoquant, certes, en termes mesurés, les tensions dues au travail, sans les attribuer à Madame Y... et qu'elle-même n'a pas été informée, n'ayant reçu aucune doléance de Madame Z..., les représentants du personnel n'ayant pas non plus été contactés ;
que toutefois, la SAS Les Maisons Aura ne peut prétendre ignorer l'existence, pour le moins, d'un conflit entre les deux salariées, tel que deux témoins le déclarent en précisant que des réunions ont été alors organisées ; qu'en outre, si effectivement les salariés de l'entreprise ont témoigné en termes mesurés, cela est compréhensible du fait du lien de subordination ou du statut de responsable de service qui était le leur avant leur départ de l'entreprise ; qu'or l'employeur ne saurait valablement effectuer une lecture sélective des témoignages en omettant les éléments en faveur de Madame Z... ; qu'enfin, il y a lieu de constater qu'il ne verse aux débats aucun autre élément qui serait susceptible d'établir que l'absence de tout harcèlement, hormis un document de la compagnie d'assurance AXA, étant cependant relevé que certains éléments invoqués par la salariée ne sont pas justifiés, et notamment aucun fait antérieur à 2005 ;
qu'en outre, la SAS Les Maisons Aura se contente de critiquer le certificat médical du médecin traitant, sans même soutenir que l'état dépressif puisse avoir une autre origine que les problèmes rencontrés dans le cadre du travail ;
qu'elle produit un document de l'assureur AXA à la demande de laquelle un médecin a visité, dans le cadre de l'assurance complémentaire, Madame Z... en estimant, mais sans que soient précisés les éléments de son avis, qu'à la date du 26 juin 2006, elle ne justifiait d'aucune incapacité totale de travail ; que ce document n'est donc pas susceptible de contredire les éléments médicaux adverses ;
que dans ces conditions, il apparaît que les faits relatés et établis démontrent qu'il s'agit de faits répétés au cours de l'année 2005 et jusqu'au 26 janvier 2006, date de l'arrêt de travail pour maladie, ayant entraîné un état dépressif réactionnel nécessitant un arrêt de maladie et le médecin du travail considérant la situation suffisamment sérieuse pour prononcer l'inaptitude aux postes de l'entreprise, que l'employeur n'était pas sans ignorer ces agissements, n'ayant pas pris toutes les dispositions nécessaires en vue de les prévenir ;
que dès lors, sont ainsi établis des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail, c'est-à-dire des agissements répétés qui ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail de nature à altérer la santé physique et psychique de la salariée et à porter atteinte à sa dignité ; que l'employeur étant défaillant à rapporter la preuve que ces agissements ne seraient pas constitutifs de harcèlement, il y a lieu de considérer, par application des dispositions de l'article L. 1154-1 du Code du travail, que le harcèlement moral est, en l'espèce, caractérisé ;
qu'il s'ensuit que conformément à l'article L. 1125-3 du Code du travail, le licenciement est nul, puisque la cause de l'inaptitude trouve son origine dans le harcèlement moral dont Madame Z... a fait l'objet ;
que dès lors que le harcèlement moral est la cause de l'inaptitude, le préjudice en résultant ne saurait être distinct de celui du licenciement pour inaptitude qui a suivi, étant précisé que les dommages-intérêts fixés prennent en compte l'ensemble du préjudice de la salariée, tant au titre du licenciement que du harcèlement moral ;
que compte tenu de son ancienneté de 27 ans, du montant de sa rémunération, aucun élément n'étant indiqué, ni produit sur sa situation postérieure au licenciement, et des circonstances de la rupture et du harcèlement moral, il y a lieu d'allouer à Madame Z... une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
ALORS D'UNE PART QUE il incombe en premier lieu au salarié d'établir qu'il a fait l'objet d'actes précis et répétés de nature à faire présumer qu'il a été victime de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Madame Z... se plaignait d'avoir fait l'objet d'actes constitutifs de harcèlement moral de 2003 jusqu'au début de 2006, date à laquelle elle s'était trouvée en arrêt de travail pour maladie, avant d'être déclarée inapte à tout poste dès le 1er août 2006, puis d'être licenciée le 2 octobre suivant ; qu'or la Cour d'appel a constaté que la salariée ne rapportait la preuve d'aucun fait antérieur à 2005 et qu'elle ne pouvait par ailleurs mentionner aucun fait précis en date qui aurait été postérieur à 2005 ; qu'en jugeant dès lors néanmoins que Madame Z... avait fait l'objet de faits répétés au cours de l'année 2005 et jusqu'au 26 janvier 2006 permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient en violation des articles précités ;
ALORS D'AUTRE PART QUE il n'incombe pas à l'employeur-qui n'en a d'ailleurs pas les moyens-d'établir l'origine de l'état dépressif du salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral ; qu'en reprochant dès lors en l'espèce à la société Les Maisons Aura de se contenter de critiquer le certificat médical du médecin traitant, sans même soutenir que l'état dépressif puisse avoir une autre origine que les problèmes rencontrés dans le cadre du travail et en faisant ainsi peser sur l'employeur la charge d'une preuve qui ne lui incombe pas, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-13880
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 12 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2011, pourvoi n°10-13880


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.13880
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