LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2010), que la société Esso SAF (la société Esso), après avoir successivement conclu plusieurs contrats à durée déterminée avec la société Tina concernant l'exploitation d'une station-service, lui a notifiée la résiliation de leur dernière convention, usant de la faculté qui lui était reconnue dans leurs accords de pouvoir y procéder à certaines conditions ; qu'après avoir refusé d'exécuter l'injonction qui lui a été adressée de reprendre les livraisons de carburants et de réactiver l'informatique de la station-service, ce qui a donné lieu à la liquidation d'astreintes, la société Esso a assigné la société Tina afin de voir constater la résiliation de plein droit du contrat, l'apurement des comptes entre les parties, et obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer certaines sommes ; qu'à son tour, la société Tina a assigné la société Esso en indemnisation de son préjudice pour rupture abusive et brutale du contrat, en remboursement des pertes du mandat et en paiement de primes de fin de contrat et de fermeture ; que ces deux procédures ont été jointes ;
Attendu que la société Esso fait grief à l'arrêt d'avoir dit le contrat résilié à effet du 12 novembre 2003 à ses torts exclusifs, d'avoir déclaré les astreintes liquidées non remboursables, de lui avoir ordonné de donner mainlevée de la caution bancaire sous astreinte et d'avoir rejeté toutes ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est potestative la condition qui est au bon vouloir de l'une des parties ; qu'en considérant qu'est potestative la clause qui permet à la société Esso de mettre fin au contrat, au seul motif que cette clause "ne sanctionne pas un comportement fautif du distributeur", circonstance d'où ne pouvait être déduit le caractère potestatif de la résiliation, cette dernière pouvant avoir, nonobstant l'absence de faute du distributeur, un motif objectif, la cour a violé les articles 1170 et 1174 du code civil ;
2°/ que la résiliation d'un contrat pris en vertu d'une décision, expressément autorisée, moyennant contrepartie, par un accord professionnel, ne saurait être considérée comme procédant d'une condition potestative ; qu'en l'espèce il était constant que la décision de la société Esso avait été prise en application du protocole signé le 25 mai 2000 entre cette dernière, le syndicat national des professions de l'automobile et le président de la commission nationale des locataires gérants de stations-service, relatif aux "exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution", lequel protocole prévoyait que : "pour procéder à la transformation de ces sites en stations automates Esso devra, selon les cas, confirmer le non-renouvellement du contrat, résilier le contrat en cours, ou être amenée à proposer la prolongation du contrat actuel pour une durée limitée, dans le strict respect des AIP (…) ; Esso versera la prime de fin de contrat et la prime de fermeture lors de chaque résiliation de contrat ou pour tout contrat non renouvelé, sous réserve que la station-service soit transformée en automate dans les deux mois suivants le non-renouvellement ou la résiliation du contrat" ; que la cour d'appel a reconnu que la clause de résiliation avait été stipulée en prévision d'une refonte du système de distribution dont le protocole ainsi conclu entre la société Esso et le CNPA avait admis la nécessité et fixé les conséquences sur le sort des contrats ; qu'en décidant que la clause qui, en prévision de cette situation, autorisait la résiliation unilatérale du contrat, présentait un caractère potestatif, la cour a violé les articles 1170 et 1174 du code civil ;
3°/ qu'est potestative la condition qui est au bon vouloir de l'une des parties ; qu'en l'espèce, la cour retient que la décision de la société Esso de mettre fin au contrat d'exploitation conclu avec la société Tina était liée aux "exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution", exigences dont la réalité et le caractère contraignant étaient susceptibles d'un contrôle par le juge; qu'en estimant néanmoins qu'était potestative la clause permettant la résiliation du contrat pour ce motif, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 1170 et 1174 du code civil ;
4°/ que le protocole d'accord signé le 25 mai 2000 entre la société Esso, le syndicat national des professions de l'automobile, et le président de la commission nationale des locataires gérants de stations-services autorisait expressément la résiliation avant terme des contrats d'exploitation, au motif d'une transformation des sites en stations automates, et moyennant des contreparties financières; qu'en particulier, ce protocole stipulait : "Esso confirme son intention de développer un nouveau concept de stations-service automates dans son réseau. Dans ce but, les tests en cours vont être étendus à un certain nombre de sites actuellement exploités par des sociétés locataires-gérantes" qu'il était ensuite indiqué : "pour procéder à la transformation de ces sites en stations automates, Esso devra, selon les cas, confirmer le non-renouvellement du contrat, résilier le contrat en cours, ou être amenée à proposer la prolongation du contrat actuel pour une durée limitée, dans le strict respect des AIP (…) ; Esso versera la prime de fin de contrat et la prime de fermeture lors de chaque résiliation de contrat ou pour tout contrat non renouvelé, sous réserve que la station-service soit transformée en automate dans les deux mois suivants le non-renouvellement ou la résiliation du contrat" ; qu'en énonçant que la clause du contrat qui autorisait la société Esso à "en cas de refonte complète de la station service en vue de réorienter ses activités, son mode de gestion ou d'exploitation, (à ) résilier le contrat de plein droit avec un préavis de deux mois" était contraire à "l'esprit" du protocole susvisé, la cour d'appel l'a dénaturé en violation de l'article 1134 du code civil ;
5°/ que, ni les usages professionnels, ni les stipulations de l'accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 n'ont la valeur de dispositions impératives interdisant l'application des stipulations du protocole du 25 mai 2000 autorisant la résiliation avant terme des contrats d'exploitation au motif d'une transformation des sites de Esso et moyennant contrepartie financière ; qu'en faisant ainsi mécaniquement prévaloir les prétendus usages professionnels et les termes de l'accord interprofessionnel sur ceux du protocole, la cour a violé les articles 6, 1134 et 1135 du code civil ;
6°/ qu'en jugeant, par motifs adoptés, qu'aucune proposition conforme aux stipulations du protocole du 25 mai 2005 et aux accords interprofessionnels n'avait été formulée par la société Esso à l'attention de la société Tina, alors qu'au contraire la lettre de résiliation du contrat d'exploitation confirmait que la société Esso examinerait "les conditions économiques de (la) fin d'exploitation dans le strict respect des accords interprofessionnels", la cour a dénaturé ladite lettre en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la clause de résiliation du contrat ne sanctionne pas un comportement fautif du distributeur, l'arrêt relève qu'elle offre à la société Esso, et à elle seule, la possibilité, purement discrétionnaire, de mettre fin au contrat avec un préavis très court ; qu'il relève encore que cette clause est contraire à l'esprit du protocole signé le 25 mai 2000 entre le syndicat national des professions de l'automobile et le président de la commission nationale des locataires gérants de stations-services et des accords interprofessionnels du 12 janvier 1994, dont il résulte que les exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution ne font pas obstacle à une renégociation des contrats avec les distributeurs, assortie de propositions d'indemnisation ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la réalisation de la condition litigieuse tenant à la refonte complète de la station-service, en vue de réorienter ses activités, son mode de gestion ou d'exploitation, dépendait de la seule volonté de la société Esso, et non de circonstances objectives qui seraient susceptibles de contrôle juridictionnel, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturation, que cette condition présentait un caractère purement potestatif ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première et dernière branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Esso raffinage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Esso raffinage
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit le contrat entre la société ESSO SAF et la SARL TINA résilié à effet du 12 novembre 2003 aux torts exclusifs de ESSO, d'avoir dit les astreintes liquidées non remboursables et d'avoir ordonné à la SA ESSO SAF de donner mainlevée pour la caution de 430.000 F (soit 65.553 €) donnée par la BNP sous astreinte, et d'avoir débouté la société ESSO SAF de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « qu'ESSO soutient que le contrat a été valablement résilié conformément aux dispositions contractuelles, avec effet au 3 novembre 2003, subsidiairement, si la cour devait confirmer le jugement sur ce point, avec effet au 12 novembre 2003, et qu'aucune faute ne pouvant lui être reprochée, puisqu'elle avait respecté le préavis contractuel de deux mois, et indiqué, par courrier qu'elle examinerait « les conditions économiques de cette fin d'exploitation dans le strict respect des accords interprofessionnels », le jugement doit être réformé en ce qu'il lui a dit le contrat résilié à ses torts exclusifs ; que l'article 16 « résiliation » des conditions générales du contrat est ainsi rédigé : « Les modalités de résiliation du présent contrat sont soumises aux dispositions de l'article 3.1 de l'Accord Interprofessionnel du 12 janvier 1994. Le contrat sera résilié de plein droit sans préjudice de tous dommages et intérêts un mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception demeurée infructueuse. Si, dans le cadre du mandat, « LA SOCIETE » : (suivent douze cas où l'exploitant de la station-service ne respecterait pas les dispositions contractuelles ou la réglementation applicable en la matière », si « ESSO » : - est recherché en paiement par un créancier de « LA SOCIETE » au titre de la solidarité entre le preneur et le bailleur (loi du 20 mars 1956 et article 1684 du Code Général des Impôts), - est en désaccord avec « LA SOCIETE » sur l'ajustement de la garantie (article DISTRIBUTION DES PRODUITS ENERGETIQUES chapitre GARANTIES) ou de la redevance (article REDEVANCE). En cas de refonte complète de la station-service en vue de réorienter ses activités, son mode de gestion, ou son mode d'exploitation, « ESSO » pourra résilier le contrat de plein droit avec un préavis de deux mois » ; que les premiers juges ont exactement relevé que cette dernière disposition, qui ne sanctionne pas un comportement fautif du distributeur, présente un caractère purement potestatif puisqu'elle offre à la société ESSO, et à elle seule, la possibilité, purement discrétionnaire, de mettre fin au contrat avec un préavis très court ; que cette disposition est en outre contraire tant aux usages professionnels, qui imposent un préavis d'au moins six mois en cas de rupture d'une relation commerciale de quatorze ans, qu'à l'esprit du protocole signé le 25 mai 2005 avec le Syndicat National des Professions de l'Automobile et le Président de la Commission Nationale des Locataires Gérants de stations-service et des Accords Interprofessionnels du 12 janvier 1994, qui est que les exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution ne font pas obstacle à une renégociation des contrats avec les distributeurs assortie de propositions d'indemnisation ; que s'il est constant qu'une somme de 15.000 € a été portée, en octobre 2003, au crédit de la société TINA, aucun élément ne vient étayer l'affirmation d'ESSO, contredite par la société TINA, selon laquelle ce versement n'aurait pas été une des primes versées dans le cadre de l'exécution du contrat, mais aurait concrétisé une transaction intervenue entre les parties ; que c'est donc vainement qu'ESSO soutient que la société TINA a accepté la résiliation du contrat puis s'est rétractée ; que la clause potestative est nulle, que la résiliation à laquelle ESSO a procédé en s'y référant est donc dépourvue de motif légitime ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que le contrat a été résilié aux torts exclusifs d'ESSO à effet du 12/11/2003, date à laquelle la distribution de carburant a cessé, les cuves se trouvant vides, et ESSO refusant de poursuivre les livraisons » (arrêt p.4 et p.5 al.1 et 2) ; (….) qu'ESSO demande la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de restitution des sommes payées en exécution des décisions rendues par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PARIS le 22 mars 2004 puis le 8 juillet 2005, qui ont été confirmées, par arrêts de la cour d'appel de PARIS des 16 décembre 2004 et 2 mars 2006 ; qu'elle soutient que la société TINA a ainsi obtenu le paiement de sommes sans commune mesure avec les résultats comptables qu'elle aurait obtenus pour cette période de huit mois si elle avait continué l'exploitation de la station-service ; qu'elle a estimé, en toute bonne foi, que, malgré la rédaction imprécise de l'ordonnance de référé du 28 novembre 2003, la société TINA n'était pas dispensée de régler les livraisons de carburant dans les conditions prévues au contrat, à savoir le paiement sécurisé à chaque livraison en cas d'impayés ; que les arguments développés par ESSO ne justifient pas non plus la réformation du jugement sur ce point ; qu'en effet, l'astreinte est indépendante des dommages et intérêts, et ne saurait donc être liée au préjudice résultant pour la société TINA de l'impossibilité d'exploiter pendant les huit derniers mois du contrat ; que l'astreinte sanctionne la faute qui consiste à refuser d'exécuter la décision du juge ; que la décision du Président du tribunal de commerce de PARIS, confirmée en appel nonobstant l'argumentation d'ESSO sur la poursuite implicite des relations contractuelles et l'application justifiée ou non d'un paiement sécurisé, visait simplement à ne pas créer une situation irréversible en attendant la décision au fond ; que le non-respect de cette décision privant la station-service de carburant, a entraîné, de facto, cette irréversibilité et la rupture du contrat ; qu'il n'y a donc pas lieu à restitution des astreintes ; qu'il sera en outre observé que si ESSO soutient que l'arrêt des livraisons de carburant résultait du fait que la société TINA refusait de procéder au paiement sécurisé, tel qu'il est prévu au contrat, cette société ne verse aux débats aucun élément, sommation, constat ou même courrier de TINA, susceptible de démontrer qu'elle aurait tenté d'effectuer une livraison et y aurait renoncé, faute d'être assurée du paiement » (arrêt p.6) ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur les astreintes : que l'astreinte est indépendante des dommages et intérêts, qu'elle sanctionne la faute consistant en l'inexécution de la décision du juge, que lors de sa liquidation, l'astreinte devient une peine privée qui sanctionne la désobéissance, constatée, à l'ordre du juge ; que la décision du Président du Tribunal de Commerce de PARIS confirmée en appel nonobstant l'argumentation de ESSO sur la poursuite implicte des relations contractuelles et l'application justifiée ou non d'un paiement sécurisé, vise simplement à ne pas créer l'irréversible en attendant le jugement au fond ; que le non-respect de cette décision, privant la station-service de carburant, entraîne de facto cette irréversibilité et la rupture du cntrat, que cette rupture soit fondée ou non en droit ; que nul ne doit se faire justice ; que le tribunal dira les astreintes liquidées non remboursables ; sur la terminaison du contrat : que les cuves de carburant étaient vides le 12 novembre 2004, que les livraisons de carburant n'ont pas été reprises et qu'elles constituent un élément déterminant pour l'exploitation d'une station-service, le tribunal dira le contrat résilié par ESSO au 12/11/2003 ; que la clause figurant in fine à l'article 16 du contrat ne sanctionne pas un comportement fautif du distributeur, et présente un caractère purement potestatif ; que les usages professionnels disposent que la rupture de relations commerciales de quatorze années ne peut se résoudre avec un préavis de moins de six mois ; que les exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution ne font pas obstacle à une renégociation des contrats avec les distributeurs assorties de propositions d'indemnisations dans l'esprit du protocole signé le 25 mai 2005 avec le Syndicat National des Professions de l'Automobile et le Président de la Commission Nationale des Locataires Gérants de stations-service, protocole qui lui-même se référait aux Accords Interprofessionnels (AIP en date du 12 janvier 1994) , qu'aucune proposition de cette nature n'a été formulée, qu'au contraire la signature d'un avenant de 15.000 € dont rien ne dit qu'il soit une contrepartie quelconque de la résiliation du contrat, a été prétendument interprétée comme une acceptation de ladite résiliation ; que vu les sommes importantes payées en astreintes, qui donnent une idée des budgets qu'il eût été possible d'allouer à une telle renégociation des contrats, le tribunal dira le contrat du 26/06/2001 résilié par ESSO à effet du 12/11/2003 aux torts exclusifs de cette compagnie » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'est potestative la condition qui est au bon vouloir de l'une des parties ; qu'en considérant qu'est potestative la clause qui permet à la société ESSO de mettre fin au contrat, au seul motif que cette clause « ne sanctionne pas un comportement fautif du distributeur », circonstance d'où ne pouvait être déduit le caractère potestatif de la résiliation, cette dernière pouvant avoir, nonobstant l'absence de faute du distributeur, un motif objectif, la cour a violé les articles 1170 et 1174 du Code Civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la résiliation d'un contrat pris en vertu d'une décision, expressément autorisée, moyennant contrepartie, par un accord professionnel, ne saurait être considérée comme procédant d'une condition potestative ; qu'en l'espèce il était constant que la décision de ESSO avait été prise en application du protocole signé le 25 mai 2000 entre ESSO, le Syndicat National des Professions de l'Automobile et le Président de la Commission Nationale des Locataires Gérants de Stations-service, relatif aux « exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution », lequel protocole prévoyait que : « pour procéder à la transformation de ces sites en stations automates ESSO SAF devra, selon les cas, confirmer le non-renouvellement du contrat, résilier le contrat en cours, ou être amenée à proposer la prolongation du contrat actuel pour une durée limitée, dans le strict respect des AIP (…) « ESSO SAF versera la prime de fin de contrat et la prime de fermeture lors de chaque résiliation de contrat ou pour tout contrat non renouvelé, sous réserve que la station-service soit transformée en automate dans les deux mois suivants le non-renouvellement ou la résiliation du contrat » ; que la cour d'appel a reconnu que la clause de résiliation avait été stipulée en prévision d'une refonte du système de distribution dont le protocole ainsi conclu entre ESSO et le C.N.P.A. avait admis la nécessité et fixé les conséquences sur le sort des contrats ; qu'en décidant que la clause qui, en prévision de cette situation, autorisait la résiliation unilatérale du contrat, présentait un caractère potestatif, la cour a violé les articles 1170 et 1174 du Code Civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'est potestative la condition qui est au bon vouloir de l'une des parties ; qu'en l'espèce, la cour retient que la décision de ESSO de mettre fin au contrat d'exploitation conclu avec la SARL TINA était liée aux « exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution », exigences dont la réalité et le caractère contraignant étaient susceptibles d'un contrôle par le juge ; qu'en estimant néanmoins qu'était potestative la clause permettant la résiliation du contrat pour ce motif, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 1170 et 1174 du Code Civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le protocole d'accord signé le 25 mai 2000 entre ESSO, le Syndicat National des Professions de l'Automobile, et le Président de la Commission Nationale des Locataires Gérants de stations-services autorisait expressément la résiliation avant terme des contrats d'exploitation, au motif d'une transformation des sites en stations automates, et moyennant des contreparties financières ; qu'en particulier, ce protocole stipulait : « ESSO SAF confirme son intention de développer un nouveau concept de stations-service automates dans son réseau. Dans ce but, les tests en cours vont être étendus à un certain nombre de sites actuellement exploités par des sociétés locataires-gérantes » ; qu'il était ensuite indiqué : pour procéder à la transformation de ces sites en stations automates ESSO SAF devra, selon les cas, confirmer le non-renouvellement du contrat, résilier le contrat en cours, ou être amenée à proposer la prolongation du contrat actuel pour une durée limitée, dans le strict respect des AIP (…) « ESSO SAF versera la prime de fin de contrat et la prime de fermeture lors de chaque résiliation de contrat ou pour tout contrat non renouvelé, sous réserve que la station-service soit transformée en automate dans les deux mois suivants le non-renouvellement ou la résiliation du contrat » ; qu'en énonçant que la clause du contrat qui autorisait ESSO à «en cas de refonte complète de la station service en vue de réorienter ses activités, son mode de gestion ou d'exploitation, (à ) résilier le contrat de plein droit avec un préavis de deux mois » était contraire à « l'esprit » du protocole susvisé, la cour d'appel l'a dénaturé en violation de l'article 1134 du Code Civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE ni les usages professionnels, ni les stipulations de l'accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 n'ont la valeur de dispositions impératives interdisant l'application des stipulations du protocole du 25 mai 2000 autorisant la résiliation avant terme des contrats d'exploitation au motif d'une transformation des sites de ESSO et moyennant contrepartie financière ; qu'en faisant ainsi mécaniquement prévaloir les prétendus usages professionnels et les termes de l'accord interprofessionnel sur ceux du protocole, la cour a violé les articles 6, 1134 et 1135 du Code Civil ;
ALORS, ENFIN, QU'en jugeant par motifs adoptés qu'aucune proposition conforme aux stipulations du protocole du 25 mai 2005 et aux accords interprofessionnels n'avait été formulée par ESSO à l'attention de la société TINA, alors qu'au contraire la lettre de résiliation du contrat d'exploitation confirmait qu'ESSO examinerait « les conditions économiques de (la) fin d'exploitation dans le strict respect des accords interprofessionnels », la cour a dénaturé ladite lettre en violation de l'article 1134 du Code Civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit le contrat entre la SA ESSO SAF et la SARL TINA résilié aux torts exclusifs de ESSO et d'avoir commis expert avec pour mission de faire les comptes, de chiffrer les pertes subies par la SARL TINA comme mandataire, de chiffrer le préjudice du fait de la rupture du contrat par ESSO, de dire ce qu'il en est de l'apurement des comptes avec ESSO, y compris le versement des primes de fin de gérance et de la prime de fermeture ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société ESSO critique aussi le jugement en ce qu'il a accueilli la demande d'indemnisation formée par la société TINA sur le fondement des articles 1999 et 2000 du Code Civil, en faisant valoir que cette société a expressément renoncé à l'application de ces articles, qui ne sont pas d'ordre public, et qu'ayant signé de nombreux contrats préalablement à celui du 26 juin 2001, elle ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré les conséquences d'une telle renonciation ; qu'elle ajoute qu'elle a établi le compte de la SARL TINA au 30 juin 2004, et que le solde créditeur de ce compte lui a été versé, ainsi qu'il résulte de la pièce qu'elle a communiquée sous le numéro 45 ; que l'article 5 « DISTRIBUTION DES PRODUITS ENERGETIQUE » des conditions générales du contrat comporte sept points, identifiés comme suit : 5.1 « Objet du mandat 5.2 21 « Produits objet du mandat », 5.3 « Conditions de prix de vente », 5.4 «Réapprovisionnement du stock », 5.5 « Commission », 5.6 « Reddition des comptes », 5.7 « Garanties » ; que le point 5.1 qui, seul fait référence aux articles 1999 et 2000 du Code Civil est ainsi rédigé : « ESSO donne mandat à LA SOCIETE de vendre au détail au nom et pour le compte d'ESSO, les produits énergétiques définis (article CAPACITE DE STOCKAGE DES PRODUITS A DISTRIBUER EN STATION des Conditions Particulières) pour lesquels ESSO met en dépôt un stock de travail utile ; que dans le cadre de ce mandat, LA SOCIETE : - a la garde des produits, - se réapprovisionne directement et exclusivement auprès d'ESSO, - facture, si besoin est, au nom d'ESSO, en utilisant l'imprimé fourni par ESSO, - encaisse le montant des ventes pour le compte de ESSO. Les parties dérogent expressément aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code Civil (souligné par la cour) ; qu'ESSO se réserve la faculté de modifier, supprimer ou ajouter des produits faisant l'objet du mandat et d'en redéfinir les modalités d'exécution » ; qu'il convient d'observer que cette mention lapidaire figure, discrètement, à la fin d'un article dont la nature même n'est pas susceptible d'éveiller l'attention de la société contractante, puisqu'il ne traite ni de la rémunération ni des comptes à établir et que le contenu des textes en question n'est même pas reproduit ; qu'il est impossible, contrairement à ce qui est soutenu par ESSO, de l'analyser comme contenant une renonciation claire et non équivoque de la société TINA à se prévaloir des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code Civil, avec toutes ses implications ; que vu ces caractéristiques, la circonstance que les précédents contrats contenaient une clause identique ne permet pas, pour autant, d'en déduire que la société TINA était parfaitement informée de la portée de la renonciation ; qu'en conséquence, la renonciation à se prévaloir des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code Civil doit être écartée et le jugement confirmé en ce qu'il a commis un expert avec mission, notamment, de chiffrer les pertes subies par cette société comme mandataire ; qu'il résulte des écritures des parties qu'elles n'entendent pas renoncer au bénéfice du double degré de juridiction, qu'il n'y a donc pas lieu à évocation, et que l'affaire sera renvoyée devant le tribunal de commerce pour qu'il soit statué sur les demandes d'indemnisation de la société TINA, après dépôt du rapport de M. X...» ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur les demandes d'indemnisation de TINA : que TINA a subi un préjudice du fait de la rupture fautive par ESSO de son contrat ; que ce préjudice est directement lié aux revenus que TINA pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ; que cette exploitation apparaît comme déficitaire du fait des prix imposés par le mandant, mais que TINA formule par ailleurs une demande quand à l'indemnisation des pertes supportées en tant que mandataire ; que le tribunal, accueillant favorablement la demande de TINA, désignera un expert, aux frais de TINA, avec pour mission d'analyser les comptes, de chiffrer les pertes subies comme mandataire, de chiffrer le préjudice subi du fait de la rupture fautive par ESSO de son contrat et de dire ce qu'il en est de l'apurement des comptes avec ESSO, y compris du versement des primes de fin de gérance et la prime de fermeture » ;
ALORS QUE les juges du fond ne sauraient méconnaître la commune intention des parties de déroger aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code Civil exprimée en termes clairs et dépourvus d'équivoque ; qu'en l'espèce, en retenant que « seul le point 5.1 » de la convention conclue entre la société ESSO et la société TINA faisait référence aux articles 1999 et 2000 du Code Civil pour en déduire que « cette mention lapidaire figure discrètement à la fin d'un article dont la nature même n'est pas susceptible d'éveiller l'attention de la société contractante » et qu'en conséquence elle doit demeurer sans portée, cependant que le point 4 de la convention, expressément intitulé « cadre juridique », stipulait sans équivoque que le «contrat est soumis (…) pour la distribution des produits énergétiques aux articles 1984 et suivants du Code Civil, à l'exception des articles 1999 et 2000 », la cour a dénaturé les termes du contrat en violation de l'article 1134 du Code Civil.