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12/09/2011 | FRANCE | N°10-CRD089

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 12 septembre 2011, 10-CRD089


COUR DE CASSATION 10 CRD 089Audience publique du 20 juin 2011Prononcé au 12 septembre 2011

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, M. Straehli, conseiller, Mme Leroy-Gissinger, conseiller référendaire, en présence de M. Mazard, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de la cour d'appel de Rouen

en date du 26 octobre 2010 qui a alloué à M. Fethi X... une indemnité de 2...

COUR DE CASSATION 10 CRD 089Audience publique du 20 juin 2011Prononcé au 12 septembre 2011

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, M. Straehli, conseiller, Mme Leroy-Gissinger, conseiller référendaire, en présence de M. Mazard, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de la cour d'appel de Rouen en date du 26 octobre 2010 qui a alloué à M. Fethi X... une indemnité de 22 340 euros en réparation de son préjudice économique et 50 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code précité.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 20 juin 2011, l'avocat du demandeur ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de Me Vigier, avocat au barreau de Rouen, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Straehli, les observations de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Mazard ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que, par décision du 26 octobre 2010, le premier président de la cour d'appel de Rouen a alloué à M. Fethi X... les sommes de 22 340 euros et de 50 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral, à raison d'une détention provisoire effectuée du 1er août 2007 au 22 juin 2009, pour des faits ayant donné lieu à un arrêt d'acquittement devenu définitif ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a formé un recours contre cette décision aux fins de voir écarter l'indemnité accordée par le premier président au titre du préjudice économique, l'activité indiquée par M. X... étant non établie ou illicite, et calculer la réparation du préjudice indemnisable sur une période de deux cent soixante cinq jours au lieu de celle de mille cent dix sept jours de détention retenue par le premier juge, décompte devant être fait, selon le demandeur, de peines exécutées par M. X... et de la durée de détention provisoire encourue par ce dernier à raison d'un délit visé dans le titre de détention et pour lequel il a été condamné ;
Attendu que le procureur général formule les mêmes observations que l'agent judiciaire du Trésor ;
Attendu que M. X... sollicite le rejet du recours en faisant valoir, d'une part, que la période indemnisable doit être celle concernée par le mandat de dépôt, dès lors, s'agissant des peines exécutées, que sa situation l'empêchait d'en obtenir l'aménagement et, concernant le délit, d'ailleurs ultérieurement disqualifié en contravention, rien n'autoriserait à considérer qu'il était visé par la décision de placement en détention provisoire ; qu'il soutient avoir régulièrement travaillé avant son incarcération et fait valoir que sa souffrance psychologique a été accrue par le fait qu'au regard de sa situation de séjour en France, il n'a pu assurer sa défense dans des conditions satisfaisantes ; qu'il demande le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Sur la période indemnisable :
Attendu que le premier président a retenu une période erronée, la durée totale de la détention provisoire subie par M. X... ayant été égale à six cent quatre vingt onze et non mille cent dix sept jours :
Attendu que M. X..., mis en examen également du chef du délit de violences volontaires, infraction mentionnée dans la décision de placement en détention provisoire et le titre de détention, a été condamné par la cour d'assises pour ces faits, après disqualification de ceux-ci en contravention de violences volontaires ; que le délit autorisait son placement en détention provisoire pour une durée maximale de quatre mois ; que cette période doit être décomptée de la durée indemnisable, nonobstant la disqualification intervenue ;
Attendu qu'il convient de déduire de la période ainsi arrêtée la durée d'une peine effectivement exécutée, du 24 juin au 24 octobre 2008, pour des faits de destruction de bien d'autrui, délit étranger à la mise en examen de M. X... ; que doit être également déduite une seconde peine de six mois d'emprisonnement, prononcée par la cour d'assises pour séjour irrégulier ; qu'en effet, si ce dernier délit, bien que visé dans la mise en examen, n'autorisait pas le placement en détention provisoire, contrairement au délit de violences volontaires, il est établi par le service de l'exécution des peines du tribunal de grande instance d'Evreux que la condamnation est considérée comme ayant été exécutée durant cette période ;
Attendu que la période effectivement indemnisable est égale à deux cent soixante cinq jours ;
Sur la réparation du préjudice économique :
Attendu que le premier président a pris en compte les déclarations de M. X..., selon lesquelles celui-ci aurait exercé le métier de maçon, et a considéré qu'il avait perdu une chance de trouver un emploi rémunéré pendant la période où il avait été incarcéré ;
Attendu, cependant, qu'en raison de sa situation d'étranger en situation irrégulière, M. X... ne pouvait prétendre exercer qu'un travail dissimulé, activité illicite ne pouvant ouvrir droit à réparation ; que le recours est bien fondé de ce chef ;
Sur la réparation du préjudice moral :
Attendu que la souffrance psychologique inhérente à toute détention a été aggravée, pour M. X..., du fait de sa mauvaise maîtrise de la langue française et de son éloignement par rapport à sa famille restée en Turquie ; qu'une somme de 19 000 euros est propre à réparer ce préjudice ;
Sur l'article 700 du code de procédure pénale :
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor prospérant dans son recours, il n'y a pas lieu de faire application de ce texte ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours de l'agent judiciaire du Trésor ;
ALLOUE à M. Fethi X... la somme de 19 000 euros (dix neuf mille euros) en réparation de son préjudice moral ;
REJETTE la demande formée par M. Fethi X... au titre du préjudice économique ;
REJETTE la demande formée par M. Fethi X... au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Fethi X... aux dépens ;
Ainsi fait par les magistrats présents lors des débats qui en ont délibéré et prononcé en audience publique le 12 septembre 2011 par M. Straehli, conseiller ayant participé au délibéré, en présence du greffier ayant assisté aux débats ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par M. Straehli, conseiller le plus ancien, en raison de l'empêchement du président et par le greffier.


Sens de l'arrêt : Accueil du recours

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice matériel - Travail dissimulé, activité illicite - Préjudice économique - Réparation - Exclusion - Cas

Un travail dissimulé, activité illicite, ne peut donner lieu à réparation. Doit dès lors être infirmée la décision du premier président qui alloue à un étranger en situation irrégulière une indemnité de ce chef


Références :

articles 149 à 150 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 26 octobre 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Commission reparation detention, 12 sep. 2011, pourvoi n°10-CRD089, Bull. civ. criminel 2011, Commission nationale de réparation des détentions, n° 5
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2011, Commission nationale de réparation des détentions, n° 5
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Composition du Tribunal
Président : M. Breillat
Avocat général : M. Mazard
Rapporteur ?: M. Straehli
Avocat(s) : Me Vigier, Me Couturier-Heller

Origine de la décision
Formation : Commission reparation detention
Date de la décision : 12/09/2011
Date de l'import : 25/08/2012

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10-CRD089
Numéro NOR : JURITEXT000024972760 ?
Numéro d'affaire : 10-CRD089
Numéro de décision : 10CRD089
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2011-09-12;10.crd089 ?
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