LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme Célina X..., épouse Y... du désistement de son pourvoi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 décembre 2009), qu'en 1981, Mme Valentine Z... a donné à bail, pour une durée de 18 années, aux époux A... deux bâtiments agricoles ; que ce bail a été régulièrement cédé, en 1988, au fils des preneurs : M. Pierre A... ; que le 23 mars 2006, Mme Françoise Z..., devenue bailleresse, a fait délivrer congé à M. Pierre A... pour le 1er octobre 2007, aux fins de reprise au profit de sa fille, Mme X... ; que M. Pierre A... a contesté ce congé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que l'omission du domicile exact et de la profession de la bénéficiaire de la reprise n'avait pas été de nature à induire M. A... en erreur dès lors qu'il avait, en raison d'une instance distincte opposant les parties relativement à un congé précédent également délivré pour reprise au profit de Mme X... et encore pendante devant elle lors de la délivrance du congé litigieux, connaissance à cette dernière date de la situation réelle de la bénéficiaire de la reprise, ce qui résultait suffisamment des termes de la requête par laquelle il a saisi le tribunal paritaire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article L. 411-59 du code rural, ensemble les articles L. 331-2, II du même code et 104 de la loi du 5 janvier 2006 ;
Attendu que le bénéficiaire de la reprise doit justifier qu'il répond aux conditions de capacité et d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions ;
Attendu que pour dire que Mme Célina X... ne peut se prévaloir du régime de la déclaration préalable, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 331-2, II du code rural relatives à ce régime ne sont pas de celles que l'article 104 de la loi du 5 janvier 2006 déclare applicables aux baux en cours à la date de la publication de cette loi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions d'ordre public de l'article L. 331-2, II du code rural étaient applicables à la contestation d'un congé délivré pour le 1er octobre 2007, la cour d'appel a violé les textes sus-visés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme Célina X..., épouse Y..., ne peut se prévaloir du régime de la déclaration préalable de l'article L. 331-2 II du code rural, l'arrêt rendu le 15 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne M. A... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. A... à payer à Mme Françoise Z..., épouse X..., la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour Mme Z..., épouse X....
Madame Françoise Z... épouse X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que madame Célina X... épouse Y... ne pouvait se prévaloir du régime de la déclaration préalable de l'article L 331-2 II du code rural ;
AUX MOTIFS QUE en l'espèce le congé du 23 mars 2006 a été délivré pour reprise au profit de madame Célina X... ; que le bail du 9 avril 1981 s'étant renouvelé pour une période de neuf ans à compter du 1er octobre 1998 jusqu'au 30 septembre 2007 et les dispositions de l'article L 331-2 II du code rural relatives au régime de la déclaration préalable issues de l'article 14 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 n'étant pas celles que l'article 104 de cette dernière déclare applicables aux baux en cours à la date de sa publication, madame Célina X... ne peut se prévaloir de ces nouvelles dispositions et l'opération envisagée à son profit reste soumise au régime de l'autorisation administrative préalable d'exploiter ;
1°) ALORS QUE la loi nouvelle régit immédiatement les effet des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées qui trouvent leur fondement dans la volonté du législateur et non dans les contrats conclus entre les parties ; que la cour, en affirmant, pour juger que madame Célina X... ne pouvait se prévaloir du régime de la déclaration préalable de l'article L 331-211 du code rural lequel en ce qu'il règle le contrôle des structures a pourtant sa source dans la loi, que ces dispositions n'étaient pas de celles que la loi nouvelle a déclaré applicables aux baux en cours, a violé les articles 1er, 2 du code civil ensemble l'article L 331-2 II du code rural modifié par la loi du 5 janvier 2006 ;
2°) ALORS QUE le régime dérogatoire de la déclaration prévu par l'article L. 331-2 du code rural dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006 est applicable à une reprise objet du congé dont la date pour laquelle il a été délivré est postérieure à la date d'entrée en vigueur de cette loi ; que la cour, qui bien qu'elle ait constaté que le congé du 23 mars 2006 délivré pour reprise avait pour effet le 1er octobre 2007, s'est néanmoins, pour refuser à madame Célina X... le bénéfice du régime de la déclaration préalable, fondée sur la circonstance inopérante que le bail en cause était en cours au jour de la publication de la loi du 5 janvier 2006, instituant le régime dérogatoire de la déclaration n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations violant l'article L 331-2 du code rural par refus d'application et l'article 104 de la loi du 5 janvier 2006 par fausse interprétation. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. A....
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à nullité du congé du 23 mars 2006 pour vices de forme ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce le congé du 23 mars 2006 délivré pour reprise au profit de Mme Célina X... mentionne pour celle-ci une adresse « ... » et la qualité d'« ingénieur agronome » ; que cependant, alors que la régularité formelle du congé doit être appréciée à la date de sa délivrance, d'une part, il ressort des pièces produites aux débats (procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société SOPIMASOPARFI du 8 mai 2006- Relevés cadastraux 2006) que la bénéficiaire de la reprise avait alors son domicile au Luxembourg ce que confirment les propres pièces invoquées par l'appelante aux termes desquelles Mme Célina X... a formé les administrations et organismes sociaux, tant français que luxembourgeois, du transfert de son domicile à COURCELETTE à compter du 15 août 2007 et d'autre part, la mention « ingénieur agronome » qui se réfère à l'intitulé d'un diplôme et non à l'exercice d'un profession est à tout le moins ambiguë alors qu'il est aujourd'hui reconnu que la bénéficiaire de la reprise avait une double activité de salariée et d'administratrice de deux sociétés luxembourgeoises ; que le congé litigieux n'apparaît pas ainsi conforme aux exigences de l'article L. 411-47 du Code rural ; que toutefois, étant relevé que la dissimulation du domicile véritable de Mme X..., comme de son activité professionnelle, pouvait être de nature, en l'absence des éléments extrinsèques au congé litigieux, à occulter les obligations de l'intéressée au regard des régimes du contrôle des structures ou à ne pas permettre de vérifier la régularité de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 411-59 du Code rural, il apparaît en l'occurrence que M. Pierre A..., en raison d'une instance distincte, opposant les parties relativement à un congé précédent également délivré pour reprise au profit de Madame Celina X... et qui se trouvait pendante devant la Cour lors de la délivrance du congé du 23 mars 2006, avait à cette dernière date une connaissance suffisante de la situation réelle de la bénéficiaire de la reprise, et que l'inexactitude et l'omission affectant le congé litigieux n'étaient pas alors de nature à l'induire en erreur ce qui résulte suffisamment des termes de la requête par laquelle il avait saisi le Tribunal Paritaire en faisant valoir que Mme X... devait justifier d'une autorisation administrative préalable d'exploiter et qu'elle ne répondait pas aux conditions exigées par l'article L. 411-59 du Code rural ; qu'il n'y pas lieu à annulation du congé du 23 mars 2006 pour vices de forme ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le congé doit désigner avec précision le bénéficiaire de la reprise, sa profession, son âge et son domicile, afin de permettre au preneur de vérifier si les conditions de la reprise sont réunies ; qu'est ainsi nul le congé qui est de nature à induire le preneur en erreur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que le congé litigieux n'apparaissait pas conforme aux exigences de l'article L. 411-47 du Code rural, et tout en relevant que la bénéficiaire de la reprise avait dissimulé son domicile et son activité professionnelle, ce qui était de nature à induire M. A... en erreur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article L. 411-47 du Code rural ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant pour statuer comme elle l'a fait que M. A... « en raison d'une instance distincte, opposant les parties relativement à un congé précédent et qui se trouvait pendant devant la Cour lors de la délivrance du congé du 23 mars 2006, avait à cette dernière date une connaissance suffisante de la situation réelle de la bénéficiaire de la reprise, et que l'inexactitude et l'omission affectant le congé litigieux n'étaient pas alors de nature à l'induire en erreur », la Cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants fondés sur une précédente procédure qui avait donné lieu à un arrêt du 18 septembre 2007 ayant annulé un précédent congé fondé sur les mêmes erreurs, n'a pas légalement justifié sa décision au regard du même texte.