LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 juin 2010), que, par actes authentiques des 30 avril et 7 juillet 2005, M. X... a vendu aux époux Y... deux parcelles de terre ; que, n'ayant pu obtenir le transfert des droits à paiement unique qu'ils considéraient comme prévus par ces actes de vente, les époux Y... ont assigné le vendeur en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande et, avant dire droit sur l'évaluation du préjudice subi, d'ordonner une expertise, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de délivrance à la charge du vendeur ne concerne que la chose vendue et ses accessoires, soit les éléments indispensables à son usage ou à sa transmission ; que tel n'est pas le cas des droits à paiement unique, aides communautaires, dont l'absence ne saurait faire obstacle à l'exploitation des parcelles vendues et qui ne sauraient donc constituer un accessoire de la chose vendue ; qu'en décidant que M. X... aurait manqué à son obligation de délivrance des parcelles vendues car les droits à paiement unique n'ont pas été transférés aux acquéreurs, la cour d'appel a violé l'article 1615 du code civil ;
2°/ qu'aux termes des actes de vente, M. X... s'était engagé uniquement à entreprendre toutes démarches nécessaires à l'établissement des droits au paiement après avoir convenu avec les acquéreurs que la période dans laquelle se situaient les actes ne permettait pas d'envisager toutes les conséquences relatives au transfert de ces droits et que les parties convenaient que l'opération entraînerait le transfert de tous les droits qui pourraient être établis conformément à la législation en vigueur ; que comme le reconnaissaient les acquéreurs, les ventes étaient intervenues alors qu'une réforme de la politique agricole commune était en cours, modifiant fondamentalement les modalités de calcul et de versement d'un certain nombre d'aides, la modification essentielle portant sur le fait que la vente du foncier n'entraînait plus obligatoirement le transfert des aides correspondantes ; que dans ces conditions, M. X... ne pouvait s'engager à céder effectivement des droits ou aides communautaires dont les modalités de calcul et de versement n'étaient pas encore établies et qui, de surcroît, étaient susceptibles d'être sensiblement modifiées par rapport au système antérieur ; qu'en décidant cependant qu'aux termes des contrats de vente, M. X... s'était indiscutablement engagé à céder les droits à paiement unique dont il s'affirmait être le titulaire, la cour d'appel a dénaturé les contrats et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que M. X... a soutenu que les terres avaient été achetées en l'état avec uniquement l'obligation d'effectuer toutes les démarches administratives susceptibles de permettre à M. et Mme Y... de bénéficier des droits à paiement unique, et qu'ainsi, les aides à la production ne pouvaient constituer un droit acquis ; qu'il s'en suit que le prix de vente des terrains ne pouvait englober la valeur des droits à paiement unique dont le transfert n'était pas assuré ; qu'en relevant, pour considérer que M. X... s'était engagé à céder les droits à paiement unique, que ce dernier ne contestait pas que le prix de vente des terrains comprenait celui de ces droits, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de l'acte de vente rendait nécessaire, que M. X... s'était engagé à céder les droits à paiement unique dont il s'affirmait être le titulaire, la délivrance de ceux-ci n'étant subordonnée qu'à des démarches administratives, et qu'il ne contestait pas que le prix de vente des terrains comprenait celui de ces droits, la cour d'appel a pu, sans modifier l'objet du litige, en déduire que les époux Y..., auxquels les droits à paiement unique n'avaient pas été délivrés, étaient fondés à obtenir une indemnisation de leur vendeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer aux époux Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour M. X...
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... avait failli à son obligation de délivrance envers les époux Y...- Z... et, avant dire droit sur l'évaluation du préjudice subi par les acquéreurs, d'avoir ordonné une expertise,
AUX MOTIFS QUE aux termes des actes de vente, il était précisé : un règlement du conseil européen portant réforme de la PAC n° 1782/ 2003 du 29 septembre 2003 et un règlement de la commission européenne du 21 avril 2004 n° 795/ 2004 créent des droits au paiement appartenant à l'exploitant agricole, qu'il soit propriétaire ou non du bien qu'il exploite ; que ces règlements laissent aux Etats membres le soin de fixer certaines modalités d'application non connues à ce jour ; que la période dans laquelle se situe le présent acte ne permet pas d'envisager toutes les conséquences relatives au transfert de ces droits ; que le vendeur et l'acquéreur conviennent que la présente opération entraîne le transfert de tous les droits à paiement unique proportionnellement attachés aux parcelles vendues, tels que ces droits seront établis conformément à l'article 43 du règlement CE du 29 septembre 2003 ; que le vendeur et ses ayants droits s'engagent à entreprendre toutes les démarches administratives nécessaires à l'établissement des droits à paiement unique au plus tard le 15 mai 2006 ; que parallèlement, le nouvel exploitant devra déposer une demande de paiement au titre des droits acquis ; que le vendeur et ses ayants droits s'engagent à mettre en valeur une parcelle d'au moins 30 ares à la date du 15 mai 2006 et à ne pas cesser totalement son activité d'agriculteur au sens de la réglementation européenne, en vue de garantir la bonne fin de la clause de transfert ; que la cour considère que par cette clause contractuelle, M. Bernard X... s'est engagé à céder les droits à paiement unique dont il s'affirmait être le titulaire, la délivrance de ceux-ci n'étant subordonnée qu'à des démarches administratives ; que d'ailleurs, M. X... ne conteste pas que les prix de vente des terrains comprenaient celui de ces droits ; que contrairement à cette affirmation, M. Bernard X... ne démontre pas avoir jamais été titulaire de ces droits ainsi qu'il ressort de la lettre qui lui a été adressée le 11 mars 2010 par M. Le Directeur Départemental des territoires qui écrit « vous avez engagé une cession de droits à paiement unique que vous ne déteniez pas en propriété à la date de la signature du contrat de cession ; que les droits à paiement unique correspondant à l'exploitation des parcelles en cause ayant été attribués à M. Antoine X... au cours de la période de référence (2000, 2001 et 2002), vous n'étiez pas compétent pour opérer un quelconque transfert de ces droits à paiement unique ; que l'article 1615 du code civil précise que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires ; que dès lors force est de constater que les droits à paiement unique cédés par M. Bernard X... et accessoires aux parcelles de terre vendues n'ont pas été délivrés par lui à ses acquéreurs, peu important comme il s'en défend qu'il ait accompli les démarches administratives nécessaires au transfert de droits dont il n'était pas titulaire ; que par conséquent les époux Y...- Z... sont fondés, par l'application de l'article 1611 du code civil, à obtenir de leur vendeur l'indemnisation du défaut de délivrance des droits à paiement unique accessoires des terres vendues, de sorte que le jugement critiqué sera infirmé ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'obligation de délivrance à la charge du vendeur ne concerne que la chose vendue et ses accessoires, soit les éléments indispensables à son usage ou à sa transmission ; que tel n'est pas le cas des droits à paiement unique, aides communautaires, dont l'absence ne saurait faire obstacle à l'exploitation des parcelles vendues et qui ne sauraient donc constituer un accessoire de la chose vendue ; qu'en décidant que M. X... aurait manqué à son obligation de délivrance des parcelles vendues car les droits à paiement unique n'ont pas été transférés aux acquéreurs, la cour d'appel a violé l'article 1615 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, aux termes des actes de vente, Monsieur X... s'était engagé uniquement à entreprendre toutes démarches nécessaires à l'établissement des droits au paiement après avoir convenu avec les acquéreurs que la période dans laquelle se situaient les actes ne permettait pas d'envisager toutes les conséquences relatives au transfert de ces droits et que les parties convenaient que l'opération entraînerait le transfert de tous les droits qui pourraient être établis conformément à la législation en vigueur ; que comme le reconnaissaient les acquéreurs, les ventes étaient intervenues alors qu'une réforme de la politique agricole commune était en cours, modifiant fondamentalement les modalités de calcul et de versement d'un certain nombre d'aides, la modification essentielle portant sur le fait que la vente du foncier n'entraînait plus obligatoirement le transfert des aides correspondantes ; que dans ces conditions, M. X... ne pouvait s'engager à céder effectivement des droits ou aides communautaires dont les modalités de calcul et de versement n'étaient pas encore établies et qui, de surcroît, étaient susceptibles d'être sensiblement modifiées par rapport au système antérieur ; qu'en décidant cependant qu'aux termes des contrats de vente, M. X... s'était indiscutablement engagé à céder les droits à paiement unique dont il s'affirmait être le titulaire, la cour d'appel a dénaturé les contrats et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QU'ENFIN, M. X... a soutenu que les terres avaient été achetées en l'état avec uniquement l'obligation d'effectuer toutes les démarches administratives susceptibles de permettre à M. et Mme Y... de bénéficier des droits à paiement unique, et qu'ainsi, les aides à la production ne pouvaient constituer un droit acquis ; qu'il s'en suit que le prix de vente des terrains ne pouvait englober la valeur des droits à paiement unique dont le transfert n'était pas assuré ; qu'en relevant, pour considérer que M. X... s'était engagé à céder les droits à paiement unique, que ce dernier ne contestait pas que le prix de vente des terrains comprenait celui de ces droits, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.