LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
DECLARE non admis le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à la commune de Saint-Germain-sur-Moine la somme de 2 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille onze.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté le statut de chemin rural du chemin dit de « La Grande Largère » permettant l'accès entre le chemin rural n°8 et la ferme de « La Grande Largère » ; condamné sous astreinte Monsieur Hervé X... à supprimer les obstacles édifiés empêchant l'accès et l'usage du chemin rural n°29 dit de « La Grande Largère » et notamment les poteaux, le portail, la boîte aux lettres et le panneau indiquant la propriété privée ; dit que Monsieur Hervé X... devra s'abstenir de toute action tendant à empêcher l'accès et l'usage du chemin rural n°29 dit de « La Grande Largère » ;
AUX MOTIFS QUE l'appelant refuse de libérer l'accès au chemin litigieux dont il revendique la propriété exclusive, en contestant, d'abord que cette voie ait jamais été affectée à l'usage du public, ensuite que la commune dispose d'un titre quelconque, justifiant de sa propriété ; sur l'affectation du chemin à l'usage du public : qu'Hervé X... déduit a contrario de la présomption posée à l'article L161-3 du Code rural – aux termes duquel « tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé » - que le chemin litigieux n'étant pas affecté au passage du public mais à celui exclusif des occupants de la ferme, serait nécessairement privé ; qu'il est exact que l'affectation à l'usage du public participe de la définition des chemins ruraux figurant à l'article L 161-1 du Code rural, lequel dispose que « les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales » ; que, toutefois, cette destination ne s'induit pas exclusivement d'une circulation publique effective et pérenne sur le chemin, caractérisée par le passage régulier de non-riverains, mais encore d'actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale, ainsi qu'il résulte de l'article L 161-2 qui permet, à partir de tels actes, de présumer l'affectation à l'usage du public ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat que la commune de ST-GERMAIN-SUR-MOINE a fait dresser le 22 janvier 2008 et des photographies qui lui sont annexées qu'il n'existe aucune rupture entre le chemin litigieux et le CR 8 sur lequel il débouche, les deux voies présentant le même revêtement bitumeux, en bon état, posé et lissé sans interruption ni reprise apparente jusqu'aux bâtiments de la ferme de la « Grande Largère » ; qu'il s'en déduit que le chemin a été entretenu et rechargé en bitume régulièrement par la commune dans le même temps que le CR 8 sur lequel il débouche ; qu'en outre, l'huissier a constaté que l'accès à la ferme de « La Grande Largère » était annoncé par des panneaux indicateurs posés sur la voie publique, et matérialisant le tracé du chemin comme le démontre le cliché photographique joint au constat (d'après la pièce n°15 de l'intimée) ; que ces éléments caractérisent des actes de voirie réitérés, récents et publics, par lesquels la commune a manifesté sans équivoque l'existence d'une voie de passage ouverte à tous ; que Hervé X... n'apporte la preuve d'aucun acte d'appropriation contraire, hormis la voie de fait qu'il a commise en 2006, dont il convient de rappeler qu'elle est l'objet de la présente instance, et une facture d'empierrement relative au chemin litigieux, réglée par son aïeul en avril 1939 ; que cette pièce témoignant d'un entretien du chemin par les propriétaires de la ferme est non seulement unique, mais encore et surtout antérieure aux opérations de création ou de reconnaissance des chemins ruraux de la commune de ST-GERMAIN-SUR-MOINE, clôturées par une décision de la commission départementale des chemins ruraux du 27 juillet 1939, validée par le Préfet, le 22 août suivant ; qu'elle ne saurait faire foi d'un entretien régulier ou d'actes d'appropriation ou d'usage permettant de détruire la présomption d'affectation à l'usage du public résultant de l'article L 161-2 ;
ET QUE sur l'absence de titre de propriété, Hervé X... persiste à soutenir que la commune de ST-GERMAIN-SUR-MOINE ne disposerait d'aucun titre justifiant de sa propriété dès lors que la procédure engagée en 1938 n'a pas abouti à un transfert de propriété effectif sur l'assiette du chemin au profit de la commune de ST-GERMAIN-SUR-MOINE ; qu'il conteste que son auteur ait volontairement offert à cette commune une partie de ses terres pour la création d'un chemin communal et souligne que l'intimée n'est pas en mesure de produire un acte de vente constatant une telle cession ; que, d'abord, Hervé X... a, en saisissant la commune d'une requête en rétrocession, implicitement mais nécessairement reconnu que la voie desservant sa ferme relevait du domaine privé de celle-ci ; qu'il n'est donc plus recevable à contester cette propriété, par voie d'exception à une action en protection possessoire du même chemin ; qu'ensuite, le tribunal a détaillé de manière exhaustive le processus ayant conduit à faire entrer le Chemin de la Grande Largère dans le domaine privé de la commune, en relevant que le conseil municipal avait délibéré le 12 décembre 1938 sur la création de plusieurs voies rurales, et que cette classification, qui figure au plan cadastral, avait été adoptée au terme d'une procédure qui s'est notamment traduite par une enquête publique dont le rapport n'a pas été contesté, et par une délibération du 27 juillet 1939 de la commission départementale des chemins, suivie, le 22 août 1939, d'une approbation par le préfet du plan matérialisant les chemins ruraux de la commune, au nombre desquels figure le chemin de la Grande Largère, désigné comme le CR 29 ; que le moyen, qui procède de l'affirmation que ce transfert de propriété ne pouvait se réaliser sans un acte distinct de cession volontaire de l'assiette des chemins, revient à contester la validité de la procédure administrative alors suivie pour parvenir à la création des chemins ruraux ; qu'or, une telle contestation relève de la sphère de compétence exclusive du juge administratif, une fois de plus ; qu'il s'ensuit que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a constaté que le chemin de la Grande Largère revêtait les caractères d'un chemin rural, affecté à l'usage du public, et relevait d'une protection possessoire justifiant la suppression immédiate des obstacles, entraves et signes de propriété privative apposés par Hervé X... à l'intersection de ce chemin avec le CR 8 ,
1/ ALORS QUE ne présente pas le caractère d'un chemin rural le chemin dont l'affectation au public n'est pas établie en l'absence de preuve d'une circulation publique et continue et à défaut d'entretien par la commune sur le registre de laquelle il n'est pas inscrit ; qu'en retenant, pour décider le contraire, les mentions du procès-verbal de constat dressé à la requête de la commune en vue de la procédure par elle engagée quelques semaines plus tard soulignant opportunément la continuité physique du revêtement bitumeux recouvrant le chemin litigieux et le CD 8 sur lequel il débouche et l'existence d'actes d'entretien réalisés par la commune à une époque non précisée, quand il leur incombait, sans se contenter par ailleurs d'invoquer la compétence administrative pour apprécier la validité de la création des chemins ruraux, de constater que le chemin prétendument rural présentait toutes les caractéristiques légalement exigées par la loi, les juges du fond ont violé l'article 1315 du Code civil, ensemble les articles L 161-1 à L 161-3 du Code rural ;
2/ ALORS QUE celui qui soutient être propriétaire d'un fonds est fondé à invoquer, à titre de présomption, les titres translatifs ou déclaratifs de propriété ; qu'en l'espèce, en tenant pour dénués de portée de tels documents qui contredisaient le droit de propriété allégué par la commune de ST-GERMAIN-SUR-MOINE sur le chemin tracé depuis son origine sur le domaine de La Grande Largère, la Cour d'appel a violé les articles L 621-1 à L 621-3 du Code rural.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à la commune de ST-GERMAIN-SUR-MOINE la somme de 1.000 € « en réparation de la voie de fait qu'il a commise en fermant l'accès du CR 29 » ;
AUX MOTIFS QU' il ressort du contexte dans lequel le présent litige prend racine que Hervé X... a fermé l'accès du CR 29, puis déplacé sa boîte aux lettres à l'entrée de ce chemin en réaction à la délibération du conseil municipal du 29 mai 2006, lui ayant refusé la rétrocession du chemin ; qu'il s'est ainsi approprié le chemin rural sans verser la moindre indemnité, au seul motif qu'il ne desservait que sa propriété ; que de tels faits sont incontestablement constitutifs d'une voie de fait, attentatoire à la propriété d'autrui, et appellent, en eux-mêmes, réparation ; que la commune de ST-GERMAIN-SUR-MOINE n'invoquant aucune dégradation matérielle de son chemin, ne sera indemnisée que de son préjudice moral ; qu'une somme de 1.000 € en assurera la juste réparation ;
1/ ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera inéluctablement, par voie de conséquence et en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile, celle du chef du dispositif critiqué par le présent moyen ;
2/ ALORS QUE, pour indemniser un préjudice moral dû à une voie de fait, les juges doivent relever une atteinte violente à une situation légitime ; qu'en se contentant, après avoir dit que le chemin menant à son immeuble était un chemin rural, de postuler la voie de fait de ce que Monsieur X... avait fermé l'entrée de ce chemin à une époque au cours de laquelle, à son instar, la commune en revendiquait la propriété qui n'était pas encore judiciairement tranchée, la Cour d'appel a violé les articles 545 et 1315 du Code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790.