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06/07/2011 | FRANCE | N°10-23897

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 juillet 2011, 10-23897


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que lorsqu'elles ont le même objet, une procédure pénale et une procédure civile qui se sont succédé doivent être considérées dans leur ensemble pour apprécier le caractère raisonnable des délais de jugement ;

Attendu que M. X..., qui avait été victime d'un accident du travail le 21 mars 1993, a déposé une plainte avec constitution de partie civile le 27

mars 1996 ; que par arrêt du 17 mai 2001, M. Y..., gérant de fait de la société qui l'emp...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que lorsqu'elles ont le même objet, une procédure pénale et une procédure civile qui se sont succédé doivent être considérées dans leur ensemble pour apprécier le caractère raisonnable des délais de jugement ;

Attendu que M. X..., qui avait été victime d'un accident du travail le 21 mars 1993, a déposé une plainte avec constitution de partie civile le 27 mars 1996 ; que par arrêt du 17 mai 2001, M. Y..., gérant de fait de la société qui l'employait, a été pénalement condamné pour le délit de blessures involontaires ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 22 juin 2002 ; que le 12 septembre 1997, M. X... a parallèlement saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; que par arrêt confirmatif du 3 février 2005 la cour d'appel de Nîmes a reconnu le caractère inexcusable de la faute commise par Mme Y..., gérante de droit de la société ; que, par jugement du 13 avril 2006, un tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné une nouvelle expertise médicale ; que M. X... a fait assigner l'agent judiciaire du Trésor en réparation de son préjudice pour déni de justice ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt attaqué retient que la preuve d'une déficience du service public de la justice n'était rapportée ni en ce qui concernait la procédure pénale ni en ce qui concernait la procédure devant les juridictions des affaires de sécurité sociale ;

Qu'en statuant ainsi, en analysant séparément et non globalement les deux procédures qui tendaient aux mêmes fins, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne l'Agent judiciaire du Trésor aux dépens ;

Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne l'Agent judiciaire du Trésor au paiement d'une indemnité de 2 500 euros à la SCP Ortscheidt ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... d'avoir rejeté son action en responsabilité contre l'Etat sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L. 141-1 du même code, et de sa demande tendant à la condamnation de l'Agent judiciaire du Trésor à lui verser 50. 000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant de la procédure pénale ? il fait grief au service public de la justice de n'avoir délivré une décision définitive que neuf années après l'accident ; que les premiers juges retiennent exactement que la plainte avec constitution de partie civile qui a mis en mouvement l'action publique, n'a été déposée que trois ans après les faits ;
que l'information a nécessité des investigations particulières dans une affaire complexe et discutée, à l'effet de déterminer les responsabilités encourues, lesquelles ont conduit le magistrat instructeur à prononcer une décision de non-lieu à l'égard de la gérante de droit de la sarl « Y... Provence Hydraulique », pour renvoyer seulement le gérant de fait devant le tribunal correctionnel pour qu'il réponde de l'infraction poursuivie, de sorte que les premiers juges en ont exactement déduit que la durée de l'instruction ne permettait pas de mettre en évidence une carence du service public de la justice, tandis que les délais de comparution des parties devant la juridiction de renvoi n'ont présenté aucun caractère anormal ; que par ailleurs, si la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence n'a prononcé son arrêt confirmatif que le 17 mai 2001, c'est en raison de la nécessité de veiller au déroulement d'un procès équitable pour le prévenu dont l'état de santé ne permettait pas sa comparution à l'audience initialement fixée au 10 février 2000, la Cour ayant alors décidé de faire entendre le prévenu dans les conditions de l'article 416 du code de procédure pénale, ce qui n'a pu être réalisé sur commission rogatoire que le 25 octobre 2000, étant précisé que les délais de fixation de la nouvelle audience de débats au 8 mars 2001 étaient raisonnables compte tenu de la nécessité de veiller au respect du principe de la contradiction au résultat de cette audition ; que la durée d'instruction du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt du 17 mai 2001 ne présente pas davantage de caractère anormal, de sorte que la preuve d'une déficience du service public de la justice, caractéristique de la faute lourde définie supra, n'est pas rapportée en ce qui concerne la procédure pénale ; que sur la procédure devant les juridictions des affaires de sécurité sociale ; qu'en l'état de l'ancienne définition jurisprudentielle de la faute inexcusable de l'employeur en matière d'accident du travail, les parties se sont volontairement abstenues d'effectuer des actes de procédure dans l'attente d'une décision pénale passée en force de chose jugée, susceptible d'avoir une incidence sur la solution du litige ; qu'ainsi, les débats devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Avignon ayant eu lieu 10 mois après le prononcé de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, aucun manquement du service public de la justice n'est caractérisé à ce stade de la procédure ; que si la Cour d'Appel de Nîmes n'a elle-même statué que par un arrêt du 3 février 2005, c'est en raison des demandes présentées par les parties, (notamment par le conseil de M. X... pour cause d'intempéries rendant difficiles les conditions de circulation) pour faire reporter les précédentes dates retenues pour les débats, les différentes demandes de remise des dates d'audience étant justifiées, sans qu'aucun manquement puisse être imputé au service public de la justice ; que M. X... ne saurait faire grief à la cour d'appel de Nîmes de n'avoir pas évoqué les points non jugés, dès lors que l'évocation qui porte atteinte au principe du double degré de juridiction, n'est qu'une simple faculté pour le juge, étant précisé qu'il est indifférent que les débats ultérieurs aient conduit le tribunal des affaires de sécurité sociale à annuler, pour non-respect du contradictoire, les opérations d'expertise ordonnées le 12 juin 2003 ; qu'ainsi en l'absence de déni de justice ou de faute lourde démontrée, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a débouté M. X... de ses demandes, sans qu'il y ait lieu de rechercher, comme la Cour y est invitée par l'Agent Judiciaire du Trésor, si la longueur de la procédure a pu être préjudiciable au demandeur en considération des règles spécifiques d'indemnisation des accidents du travail ;

ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE sur la procédure pénale, il ressort des pièces du dossier que l'accident de travail dont M. X... a été victime s'est produit le 27 avril 1993 ; qu'il a déposé plainte avec constitution de partie civile le 27 mars 1996, soit près de trois ans après les faits ; que le délai de la procédure pénale dont a été saisie la juridiction pénale ne peut donc être calculé qu'à compter de cette dernière date et la mise en mouvement tardive de l'action publique ne saurait être imputée à un dysfonctionnement du Service de la Justice ; que l'instruction ouverte à la suite de la plainte, le 24 juin 1996, clôturée par ordonnance de renvoi du 8 juin 1998, a donc duré deux années et aucune carence du juge d'instruction, aucune déficience dans la conduite des investigations n'est à cet égard établie ; que le délai d'instruction de deux années ne peut être considéré à priori, et à défaut de rapporter la preuve, incombant à Monsieur X..., de retards ou négligences fautives, comme anormal et injustifié, s'agissant au demeurant d'une procédure de blessures involontaires, complexe et discutée ; que le tribunal correctionnel a audiencé la procédure le 23 février 1999 soit 8 mois environ après la clôture ; que ce délai n'est également pas anormal et excessif s'agissant d'une procédure sans détenu ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sur appel de l'employeur, a rendu un arrêt confirmatif le 17 mai 2001, après arrêt avant dire droit, ordonnant l'audition du prévenu du 10 février 2000, conformément à l'article 416 du code pénal, en raison de son état de santé, audition réalisée le 25 octobre 2000 ; que ce délai de 27 mois pour juger l'appel, justifié notamment par des raisons externes au service public à savoir la nécessité d'une audition particulière du prévenu malade et du respect des droits de la défense, ne peut être considéré également comme excessif ; qu'ainsi, la durée de la procédure pénale de l'engagement des poursuites le 27 mars 1996 à l'arrêt définitif du 17 mars 2001, soit 5 ans ne révèle pas de délai anormal, s'agissant d'une procédure complexe, contestée, d'une procédure avec double degré qui a été normalement freinée par les empêchements (justifiées par expertise) du prévenu et pour laquelle aucune carence ou inactivité fautive des magistrats n'est spécifiquement démontrée, aucun délai anormal d'audiencement, en considération des délais courants et habituels de fixation, n'est établie ; qu'en considération de ces éléments, il y a lieu de relever que l'Etat n'a pas en l'espèce manqué à son devoir de protection juridictionnelle ; qu'aucune faute lourde du service, aucun déni de justice par les fonctionnaires de justice ne sont établis ; sur la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que l'indemnisation du préjudice de M. X... relevait de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale ; que cette juridiction a été saisie par M. X... le 12 septembre 1997, soit plus de quatre ans après l'accident ; que le retard et le dysfonctionnement invoqués par ce dernier ne peuvent donc être pris en compte qu'à partir de cette seule date ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale constatant que l'issue de la demande était susceptible d'être influencée par la procédure pénale a rendu sa décision le 10 avril 2003, rappelant expressément que " la décision pénale peut servir d'indication à sa propre décision " ; que dès lors, l'arrêt de la Cour d'Appel en matière correctionnelle datant du 17 mai 2001, le tribunal des affaires de sécurité sociale a estimé nécessaire d'attendre ledit arrêt pour statuer ; qu'au demeurant, M. X..., dans ses conclusions, s'est appuyé sur la condamnation pénale de l'employeur, confirmant ainsi le bien fondé du sursis à statuer, qu'il ne peut donc aujourd'hui dénoncer ; que l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes (sur appel de M. Y...) est intervenu le 3 février 2005 ; que ce délai de presque deux ans n'apparaît pas indiscutablement excessif ; qu'il est justifié par les demandes de renvoi des avocats alors que la fixation initiale était établie au 2 décembre 2003 ; qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de relever qu'aucun dysfonctionnement fautif du tribunal des affaires de sécurité sociale et de la cour d'appel n'est établi, ces juridictions ayant statué dans des délais qui ne peuvent être considérés comme anormaux et manifestement excessifs ;

1) ALORS QUE le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire s'apprécie de manière globale si les procédures engagées tendent aux mêmes fins ; que les procédures pénale et civile successivement engagées par M. X... tendaient à la reconnaissance de la faute commise par son employeur dans la survenance de l'accident de travail dont il avait été la victime et à l'indemnisation de ses préjudices, de sorte qu'elles devaient être considérées dans leur ensemble ; que les dix années écoulées entre le 27 mars 1996, date du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile de M. X..., et la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale, le 13 janvier 2006, qui ne consacrait pas encore les droits à indemnisation de la victime, excédaient le délai raisonnable visé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui constituait un déni de justice au sens de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L. 141-1 du même code ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L. 141-1 du même code ;

2) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire s'apprécie de manière concrète en prenant en compte, dans la mesure où le juge a connaissance de tels éléments, de l'intérêt qu'il peut y avoir pour l'une ou l'autre partie, compte tenu de sa situation particulière, des situations propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans apprécier le caractère raisonnable du délai de jugement des instances compte tenu de la situation particulière de M. X..., victime d'un accident du travail dont l'action en reconnaissance de la faute inexcusable commise par son employeur et l'indemnisation des préjudices dépendaient des procédures engagées, et de son intérêt à que le litige soit tranché rapidement, la cour d'appel a privé sa décision sa décision de base légale au regard de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L. 141-1 du même code ;

3) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'État est néanmoins engagée si la durée de l'une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive ; que la durée de la procédure pénale, initiée le 27 mars 1996 par le dépôt de la plainte de l'exposant et achevée par l'arrêt de rejet de la Cour cassation du 25 juin 2002, était excessive ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L. 141-1 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-23897
Date de la décision : 06/07/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 19 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jui. 2011, pourvoi n°10-23897


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23897
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