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06/07/2011 | FRANCE | N°10-18643

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 juillet 2011, 10-18643


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'alors qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, M. Paul X... et Mme Michèle Y... ont fait l'acquisition d'un immeuble ; qu'il est indiqué à l'acte que l'épouse en sera la nue-propriétaire et que l'usufruit est acquis conjointement et indivisément pour moitié par chacun des époux ; qu'après le prononcé, en 1997, de leur divorce aux torts exclusifs du mari, M. X... a réclamé à Mme Y... une indemnité pour l'occupation par celle-ci de l'immeuble ; que le tribunal a

accueilli cette demande ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

At...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'alors qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, M. Paul X... et Mme Michèle Y... ont fait l'acquisition d'un immeuble ; qu'il est indiqué à l'acte que l'épouse en sera la nue-propriétaire et que l'usufruit est acquis conjointement et indivisément pour moitié par chacun des époux ; qu'après le prononcé, en 1997, de leur divorce aux torts exclusifs du mari, M. X... a réclamé à Mme Y... une indemnité pour l'occupation par celle-ci de l'immeuble ; que le tribunal a accueilli cette demande ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 578, 582 et 1009-1, alinéa premier, du code civil ;

Attendu que selon le dernier de ces textes, quand un époux acquiert un bien avec les deniers qui lui ont été donnés par l'autre à cette fin, la donation n'est que des deniers et non du bien auquel ils sont employés ;

Attendu qu'après avoir constaté que la donation consentie à M. X... par Mme Y... n'a porté que sur la somme de 95 000 francs donnée et non sur le bien pour l'acquisition duquel elle a été employée, et relevé qu'elle a été révoquée de plein droit par l'effet du jugement de divorce, l'arrêt infirmatif attaqué retient que celui-ci n'ayant ainsi participé en aucune manière au financement de l'acquisition du bien indivis, il y a lieu de le débouter de sa demande d'indemnité d'occupation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la révocation de la donation n'avait pas privé M. X... de ses droits indivis d'usufruitier, de sorte que Mme Y..., jouissant seule de l'immeuble, était redevable d'une indemnité à l'indivision, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Michèle Y... et la condamne à payer à M. Paul X... une somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a dit que la donation de 95.000 francs ayant servi à l'acquisition de la part d'usufruit de M. X... a été révoquée de plein droit et l'a débouté de sa demande tendant au paiement par Mme Y... d'une indemnité d'occupation ;

AUX MOTIFS QUE «les parties se sont mariées le 31 mars 1984 sous le régime de la séparation de biens selon contrat du 1er février 1984 ; que suivant acte du 28 juillet 1987, elles ont acquis un bien immobilier à ROQUEFORT LES PINS pour "l'usufruit conjointement et indivisément entre eux ou à raison de moitié de chacun", Mme Y... faisant seule l'acquisition de la nue propriété de ce bien ;

que leur divorce a été prononcé aux torts exclusifs de M. X... par jugement du 1er décembre 1997 ; que par jugement du 12 janvier 2007, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a avant dire droit sur le montant de l'indemnité due par Mme Y... à M. X... à compter du 2 mai 2000, du fait de l'occupation privative du bien dont l'usufruit est en indivision, commis en qualité d'expert Mme A... pour rechercher année par année, la valeur locative de ce bien ; qu'au vu du rapport d'expertise de Mme A... le tribunal a dit qu'il était du à l'indivision par Mme Y... une indemnité de 100.760 euros jusqu' au 31 juillet 2007 outre une indemnité mensuelle de 650 euros ; que M. X... conclut à la confirmation de cette décision ; que Mme Y... demande qu'il soit débouté de sa demande d'indemnité d'occupation, faisant valoir qu'elle a payé de ses deniers la part d'usufruit à l'intimé et que cette donation a été révoquée de plein droit par le jugement prononçant le divorce aux torts de celui-ci qui n'est ainsi plus titulaire de la moitié de l'usufruit ; que Mme Y... a déjà contesté en première instance que M. X... soit titulaire d'une part d'usufruit et que son argumentation, qui tend aux mêmes fins que celle développée devant le premier juge, à savoir la reconnaissance de la propriété du bien et le rejet des prétentions adverses, ne peut être considérée comme nouvelle par application de l'article 565 du code de procédure civile ; que le jugement du 12 janvier 2007, qui a seulement ordonné une mesure d'instruction sur le montant de l'indemnité d' occupation due par Mme Y..., n'a, conformément à l'article 482 du code de procédure civile, pas l'autorité de la chose jugée ; qu'il est établi par les pièces versées aux débats et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que Mme Y... à remis à M. X... un chèque de 95.000 francs pour lui permettre de régler le prix d'acquisition de la moitié de l'usufruit ; qu'il n'est pas soutenu que l'intimé a remboursé cette somme ni que Mme Y... lui en a, pendant le mariage, demandé le remboursement ; que la remise de ce chèque, réalisant la tradition par le dessaisissement irrévocable des tireurs au profit du bénéficiaire qui a acquis immédiatement la propriété de la provision, s'analyse en un don manuel ; qu'aux termes de l'article 267 du code civil, dans sa rédaction applicable à l' espèce, "quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux, celui-ci perd de plein droit toutes les donations que son conjoint lui avait consenties, soit lors du mariage, soit après"; que le divorce des parties ayant été prononcé aux torts exclusifs de M. X... et Mme Y... invoquant le bénéfice des dispositions précitées, la perte de plein droit des avantages matrimoniaux s'applique au don manuel de 95.000 francs ; que sur l'application de l'article 2224 du code civil, que Mme Y... disposait avant l'entrée en vigueur de ce texte d'un délai de 30 ans pour invoquer les dispositions de l'article ancien du même code ; que le délai de prescription de l'article 2224 courait à partir de l'entrée en vigueur de l'ancienne loi, sans pouvoir dépasser l'ancien délai de prescription et l'article 2224 ayant été modifié par la loi du 17 juin 2008, Mme Y... avait en toute hypothèse jusqu'en juin 2013 pour se prévaloir des dispositions de l'article 267 ancien du code civil, et que le moyen tiré de la prescription doit être écartée ; que conformément à l'article 1099-1 du code civil, la donation consentie à M. X... n'a porté que sur la somme donnée et non sur le bien auquel elle a été employée, mais que les droits de Mme Y... sont d'une somme d'argent suivant la valeur actuelle du bien ; que si Mme Y..., qui avait souscrit pour financer une partie du prix d'acquisition du bien un prêt garanti par le cautionnement de M. X..., ainsi qu'une assurance sur leurs deux têtes, a bénéficié d'une prise en charge d'une partie des échéances du prêt à la suite de l'invalidité de M. X..., ceci est sans influence sur la perte de celui-ci de la donation dont il avait été bénéficiaire, étant au surplus observé que le jugement du 12 janvier 2007 l'a débouté de sa demande en remboursement des échéances réglées par la compagnie d'assurance ; que M. X... n'ayant ainsi participé en aucune manière au financement de l'acquisition du bien indivis, il y a lieu, alors que rien d'autre n'est susceptible de lui revenir dans la liquidation de l'indivision, de le débouter de la demande en paiement d'une indemnité d'occupation qu'il a formée contre Mme Y... (arrêt p.3-4) ;

ALORS QUE le don manuel suppose l'intention libérale ; qu'au cas d'espèce, M. X... faisait valoir que la remise par Mme Y... d'une somme de 95 000 francs, qui lui avait servi à acquérir une quote-part de l'usufruit de la maison, avait une double contrepartie puisque, d'une part, M. X... s'était porté caution de l'emprunt souscrit par Mme Y... pour acquérir la nue-propriété et l'autre quote-part indivise de l'usufruit du bien et que, d'autre part, il avait souscrit une assurance destinée à régler les échéances du prêt en cas d'invalidité, hypothèse qui s'était d'ailleurs réalisée par la suite (conclusions d'appel en date du 18 décembre 2009, p. 9) ; qu'en se bornant à dire que le cautionnement et la souscription d'assurance par M. X... étaient sans influence sur la révocation de plein droit de la donation résultant du prononcé du divorce à ses torts, sans rechercher si ces deux éléments n'excluaient pas que Mme Y... eût été animée par une intention libérale en remettant à M. X... la somme de 95 000 francs, de sorte que la qualification de don manuel devait être écartée, les juges du second degré n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 931 et 1099-1 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a dit que la donation de 95.000 francs ayant servi à l'acquisition de la part d'usufruit de M. X... a été révoquée de plein droit et l'a débouté de sa demande tendant au paiement par Mme Y... d'une indemnité d'occupation ;

AUX MOTIFS QUE «les parties se sont mariées le 31 mars 1984 sous le régime de la séparation de biens selon contrat du 1er février 1984 ; que suivant acte du 28 juillet 1987, elles ont acquis un bien immobilier à ROQUEFORT LES PINS pour "l'usufruit conjointement et indivisément entre eux ou à raison de moitié de chacun", Mme Y... faisant seule l'acquisition de la nue propriété de ce bien ; que leur divorce a été prononcé aux torts exclusifs de M. X... par jugement du 1er décembre 1997 ; que par jugement du 12 janvier 2007, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a avant dire droit sur le montant de l'indemnité due par Mme Y... à M. X... à compter du 2 mai 2000, du fait de l'occupation privative du bien dont l'usufruit est en indivision, commis en qualité d'expert Mme A... pour rechercher année par année, la valeur locative de ce bien ; qu'au vu du rapport d'expertise de Mme A... le tribunal a dit qu'il était du à l'indivision par Mme Y... une indemnité de 100.760 euros jusqu'au 31 juillet 2007 outre une indemnité mensuelle de 650 euros ; que M. X... conclut à la confirmation de cette décision ; que Mme Y... demande qu'il soit débouté de sa demande d'indemnité d'occupation, faisant valoir qu'elle a payé de ses deniers la part d'usufruit à l'intimé et que cette donation a été révoquée de plein droit par le jugement prononçant le divorce aux torts de celui-ci qui n'est ainsi plus titulaire de la moitié de l'usufruit ; que Mme Y... a déjà contesté en première instance que M. X... soit titulaire d'une part d'usufruit et que son argumentation, qui tend aux mêmes fins que celle développée devant le premier juge, à savoir la reconnaissance de la propriété du bien et le rejet des prétentions adverses, ne peut être considérée comme nouvelle par application de l'article 565 du code de procédure civile ; que le jugement du 12 janvier 2007, qui a seulement ordonné une mesure d'instruction sur le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme Y..., n'a, conformément à l'article 482 du code de procédure civile, pas l'autorité de la chose jugée ; qu'il est établi par les pièces versées aux débats et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que Mme Y... à remis à M. X... un chèque de 95.000 francs pour lui permettre de régler le prix d'acquisition de la moitié de l'usufruit ; qu'il n'est pas soutenu que l'intimé a remboursé cette somme ni que Mme Y... lui en a, pendant le mariage, demandé le remboursement ; que la remise de ce chèque, réalisant la tradition par le dessaisissement irrévocable des tireurs au profit du bénéficiaire qui a acquis immédiatement la propriété de la provision, s'analyse en un don manuel ; qu'aux termes de l'article 267 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, "quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux, celui-ci perd de plein droit toutes les donations que son conjoint lui avait consenties, soit lors du mariage, soit après"; que le divorce des parties ayant été prononcé aux torts exclusifs de M. X... et Mme Y... invoquant le bénéfice des dispositions précitées, la perte de plein droit des avantages matrimoniaux s'applique au don manuel de 95.000 francs ; que sur l'application de l'article 2224 du code civil, que Mme Y... disposait avant l'entrée en vigueur de ce texte d'un délai de 30 ans pour invoquer les dispositions de l'article ancien du même code ; que le délai de prescription de l'article 2224 courait à partir de l'entrée en vigueur de l'ancienne loi, sans pouvoir dépasser l'ancien délai de prescription et l'article 2224 ayant été modifié par la loi du 17 juin 2008, Mme Y... avait en toute hypothèse jusqu'en juin 2013 pour se prévaloir des dispositions de l'article 267 ancien du code civil, et que le moyen tiré de la prescription doit être écartée ; que conformément à l'article 1099-1 du code civil, la donation consentie à M. X... n'a porté que sur la somme donnée et non sur le bien auquel elle a été employée, mais que les droits de Mme Y... sont d'une somme d'argent suivant la valeur actuelle du bien ; que si Mme Y..., qui avait souscrit pour financer une partie du prix d'acquisition du bien un prêt garanti par lé cautionnement de M. X..., ainsi qu'une assurance sur leurs deux têtes, a bénéficié d'une prise en charge d'une partie des échéances du prêt à la suite de l'invalidité de M. X..., ceci est sans influence sur la perte de celui-ci de la donation dont il avait été bénéficiaire, étant au surplus observé que le jugement du 12 janvier 2007 l'a débouté de sa demande en remboursement des échéances réglées par la compagnie d'assurance ; que M. X... n'ayant ainsi participé en aucune manière au financement de l'acquisition du bien indivis, il y a lieu, alors que rien d'autre n'est susceptible de lui revenir dans la liquidation de l'indivision, de le débouter de la demande en paiement d'une indemnité d'occupation qu'il a formée contre Mme Y...» (arrêt p. 3-4) ;

ALORS QUE lorsqu'un époux acquiert un bien avec des deniers qui lui ont été donnés par l'autre à cette fin, la donation n'est que des deniers et non du bien auquel ils sont employés ; qu'il en résulte que la révocation d'un don manuel de deniers n'entraîne pas pour autant chez le donataire la perte de sa qualité de propriétaire du bien acquis à l'aide de ceux-ci ; que par ailleurs, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d'une indemnité ; qu'au cas d'espèce, en décidant qu'en raison de la révocation de plein droit du don manuel de 95 000 francs fait par Mme Y... à M. X... à l'effet de financer l'acquisition par celui-ci de la moitié de l'usufruit de la maison, M. X... n'avait pas vocation à recevoir quoi que ce soit à l'occasion du partage de l'indivision, quand la révocation du don manuel avait pour seul effet de le rendre débiteur d'une somme d'argent à l'égard de Mme Y... mais ne pouvait en aucune manière le priver des droits qu'il tenait de sa qualité d'indivisaire sur l'usufruit de la maison, les juges du second degré ont violé les articles 1099-1 et 267 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004), ensemble les articles 578, 582 et 815-9 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-18643
Date de la décision : 06/07/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jui. 2011, pourvoi n°10-18643


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.18643
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