LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Carlo X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 20 avril 2010, qui, pour faux et escroquerie, en récidive, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement, a décerné mandat d'arrêt, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 2011 où étaient présents : M. Dulin conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Bloch conseiller rapporteur, Mme Desgrange, M. Rognon, Mme Nocquet, M. Couaillier, Mme Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Raybaud conseillers de la chambre, Mmes Labrousse, Moreau conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BLOCH, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALVAT ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 14.3 (d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 410, 411, 412, 460, 503-1, 512, 552, 562, 593 du code de procédure pénale, des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a, après avoir écarté une demande de renvoi de l'affaire, jugé M. X... en son absence, par arrêt qualifié de contradictoire à signifier ;
"aux motifs que l'affaire a été appelée à l'audience du 8 décembre 2009 ; qu'elle a été renvoyée à la demande du prévenu alors représenté par son conseil muni d'un pouvoir, au contradictoire des parties, à l'audience du 2 mars 2010 ; que M. X..., régulièrement cité, ne comparaît pas ; que son conseil présent à l'appel des causes a demandé le renvoi de l'affaire ; qu'il fait valoir que le prévenu est toujours assigné à résidence en Italie en vertu d'une condamnation pénale et qu'il n'est donc pas en mesure de se présenter ; que dans un courrier en vue du renvoi adressé à la cour, en date du 23 février 2010, il indiquait qu'il allait tâcher de savoir quelle était la durée de la détention domiciliaire et sous quelles conditions le juge de l'application des peines serait susceptible de l'autoriser à se présenter devant la cour de céans ; que le temps écoulé entre l'audience du 8 décembre 2009 et celle du 2 mars 2010 n'a nullement été employé en faveur de la comparution du prévenu ; qu'en effet, condamné par arrêt de la cour d'appel de Florence, en date du 5 février 2007, M. X..., après avoir été incarcéré à la prison d'Aoste, poursuit l'exécution de sa peine à domicile depuis le 6 novembre 2009 ; qu'on ne peut que s'étonner que le prévenu ignore la durée de sa détention à domicile tout comme les conditions de celle-ci ; que la cour constate qu'elle est dans une situation identique à celle ayant motivé le précédent renvoi ; que l'affaire est en état d'être jugée ; que la demande de renvoi doit donc être rejetée ; que le conseil de M. X..., en l'état du rejet de la demande de renvoi, n'a pas souhaité assister aux débats ni présenter d'observations en défense ; qu'il n'a pas non plus fait viser de conclusions ; qu'il sera statué par arrêt contradictoire à signifier à l'égard du prévenu ;
"1°) alors que le prévenu régulièrement cité qui n'a pas comparu mais a fourni une excuse reconnue valable, ne peut être jugé contradictoirement, en cas d'absence à l'audience ultérieure à laquelle l'affaire a été renvoyée, que s'il a été de nouveau régulièrement cité pour cette nouvelle audience ou s'il est établi qu'il a eu connaissance de la citation ; qu'aucun élément du dossier ne permet de constater que M. X..., dont l'excuse avait été reconnue valable à l'audience du 8 décembre 2009 puisqu'elle avait motivé un renvoi l'audience du 2 mars 2010, a été régulièrement cité pour cette seconde audience où sa cause a été débattue ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, bien que cité régulièrement, le prévenu détenu qui ne comparait pas ne saurait être condamné par décision prétendument contradictoire, dès lors qu'il n'a ni manifesté sa volonté de ne pas être présent aux débats ni donné mandat à un avocat d'assurer sa défense ; que la cour d'appel, qui admet que M. X... faisait l'objet d'une mesure de « détention à domicile » en Italie au jour de l'audience, ne pouvait juger le prévenu contradictoirement, au prétexte que la situation n'avait pas évolué depuis une précédente audience et qu'il n'avait donné aucune précision sur les conditions ou la durée de ladite mesure, sans constater que M. X... aurait renoncé à comparaître ;
"3°) alors que constitue une cause d'empêchement légitime et une excuse valable de non-comparution interdisant de le juger contradictoirement en son absence le fait, pour un prévenu, d'être détenu ou l'objet d'une mesure équivalente à l'étranger, peu important qu'il n'ait donné aucune précision sur les conditions ou la durée de ladite mesure ; que la cour d'appel, qui constate que M. X... était toujours l'objet d'une mesure de « détention à domicile » en Italie au jour de l'audience, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations" ;
Vu les articles 409 et 410 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le prévenu, détenu à l'étranger, régulièrement cité et ayant eu connaissance de la citation, empêché de comparaître en raison de cette détention, ne saurait être jugé en son absence sauf renonciation à sa comparution ;
Attendu que M. X... a été condamné par le tribunal correctionnel pour faux et escroquerie en récidive ; que sur appels du prévenu, du procureur de la République et de la partie civile, l'affaire a été appelée à l'audience de la cour d'appel du 8 décembre 2009 où le prévenu était représenté par son avocat ; qu'à la demande de ce dernier, elle a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 2 mars 2010 ; qu'à cette date, l'avocat de M. X... a sollicité un nouveau renvoi ;
Attendu que, pour rejeter cette demande et statuer par arrêt contradictoire à signifier, les juges énoncent que M. X..., condamné par une juridiction italienne et ayant été incarcéré à la prison d'Aoste, poursuit l'exécution de sa peine à domicile, en Italie, depuis le 6 novembre 2009, qu'à défaut d'indications sur la durée de cette détention et les conditions dans lesquelles le prévenu pourrait être autorisé à se présenter devant la cour, la situation est identique à celle ayant motivé le précédent renvoi et que l'affaire peut être jugée ;
Mais attendu qu'en l'état ces énonciations, dont il ne résulte pas que le prévenu, détenu à l'étranger, ait eu la possibilité de comparaître, ou qu'il ait renoncé à cette comparution, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 20 avril 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la société Dubai Islamic Bank, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille onze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;