La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2011 | FRANCE | N°10-11683

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 juin 2011, 10-11683


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 221, 1540, 1937 et 1985 du code civil ;

Attendu que Mme X... a assigné la caisse de Crédit mutuel de Renazé aux fins d'indemnisation d'un préjudice qu'elle prétend avoir subi par suite de retraits et virements effectués sans procuration sur ses comptes bancaires personnels par M. Y..., son époux séparé de biens ; que la caisse de Crédit mutuel a assigné M. Y... en intervention forcée et, à titre subsidiaire en garantie ;

Attendu que pour

débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient que le fonctionnement pendant cinq ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 221, 1540, 1937 et 1985 du code civil ;

Attendu que Mme X... a assigné la caisse de Crédit mutuel de Renazé aux fins d'indemnisation d'un préjudice qu'elle prétend avoir subi par suite de retraits et virements effectués sans procuration sur ses comptes bancaires personnels par M. Y..., son époux séparé de biens ; que la caisse de Crédit mutuel a assigné M. Y... en intervention forcée et, à titre subsidiaire en garantie ;

Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient que le fonctionnement pendant cinq ans des quatre comptes litigieux révèle des mouvements continuels entre les comptes de M. Y... ouverts dans la même banque et ceux de Mme X... qui n'a jamais émis la moindre réserve sur l'utilisation de ses comptes par son mari, que l'article 1540 du code civil prévoit que lorsqu'un des époux prend en main la gestion des biens de l'autre, sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite de gérance, qui implique nécessairement la faculté d'effectuer des opérations en crédit ou en débit sur les comptes et que de telles modalités de fonctionnement des comptes ont pu conduire la banque
à croire légitimement dans l'existence d'un mandat apparent au profit de M. Y... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les règles relatives à la représentation mutuelle des époux dans leurs rapports avec les tiers sont sans application à l'égard du banquier dépositaire, lequel est tenu, en sa qualité de professionnel, de ne restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de restitution des sommes retirées par M. Y... sur les comptes Livret bleu (n° 560), Livret d'épargne populaire (n° 561), Plan d'épargne logement (n° 563) et Codevi (n° 564), l'arrêt rendu le 24 novembre 2009 par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la caisse de Crédit mutuel de Renazé-Maine-Anjou aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X...-Y...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR écarté la faute du CREDIT MUTUEL et en conséquence, débouté Madame X... de ses demandes de restitution des sommes débitées à tort de ses comptes, outre intérêts, et de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE : « la banque ne peut échapper à sa responsabilité pour faute tirée de la violation de l'article 1937 du code civil précité lui imposant la restitution des sommes versées sur le compte de Madame X... à cette dernière que si elle démontre qu'elle a pu croire légitimement à l'existence d'un mandat apparent au profit de Monsieur Y... qui ne disposait d'aucune procuration sur ces comptes ; qu'il convient de constater que ni les dispositions de l'article 221 du code civil, ni celles du contrat de mariage des époux Y...-X...disposant notamment que les valeurs et les espèces en dépôt ou en compte courant seront présumés appartenir au titulaire du compte ou du dépôt, présomption simple au regard des dispositions de l'article 1538 du code civil, ni enfin les règles en matière de plan épargne logement, ne font échec à la possibilité pour la banque de se prévaloir de l'existence d'un mandat apparent ; qu'il résulte des éléments ci-dessus exposés que le fonctionnement des quatre comptes litigieux sur un mode identique a permis des mouvements continuels entre les comptes de Monsieur Y..., ouverts auprès de la même banque, et ceux de Madame X... ; que si celle-ci prétend à des libéralités ou à des rémunérations dues à son emploi dans la société de son mari, étant observé qu'elle figurait au registre du commerce comme collaboratrice non rémunérée, il n'appartenait pas à l'établissement bancaire d'apprécier la cause de ces versements et de s'immiscer ainsi dans les relations financières entre époux ; qu'en revanche, la régularité des opérations bancaires sur cinq années entre les comptes de Monsieur Y... et ceux dont Madame X... était titulaire démontre que celle-ci en a été nécessairement rendue destinataire et ainsi informée, sauf à considérer qu'elle s'en désintéressait ; que ces virements effectués par son mari qui, pour mettre en oeuvre ceux-ci, devait obligatoirement disposer de toutes les données lui permettant d'utiliser les comptes de son épouse qui n'argue nullement de fraude, permet de déduire que celle-ci consentait à l'utilisation permanente de ses comptes par son conjoint ; que si l'article 1540 du code civil prévoit que quand l'un des époux prend en main la gestion des biens de l'autre, au su de celui-ci et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration et de gérance, mais non les actes de disposition, force est de constater que, s'agissant de l'utilisation d'un compte en banque, le mandat confié au mandataire implique nécessairement la faculté d'effectuer des opérations en crédit ou en débit sur ce compte ; qu'il en va d'autant plus ainsi que, comme l'analyse des comptes effectuée ci-dessus l'a démontré, Madame X... n'a jamais émis la moindre réserve sur l'utilisation de ses comptes par son mari, et ce notamment s'agissant des virements en débit de ceux-ci, y compris quand, de manière récurrente, ces mouvements débiteurs avaient pour conséquence de réduire ses comptes à un solde quasi nul ; qu'il s'en déduit que cette absence de protestation de la part de Madame X... à des dates auxquelles la situation de ces comptes n'était pas plus positive qu'au mois d'août 2003, rend celle-ci mal fondée à contester à une date qu'elle est seule à déterminer car dépendante de l'évolution de ses relations avec son mari, la légitimité de la croyance de la banque dans l'existence d'un mandat apparent au profit de ce dernier ; que s'il est exact qu'en vertu des dispositions de l'article 1938 du code civil, le dépositaire ne peut pas exiger de celui qui a fait le dépôt la preuve qu'il était propriétaire de la chose déposée et qu'il en résulte que le fait que les fonds déposés soient la propriété d'un tiers est inopérant, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, si la banque ne peut restituer les fonds déposés sur le compte de Madame X..., c'est parce que celle-ci a acquiescé pendant plus de cinq ans à la gestion de ces comptes en continu par son mari sur un mode apparenté à celui usuel en matière de comptes courants ; que de telles modalités de fonctionnement des comptes ont pu conduire la banque à ne pas vérifier plus avant les pouvoirs dont disposait Monsieur Y... et à croire légitimement que depuis l'ouverture des comptes et la première opération de crédit sur chacun d'eux, Monsieur Y... agissait en qualité de mandataire de Madame X... ; qu''en conséquence, il convient de débouter Madame X... de ses demandes fondées sur la faute de la banque ; que la demande de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive et fallacieuse de la banque n'apparaît nullement fondée eu égard à l'absence de faute de cet établissement bancaire ; qu'elle doit être en conséquence rejetée » ;

ALORS QUE : l'article 221 du code civil consacrant au profit de chaque époux la faculté de se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l'autre et de le faire fonctionner de manière autonome, le banquier dépositaire ne doit restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir ; qu'ainsi les règles du mandat apparent ou tacite doivent être écartées s'agissant de l'acte de disposition que constitue le retrait des fonds ; qu'en mettant à néant ces règles au motif inopérant de l'absence de protestation de Madame X... à l'encontre des divers prélèvements effectués par son conjoint sur ses comptes personnels, la Cour d'appel a violé les articles 1937, 221 et 1540 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-11683
Date de la décision : 29/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 24 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 jui. 2011, pourvoi n°10-11683


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.11683
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award