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28/06/2011 | FRANCE | N°10-87918

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 juin 2011, 10-87918


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Beauté prestige international, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2010, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Thierry X... des chefs d'importation, détention et mise en vente de produits contrefaits ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 713-3 et L. 716-10 d

u code de la propriété intellectuelle et des articles 485, 591 et 593 du code de procédur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Beauté prestige international, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2010, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Thierry X... des chefs d'importation, détention et mise en vente de produits contrefaits ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 713-3 et L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle et des articles 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé M. X... des fins de la poursuite pour les faits de contrefaçon de marques qui lui étaient reprochés, et a en conséquence, sur l'action civile, déclaré la société Beauté prestige international irrecevable en ses demandes ;

"aux motifs que le délit de contrefaçon doit être apprécié au regard de l'existence d'un risque de confusion créé dans l'esprit du consommateur moyen par référence aux caractères distinctifs de la marque, objet du dépôt, qui lui confèrent une originalité et des droits à la protection, mais également globalement, par référence à une impression d'ensemble, à laquelle participent les éléments de similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle que dégage le produit litigieux ; que le délit s'apprécie en effet « in concreto » ; qu'il est constitué lorsqu'une impression générale de ressemblance induite par la reprise d'éléments caractéristiques de la marque déposée l'emporte sur l'impression de dissemblance ; que la marque n° 95 564 538 correspond à un flacon de produit parfumant « Le Mâle », en forme de tronc masculin, fortement musclé, de couleur bleu, équipé d'un bouchon cylindrique argenté et d'un atomiseur à poire ; que la marque n° 95 587 225 correspond à un flacon de produit parfumant «Le Mâle», en forme de tronc masculin, musclé, de couleur bleu, translucide, dont la partie au dessus de la taille est assortie de bandes blanches, équipé d'un bouchon cylindrique argenté ; qu'il n'existe d'abord aucune similitude auditive ou phonétique entre la marque «Kindlooks» à consonance anglo-saxonne et les marques « Le Mâle » à consonance française ; que le tribunal a justement noté que les flacons de parfum « Le Mâle » n'évoquent pas seulement un torse ou un buste masculin, mais qu'il s'agit d'un tronc, c'est à dire de la partie du corps comprenant non seulement le thorax et l'abdomen, mais encore le bassin et le fessier, l'ensemble présentant une forme élancée, que la musculature, qui n'est pas représentée de manière apparente puisque le tronc est habillé, n'y est qu'habilement suggérée, et qu'enfin, il se dégage de l'ensemble une impression de style et d'élégance ; que cette élégance est encore renforcée sur la marque n° 95 587 225 par l'élément le plus caractéristique de la marque, à savoir le contraste entre la nudité suggérée et la présence, toute en transparence, de la marinière du célèbre couturier Jean-Paul Gaultier dont le nom est apparent sur les flacons ; qu'à l'inverse, le flacon de produit parfumant « Kindlooks » représente un buste masculin comprenant seulement thorax et abdomen, nu et non pas habillé ; que l'absence de hanche et de fessier lui confère une forme moins haute et beaucoup plus massive, trapézoïdale, dont la base est dénuée de toute représentativité ; que la musculature du buste est plus apparente et exacerbée ; qu'enfin, le flacon est en verre poli incolore et le liquide parfumé est seul de couleur bleu clair ; que le bouchon vaporisateur du flacon de parfum « le Mâle » de Jean-Paul Gaultier, qu'il soit équipé d'un atomiseur à poire ou non, peut correspondre, par sa hauteur et sa forme proportionnée au tronc, à une tête, alors que le bouchon vaporisateur du flacon « Kindlooks » ne constitue qu'un simple élément de propulsion du parfum, dénué de toute proportion représentative ; que ces éléments distinctifs démontrent qu'il n'existe pas de similitude conceptuelle entre les produits ; qu'enfin, comme le note M. X... en produisant aux débats un ticket de caisse, le flacon de parfum «le Mâle» n'est vendu qu'en parfumerie à un prix d'environ 60 euros, alors que le produit parfumant « Kindlooks » était vendu sur les marchés de la région Sud-Ouest à un prix de 2 euros, de sorte que le prix et les lieux de vente, qui participent également à l'impression d'ensemble faite par un produit, n'ont rien de commun ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les marques « Le Mâle » se distinguent parfaitement du produit « Kindlooks » par leur nom, par leur conditionnement, par leur lieu de vente et leur prix, de sorte qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne ; que dès lors, les 214 flacons de parfum de marque « Kindlooks » commercialisés par M. X... sur le marché d'Agen ne peuvent être considérés comme contrefaisant le flacon de parfum des marques « Le Mâle » dont est propriétaire la société B.P.I. ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé M. X... des fins de la poursuite ; sur l'action civile, que du fait de la relaxe de M. X..., il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société BPI irrecevable en ses demandes ;

"1) alors qu'en matière de contrefaçon de marque, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude des signes en présence, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'il convient, à cette fin, de comparer uniquement la marque invoquée, telle qu'enregistrée, avec le signe incriminé ; qu'en relevant, en l'espèce, pour écarter toute similitude entre les signes en présence, que les dénominations « Le Mâle » et «Kindlooks» seraient dépourvues de similitude phonétique, et que les marques de la société BPI se distingueraient du produit «Kindlooks» par leur nom, et en indiquant, par ailleurs, que le nom du célèbre couturier Jean-Paul Gaultier figurerait sur les flacons, cependant que les marques purement figuratives de la société BPI ne comportaient aucun élément verbal, la cour d'appel a apprécié la similitude des signes en se fondant sur des éléments extérieurs à ceux-ci et n'a pas tenu compte de leur impression d'ensemble, en violation des textes précités ;

"2) alors que l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment de la similitude des produits ; que cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des signes et celle des produits en cause ; qu'en application du principe d'interdépendance des facteurs, il peut exister un risque de confusion, malgré un faible degré de similitude entre les marques, lorsque la similitude des produits est grande ; qu'en appréciant le risque de confusion, sans tenir compte du fait que le flacon litigieux était utilisé pour des produits identiques à ceux désignés par les marques de la société BPI, à savoir des produits de parfumerie, la cour d'appel, qui n'a pas respecté les critères gouvernant l'appréciation globale du risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

"3) alors que le risque de confusion doit être apprécié de manière globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que l'étendue de la protection conférée par la marque étant déterminée par son seul enregistrement, ne peuvent être pris en compte des éléments extérieurs à l'impression produite par celui-ci, et notamment les conditions dans lesquelles sont exploités les produits revêtus de la marque ; qu'en se fondant, pour écarter tout risque de confusion, sur le fait que le produit litigieux était vendu sur des marchés de la région Sud-Ouest à un prix bien inférieur au parfum « le Mâle », vendu exclusivement en parfumerie, quand de telles circonstances, qui établissaient, au contraire, un comportement déloyal de M. X... pour bénéficier de la notoriété des marques invoquées, ne pouvaient être prises en compte pour exclure un risque de confusion, la cour d'appel a violé les textes précités ;

"4) alors que le risque de confusion doit être apprécié de manière globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment de la plus ou moins grande connaissance de la marque antérieure sur le marché ; que les marques qui ont un caractère distinctif élevé, notamment en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d'une protection plus étendue ; qu'en appréciant le risque de confusion sans tenir compte de la très forte notoriété des marques de la société BPI, invoquée par celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas respecté les critères gouvernant l'appréciation globale du risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

"5) alors que la contrefaçon par imitation s'apprécie par les ressemblances et non par les différences ; que le consommateur moyennement attentif perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails ; qu'il n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l'image non parfaite qu'il en a gardée en mémoire ; qu'en se bornant à relever les différences existant entre les signes en présence, sans rechercher si la reprise par M. X... d'un buste masculin musclé et sans bras n'était pas de nature à susciter une impression d'ensemble similaire pour le consommateur moyennement attentif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi pour avoir importé, détenu et mis en vente, sous la marque"KindLooks" 214 flacons de parfum contrefaisant le flacon "Le Mâle" de Jean-Paul Gaultier, objet de trois marques déposées à l'INPI par la société Beauté prestige international ;

Attendu que, pour confirmer la décision des premiers juges ayant renvoyé le prévenu des fins de la poursuite, l'arrêt attaqué, après avoir procédé à un examen comparatif des éléments caractéristiques des deux produits, retient qu'il n'existe pas de similitude conceptuelle entre eux et qu'ils se distinguent parfaitement l'un de l'autre par leur nom, leur conditionnement, leur lieu de vente et leur prix, de sorte qu'il n'existe aucun risque de confusion entre eux dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87918
Date de la décision : 28/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 13 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jui. 2011, pourvoi n°10-87918


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.87918
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